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30/05/2024 | FRANCE | N°20/07711

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 30 mai 2024, 20/07711


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 30 MAI 2024



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07711 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCVHO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2020 -Conseil de prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/03123





APPELANTE



Madame [DE] [K]

[Adresse 3]

[Adres

se 3]



Représentée par Me Candice VIER CAZIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0542





INTIMÉE



S.A.S. JEAN D'ESTREES

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Antoine GROU,...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 30 MAI 2024

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07711 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCVHO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2020 -Conseil de prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/03123

APPELANTE

Madame [DE] [K]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Candice VIER CAZIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0542

INTIMÉE

S.A.S. JEAN D'ESTREES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Antoine GROU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1083

PARTIES INTERVENANTES

SELARL FIDES prise en la personne de Me [I] [Z] ès qualités de mandataire judiciaire de la S.A.S. JEAN D'ESTREES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Antoine GROU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1083

SCP ABITBOL ET [OK] prise en la personne de Me [Y] [OK] ès qualités d'administrateur de la S.A.S. JEAN D'ESTREES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Antoine GROU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1083

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sandrine MOISAN, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère, rédactrice

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [DE] [K] a été engagée par la société Jean d'Estrées du 15 juillet 2013 au 1er août 2014, en qualité de formatrice, par contrat de travail à durée déterminée.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 19 janvier 2015, elle a été engagée par la même société pour exercer les mêmes fonctions.

Par courrier recommandé du 23 juillet 2018, la société Jean d'Estrées a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 31 août 2018, puis par courrier recommandé du 13 septembre 2018, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [K] a saisi le 15 avril 2019 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 15 septembre 2020, a :

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Jean d'Estrées à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

- 3 217,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 5 718 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 571,80 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 208,48 euros au titre du maintien de salaire pendant la maladie,

- 519,92 euros au titre du 13ème mois contractuel,

avec intérêts au taux légal,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [K] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Jean d'Estrées de ses demandes reconventionnelles et condamné celle-ci aux dépens.

Par déclaration du 12 novembre 2020, Mme [K] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par jugement du 22 juillet 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Jean d'Estrées et désigné la société Abitbol [OK] et la société Fides, respectivement administrateur et mandataire judiciaires.

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 16 juin 2023, Mme [K] demande à la cour de :

- dire la procédure régulière et opposable à la société Abitbol [OK] et à la société Fides, respectivement administrateur et mandataire judiciaires de la société Jean d'Estrées, suivant jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 juillet 2022,

- confirmer le jugement sur le principe et les sommes octroyées, sauf à le réformer pour les congés payés restant dus au titre du maintien de salaire pendant la maladie et du treizième mois contractuel,

- infirmer le jugement,

statuant à nouveau,

- dire le licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Jean d'Estrées à lui verser les sommes suivantes :

- 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement ou subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 3 127,02 euros à titre d'indemnité de licenciement conventionnelle,

- 5 718 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 571,80 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 208,48 euros au titre du maintien de salaire pendant la maladie,

- 120,84 euros au titre des congés payés afférents,

- 519,92 euros au titre du treizième mois contractuel,

- 51,99 euros au titre des congés payés afférents,

- 618,92 euros au titre de la prime d'ancienneté,

- 61,89 euros au titre des congés payés afférents,

pour l'ensemble avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts depuis la mise en demeure du 13 septembre 2018,

- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-règlement des salaires,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Jean d'Estrées aux entiers dépens, dont ceux relatifs à l'assignation forcée des organes de la procédure de redressement de ladite société,

- transmettre le jugement à intervenir au procureur de la République sur le fondement de l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale,

- débouter la société Jean d'Estrées de ses demandes, fins et prétentions, et de son appel incident.

Dans leurs dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 21 avril 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Jean d'Estrées, la société civile professionnelle (SCP) Abitbol et [OK], représentée par Me [Y] [OK] en qualité d'administrateur judiciaire de la société Jean d'Estrées, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Fides représentée par Me [I] [Z], en qualité de mandataire judiciaire de la société Jean d'Estrées demandent à la cour de :

à titre principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple,

- juger le licenciement pour faute grave de Mme [K] fondé,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Jean d'Estrées à payer les sommes suivantes :

- 3 217,02 euros à titre d'indemnité de licenciement conventionnelle,

- 5 718,00 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 571,80 euros au titre des congés payés afférents,

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes au titre du licenciement,

à titre subsidiaire :

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré le licenciement pour faute simple de Mme [K] fondé,

- débouter Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour " licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ",

en tout état de cause :

- constater que les accusations de harcèlement moral formulées par Mme [K] sont totalement infondées,

- constater que Mme [K] ne s'est pas soumise à la visite médicale de contrôle organisée le 14 août 2018 pendant son arrêt maladie,

