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30/05/2024 | FRANCE | N°22/15890

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 30 mai 2024, 22/15890


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 30 MAI 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/15890 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGMCQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 juin 2022 - Juridiction de proximité d'AULNAY-SOUS-BOIS - RG n° 11-22-000480





APPELANT



Monsieur [N] [S]

né le 22 décembre 1960

à [Localité 3] (60)

[Adresse 2]

[Localité 1]



représenté par Me Dikpeu-Eric BALE de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1635





INTIMÉE



La société ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 30 MAI 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/15890 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGMCQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 juin 2022 - Juridiction de proximité d'AULNAY-SOUS-BOIS - RG n° 11-22-000480

APPELANT

Monsieur [N] [S]

né le 22 décembre 1960 à [Localité 3] (60)

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Dikpeu-Eric BALE de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1635

INTIMÉE

La société NORWEGIAN AIR SHUTTLE ASA, société de droit norvégien prise en la personne de son représentant légal domcilié en cette qualité audit siège

PB 115, N-1366

LYSAKER (NORVÈGE)

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 14 novembre 2019, M. [N] [S] a acheté auprès de la société Norwegian Air Shuttle trois billets d'avion pour un vol aller le 3 août 2020 et un retour le 22 août 2020 depuis l'aéroport de Paris Roissy-Charles-de-Gaulle à destination de l'aéroport de [Localité 4] (USA) pour un prix de 3 520,40 euros TTC.

Le 3 juin 2020, en raison de la crise sanitaire en cours, M. [S] a demandé le remboursement de ses billets d'avion pour vol annulé, en vain.

M. [S] a saisi son assureur de protection juridique, la société COVEA, qui s'est rapprochée de la société Norwegian Air Shuttle par courriers en date du 20 novembre 2020 et du 10 décembre 2020 auxquels la société Norwegian Air Shuttle a opposé son refus de remboursement par email du 26 janvier 2021.

M. [S], par l'intermédiaire de la société COVEA, a également saisi le médiateur du tourisme et du voyage, qui l'informait, le 9 mars 2021, que la Norvège n'était plus adhérente à la charte de médiation.

Par jugement réputé contradictoire en date du 13 juin 2022 auquel il convient de se reporter, le juge en charge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Aulnay-sous-Bois saisi par M. [S] a :

- déclaré recevables les demandes de M. [S],

- rejeté la demande principale de M. [S] tendant au remboursement du prix des billets non utilisés pour les vols annulés en vertu de l'article 1 er de l'Ordonnance n°2020/315 du 25 mars 2020,

- rejeté la demande subsidiaire de M. [S] tendant à obtenir le remboursement du prix des billets non utilisés en vertu des dispositions du règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2004,

- rejeté le surplus des demandes,

- rejeté la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge du demandeur.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que les billets n'étaient pas remboursables, qu'ils avaient été annulés à l'initiative de M. [S] et que dès lors l'ordonnance du 25 mars 2020 comme le règlement CE 261/2004 ne pouvaient s'appliquer. Il a estimé par ailleurs qu'aucun cas de force majeure liée à l'état de santé de M. [S] tel que décrit dans le certificat médical du 16 août 2020 ne pouvait être retenu alors que le certificat médical était postérieur à la demande d'annulation et même à la date de départ.

Par déclaration effectuée par voie électronique le 7 septembre 2022, M. [S] a interjeté appel de la décision.

Par conclusions signifiées par RPVA le 7 décembre 2022, M. [S] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,

- infirmer le jugement du 13 juin 2022 en toutes ses dispositions qui lui sont défavorables,

- y faisant droit,

- à titre principal, sur le fondement de l'article 1 de l'ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure et de l'article 1302 du code civil :

- condamner la société Norwegian Air Shuttle à lui verser une somme de 3 520,40 euros au titre du remboursement des billets d'avion, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,

- à titre subsidiaire, sur le fondement du règlement CE 261/2004 du 11 février 2004 :

- condamner la société Norwegian Air Shuttle à lui verser une somme de 3 520,40 euros au titre du remboursement des billets d'avion, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,

- condamner la société Norwegian Air Shuttle à lui verser la somme de 2 500 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,

- condamner la société Norwegian Air Shuttle à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et à celle de 4 000 euros en cause d'appel au titre de cette même disposition,

- condamner la société Norwegian Air Shuttle aux entiers dépens de première instance et en cause d'appel, dont distraction au profit de Maître BALE, qui en fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, il soutient ne pas avoir annulé de sa propre initiative les vols mais avoir demandé le remboursement de ses billets d'avion pour vol annulé après avoir constaté le 3 juin 2020 que son vol aller du 3 août 2020 n'était plus programmé sur le site internet de la compagnie aérienne.

