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30/05/2024 | FRANCE | N°22/10908

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 30 mai 2024, 22/10908


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 30 MAI 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10908 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF6EN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 mai 2022 - Tribunal de proximité de MONTREUIL SOUS BOIS - RG n° 11-21-000318





APPELANTE



La société CRÉDIT FONCIER DE FRANCE; socié

té anonyme prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]



représentée par Me Clément DEAN de la SELARL PUGET LEO...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 30 MAI 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10908 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF6EN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 mai 2022 - Tribunal de proximité de MONTREUIL SOUS BOIS - RG n° 11-21-000318

APPELANTE

La société CRÉDIT FONCIER DE FRANCE; société anonyme prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Clément DEAN de la SELARL PUGET LEOPOLD COUTURIER, avocat au barreau de PARIS

substitué à l'audience par Me LEOPOLD de la SELARL PUGET LEOPOLD COUTURIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

Monsieur [X] [L]

né le 26 juin 1984 à [Localité 7] (10)

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

Maître [Y] [E] en qualité de mandataire judiciaire de la société ECO SYNERGIE, SARL à associé unique

[Adresse 3]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 7 juin 2012, M. [X] [L] a, dans le cadre d'un démarchage à domicile, conclu avec la société Eco Synergie, un contrat de vente portant sur une installation photovoltaïque pour son domicile situé [Adresse 4] au prix de 19 900 euros financé le même jour par un contrat de crédit souscrit auprès de la société Crédit Foncier de France qui prévoyait un paiement sur 156 mois soit après 12 mois de différé en 144 mensualités de 202,32 euros hors assurance au taux nominal de 5,25 %.

Par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 2 juillet 2018, la société Eco Synergie a été placée en liquidation judiciaire et Maître [Y] [E] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Par acte du 30 avril 2021, M. [L] a fait assigner la société Eco Synergie prise en la personne de son mandataire judiciaire et la société Crédit Foncier de France devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montreuil-sous-Bois en résolution et à défaut en annulation des contrats, restitution des sommes versées et paiement de divers dommages et intérêts lequel, par jugement réputé contradictoire du 17 mai 2022 a :

- déclaré irrecevable l'action en résolution des contrats de vente et de crédit ainsi que l'action en responsabilité à l'encontre de la société Crédit Foncier de France sur le fondement de la faute dans libération des fonds, formées par M. [L],

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société Crédit Foncier de France concernant l'action en nullité pour vices de formes et l'action en responsabilité de la société Eco Synergie pour financement d'un contrat nul, formées par M. [L],

- déclaré recevables l'action en nullité pour vices de forme et l'action en responsabilité de la société Crédit Foncier de France pour financement d'un contrat nul, formées par M. [L] et condamné la société Crédit Foncier de France à verser à M. [L] la somme de 15 214,68 euros au titre de la restitution des échéances du contrat de crédit déjà versées, échéance de mars 2022 incluse, outre les échéances versées postérieurement et dûment justifiées,

- rejeté la demande de la société Crédit Foncier de France aux fins de fixer au passif de la société Eco Synergie la somme de 9 434,08 euros,

- rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par M. [L],

- déclaré sans objet la demande tendant à ce que la Eco Synergie garantisse M. [L] des sommes dues à la société Crédit Foncier de France,

- condamné la société Crédit Foncier de France aux dépens et au paiement à M. [L] de la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit,

- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire.

Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande de résolution des contrats, le premier juge a retenu qu'il ressortait des conclusions du demandeur que celui-ci avait tenté à de multiples reprises d'obtenir de la société Eco Synergie l'entièreté de la prestation mais en vain et avait tenté d'en référer à la banque afin que cette dernière fasse pression à son cocontractant, et ainsi lui permettre de raccorder son installation et ce dès le 22 mai 2013 si bien qu'il savait à cette date que la société Eco Synergie était défaillante et que la demande présentée par assignation délivrée le 30 avril 2021 l'avait été plus de 5 ans plus tard.