- constater que Mme [K] ne rapporte pas la preuve que l'employeur proratisait la prime de 13ème mois en cas de rupture du contrat de travail en cours d'exercice,

- constater que la demande de rappel de prime d'ancienneté formulée par Mme [K] est fondée sur des dispositions conventionnelles non-étendues,

- constater que la société Jean d'Estrées n'est pas adhérente aux syndicats patronaux ayant signé les dispositions conventionnelles non-étendues invoquées par Mme [K] pour fonder sa demande de rappel de prime d'ancienneté,

par conséquent,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Jean d'Estrées au paiement de

1 208,48 euros au titre du maintien du salaire pendant la maladie,

- débouter Mme [K] de sa demande au titre du maintien du salaire pendant la maladie,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Jean d'Estrées au paiement de 519,92 euros au titre du 13ème mois contractuel avec intérêts au taux légal,

- débouter Mme [K] de sa demande au titre du 13ème mois contractuel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande au titre de la prime d'ancienneté,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de Mme [K] au paiement d'une amende civile,

- condamner Mme [K] au paiement d'une amende civile fixée par la cour,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de Mme [K] au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner Mme [K] au paiement de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Jean d'Estrées au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [K] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [K] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la demande relative au maintien du salaire pendant la maladie :

Mme [K] soutient que la société Jean d'Estrées ne pouvait lui refuser le maintien de salaire durant son arrêt maladie en raison de son absence à la visite médicale de contrôle, dès lors qu'elle n'a jamais reçu de convocation.

Au contraire, la société Jean d'Estrées prétend que Mme [K] a perdu le droit au maintien de son salaire pendant son arrêt maladie en raison de son absence à la visite médicale de contrôle, à laquelle elle a été régulièrement convoquée.

L'article 7 de l'annexe II de la convention collective nationale des industries chimiques et connexes applicable en l'espèce prévoit que le salarié a droit au maintien de son salaire pendant la maladie.

En contrepartie de ce maintien de salaire à la charge de l'employeur, les dispositions de l'article L. 1226-1 du code du travail autorisent celui-ci à faire procéder à une contre-visite médicale.

C'est à l'employeur, qui prend l'initiative d'un tel contrôle d'établir qu'il n'a pu faire effectuer cette contre-visite en raison de la carence ou de l'opposition du salarié.

En l'espèce, l'employeur communique aux débats un formulaire de " preuve du dépôt d'un courrier recommandé avec accusé de réception " portant un tampon de la poste avec la date du 9 août 2018 mentionnant que le destinataire est Mme [K] et que l'expéditeur est la société Service Médical Patronal (SMP) chargée d'effectuer le contrôle médical, mais ne justifie ni du courrier, ni d'un avis de distribution de ce courrier, ni d'un accusé de réception.

Dans une lettre en réponse du 2 octobre 2018 adressée à Mme [K], le service clientèle de La Poste explique que " l'avis de passage du facteur a pu être déposé dans la boîte d'un voisin par erreur ou tomber lorsque le facteur colis ouvre la batterie pour mettre un colis ", et lui présente ses excuses pour cet avis de passage qui lui a manqué pour retirer cet envoi.

Dans ces conditions, l'employeur n'établit pas qu'il n'a pu faire effectuer la contre-visite en raison de l'opposition ou de la carence de la salariée, qui n'a reçu aucune convocation, ce dont elle n'est pas responsable.

Il s'ensuit que l'employeur ne pouvait pas suspendre le versement du salaire en raison de l'absence de la salariée à la contre-visite médicale.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Jean d'Estrées à payer à Mme [K] la somme, non critiquée dans son montant, de 1 208,48 euros à titre de rappel de salaire relatif au maintien de la rémunération pendant la maladie, mais infirmé en ce qu'il a rejeté, sans motivation, la demande de la salariée à hauteur de 120,84 euros à titre de congés payés afférents.

Ainsi, la société Jean d'Estrées sera en outre condamnée à payer à Mme [K] la somme de 120,84 euros à titre de congés payés afférents.

Sur la demande relative au 13ème mois :

Mme [K] sollicite le versement d'une somme au titre du treizième mois, affirmant qu'il s'agit d'une rémunération de nature contractuelle, qui doit donc lui être versée au prorata de sa présence dans l'entreprise.

Au contraire, la société Jean d'Estrées soutient qu'il s'agit d'une prime qui n'a pas à être versée au prorata du temps passé au sein de l'entreprise.

Il est admis que lorsque le contrat de travail prévoit un salaire annuel fixé à 13 fois le salaire mensuel, le treizième mois correspond à un salaire et non à une prime.

En l'espèce, le contrat de travail conclu entre les parties stipule, à l'article 7 intitulé " rémunération ", que " Mme [K] percevra un salaire brut annuel de 31 720 euros payable en treize (13) mensualités , le treizième mois payable pour moitié en juin et pour l'autre moitié en novembre au prorata du temps de présence ".