Il considère que la société norvégienne a agi de manière déloyale pour ne pas rembourser le prix des vols qui de toutes façons ont été annulés en raison de la décision des États-Unis de fermer ses frontières aux pays européens à compter du 13 mars 2020.

Il ajoute que la loi du 25 mars 2020 s'applique à son cas puisque sa demande de remboursement pour vol annulé est intervenue pendant la période fixée par ladite ordonnance, qu'elle est motivée par des circonstances exceptionnelles, inévitables ou de force majeure, que l'ordonnance ne réserve pas son application à la résolution des contrats du fait de la compagnie aérienne.

Il estime enfin que la société Norwegian air shuttle n'a jamais justifié de la date à laquelle elle aurait décidé d'annuler ses vols.

A titre subsidiaire, il considère que trouvent à s'appliquer les dispositions des articles 5,7 et 8 du règlement CE 261/2004 du 11 février 2004 puisque la compagnie aérienne a annulé les vols prévus.

Il sollicite également une somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, pour avoir été victime d'un enrichissement indu de la compagnie aérienne qui a annulé les vols et conservé le prix des billets.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelants, il est renvoyé aux écritures de celui-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel a été notifiée par acte transmis le 24 novembre 2022 et les conclusions par acte transmis le 5 janvier 2023. Il n'est pas établi qu'elle ait été touchée à personne morale. Elle n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne con-clut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande de remboursement

- Sur l'application des dispositions de l'ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020

L'article 1 de l'ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure, dispose que : "I.- Le présent article est applicable à la résolution, lorsqu'elle est notifiée entre le 1er mars 2020 et une date antérieure au 15 septembre 2020 inclus :

1° des contrats de vente de voyages et de séjours mentionnés au II et au 2° du III de l'article L. 211-14 du code de tourisme vendus par un organisateur ou un détaillant ;

2° des contrats, autres que ceux mentionnés au 1° ci-dessus, portant sur les services, mentionnés au 2°, au 3° et au 4° du I de l'article L. 211-2 du même code, vendus par des personnes physiques ou morales produisant elles-mêmes ces services ; (')

II.- Par dérogation aux dispositions de la dernière phrase du II de l'article L. 211-14 du code du tourisme et de la première phrase du III du même article, lorsqu'un contrat mentionné au 1° du I du présent article fait l'objet d'une résolution, l'organisateur ou le détaillant peut proposer, à la place du remboursement de l'intégralité des paiements effectués, un avoir que le client pourra utiliser dans les conditions prévues par les dispositions des III à VI du présent article. (')".

Cette ordonnance protectrice prise pendant la période Covid se réfère pour ses conditions d'application à plusieurs dispositions du code de tourisme ; ainsi elle ne vise que deux types de contrats de voyages touristiques et de séjours : ceux mentionnés à l'article L. 211-14 II et III 2° du code de tourisme et ceux mentionnés à l'article L. 211-2 2°, 3° et 4° du code de tourisme.

S'agissant de l'article L. 211-4 du code de tourisme, il prévoit que "II. - Le voyageur a le droit de résoudre le contrat avant le début du voyage ou du séjour sans payer de frais de résolution si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l'exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination. Dans ce cas, le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués mais pas à un dédommagement supplémentaire. (') III 2° L'organisateur ou le détaillant est empêché d'exécuter le contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables et notifie la résolution du contrat au voyageur dans les meilleurs délais avant le début du voyage ou du séjour".

L'article L. 211-1 du code de tourisme précise cependant que "(..) V.- Le présent chapitre ne s'applique pas aux personnes suivantes, sauf en ce qui concerne l'organisation, la vente ou l'offre à la vente de forfaits ou lorsqu'elles facilitent l'achat de prestations de voyage liées :

1° Aux personnes physiques ou morales qui n'effectuent que la délivrance de titres de transport terrestre pour le compte d'un ou de plusieurs transporteurs de voyageurs ;

2° Aux transporteurs aériens qui n'effectuent que la délivrance de titres de transport aérien ou de titres de transports consécutifs incluant un parcours de transport aérien et, à titre accessoire, un ou plusieurs parcours de transport terrestre assurés par un ou plusieurs transporteurs de voyageurs ;".