Il a en revanche écarté la prescription de la demande en annulation en retenant que la banque ne produisait pas les conditions générales de vente si bien qu'il n'était pas possible de déterminer si M. [L] était en mesure de connaître les causes de nullité qu'il invoquait et que la prescription n'avait donc pas couru.

Il a retenu que le contrat de vente était nul faute de respecter les dispositions relatives aux articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation qu'il s'agisse de la désignation des biens (ni la surface de l'installation photovoltaïque ni son poids n'étant mentionnés), du délai de livraison (l'emplacement prévu à cet effet n'étant pas rempli), du nom du démarcheur lui aussi manquant ou encore des modalités de paiement, le bon de commande mentionnant uniquement "à crédit" sans que les emplacements prévus pour le montant du financement et le montant des mensualités ne figurent.

Il a écarté toute confirmation en indiquant que M. [L] ne pouvait avoir connaissance des vices affectant le contrat et ne s'était plaint que du fonctionnement de l'installation.

Il a prononcé la nullité du contrat de crédit par application des dispositions de l'article L. 311-32 du code de la consommation.

Il a rappelé que l'annulation des contrats entraînait des restitutions réciproques, sauf si le prêteur avait commis des fautes. Il a relevé que M. [L] était prescrit à invoquer la faute de la banque dans la libération des fonds laquelle était intervenue plus de cinq ans avant l'assignation mais qu'il ne l'était pas en ce qui concernait le fait d'avoir financé un contrat nul et que cette faute lui avait causé un préjudice caractérisé par la nécessité de restituer le capital emprunté alors que les fonds avaient été versés à une société désormais en liquidation judiciaire. Il a en conséquence privé la banque de sa créance de restitution et a rappelé qu'elle devait rembourser les sommes versées.

Il a rejeté toute demande de dommages et intérêts de la part de la banque en relevant que celle-ci avait commis une faute en ne vérifiant pas le bon de commande qui avait concouru à la réalisation du dommage.

Il a rejeté les demandes de dommages et intérêts présentées par M. [L] en retenant que les préjudices invoqués n'étaient pas établis.

Par déclaration électronique du 7 juin 2022, la société Crédit Foncier de France a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions (n° 3) notifiées par voie électronique le 11 mars 2024, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la demande de M. [L] d'annulation du contrat de vente pour irrégularités de forme n'était pas prescrite et en ce que ses demandes ne se heurtaient pas à l'irrecevabilité découlant de l'application des dispositions de l'article 1182 du code civil,

- en conséquence de déclarer M. [L] irrecevable en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions car prescrites et/ou se heurtant à l'irrecevabilité découlant de l'application des dispositions de l'article 1182 du code civil,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle avait commis une faute en consentant un prêt à M. [L] au vu d'un bon de commande prétendument affecté d'irrégularités manifestes et en ce qu'il l'a privée de sa créance de restitution et de sa demande de fixation au passif de la société Eco Synergie des sommes correspondant à son préjudice,

- en conséquence de déclarer en tant que de besoin M. [L] mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- en cas d'annulation et/ou de résolution du contrat de vente et, partant, du contrat de prêt :

- de condamner M. [L] à lui payer la somme de 19 700 euros, outre intérêts au taux légal depuis la date de mise à disposition des fonds, sous déduction des versements effectués par ce dernier et d'ordonner la compensation sur le fondement des dispositions des articles 1347 et suivants du code civil,

- de condamner Me [Y] [E] ès qualité de mandataire judiciaire de la société Eco Synergie à garantir M. [L] de toutes les sommes qu'il pourrait devoir à la société Crédit Foncier de France,

- de fixer au passif de la procédure collective de société Eco Synergie les sommes correspondant au préjudice par elle subi qui résulterait de la résolution du contrat de prêt, lequel est constitué par les intérêts et frais contractuellement dus à la banque depuis l'origine du prêt, et qui s'élèvent à la somme de 9 434,08 euros,

- de condamner M. [L] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Béatrice Leopold-Couturier, avocat, sur son affirmation de droit.