Il s'ensuit que le treizième mois prévu par cette clause est un salaire à payer prorata temporis.

Mme [K] ayant été licenciée le 13 septembre 2018, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société Jean d'Estrées à lui payer la somme de 519,92 euros qui correspond à la deuxième moitié du treizième mois de salaire calculé en fonction de son temps de présence du 1er juillet au 13 septembre 2018, le jugement déféré étant ainsi confirmé de ce chef.

Il convient en outre d'allouer à Mme [K] la somme de 51,99 euros au titre des congés payés afférents, les motifs du jugement étant taisants à ce sujet tandis que le dispositif rejette globalement le surplus des demandes formulées par la salariée.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la prime d'ancienneté

Mme [K] soutient que l'employeur aurait dû lui verser une prime d'ancienneté, conformément aux dispositions conventionnelles applicables.

Au contraire, la société Jean d'Estrées soutient que les dispositions conventionnelles dont Mme [K] fait état ne sont pas applicables, au motif que la société n'est pas adhérente aux syndicats patronaux ayant signé l'avenant, et que celui-ci n'a pas été étendu. A ce titre, elle affirme qu'elle n'était pas tenue de verser une prime d'ancienneté.

L'article 16, en vigueur et étendu, de l'avenant n°2 " agents de maîtrise et techniciens " du 14 mars 1955 de la convention collective nationale des industries chimiques du 30 décembre 1952 applicable en l'espèce dispose :

" 1. Il est attribué aux agents de maîtrise ou aux techniciens une prime d'ancienneté en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise telle qu'elle est définie à l'article " Ancienneté ".

2. Cette prime est calculée sur les appointements minima de l'emploi dans lequel est classé l'intéressé et proportionnellement à l'horaire de travail, ce salaire minimum étant augmenté, le cas échéant, des majorations pour heures supplémentaires.

Les taux de la prime sont les suivants :

- 3 p. 100 après 3 ans d'ancienneté dans l'entreprise ;

- 6 p. 100 après 6 ans d'ancienneté dans l'entreprise ;

- 9 p. 100 après 9 ans d'ancienneté dans l'entreprise ;

- 12 p. 100 après 12 ans d'ancienneté dans l'entreprise ;

- 15 p. 100 après 15 ans d'ancienneté dans l'entreprise.

Le montant de la prime ainsi calculée s'ajoute aux appointements réels. "

Il est expressément mentionné dans cet article que ces dispositions ont été étendues, étant précisé qu'en application des dispositions de l'article L.2261-15 du code de travail, l'extension vise à rendre obligatoire un accord collectif pour toutes les entreprises qui entrent dans son champ d'application, au-delà de celles qui adhèrent à une organisation patronale signataire de l'accord.

Il n'est pas contesté que la société Jean d'Estrées entre dans le champ d'application de cet accord.

Ainsi, les dispositions précédemment rappelées de l'article 16 de l'avenant n°2 " agents de maîtrise et techniciens " du 14 mars 1955 sont applicables en l'espèce.

Mme [K] a été engagée à compter du 19 janvier 2015 en qualité de formatrice-animatrice, statut agent de maîtrise, et il résulte de ses bulletins de paie que son salaire de base mensuel brut était de 2 564 euros.

En conséquence, c'est à juste titre qu'elle réclame le paiement de la somme, non critiquée dans son montant, de 618,92 euros à titre de prime d'ancienneté due à compter du 19 janvier 2018 jusqu'à son départ de l'entreprise, outre la somme de 61,89 euros de congés payés afférents.

Le jugement déféré, dont les motifs sont taisants sur ce point, sera infirmé de ce chef et l'employeur sera condamné à payer à la salariée la somme de 618,92 euros à titre de prime d'ancienneté, outre la somme de 61,89 euros à titre de congés payés afférents.

Sur le harcèlement moral et la demande de nullité du licenciement:

Mme [K] soutient qu'elle a été victime de harcèlement moral, évoquant notamment des remontrances infondées, des gestes et propos violents ainsi que des menaces à son encontre par le directeur général de la société. Elle affirme avoir alerté la direction de l'entreprise de la dégradation de ses conditions de travail, sans qu'aucune action ne soit prise pour y mettre un terme, conduisant à la dégradation de son état de santé. Elle expose que son licenciement est nul, dès lors qu'il est intervenu dans un contexte de harcèlement moral.

Au contraire, la société Jean d'Estrées soutient que le licenciement n'est pas nul, la salariée n'ayant pas été victime de harcèlement moral, ses accusations étant mensongères, et les éléments communiqués aux débats étant contestés. Elle ajoute que les seuls documents médicaux produits par Mme [K] ne permettent pas d'établir de lien de causalité entre son état de santé et ses conditions de travail.

