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30/05/2024 | FRANCE | N°22/17025

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 30 mai 2024, 22/17025


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 30 MAI 2024



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17025 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPUD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 mai 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-20-006452





APPELANT



Monsieur [X] [N]

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représenté par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075





INTIMÉ



Monsieur [P] [D]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



repré...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 30 MAI 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17025 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPUD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 mai 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-20-006452

APPELANT

Monsieur [X] [N]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

INTIMÉ

Monsieur [P] [D]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté et assisté de Me Olivia AMBAULT-SCHLEICHER de la SCP VELIOT FENET-GARDE AMBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0222

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [P] [D] a acheté à M. [X] [N] un véhicule de marque Range Rover mis en circulation le 1er janvier 1991, selon certificat de cession du 27 novembre 2018, au prix de 3 800 euros, somme versée en espèces. La vente est intervenue par suite d'une annonce mise en ligne par M. [N] via le site internet "Le Boncoin".

Une panne moteur est intervenue le lendemain de la vente alors que M. [D] n'avait parcouru que 150 kilomètres, cette panne l'ayant contraint à faire remorquer le véhicule dans un garage.

M. [D] a transmis une déclaration à son assurance de protection juridique et une expertise s'est déroulée le 7 janvier 2019 puis l'expert a rendu un rapport le 11 janvier 2019.

Par acte d'huissier délivré le 9 juin 2020, M. [D] a fait assigner M. [N] devant le tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de l'article 1641 du code civil, aux fins de le voir condamner à lui payer les sommes de 3 800 euros au titre de la restitution du prix de la vente, de 1 540,79 euros à titre de dommages et intérêts incluant le coût de l'assurance, les frais de gardiennage, les trajets pour se rendre à l'expertise, au garage, les frais de remorquage, la réparation de son préjudice lié à la privation de son véhicule et de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, le tout avec exécution provisoire.

Par jugement réputé contradictoire en date du 25 mai 2021 auquel il convient de se reporter, le tribunal a condamné M. [N] à payer à M. [D] les sommes de 3 800 euros en restitution du prix de vente, de 1 040,79 euros au titre des frais occasionnés par la vente, de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le tribunal a estimé qu'il résultait de l'expertise amiable que la panne résultait d'une perte d'huile moteur en sa totalité et que le véhicule était impropre à l'usage attendu, que le fait d'avoir déposé de la pâte près du bouchon de vidange au moment de la vente sans en avertir l'acquéreur et la présence d'une fissure du carter d'huile restée sous silence étaient constitutifs de vices cachés, de sorte qu'il fallait faire droit à la demande de résolution de la vente avec indemnisation.

Par déclaration enregistrée le 3 octobre 2022, M. [N] a formé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 6 juin 2023, il demande à la cour de :

- de réformer en toutes ses dispositions le jugement,

- de débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes,

- de le condamner au paiement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la Selarl JRF & Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

L'appelant soutient qu'il résulte des échanges entre vendeur et acheteur et des pièces versées aux débats que l'acheteur était pleinement informé de l'état réel du véhicule dont le kilométrage élevé et qu'un examen attentif avait conduit à ce qu'il propose un prix d'achat de 30 % inférieur à la mise à prix figurant sur le site "Le boncoin". Il prétend avoir fait un usage régulier de ce véhicule sans qu'il ne soit alerté sur les vices invoqués par M. [D]. Il estime que M. [D] ne peut démontrer qu'il avait clairement connaissance des vices, que bien au contraire, il indique s'être efforcé de fournir à son acheteur une information complète permettant un choix éclairé et que M. [D] a obtenu une baisse substantielle du prix proposé. Il conclut que les conditions fixées à l'article 1641 du code civil ne sont pas réunies.