Elle fait valoir que M. [L] est prescrit à agir en annulation du contrat plus de cinq années après sa conclusion d'autant qu'il avait connaissance des articles L. 121-3 et suivants du code de la consommation qui étaient reproduits. Il ajoute que la demande relative à son prétendu manquement à son devoir de conseil ou de mise en garde est également prescrite puisque le seul dommage réparable est la perte de chance de ne pas contracter.

Elle soutient que M. [L] a par son comportement entendu confirmer les contrats et que son action est aussi comme telle irrecevable.

Subsidiairement au fond, elle conteste que les manquements retenus par le premier juge aient pu être de nature à entraîner l'annulation du contrat de vente et partant celle du contrat de crédit, rappelle que l'annulation des contrats entraîne la remise en état antérieur et donc la restitution du capital prêté et conteste toute faute dans la vérification du contrat comme dans le déblocage des fonds. Elle considère qu'elle ne peut donc être privée de sa créance de restitution.

Elle souligne que l'annulation du contrat de crédit subséquemment à celle du contrat de vente serait en tout état de cause fondée sur des manquements qui ne sont pas de son fait et lui cause un préjudice égal aux frais et intérêts qu'elle aurait dû percevoir.

Elle conteste tout manquement à son devoir de mise en garde et rappelle qu'elle n'est pas tenue à un devoir de conseil sur l'opportunité économique du projet. Elle souligne que ce n'est pas à elle de rapporter la preuve de la formation du personnel du vendeur.

Aux termes de ses dernières conclusions (n° 2 notifiées par voie électronique le 24 janvier 2024, M. [L] demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par banque concernant son action en nullité pour vices de formes et son action en responsabilité à l'encontre de la banque pour financement d'un contrat nul, et a déclaré ces actions recevables,

- prononcé la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté,

- rejeté la demande de la banque aux fins de restitution du capital emprunté,

- condamné la société Crédit Foncier de France à lui verser la somme de 15 214,68 euros au titre de la restitution des créances du contrat de crédit déjà versées, échéances de mars 2022 incluse, outre les échéances versées postérieurement et dûment justifiées,

- rejeté la demande de la banque aux fins de fixer au passif de la société Eco Synergie la somme de 9 434,08 euros,

- condamné la société Crédit Foncier de France aux dépens et à lui payer la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles,

- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit,

- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

- d' infirmer le jugement susvisé en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable son action en résolution des contrats de vente et de crédit ainsi que son action en responsabilité de la banque sur le fondement de la faute dans libération des fonds,

- rejeté ses demandes de dommages et intérêts,

- et statuant de nouveau,

- à titre subsidiaire de prononcer la résolution du contrat de vente et celle du contrat de crédit affecté,

- à titre infiniment subsidiaire si la cour ne faisait pas droit à ses demandes considérant que la banque n'a pas commis de fautes, de prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts du crédit affecté.

- en tout état de cause de condamner société Crédit Foncier de France à lui verser les sommes de :

- 2 164,90 euros au titre de son préjudice financier,

- 3 000 euros au titre de son préjudice et du trouble de jouissance,

- 5 000 euros au titre de son préjudice moral,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il fait valoir que son action est recevable nonobstant la liquidation de la société Eco Synergie dès lors qu'il ne poursuit que l'annulation des contrats et ne lui demande aucune somme.

Il conteste toute prescription faisant valoir que s'agissant d'une opération complexe qui se déroule par tranches depuis la pose du matériel jusqu'au raccordement qui a eu lieu le 31 mai 2016, il ne peut avoir été prescrit en assignant au début du mois de mai 2021.

Il rappelle qu'il faisait également valoir un dol et que sur ce point le délai de prescription ne peut démarrer avant le jour où il a su que la société était en liquidation judiciaire et qu'il a alors pris conscience des man'uvres mensongères qui avaient été utilisées par le démarcheur, pour vicier son consentement. Il rappelle avoir cru à un autofinancement.