En vertu de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de ses prétentions, Mme [K] communique :

- une attestation du 15 novembre 2018 établie par Mme [B] [J], cliente, aux termes de laquelle elle explique qu'alors qu'elle attendait dans une salle les dernières participantes à une formation animée par l'appelante, une personne a fermé brutalement la porte, Mme [K] s'étant sentie gênée par cette attitude de la part de " son directeur général " ;

- un courriel du 9 juillet 2018 adressé à Mme [K], dans lequel M. [X] [N] indique : " tu es encore arrivée en retard jeudi et ta cliente japonaise (qui était parfaitement à l'heure) a dû t'attendre. Heureusement que [P] était là pour lui proposer un café. Je sais que les transports peuvent être aléatoires et que ton retard est inférieur à 10 minutes, néanmoins je te demande une nouvelle fois d'arriver légèrement en avance lorsque tu reçois une cliente (ou au minimum à l'heure). Cela te permettra de te préparer et d'aborder de manière plus professionnelle ta formation. Tu peux aussi demander aux clientes d'arriver à 9h45, ce qui ne me pose aucun problème. J'espère ne pas avoir à revenir une nouvelle fois sur le sujet (') " ;

La salariée produit également aux débats un échange de mails avec le directeur général de l'entreprise aux termes desquels chacun donne sa version des faits survenus les 17 et 18 juillet 2018.

Ainsi, dans un courriel du 18 juillet 2018 à 8h16, M. [X] [N], d'une part, reproche à la salariée " son attitude totalement inacceptable " lors d'une entrevue de la veille au sujet de " son troisième retard en clientèle " et de lui avoir dit " le management est nul ", ce qui a été entendu par au moins deux salariés, d'autre part, lui indique que compte tenu de son attitude déplacée, irrespectueuse et non professionnelle, il lui remettra en main propre une convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Dans un autre mail du même jour à 12h56, M. [X] [N] reproche à la salariée, en premier lieu, de lui avoir dit, alors qu'il la saluait, " je ne salue personne le matin ", qualifiant cette remarque, volontairement proférée devant trois salariées et trois personnes de la BNP, de ridicule, en second lieu, d'avoir quitté son poste à 9h15 pour ne revenir que vers 12h56, ce départ précipité qualifié de " grave dérapage " l'ayant empêché de lui remettre la convocation à un entretien préalable.

Dans un courriel en réponse du 19 juillet 2018, en copie à Mme [E], déléguée du personnel, la salariée conteste le contenu des mails du 18 juillet, expliquant son retard par un incident RATP et reprochant à l'employeur de lui avoir coupé la parole, de lui avoir dit " ne t'avise pas de répondre à cet e-mail, le retour sera pire ", " je n'en ai rien à foutre de tes justificatifs ! ", " vous aggravez votre cas ", expliquant s'être sentie menacée, agressée, choquée et perturbée, joignant un certificat d'arrêt de travail.

Aux termes d'une attestation du 6 janvier 2019, Mme [V] [F], chef de produit développement au sein de la société Jean d'Estrées de novembre 2013 à décembre 2018, explique avoir été témoin en juillet 2018 de l'agressivité verbale à l'égard de sa supérieure hiérarchique, Mme [K], de M. [N] qui lui a dit " continuez comme ça [DE] ! c'est bien, vous aggravez votre cas ".

Mme [K] justifie en outre d'un avis d'arrêt de travail du 18 juillet 2018, prolongé jusqu'au 28 septembre 2018, mentionnant un " syndrome anxiodépressif " et un certificat médical du 27 août 2018 du docteur [L], psychiatre, précisant que Mme [K] présente une symptomatologie anxiodépressive importante et qu'elle relate une situation de conflit au travail très important.

Par ailleurs, est versé aux débats un compte rendu d'examen du 28 août 2018 établi par le médecin de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ile-de-France qui fait état des difficultés professionnelles évoquées par la salariée, d'un traitement médicamenteux, d'un suivi par un psychiatre depuis mai 2018 et aux termes duquel la salariée est " incitée vivement à obtenir un rendez-vous avec le médecin du travail. "

Ces pièces permettent de relever que la salariée a mal vécu divers gestes et propos brusques ou menaçants de la part de l'employeur et qu'un médecin psychiatre a révélé qu'elle se trouvait dans un état anxiodépressif, autant d'éléments qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

Cependant, il ne ressort pas de l'attestation du 15 novembre 2018 établie par Mme [J] que le claquement de porte imputé au 'directeur général' ait été volontaire et dirigé contre la salariée.

Quant au mail du 9 juillet 2018 adressé à Mme [K], il ne révèle aucune agressivité de la part de M. [N], qui, dans le cadre de son pouvoir d'organisation du travail, souligne le retard, non contesté, de la salariée, et lui recommande de gérer autrement son emploi du temps.