Sur l'indemnisation, il fait valoir que M. [D] ne rapporte pas la preuve de la connaissance et du caractère caché des défauts, que la décision d'achat a été précédée d'un examen attentif et complet du véhicule de sorte que les vices invoqués ne peuvent donner lieu à condamnation à des dommages et intérêts sur le fondement des articles 1645 et 1646 du code civil.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 21 mars 2023, M. [D] demande à la cour de :

- de débouter l'appelant de l'ensemble de ses moyens fins et conclusions,

- de confirmer le jugement entrepris quant à la condamnation à la somme de 3 800 euros en restitution du prix de vente et aux remboursement des frais occasionnés par la vente,

- vu l'évolution du litige, de condamner M. [N] à lui payer la somme de 1 778,31 euros de ce chef,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il rejeté sa demande de dommages et intérêts complémentaires,

- statuant à nouveau,

- de condamner M. [N] à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- en tout état de cause, de le condamner à une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens dont distraction pourra être opéré au profit de Me Olivia Ambault et ce dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il fait valoir que contrairement à ce que soutient l'appelant, la mise en jeu de la garantie des vices cachés n'est pas conditionnée par la connaissance des vices par le vendeur. Il rappelle que les conclusions du rapport d'expertise du 11 janvier 2019 mettent en lumière que la réparation ancienne du carter avec de la pâte et que la fissure présente sur le carter sont à l'origine de la perte d'huile et des dommages moteur qui en découlent, que cette réparation n'était pas visible au moment de l'achat car placée sous le véhicule, que cette réparation n'était pas pérenne et que la panne survenue le lendemain de la vente rend le véhicule impropre à son usage puisqu'il est immobilisé et non roulant. Il ajoute que le défaut existait avant la vente, qu'il était caché et que la cour ne pourra que confirmer la décision et dire que les conditions fixées à l'article 1641 du code civil sont réunies.

Il indique avoir été contraint d'exposer les frais suivants :

- le coût de l'assurance à pure perte du 27 novembre 2018 au 31 mars 2022,

- les frais de gardiennage du 6 décembre 2018 au 7 janvier 2019 arrêtés à la date de l'expertise : 268,80 euros,

- le coût du trajet aller/retour pour se rendre aux opérations d'expertise : 55,49 euros x 2 = 110,88 euros,

- les frais de remorquage du véhicule à l'effet de limiter les frais de gardiennage constitués par la location d'une remorque = 60 euros,

- l'estimation du coût du trajet pour aller chercher le véhicule et le rapatrier chez le frère du requérant = 51,73 euros + 57,55 euros = 109,28 euros,

- le coût du trajet pour aller/retour domicile remorque = 102,50 euros (51,25 euros x 2)

soit une somme totale de 1 778,31 euros au titre des frais annexes actualisés depuis le jugement tenant compte de l'évolution du litige.

Il précise former appel incident en ce que le premier juge a rejeté la demande de dommages et intérêts complémentaires à hauteur de 500 euros au motif qu'elle ne serait étayée par aucun élément de fait et de preuve et rappelle qu'il a été privé de la jouissance du véhicule au moins pendant toute la durée de l'expertise puis qu'il a dû acheter un nouveau véhicule.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 20 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l'article 1641 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Selon l'article 1643 du même code, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Il résulte des pièces produites que M. [N] a publié une annonce sur le site "Le Boncoin" précisant le 9 novembre 2018, qu'il vendait un Range Rover au kilométrage de 200 000 kilomètres au prix de 5 500 euros. L'annonce précisait : "Contrôle technique OK, pas de corrosion, entretien très régulier. Il parcourt n'importe quelle distance. Ne chauffe pas. Le moteur a été refait. Culasses renforcées. Démarre au quart de tour. Boite neuve. Alternateur récent. Disques et freins neufs. Courroies secondaires changées. Batteries neuves. Roulements neufs. Aucun jeu nulle part. Intérieur propre. Il faut prévoir 1 000 euros pour le mettre en condition parfaite : il a deux trois défauts à corriger, raison pour laquelle je le mets à ce prix. Il ne consomme pas d'huile pas d'eau".

Les parties se sont mises d'accord sur le prix de 3 800 euros et un certificat de cession a été validé le 27 novembre 2018.

Il est acquis que dès le lendemain de la vente, après avoir à peine parcouru 150 kilomètres, M. [D] a été contraint d'immobiliser le véhicule en raison d'une panne moteur.