S'agissant de l'article L. 211-2 2°, 3° et 4 ° du code de tourisme, il concerne uniquement l'hébergement, la location de voitures et tout autre service touristique qui ne fait pas partie intégrante d'un service de voyage au sens des 1°, 2° ou 3°.

L'ordonnance du 25 mars 2020 a par conséquent clairement entendu exclure de son champ d'application l'article L. 211-2 1° du code du tourisme qui concernait le transport de passagers.

Dès lors, les dispositions de l'ordonnance du 25 mars 2020 ne s'appliquent pas à la vente des titres de transport c'est-à-dire aux vols secs. M. [S] ayant acheté uniquement des billets aériens auprès de la société Norwegian Air Shuttle, ne peut donc prétendre au remboursement des vols par application de l'ordonnance du 25 mars 2020.

- Sur l'application des dispositions du règlement CE 261/2004 du 11 février 2004 dit "Bruxelles I"

M. [S] soutient par ailleurs que s'appliquent à sa situation les dispositions communautaires du règlement CE 261/2004 du 11 février 2004 en raison de l'annulation des vols par la compagnie aérienne.

Pour déterminer si ce règlement est applicable, il convient de relever que conformément à son article 3, il s'applique aux passagers quelle que soit leur nationalité ou celle du transporteur aérien mais seulement en fonction de la route utilisée :

- au départ d'un aéroport situé dans l'Union européenne , la Norvège, l'Islande ou la Suisse, quelle que soit la nationalité du transporteur aérien et quelle que soit leur destination finale,

- en provenance d'un aéroport situé dans un Etat tiers, si le vol est exploité par un transporteur de l'Union européenne et à destination d'un aéroport situé dans l'Union européenne, la Norvège, l'Islande ou la Suisse, sauf si le passager bénéficie de prestations ou d'une indemnisation et d'une assistance dans cet Etat tiers.

En l'espèce, il est constant que M. [S] a acheté quatre billets aller et retour au départ de l'aéroport Paris Roissy- Charles de Gaulle (France) pour l'aéroport de [Localité 4] ( USA) le 14 novembre 2019 pour une somme totale de 3 520,40 euros.

Dès lors que le départ des passagers s'effectuait depuis un aéroport situé dans l'union européenne, tel que [5], M. [S] peut prétendre au bénéfice du règlement CE 261/2004 qui prévoit notamment un remboursement pour les passagers des vols annulés.

L'article 5 du règlement précise que : "1. En cas d'annulation d'un vol, les passagers concernés: a) se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l'article 8; (..)".

L'article 8 du dit règlement dispose que "Assistance: droit au remboursement ou au réacheminement.

1. Lorsqu'il est fait référence au présent article, les passagers se voient proposer le choix entre:

a) - le remboursement du billet, dans un délai de sept jours, selon les modalités visées à l'article 7, paragraphe 3, au prix auquel il a été acheté, pour la ou les parties du voyage non effectuées et pour la ou les parties du voyage déjà effectuées et devenues inutiles par rapport à leur plan de voyage initial, ainsi que, le cas échéant,

- un vol retour vers leur point de départ initial dans les meilleurs délais; (..)".

L'article 7 paragraphe 3 dispose que "3. L'indemnisation visée au paragraphe 1 est payée en espèces, par virement bancaire électronique, par virement bancaire ou par chèque, ou, avec l'accord signé du passager, sous forme de bons de voyage et/ou d'autres services".

Aux termes des orientations relatives aux règlements de l'UE sur les droits des passagers au regard de l'évolution de la situation en ce qui concerne le Covid-19 émanant de la commission européenne en date du 18 mars 2020, l'article 3.2. Droit au remboursement ou au réacheminement prévoit que "En cas d'annulation d'un vol par une compagnie aérienne (quelle qu'en soit la cause), l'article 5 oblige le transporteur aérien effectif à offrir aux passagers le choix entre :

a) le remboursement;

b) le réacheminement dans les meilleurs délais, ou

c) le réacheminement à une date ultérieure à la convenance du passager.

En ce qui concerne le remboursement, lorsque le passager a réservé le vol aller et le vol retour séparément et que le vol aller est annulé, le passager a uniquement droit au remboursement du vol annulé, c'est-à-dire le vol aller.

Toutefois, si le vol aller et le vol retour font partie de la même réservation, même s'ils sont assurés par des transporteurs aériens différents, les passagers devraient se voir proposer deux options si le vol aller est annulé : le remboursement de l'intégralité du billet (c'est-à-dire pour les deux vols) ou un réacheminement sur un autre vol pour le vol aller (lignes directrices interprétatives, point 4.2)".