Par ailleurs, dans ses deux courriels du 18 juillet 2018, M. [N], sans utiliser de propos violents, fait usage de son pouvoir disciplinaire et annonce la mise en 'uvre d'une procédure afin de sanctionner la salariée, laquelle a effectivement été convoquée à un entretien préalable par courrier du 23 juillet 2018.

Enfin, les document médicaux communiqués aux débats par la salariée n'établissent pas de lien entre ses conditions de travail et son état de santé.

Il s'ensuit que les propos dont a été témoin Mme [V] [F] sont constitutifs du seul fait invoqué par la salariée matériellement établi, de sorte que ce fait unique et ponctuel ne suffit pas à établir l'existence d' un harcèlement moral à l'encontre de la salariée au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail précédemmenr rappelé, lequel suppose des agissements répétés.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et licenciement nul.

Sur le bien-fondé du licenciement:

La lettre de licenciement pour faute grave notifiée à la salariée, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

" (...) Nous faisons suite à la convocation à entretien préalable qui vous a été adressée par courrier recommandé avec accusé de réception le 23 juillet 2018 vous convoquant à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement le 31 août 2018 à 11h30.

Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien et n'avez pas souhaité son report.

En l'absence d'une quelconque explication de votre part, nous vous informons que nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants :

Depuis quelques mois, votre comportement a pris une tournure totalement hors de propos.

Vous faites preuve d'une extrême désinvolture dans l'exercice de vos fonctions et ne respectez pas le pouvoir de direction de votre Directeur Général, allant jusqu'à exprimer publiquement, devant des représentants de sociétés fournisseurs, des collègues ou auprès des actionnaires de JEAN D'ESTREES, des critiques acerbes sur vos collègues et les méthodes de gestion ou les décisions de votre Direction, créant, par là même, une atmosphère délétère.

Ainsi, à titre d'exemple, nous vous rappelons que le 5 juillet 2018 vous avez été en retard, pour la 3ème fois, lors d'un rendez-vous avec un client. Lorsque, en tant que Directeur Général, Monsieur [X] [N] vous a reçue dans son bureau, le 17 juillet 2018 à 11h30 pour évoquer avec vous de façon totalement apaisée ces retards répétés, vous précisant qu'il vous appartenait de respecter les horaires des rendez-vous que vous aviez fixés, vous avez volontairement ouvert la porte de son bureau pour crier haut et fort que " son management était nul " (sic). Cet emportement verbal a été entendu par des salariés et par un fournisseur qui se trouvait dans les locaux ce matin-là.

Par la suite, vous vous êtes permis, sans en parler au préalable au Directeur Général, de contacter Monsieur [GH] [S], actionnaire de la société, pour dénigrer Monsieur [X] [N] en affirmant qu' " il n'avait rien d'un manager ".

Ce type de comportement n'est pas réservé à la Direction Générale puisque Madame [T] [U], formatrice chez Jean d'Estrées depuis plus de 18 années, nous a appris dernièrement que vous l'aviez vertement critiquée auprès de Monsieur [M] [JO], Directeur Commercial de Jean d'Estrées, sans aucune justification et sans aucun échange préalable avec elle.

Il en est de même pour votre ancienne collègue Madame [W] [O] qui atteste que vous avez critiqué sa manière de travailler, et même sa manière de s'habiller !

Enfin, nous avons appris que plusieurs clients s'étaient aussi plaints de votre attitude lors des formations que vous assuriez.

Cette attitude répétée caractéristique d'une insubordination, doublée d'un dilettantisme néfaste, est créateur d'une atmosphère de travail extrêmement négative qui n'est pas tolérable et légitimise votre licenciement pour faute grave. (...). "

Mme [K] soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, affirmant que les griefs qui lui sont reprochés sont infondés et en contradiction avec les appréciations de ses collègues et de ses clients. S'agissant des prétendus retards répétés, elle prétend qu'il s'agit d'un grief ajouté à ceux indiqués dans la lettre de licenciement, qu'elle n'a jamais été mise en demeure à ce sujet, que l'unique retard du 5 juillet n'est pas de son fait, et qu'il a déjà été sanctionné par courriel du 9 juillet 2018. Elle conteste en outre la valeur probante des témoignages produits par l'employeur à l'appui de ce grief et de celui relatif aux dénigrement et critiques qui lui sont reprochés. Elle affirme que l'employeur ne rapporte pas la preuve de faits établis et non prescrits.

Au contraire, la société Jean d'Estrées affirme que le licenciement est bien fondé, dès lors qu'elle reproche notamment à la salariée son manque de sérieux, ses retards récurrents, son attitude irrespectueuse et son dénigrement de la société auprès des autres salariés et des actionnaires. Elle soutient que le courriel du 9 juillet 2018 relatif à un retard de 10 mn adressé à la salarié n'est pas constitutif d'un avertissement, de sorte que la règle 'non bis in idem' ne peut être invoquée, que les retards récurrents de la salariée sont établis par des témoignages, qu'il en est de même pour les actes de dénigrement et son attitude négligente vis-à-vis des clients et fournisseurs, étant précisé que Mme [K] s'était déjà illustrée par un tel comportement dans le cadre d'un précédent emploi.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui l'invoque.