Il résulte des conclusions d'expertise réalisée contradictoirement par le Cabinet Erra Expertise le 11 janvier 2019 et non sérieusement contestées sur le fond, que la panne moteur résulte d'une perte d'huile moteur en sa totalité et que le véhicule était impropre à l'usage attendu, qu'il est constaté des traces de réparation à la pâte du carter d'huile moteur dans l'environnement du bouchon de vidange et la présence d'une fissure du carter d'huile dans la zone réparée à la pâte. L'expert conclut que la présence des traces de réparation et la fissure sont à l'origine de la perte d'huile moteur en totalité, que cette réparation est ancienne et antérieure à la vente du véhicule. Il note que le véhicule a été vendu avec le voyant pression d'huile allumé alors que le vendeur avait indiqué à l'acheteur qu'il s'agissait d'un désordre électrique sans incidence sur le fonctionnement du moteur.

Selon l'expert, il convient de valider la responsabilité du vendeur au titre de la garantie légale des vices cachés, car la panne est intervenue le lendemain de la cession et la réparation du carter et la fissure présente sur le carter sont à l'origine de la perte de l'huile et des dommages moteur qui en découlent. Il ajoute que cette réparation n'était pas visible au moment de l'achat, car placée sous le véhicule, qu'elle n'était pas pérenne et que la panne rend le véhicule impropre à son usage, puisqu'il est immobilisé et non roulant.

M. [N] n'apporte aucun élément suffisamment probant venant contredire les conclusions de l'expert démontrant l'existence d'un vice caché au moment de la vente rendant le véhicule impropre à toute utilisation.

M. [N] ne peut se retrancher derrière le fait qu'il a parfaitement informé l'acheteur de l'état du véhicule, ayant accepté une réduction de 30 % du prix de vente et qu'il n'a pas été alerté lui-même quant aux vices énoncés, alors que la mise en 'uvre de la garantie des vices cachés n'est pas subordonnée à la connaissance du vice par le vendeur d'autant que l'expert a noté que les réparations dans la zone du carter étaient anciennes et préexistaient à la vente et surtout qu'elles ne pouvaient être visibles puisque situées sous le véhicule.

Dès lors, comme l'a relevé le premier juge, est démontrée l'existence d'un vice, non apparent, antérieur à la vente rendant le véhicule impropre à sa destination.

Aux termes des articles 1644 à 1646 du code civil, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.

La résolution de la vente est acquise et M. [N] condamné à rembourser le prix de vente de 3 800 euros.

Si l'expert a noté que les réparations étaient anciennes et préexistaient à la vente, aucun élément ne permet de dire que M. [N] en était informé et est à l'origine des réparations dans la zone carter, d'autant qu'il s'agit d'un véhicule mis en circulation en 1991 et que rien ne permet de dire qu'il en a été le propriétaire unique dès cette date.

Il ne sera donc tenu qu'aux frais occasionnés par la vente, la demande de dommages et intérêts ayant été justement rejetée par le premier juge.

Sont justifiés au titre des frais :

- le coût de l'assurance proratisé pour 389,21 euros,

- le coût du trajet aller-retour pour se rendre à l'expertise pour 110,88 euros,

- les frais de remorquage et de gardiennage pour 268,80 euros +60 euros,

- l'estimation coût du trajet pour récupérer le véhicule pour 109,28 euros,

- le coût du trajet aller-retour domicile-remorque pour 102,50 euros

soit une somme de 1 040,67 euros.

Le jugement doit être confirmé sauf sur le montant retenu au titre des frais pour 1 040,79 euros et M. [N] condamné au paiement à ce titre de la somme de 1 040,67 euros.

M. [N] doit être tenu aux entiers dépens d'appel et, succombant, conservera la charge de ses frais irrépétibles. Il est condamné à verser une somme de 1 500 euros à M. [D] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf quant aux montant des frais occasionnés par la vente du véhicule ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Condamne M. [X] [N] à payer à M. [P] [D] la somme de 1 040,67 euros au titre des frais occasionnés par la vente ;

Déboute M. [P] [D] du surplus de ses demandes ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de M. [X] [N] avec distraction au profit de Maître Olivia Ambault ;

Condamne M. [X] [N] à verser une somme de 1 500 euros à M. [P] [D] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/17025
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.17025 ?
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