Il fait encore valoir s'agissant de la prescription de sa demande de déchéance du droit aux intérêts que ce n'est que dans le cadre de la présente procédure qu'il a pu avoir connaissance du manquement de l'établissement bancaire à ses obligations précontractuelles, notamment s'agissant de son abstention fautive à consulter le FICP avant d'avoir accordé le crédit.

Au fond il soutient que l'original du contrat ne lui a pas été remis, que le bon de commande ne respecte pas les prescriptions de l'article L. 121-23 du code de la consommation en ce qu'il ne comporte pas la précision du modèle et des références des panneaux, de leur dimension, de leur poids, de leur aspect, de leur couleur, non plus que la réelle marque, ni le modèle, ni les références, ni la performance, ni la dimension, ni le poids de l'onduleur qui est la 2ème pièce maîtresse de ce type d'installation, qu'il n'y a aucune fiche technique des panneaux ou de tout autre élément de l'installation, ni aucun plan de réalisation. Il ajoute que rien n'est indiqué concernant les modalités de pose, l'impact visuel, l'orientation des panneaux, pour capter au mieux le soleil et produire un maximum d'énergie, donc rentabiliser l'installation au plus vite, l'inclinaison pour optimiser l'irradiation du rayonnement direct et diffus reçu par les capteurs ou encore le délai de mise en service. Il fait aussi valoir que manquent le nom de l'établissement de crédit, le nombre et le montant des mensualités, le taux nominal et le TEG, le détail du coût de l'installation, le coût total de l'emprunt. Il ajoute que l'intitulé du bon qui mentionne "demande de candidature maison éco verte" est ambiguë, que les dispositions relatives aux garanties du matériel sont contradictoires, que le nom du démarcheur n'apparaît pas, que le formulaire détachable de rétractation fait partie intégrante du contrat et que sa séparation l'amputerait en partie.

Il fait encore valoir avoir été victime d'un dol portant sur la rentabilité attendue de l'installation et qu'une simulation mensongère lui a été remise.

Il conteste toute confirmation du contrat.

A titre subsidiaire, il soutient que la société Eco Synergie s'était engagée à effectuer les démarches nécessaires au raccordement et à la mise en service de la centrale photovoltaïque et qu'elle n'a pas entièrement exécuté le contrat puisqu'elle ne lui a jamais remis l'attestation sur l'honneur, certifiant de la réalisation de l'installation selon les règles liées à l'intégration au bâti photovoltaïque, document indispensable à la signature du contrat d'achat d'électricité.

Il rappelle que l'annulation ou la résolution du contrat de vente entraîne celle du contrat de crédit.

Il soutient que la banque a commis une faute en finançant un contrat nul et en débloquant les fonds avant l'exécution complète du contrat sur la base d'une attestation incomplète.

A titre subsidiaire, il fait valoir que les manquements de la banque à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde doivent conduire à une déchéance du droit aux intérêts contractuels.

Il soutient que les agissements de la banque lui ont causé un préjudice lié à l'absence de fonctionnement de l'installation, que la société venderesse étant placée en liquidation judiciaire, il ne peut obtenir remboursement de sa part et que ceci doit conduire à la priver de sa créance de restitution ou à défaut à lui octroyer une somme de 15 000 euros de dommages et intérêts.

A titre infiniment subsidiaire, il demande à la cour de pouvoir reprendre le règlement des mensualités du crédit.

Il développe les préjudices par lui subis : à savoir un préjudice économique dès lors qu'il doit payer le prix d'une installation, sans perspective de se retourner utilement contre son vendeur, en liquidation judiciaire et un préjudice moral suite au sentiment d'avoir été victime d'un dol.

