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30/05/2024 | FRANCE | N°18/10103

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 30 mai 2024, 18/10103


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 30 MAI 2024



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10103 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5XG4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 janvier 2018 - Tribunal d'Instance du RAINCY - RG n° 11-17-001306





APPELANTE



La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simpli

fiée, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Localité 5]



représentée par ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 30 MAI 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10103 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5XG4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 janvier 2018 - Tribunal d'Instance du RAINCY - RG n° 11-17-001306

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l'audience par Me Nathalie FEERTCHAK de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [L] [N]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 7] (93)

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par Me Céline NETTHAVONGS de l'AARPI RABIER & NETHAVONGS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1075

Madame [P] [F] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 8] (94)

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Céline NETTHAVONGS de l'AARPI RABIER & NETHAVONGS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1075

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 5 novembre 2011, la société Sogefinancement a consenti à M. [L] [N] et à Mme [P] [F], épouse [N] un prêt personnel d'un montant de 28 000 euros, remboursable en 84 mensualités de 430,85 euros, hors assurance, moyennant un taux débiteur annuel fixe de 7,60 %.

Le 20 octobre 2015, les parties sont convenues à compter du 12 novembre 2015 d'un réaménagement de la dette d'un montant de 15 362,90 euros, remboursable en 83 mensualités de 258,54 euros à compter de la mensualité du 12 décembre 2015.

Saisi par la société Sogefinancement d'une action tendant principalement à la condamnation de M. et Mme [N] au paiement du solde restant dû, le tribunal d'instance du Raincy, par un jugement contradictoire rendu le 25 janvier 2018, a :

- déclaré l'action en paiement recevable,

- prononcé la nullité du contrat conclu le 5 novembre 2011 entre les parties,

- écarté l'application des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier,

- condamné M. et Mme [N] à payer à la société Sogefinancement la somme de 1 309,65 euros au titre du contrat de prêt, et dit que cette somme ne produira aucun intérêt,

- rappelé qu'en application de l'article L. 3l1-48 devenu L. 34l-8 du code de la consommation, les intérêts réglés à tort par M. et Mme [N] produisent intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement et viennent en déduction de la somme due au prêteur,

- dit que la somme due par M. et Mme [N] sera en conséquence réduite du montant des intérêts au taux légal sur les intérêts perçus par le prêteur à compter du jour de leur versement, à charge pour la société de procéder à ce calcul avant mise à exécution de la présente décision,

- accordé un délai de paiement à M. et Mme [N] qui devront payer la dette en six mensualités de 200 euros et une dernière mensualité constituée du solde de la dette, à défaut de quoi l'intégralité des sommes restant dues deviendrait immédiatement exigible,

- débouté la société Sogefinancement du surplus de ses prétentions et notamment de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [N] aux dépens.

Après avoir vérifié la recevabilité de l'action, le tribunal a soulevé d'office le moyen tiré de la violation de l'article L. 312-25 du code de la consommation et a retenu que les fonds ayant été versés aux emprunteurs moins de sept jours après l'acceptation de l'offre de prêt, le contrat devait être annulé en application de l'article 6 du code civil.

Par une déclaration en date du 24 mai 2018, la société Sogefinancement a relevé appel de cette décision.

Après avoir recueilli les observations des parties et l'avis du ministère public, la présente cour par un arrêt rendu le 1er juillet 2021 a adressé à la Cour de cassation une demande d'avis sur les deux questions suivantes :

- au regard des articles L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, 6 du code civil, L. 110-4 du code de commerce et de la lecture par la Cour de justice de l'Union européenne de la directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative au rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen, le juge peut-il soulever d'office la nullité d'un contrat de crédit à la consommation, notamment en application de l'article L. 312-25 du code de la consommation, au-delà de l'expiration du délai quinquennal de prescription opposable à une partie '

- au regard des articles L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, 6 du code civil, L. 110-4 du code de commerce, 4 et 5 du code de procédure civile et de la lecture par la Cour de justice de l'Union européenne de la directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative au rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen, le juge peut-il prononcer la nullité d'un contrat de crédit à la consommation, notamment en application de l'article L. 312-25 du code de la consommation, en l'absence de toute demande d'annulation émanant de l'une des parties '

Le 21 octobre 2021, la Cour de cassation a émis l'avis que les questions devaient être soumises par la juridiction saisie du litige à la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Par arrêt en date du 16 décembre 2021, la présente cour a, à la suite de l'avis de la Cour de cassation et au visa de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ordonné le renvoi de l'affaire et des parties devant la Cour de justice de l'Union européenne à laquelle sont soumises les questions préjudicielles suivantes :

1. Le principe d'effectivité de la sanction ressortant de l'article 23 de la directive 2008/48/CE, s'oppose-t-il, au regard des principes de sécurité juridique et d'autonomie procédurale des Etats, à ce que le juge ne puisse soulever d'office une disposition de droit interne issue de l'article 14 de la directive précitée et sanctionnée en droit interne par la nullité du contrat, au-delà du délai quinquennal de prescription ouvert au consommateur pour demander par voie d'action ou par voie d'exception la nullité du contrat de crédit '