Sur les retards:

La lettre de licenciement vise expressément la problématique des retards récurrents de la salariée puisqu'il est mentionné " un retard du 5 juillet 2018 ", pour la " 3ème fois lors d'un rendez-vous avec un client. "

La salariée prétend qu'elle a déjà été sanctionnée de ce chef aux termes d'un courriel du 9 juillet 2018 sus-reproduit que lui a adressé son employeur.

L'avertissement implique l'énoncé d'un ou de plusieurs manquements bien identifiés ainsi qu'une mise en demeure d'en cesser la pratique ou de rectifier la situation.

Une mise en demeure est une mesure comminatoire unilatérale par laquelle une personne en interpelle une autre pour lui prescrire de faire, de ne pas faire ou de donner quelque chose.

L'avertissement est soumis aux dispositions de l'article L. 1332-1 du code du travail, selon lesquelles "aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui".

L'article L.1332-2 du même code précise quant à lui que "lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié."

Le courriel du 9 juillet 2018 invoqué par la salariée, dont le contenu a été précédemment reproduit, ne fait pas référence à un avertissement. Par ailleurs, son auteur, après avoir relevé le retard de la salariée de 10 minutes, lui demande d'arriver en avance ou à l'heure quand elle reçoit une cliente et lui propose de fixer un horaire d'arrivée des clientes à 9h45, ce qui n'est pas constitutif d'une demande comminatoire.

Ainsi, l'existence d'un avertissement à l'encontre de la salariée n'est pas établie.

L'employeur communique à l'appui du grief de retards récurrents plusieurs éléments dont des attestations contestées par la salariée tant sur leur forme que sur leur contenu.

Il convient de rappeler que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et qu'en matière prud'homale, la preuve est libre.

Dès lors rien ne s'oppose à ce que soit examinée une attestation établie par une personne représentant l'employeur ou travaillant à son service, la valeur et la portée de cet élément devant en conséquence être examinée.

Aux termes d'une attestation non datée, Mme [W] [O], formatrice internationale au sein de la société Jean d'Estrées, indique avoir constaté " lors du retour des congés de Mme [K] ", qu'elle n'a pas respecté à plusieurs reprises les horaires de l'entreprise, " arrivant sur le lieu de travail avec des retards de 30 minutes ou plus d'une heure, prétextant le retard des transports en commun ".

Il en ressort que les retards invoqués ne sont pas précisément situés dans le temps par Mme [O]. En outre, les pièces communiquées par l'employeur révèlent qu'elle a peu côtoyé Mme [K] puisqu'elle est intervenue pour la remplacer quand elle était en congé.

Ainsi, cette attestation n'est pas un élément suffisamment probant à l'appui du grief de retards récurrents invoqués par la société Jean d'Estrées.

L'employeur justifie par ailleurs avoir adressé un mail le 23 avril 2018 à 8h55 à la salariée pour signaler que ses clientes arrivaient avant elle à la formation, que le problème s'était déjà posé la semaine précédente, lui proposant d'arriver à 8h45 pour une formation débutant à 9h, ou à 9h pour une formation commençant à 9h15, Mme [K] répondant à 8h57 :

" c'est ce que je m'efforce de faire, mais les clientes arrivent toujours très en avance ".

L'arrivée tardive de la salariée le 5 juillet 2018 était à nouveau relevée par l'employeur aux termes d'un courriel du 9 juillet 2018, mais cette dernière justifie, par une attestation établie par la RATP, que le trafic était très perturbé ce jour-là sur la ligne A du RER, en raison d'incidents techniques cumulés.

Dans ces conditions, il doit être considéré que le caractère récurrent des retards reprochés à Mme [K] n'est pas suffisamment établi.

Sur le dénigrement de la société, du directeur général et des salariés de l'entreprise

Au soutien du grief de dénigrement reproché à la salariée, l'employeur se prévaut également des attestations de Mme [O] et de Mme [U], la première déclarant d'une part, que Mme [K] l'encourageait à se couper les cheveux et à se vêtir simplement en expliquant que l'image de la maison Jean d'Estrées ne nécessitait pas une présentation parfaite, d'autre part, que l'attitude de la salariée visait à nuire à la politique d'entreprise mise en place par M.[N], et la seconde expliquant qu'une ancienne salariée lui a rapporté que Mme [K] l'avait dénigrée.

A l'instar de ce qui a été relevé précédemment, ces faits ne sont pas situés dans le temps ni précisément décrits par les auteures des attestations. En outre, Mme [U] n'a pas été personnellement témoin des faits de dénigrement à son égard qui ne sont étayés par aucun autre élément.