La déclaration d'appel a été signifiée à Me [E] par acte du 5 août 2022 délivré à personne morale et les conclusions de la société Crédit Foncier de France par acte du 9 septembre 2022 selon les mêmes modalités.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le contrat de vente conclu le 7 juin 2012 entre M. [L] et la société Eco Synergie, après démarchage à domicile, est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au 7 juin 2012, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile et le contrat de crédit conclu entre M. [L] et la société Crédit Foncier de France est un contrat affecté soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la prescription des demandes de M. [L]

La société Crédit Foncier de France oppose à M. [L] la prescription de toutes ses demandes.

En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

En l'espèce, le contrat dont l'annulation est demandée a été conclu le 7 juin 2012 et M. [L] a engagé l'instance par une assignation délivrée le 30 avril 2021 soit près de neuf ans plus tard.

S'agissant de la prescription des demandes de nullité du bon de commande fondées sur des irrégularités formelles comme des demandes relatives à la faute de la banque qui ne les aurait pas décelées, plus de cinq années se sont écoulées entre la signature du contrat et la date de l'assignation. La date du raccordement dont M. [L] se prévaut sans d'ailleurs en justifier puisqu'il ne produit pas le contrat signé avec EDF en intégralité est sans lien avec la validité formelle du contrat.

Retenir l'argumentation du premier juge reviendrait en fait à voir repousser le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité formelle du contrat à la date à laquelle l'acquéreur a pu avoir connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme qu'il invoque. Le suivre dans cette voie reviendrait à rendre imprescriptible une action en nullité purement formelle puisque seule la date à laquelle il les invoque pourrait alors être retenue comme point de départ de la prescription.

En l'espèce le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande et c'est donc la date de signature de ce bon de commande qui doit être retenue comme point de départ de prescription puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence. Le fait que M. [L] soutienne ne jamais avoir eu l'original du contrat - qu'il n'a par ailleurs jamais réclamé - n'est pas de nature à repousser ce point de départ et aurait d'ailleurs dû attirer son attention si toutefois cette affirmation est exacte. Plus de cinq années s'étant écoulées entre la date de signature du contrat et celle de l'action en nullité formelle, cette action est prescrite et M. [L] est irrecevable à solliciter l'annulation du contrat sur le fondement des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation alors applicables. Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

S'agissant de la demande en nullité pour dol commis par le vendeur ou la banque, c'est à la date à laquelle le dol a été découvert et non là encore la connaissance de ses conséquences juridiques à savoir le fait que le dol est en droit une cause de nullité du contrat, que doit être fixée le point du délai du délai de prescription.

Dès lors que M. [L] invoque des man'uvres et tromperies destinées à lui faire croire que l'installation n'était pas une candidature à un programme mais un véritable engagement, le point de départ est la date de découverte qu'il s'agissait d'un véritable engagement. Or dès lors qu'il a souscrit un crédit et demandé à la société Crédit Foncier de France de débloquer les fonds ce qu'il a fait le 12 juillet 2012, il ne pouvait plus l'ignorer. Le 12 août 2013, la société Crédit Foncier de France lui a d'ailleurs répondu suite à sa réclamation du 22 mai 2013.

S'agissant du dol relatif à l'absence d'autofinancement et à sa rentabilité financière, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date à laquelle M. [L] a compris que tel ne serait pas le cas. Si cette date est généralement fixée à la date de la première facture de revente, il reste que M. [L] soutient que son installation n'a pas pu être été raccordée faute d'attestation sur l'honneur, ce qui apparaît en totale contradiction avec les pièces qu'il produit à savoir la copie d'une attestation de conformité du 9 décembre 2014 et d'une attestation sur l'honneur du 17 septembre 2012 toutes à ses nom et adresse, puis reconnaît un raccordement le 31 mai 2016 sans en justifier. La cour relève qu'il ne saurait suffire de ne pas produire de pièces pour repousser le point de départ de la prescription. L'installation a manifestement été raccordée puisque M. [L] produit la facture d'un nouvel onduleur datant du 5 juin 2016 ce qui n'a aucun sens pour une installation qui serait inutile et non raccordée. Il se garde de produire un contrat de revente daté, ne versant aux débats que la page 1 sans date et des factures de location de compteur à compter du 30 mai 2017 dont rien ne permet d'établir qu'elle serait la première. Cette demande doit donc également être déclarée prescrite.

