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30/05/2024 | FRANCE | N°21/07978

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 30 mai 2024, 21/07978


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 30 MAI 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07978 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMMO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Juillet 2021 -Conseil de prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 20/02483





APPELANT



Monsieur [P] [T] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Linda DERRADJI-DESLOIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : 7





INTIMÉE



Société FEDERAL EXPRESS CORPORATION, société de droit étranger

[Adresse 4]

...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 30 MAI 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07978 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMMO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Juillet 2021 -Conseil de prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 20/02483

APPELANT

Monsieur [P] [T] [I]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Linda DERRADJI-DESLOIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : 7

INTIMÉE

Société FEDERAL EXPRESS CORPORATION, société de droit étranger

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe DANESI, avocat au barreau de PARIS, toque : R235

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sandrine MOISAN, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère, rédactrice

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Alors qu'il était agent de sécurité au sein de la société Checkport depuis le 1er juin 2009, M. [P] [T] [I] a présenté en juillet 2018 sa candidature pour le même poste au sein de la société anonyme Federal Express Corporation (FedEx), laquelle lui a répondu, par courriel du 16 juillet 2018, que sa candidature était retenue.

Le 5 septembre 2018, M. [I] a notifié à la société Checkport sa démission par courrier remis en main propre.

Par courriel du 24 octobre 2018, la société FedEx a notifié à M. [I] le retrait de sa promesse d'embauche, lui reprochant de ne pas être libre de tout engagement.

Contestant le bien-fondé de la rétractation de " la promesse d'embauche ", M. [I] a saisi le 30 septembre 2020 le conseil de prud'hommes de Bobigny, qui, par jugement du 26 juillet 2021, a:

- condamné la société FedEx à lui verser les sommes suivantes :

- 1 521,20 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 152,12 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [I] du surplus de ses demandes,

- débouté la société FedEx de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société FedEx aux entiers dépens.

Par déclarations des 24 et 27 septembre 2021, M. [I] et la société Federal Express Corporation ont respectivement interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par ordonnance du 23 janvier 2024, le conseiller chargé de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures sous le numéro 21/07978.

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 30 novembre 2021, M. [I] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et fondé, y faisant droit,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- déclaré la rupture de la promesse d'embauche par la société Federal Express Corporation fautive,

- condamné la société FedEx à lui verser les sommes suivantes :

- 1 521,2 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 152,12 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [I] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive de la promesse d'embauche,

- condamner la société Federal Express Corporation à verser à M. [I] les sommes suivantes:

- 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de la promesse d'embauche,

- 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Federal Express Corporation aux entiers dépens de la présente procédure, dont frais éventuels d'exécution forcée de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 27 décembre 2021, la société Federal Express Corporation demande à la cour de :

- réformer intégralement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny, et en conséquence,

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 mars 2024.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'offre d'embauche :

M. [I] soutient que la rétractation de la promesse d'embauche par la société Federal Express Corporation est abusive, affirmant qu'elle lui a demandé de démissionner, puis a retiré sa promesse d'embauche de façon injustifiée, le laissant sans emploi et sans prestations sociales. Il ajoute que dès la formulation de la promesse d'embauche, la société Federal Express Corporation savait qu'il était en période de préavis, et ne peut donc s'en prévaloir a posteriori pour justifier la rétractation.

Au contraire, la société Federal Express Corporation soutient que la rétractation de l'offre d'embauche est fondée, eu égard à la déloyauté de M. [I] qui lui a dit qu'il était libre de tout engagement alors qu'elle a découvert, après avoir formulé la promesse, qu'il était encore en période de préavis auprès de son dernier employeur.

Il résulte de l'article 1124 du code civil que la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat de travail promis.

En application de l'article 1114 du même code, tant que les éléments essentiels du contrat de travail ne sont pas précisés et tant que l'employeur n'a pas exprimé son intention de s'engager, il n'y a pas d'offre de contrat de travail, mais simplement une invitation à entrer en négociation, qui est une phase de prise de contact et de premiers échanges sur le poste ; tant que certaines précisions n'ont pas été données, le fait de ne pas donner suite n'ouvre, en principe, pas droit à dédommagement.

Il est ainsi admis qu'un document ne comportant ni la date d'embauche, ni le salaire ne constitue ni une offre de contrat de travail, ni une promesse unilatérale de contrat de travail et n'ouvre droit à aucune indemnisation.

L'article 1112 du code civil dispose : " L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages."

En l'espèce, il résulte des éléments de la procédure que M. [I] a passé un test écrit appelé " prescreening " relatif à un poste d'agent de sécurité proposé par la société FedEx, qui, par courriel du 16 juillet 2018 à 10h59, l'a remercié de l'intérêt porté au poste de " Ramp Handler " et l'a informé que suite à l'entretien passé, sa candidature avait été retenue, précisant : " nous reviendrons vers vous prochainement pour vous communiquer la suite du processus. "

Par mail du même jour à 11h47 adressé à M. [I], M. [N] [H] de la société FedEx lui a demandé " dans la suite du processus ", de se présenter le lundi 6 août 2018 au sein de la société FedEx pour constituer le dossier administratif et pour une " formation badge ".