La cour doit donc rechercher si le vol a été annulé par la compagnie aérienne.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [S] a sollicité le remboursement d'un voyage aller et retour pour [Localité 4] pour quatre personnes le 3 juin 2020.

Si M. [S] soutient ne pas avoir procédé à une démarche individuelle d'annulation des vols, la compagnie aérienne quant à elle prétend dans les échanges intervenus entre eux que les vols aller et retour des 3 août et 22 août 2020 n'étaient pas, à cette date du 3 juin 2020, annulés et que c'est donc M. [S] qui a de sa propre initiative décidé d'annuler son voyage.

M. [S] précise n'avoir fait que remplir le formulaire "demandez le remboursement du billet" après avoir constaté sur le site internet de la compagnie que ses vols n'étaient plus programmés et en a déduit qu'ils étaient donc annulés ; il est vrai qu'il ne produit aucune capture d'écran ou document permettant de confirmer l'absence du vol sur le site.

Cependant, l'article du journal "libération" qu'il verse aux débats met en évidence qu'à la date du 12 mars 2020, les frontières aériennes des Etats-Unis avaient été fermées aux voyageurs européens pour une durée de 30 jours, avec possibilité de reconduction, ce qui a été le cas, les frontières américaines n'ayant été rouvertes pour les européens qu'à compter du 8 novembre 2021.

A la date du 3 juin 2020, les frontières du pays dans lequel se rendait M. [S] étaient donc fermées depuis plus d'un mois comme prévu initialement, sans qu'il n'y ait à cette date de date connue de réouverture des frontières aériennes, ni de date communiquée par la compagnie aérienne à laquelle les vols d'août 2020 seraient possiblement annulés ou maintenus.

Il doit être relevé que les vols des 3 et 22 août 2020 ont effectivement été annulés par le transporteur qui le reconnait, mais à une date non fournie à la cour.

Ainsi il doit être considéré que la compagnie Norwegian air shuttle avait tacitement annulé les vols à la date du 3 juin 2020.

M. [S] pouvait donc légitimement croire dès le 3 juin 2020 que la société Norwegian air shuttle avait déprogrammé les vols pour les USA du 3 août ouvrant dès lors droit à un remboursement, et ce d'autant que la compagnie ne conteste pas avoir mis en ligne un formulaire intitulé "demandez le remboursement du billet" qui ne distingue pas les cas selon l'auteur de la résolution.

Dès lors, il doit être considéré que la compagnie aérienne a annulé les vols ouvrant droit au remboursement intégral des billets pour M. [S], soit la somme de 3 520, 40 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, au paiement duquel la société Norwegian air shuttle sera condamnée.

Il convient donc d'infirmer le jugement du 13 juin 2022 en toutes ses dispositions.

Sur la demande de dommages intérêts pour résistance abusive

Il a été jugé que la défense à une action dégénère en faute pouvant donner lieu à dommages intérêts en cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur équivalente au dol.

Ainsi, la résistance de mauvaise foi du contractant qui refuse d'exécuter des engagements non équivoques, caractérise la faute et justifie une condamnation prononcée pour résistance abusive.

En l'espèce, en sa qualité de professionnelle, la société Norwegian air shuttle ne pouvait se méprendre sur les conditions d'application du règlement CE 261/2004 interprétées à la lumière du Covid 19 par la commission européenne et sur l'étendue de son obligation ; en en refusant l'application à M. [S] alors qu'elle a nécessairement informé les passagers de l'annulation quelques jours ou semaines plus tard des vols litigieux tout en en conservant le prix, la compagnie aérienne a commis une faute justifiant l'indemnisation de M. [S] à hauteur de 1 000 euros.

Le jugement du 13 juin 2022 sera donc infirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société Norwegian air shuttle, succombante, et en raison de la situation économique respective des parties, sera condamnée, outre aux dépens de première instance et en cause d'appel, dont distraction au profit de Maître [W], qui en fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, à verser à M. [S] une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et à celle de 1 500 euros en cause d'appel au titre de cette même disposition.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut, en dernier ressort par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement du 13 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Norwegian air shuttle à verser à M. [N] [S] la somme de 3 520,40 euros à titre de remboursement des vols des 3 et 22 août 2020 avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, outre une somme de 1 000 euros au titre des dommages et intérêts ;

Condamne la société Norwegian air shuttle à verser à M. [N] [S] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société Norwegian air shuttle aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/15890
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.15890 ?
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