Concernant l'attestation établie par M. [GH] [S], le seul fait qu'elle ne soit pas manuscrite et émane d'un ex-dirigeant de l'entreprise ne la rend pas irrecevable, la cour devant apprécier sa valeur probante.

Il ressort des éléments de la procédure que M. [S] était directeur général de la société Jean d'Estrées lors de la conclusion du contrat de travail avec Mme [K] le 19 janvier 2015 et qu'il a été pris acte de sa démission lors de l'assemblée générale extraordinaire de la société du 8 juillet 2019.

L'employeur communique aux débats un échange de courriels du 6 septembre 2018 entre M. [S] et Mme [K] aux termes duquel, se plaignant de ne pas être rémunérée par M. [N], elle demande à lui parler, précisant " je ne peux pas ! [X] n'est pas un manager ", son interlocuteur lui répondant : " [X] est le directeur général de l'entreprise et vous devez lui parler de toute question. "

Dans une attestation du 30 août 2019, M. [S] explique qu'il a été un des actionnaires de la société Jean d'Estrées jusqu'à mi-juillet 2019, qu'il a reçu entre juillet et septembre 2018 quelques emails de Mme [K] se plaignant de son travail, lesquels contenaient des formulations inappropriées au sujet de M. [N], précisant : " j'étais en état de choc de voir comment une employée se comporte avec son patron et j'étais aussi très déçu de sa relation. Son manque de respect envers son manager est une chose qui ne peut arriver dans une entreprise. Elle ne peut pas aller voir l'actionnaire et parler comme ça à son directeur général. Je lui ai répondu que M. [N] était son directeur général et qu'elle devait résoudre le problème avec lui. "

Ce témoignage est corroboré par l'échange de courriels du 6 septembre 2018 précédemment visé et n'est pas remis en cause par les éléments de la procédure et notamment les attestations communiquées par la salariée rédigées par des clientes qui font l'éloge de son travail, mais n'ont pas été témoin de ses relations avec M. [N].

Il en résulte que le grief de dénigrement à l'égard du directeur général est établi.

Sur l'attitude négligente de Mme [K] vis-à-vis des clients et fournisseurs:

Aux termes d'un courrier non daté, Mme [D] [SN], directrice de la société FUN4SKIN sise aux Pays-Bas, explique avoir travaillé avec plusieurs formatrices, ne pas avoir été satisfaite à l'idée d'avoir Mme [K] précisant qu'elle était certes très compétente sur le plan technique, mais qu'elle ne donnait pas satisfaction s'agissant " de la présentation et des discussions avec les clients ", relevant que les clients néerlandais sont très directs et veulent " un lien fort entre technique et commercial ", et qu'un manque de compétence a été constaté dans ce domaine.

Mme [H] [IA], gérante de la société CBP et cliente de la société Jean d'Estrées, indique, dans une attestation non datée, que Mme [K] " est arrivée dans son centre esthétique à [Localité 6] pour dispenser une formation avec plus de 15 mn de retard ", qu'elle " n'avait aucun produit pour faire pratiquer les esthéticiennes ", qu'il a fallu " prendre dans le stock du centre ", qu'elle n'a pas respecté les protocoles de soins, ne montrant pas à

" l'esthéticienne toutes les étapes du soin, ainsi que le modelage du visage ". Elle ajoute que Mme [K] n'étant pas une de ses salariés, elle n'a pas fait de remarque, mais a appelé Mme [T] [U] pour la tenir informée de son mécontentement et préciser qu'elle ne voulait plus que Mme [K] fasse de formations dans ses centres.

De même, Mme [PZ] [C], Spa Manager du spa " La vie est Belle " à [Localité 5] explique, dans une attestation du 13 septembre 2019, qu'elle travaille depuis 2011 avec la société Jean d'Estrées, qui fournit son Spa en produits cosmétiques, que pour la mise en place des protocoles de soins, ont été mises en place plusieurs formations pour ses équipes sur site et au siège à [Localité 6], que plusieurs formatrices sont intervenues parmi lesquelles Mme [K] qui était " plus en dilettante, arrivant en retard, sans préparation et ne maîtrisant pas les protocoles de la marque ", " ne pouvait pas répondre aux questions posées par [ses] praticiennes sur certains points précis des soins ", " n'acceptait pas la comparaison avec ses collègues formatrices ", et " n'avait pas de produits avec elle pour la réalisation des soins. "

Mme [T] [U], formatrice au sein de la société Jean d'Estrées, indique effectivement, dans une attestation du 1er septembre 2019, que " plusieurs dépositaires [instituts] se sont plaints auprès d'elle de retards récurrents de Mme [K] ".