S'agissant de l'inexécution invoquée, le point de départ est la date à laquelle le vendeur aurait dû s'exécuter. Outre qu'une partie des critiques de M. [L] est contredite par le peu de pièces qu'il verse aux débats, le premier juge a justement retenu que le 22 mai 2013 soit près d'un an après la signature du contrat, il avait relancé la banque en faisant état des défaillances de la société venderesse dont il avait donc connaissance. Cette demande doit donc également être déclarée prescrite et le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les demandes relatives à la faute de la banque dans le déblocage des fonds, le point de départ est la date de déblocage des fonds réalisé à la demande de M. [L] en 2012 et le déblocage des fonds a eu lieu plus de cinq ans avant l'assignation. L'action pour faute dans le déblocage des fonds est donc aussi prescrite.

Sur les demandes relatives à la faute de la banque dans son obligation de conseil sur l'opportunité économique du projet financé, le point de départ de cette prétendue obligation qui ne lui incombe pas serait en tout état de cause au pire la date de découverte de l'absence de rentabilité et il a déjà été relevé la prescription sur ce point.

Sur les demandes relatives à la faute de la banque dans son obligation de mise en garde quant à l'endettement, il est désormais admis que le point de départ est la date du premier impayé non régularisé comme correspondant à celle à laquelle le débiteur a réalisé qu'il ne pourrait honorer ses engagements. En l'espèce, aucune pièce produite par la banque ne permet de calculer cette date et dès lors cette demande n'est pas prescrite.

Sur son bien fondé, contrairement à ce qu'indique M. [L], le non-respect de cette obligation n'est pas sanctionnée par une déchéance du droit aux intérêts mais par des dommages et intérêts et il ne formule aucune demande de dommages et intérêts en lien avec cette faute qu'il reproche à la banque. Il doit donc être débouté de sa demande de déchéance du droit aux intérêts pour non-respect du devoir de mise en garde.

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels fondée sur l'absence de vérification de la solvabilité et de consultation du FICP invoqués par M. [L], il convient de rappeler que c'est M. [L] qui a agi en annulation et en résolution des contrats, que la banque ne l'a pas assigné en paiement du solde du crédit et n'a pas formé de demande reconventionnelle en ce sens. Elle s'est bornée à conclure à l'irrecevabilité des demandes d'annulation de M. [L] et subsidiairement à leur débouté et s'est opposée à la privation de sa demande de restitution du capital en cas d'annulation ou de résolution. Dès lors cette demande de M. [L] doit également être déclarée prescrite comme présentée plus de cinq ans après la signature du contrat de crédit.

De ce qui précède, il résulte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres demandes.

Il convient de rappeler que le présent arrêt infirmatif constitue le titre permettant la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

M. [L] qui succombe doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec distraction au profit de Maître Béatrice Leopold-Couturier en application de l'article 699 du code de procédure civile. Il apparaît en outre équitable de lui faire supporter les frais irrépétibles de la société Crédit Foncier de France à hauteur de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement en dernier ressort par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en résolution des contrats de vente et de crédit ainsi que l'action en responsabilité à l'encontre de la société Crédit Foncier de France sur le fondement de la faute dans libération des fonds, formées par M. [X] [L], déclaré sans objet la demande tendant à ce que la Eco Synergie garantisse M. [L] des sommes dues à la société Crédit Foncier de France, dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit ;

Statuant à nouveau,

Déclare M. [X] [L] irrecevable comme prescrit en toutes ses demandes hormis sa demande fondée sur le non-respect du devoir de mise en garde ;

Le déboute de cette demande ;

Condamne M. [X] [L] à payer à la société Crédit Foncier de France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [X] [L] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec distraction au profit de Maître Béatrice Leopold-Couturier en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/10908
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.10908 ?
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