Par courriel du 29 août 2018, M. [I] a expliqué à M. [T] [J] qu'il avait passé la " sensibilisation de badge le 6 août " et a sollicité des précisions sur les dates auxquelles il devrait passer la formation et commencer le travail, ajoutant " j'ai donné un préavis de démission [de] deux mois chez Checkport ".

Le 10 septembre 2018, M. [J] a demandé à M. [I] s'il avait fait un courrier de démission auprès de son employeur, et dans l'affirmative sa date de disponibilité.

M. [I] a indiqué dans un mail du 26 septembre 2018 adressé à M. [H] : " Je ne possède pas un carnet de santé. Je suis en période de préavis peux-je signé le contrat " (sic).

Par courriels du même jour, M. [H] a fait savoir à M. [I] qu'il n'y avait pas de problème pour le carnet de santé, mais qu'il fallait donner à son manager sa date d'arrivée dans l'entreprise, l'informant par ailleurs qu'il était convoqué à une visite médicale d'embauche le 27 septembre à 18h30, l'invitant à récupérer son badge à la suite de cette visite.

Dans un courriel du 28 septembre 2018 adressé à la société FedEx, M. [X] [V], chef de site au sein de la société Checkport, a écrit : " Je me permets de vous alerter sur l'une de vos nouvelles recrues au nom de M. [T] [I] [P].

Je vous informe que cette personne fait toujours partie des effectifs Checkport et ce jusqu'au 5 novembre 2018 inclus.

Vous trouverez en pièces jointes sa lettre de démission et l'acte de démission de notre DRH Checkport en réponse.

De plus, je vous transmets un document indiquant qu'il a restitué ce jour vendredi 28 septembre 2018 son badge TSA Rouge Checkport auprès du BLS. Et ce sans notre accord.

Suite à sa restitution, je me dois de vous prévenir que je vais le bloquer à l'entrée du point H et le maintenir au point H dès sa prochaine prise de service attendue par Checkport à savoir le lundi 1er octobre 2018. "

Parallèlement et par courriel du 26 septembre 2018, la société Checkport a fait savoir à M. [I], qui demandait l'autorisation de quitter l'entreprise de façon anticipée, qu'elle ne pouvait faire droit à sa demande avant le 5 novembre 2018, pour des raisons d'organisation de service.

Il ressort du courrier du 7 septembre 2018 envoyé par la société Checkport à M. [I] à la suite de son courrier de démission remis le 5 du même mois, qu'il lui a été précisé qu'il ne serait libre de tout engagement vis-à-vis de l'entreprise que le 5 novembre à 23h59.

Aux termes d'un courriel du 15 octobre 2018, M. [I] a indiqué à M. [H] qu'il était dans l'attente d'une réponse au sujet du recrutement, précisant être sans emploi, à la suite de sa démission remise à la société Checkport.

Par mail du 24 octobre 2018, M. [H] lui a répondu qu'il avait échangé à plusieurs reprises à ce sujet avec le manager et que sa candidature n'était pas retenue, malgré ce qui avait été précédemment annoncé.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les parties n'ont échangé aucun document contenant notamment le salaire et la date d'embauche, que la société FedEx a attendu, en vain, des précisions de M. [I] sur la date à laquelle il pourrait commencer à travailler, et que seule la société Checkport l'a informée de la date à laquelle il serait libre de tout engagement, à savoir le 5 novembre 2018.

En conséquence, il doit être considéré que les parties étaient en phase de négociation et qu'aucune promesse d'embauche n'était formalisée quand la société FedEx s'est rétractée.

Par ailleurs, la société FedEx ne peut être considérée de mauvaise foi ou fautive dans le cadre des négociations, dès lors que M. [I] ne lui a pas communiqué la date à laquelle il pouvait être embauché, cette information ayant été communiquée par l'employeur avec qui il était encore lié, qui lui a par ailleurs précisé que le salarié avait restitué son badge sans son accord dès le 28 septembre 2018.

Or, en vertu de l'article L. 1237-3 du code du travail, " lorsqu'un salarié ayant rompu abusivement un contrat de travail conclut un nouveau contrat de travail, le nouvel employeur est solidairement responsable du dommage causé à l'employeur précédent (') " notamment " s'il est démontré que le nouvel employeur est intervenu dans la rupture ", ou s'il " a engagé un salarié qu'il savait déjà lié par un contrat de travail ;('). "

Dans ces conditions et à défaut d'établir l'existence d'une promesse d'embauche et d'un comportement fautif de la part de la société FedEx, le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions, M. [I] étant débouté de l'ensemble de ses demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [I], qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement déféré,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [P] [T] [I] de l'ensemble de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [P] [T] [I] aux dépens de première instance et d'appel,

REJETTE les autres demandes des parties.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 21/07978
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;21.07978 ?
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