Contrairement à ce qu'indique la salariée, le courriel du 5 novembre 2015 aux termes duquel elle est félicitée pour " le superbe training " fait en Hollande "la semaine dernière" n'a pas été adressé par Mme [SN], mais par Mme [G] [R] . Par ailleurs, il ne permet pas d'établir qu'elle ne serait intervenue qu'une seule fois dans les établissements gérés par Mme [SN].

De même, le courriel adressé le 20 mars 2015 par Mme [K] à M. [A] [UC], responsable régional Nord/ Normandie au sein de la société Jean d'Estrées ne fait que relater la formation qu'elle a dispensée à cette époque au sein du spa " La vie est Belle ", mais ne démontre ni que la salariée ne serait intervenue qu'une seule fois, ni qu'elle aurait donné entière satisfaction.

Quoiqu'il en soit, l'attestation de Mme [U] corrobore les déclarations de Mme [SN], de Mme [IA] et de Mme [C] soulignant leur insatisfaction, au moins partielle, des prestations accomplies par la salariée.

Même si les quatre attestations de clientes versées aux débats par Mme [K] mettent en exergue ses qualités professionnelles, il n'en demeure pas moins que les éléments communiqués aux débats par la société Jean d'Estrées révèlent qu'à l'inverse, elle s'est montrée négligente dans le cadre de prestations fournies à d'autres clients.

Il doit ainsi être considéré qu'outre le grief relatif au dénigrement du directeur général de la société, celui relatif à l'attitude négligente de la salariée à l'égard de certains clients est démontré.

Toutefois, si ceux-ci constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement, ils ne sont pas démontrés par l'employeur comme ayant rendu impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise, de sorte que la faute grave n'est pas établie.

En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a alloué à la salariée les sommes, non critiquées dans leur montant, de 3 217,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 5 718 euros à titre d'indemnité de préavis et de 571,80 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non règlement des salaires:

Mme [K] demande l'allocation d'une somme de 3 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice lié au non-paiement des salaires dus par l'employeur.

Toute demande d'indemnisation suppose, pour être accueillie, la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.

La salariée ne démontrant pas avoir subi un préjudice distinct de celui indemnisé par l'allocation de droit d'intérêts de retard sur les différentes sommes que l'employeur est condamné à lui payer, il convient de la débouter de sa demande de ce chef, par confirmation du jugement.

Sur les intérêts:

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et R.1452-5 du code du travail, les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, courent sur les créances de sommes d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi (rappels de salaire, indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, indemnité de licenciement) à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, sur les créances indemnitaires confirmées à compter du jugement de première instance et sur les autres sommes à compter du présent arrêt.

Sur la demande de transmission du jugement au procureur de la République:

L'appelante, soutenant que le témoignage de Mme [W] [O] non daté et non signé est mensonger et constitutif d'un faux, demande à la cour de transmettre la décision à intervenir au procureur de la République sur le fondement de l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, précisant que les premiers juges ont omis de statuer sur ce point.

Elle soutient qu'il s'agit d'un faux, car le témoin était absent de l'entreprise au moment des faits qu'elle relate et que l'absence de date et signature sur le document critiqué ne permet pas de dire qu'il émane effectivement du témoin.

Il appartient à l'appelante de régulariser une plainte auprès du procureur de la République, si elle l'estime opportun.

Si le jugement déféré ne répond pas à cette demande dans ses motifs, en revanche il déboute Mme [K] du surplus de ses demandes dans son dispositif, ce qui inclut la demande de transmission de la décision, de sorte que le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la demande pour procédure abusive et au titre de l'amende civile:

La salariée obtenant partiellement gain de cause, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de ses demandes pour procédure abusive et au titre de l'amende civile.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

L'employeur succombant, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Eu égard à la solution du litige, la société Jean d'Estrées sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la salariée la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [DE] [K] de ses demandes à titre de congés payés relatifs, d'une part, à la somme de 1 208,48 euros allouée au titre du maintien du salaire pendant la maladie , d'autre part, à la somme de 519,92 euros au titre du treizième mois de salaire et de ses demandes au titre de la prime d'ancienneté,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Jean d'Estrées à payer à Mme [DE] [K] les sommes de :

- 120,84 euros au titre des congés payés afférant à la somme de 1 208,48 euros allouée au titre du maintien du salaire pendant la maladie,

- 51,99 euros au titre des congés payés afférant à la somme de 519,92 euros allouée au titre du treizième mois de salaire,

- 618,92 euros à titre de prime d'ancienneté,

- 61,89 euros au titre des congés payés y afférents,

CONFIRME le jugement pour le surplus et y ajoutant,

DIT que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, sont dus à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances de sommes d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi, à compter du jugement de première instance pour les sommes indemnitaires confirmées et à compter du présent arrêt pour le surplus,

CONDAMNE la société Jean d'Estrées à payer à Mme [DE] [K] 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Jean d'Estrées aux dépens d'appel,

REJETTE les autres demandes des parties.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 20/07711
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;20.07711 ?
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