2. Le principe d'effectivité de la sanction ressortant de l'article 23 de la directive 2008/48/CE, s'oppose-t-il, au regard des principes de sécurité juridique et d'autonomie procédurale des Etats et du principe dispositif, à ce que le juge ne puisse prononcer la nullité du contrat de crédit, après avoir soulevé d'office une disposition de droit interne issue de l'article 14 de la directive précitée, sans que le consommateur ait demandé ou à tout le moins acquiescé à une telle annulation '

Par arrêt en date du 9 mars 2023, la troisième chambre de la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit que : "L'article 14 paragraphe 7 de la directive 2008/48/ CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens que les règles procédurales nationales régissant le relevé d'office et la sanction, par le juge national, la violation, par le prêteur, d'une disposition nationale qui prévoit un délai pendant lequel l'exécution du contrat de crédit ne peut commencer ne relèvent pas du champ d'application de ces directives".

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives remises le 18 septembre 2023, l'appelante demande à la cour :

- d'annuler le jugement au vu de l'excès de pouvoir ou, à tout le moins, d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- de déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [N] et à tout le moins de les rejeter,

- statuant à nouveau,

- de déclarer irrecevable le moyen tiré de la nullité du contrat, subsidiairement de le rejeter,

- de déclarer irrecevable la demande des emprunteurs tendant à la déchéance du droit aux intérêts contractuels ; de dire à tout le moins qu'elle n'est pas fondée ; de les en débouter,

- de constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement, de prononcer la résiliation du contrat de prêt au titre des manquements de l'emprunteur à son obligation de rembourser les échéances du crédit et de fixer la date des effets de la résiliation au 8 décembre 2016,

- de condamner solidairement M. et Mme [N] à lui payer la somme de 13 974,41 euros outre intérêts au taux contractuel de 7,60 % l'an à compter du 31 juillet 2018, en deniers ou quittances valables pour les règlements effectués postérieurement au 30 juillet 2018, en remboursement du crédit n° 34196748759,

- subsidiairement, en cas de nullité du contrat, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 28 000 euros, au titre de la restitution du capital prêté, outre les intérêts au taux légal et de dire qu'ils restent tenus de lui payer la somme de 517,40 euros outre les intérêts au taux légal,

- subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, de condamner in solidum M. et Mme [N] à lui payer la somme de 2 504,36 euros outre intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017,

- de débouter M. et Mme [N] de leur demande de délais supplémentaires, subsidiairement, en cas de délais, de déclarer immédiatement exigible la créance en cas de non-respect d'une seule des échéances,

- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens avec distraction au profit de la SELARL Cloix et Mendès-Gil en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions fondées sur les dispositions des articles L. 311-14 et R. 632-1 du code de la consommation dans leur version applicable en la cause, l'appelante soutient que le premier juge a excédé son office en prononçant d'office la nullité du contrat, seul le consommateur pouvant se prévaloir de la nullité du contrat.

Elle fait valoir que les dispositions en cause sont soumises à un ordre public de protection, de sorte que le consommateur pouvait les confirmer, et, par ailleurs, que la nullité du contrat ne pouvait être soulevée au-delà du délai de prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce.

Elle ajoute que le premier juge ne pouvait d'office prononcer la nullité du contrat sauf à violer la règle de l'indisponibilité du litige comme la présente cour l'a déjà jugé, et ne pouvait introduire ou formuler aux lieu et place des parties une prétention non formulée en application de l'article 5 du code de procédure civile.

Elle invoque également la prescription quinquennale du moyen soulevé par le tribunal relatif à la déchéance du droit aux intérêts contractuels par application de l'article 1304 du code civil, débutant à la date de conclusion du contrat et non à compter de la date de saisine de la première juridiction comme le soutiennent les intimés, et s'étant achevée le 5 novembre 2016, alors que le tribunal a soulevé le moyen le 23 novembre 2017.

Elle estime que le moyen dont il est question n'est pas un simple moyen de défense au fond mais une demande reconventionnelle formée par le juge et donc soumise à la prescription quinquennale.

Elle relève par ailleurs que le délai de sept jours pour le déblocage des fonds a bien été respecté et elle dénonce une confusion entre la procédure interne de "déblocage" des fonds et leur versement effectif aux emprunteurs ; elle note que la date du 7 novembre 2021 est la date à laquelle elle a initié le processus de déblocage des fonds et que les emprunteurs ne justifient pas de la date à laquelle ils ont perçu effectivement les fonds.

Par leurs conclusions déposées par RPVA le 29 octobre 2018, M. et Mme [N] demandent à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel sauf en ce qu'il a fixé la créance de la société Sogefinancement à la somme en principal de 1 309,65 euros,

- statuant à nouveau,

- de les condamner à payer solidairement à la société appelante la somme en principal de 517,40 euros, majorée des intérêts au taux légal courus à compter de la signification du présent arrêt,

- subsidiairement,

- d'ordonner la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au préjudice de la société Sogefinancement,

- de leur octroyer les plus larges délais de paiement pour apurer leur dette,

- en tout état de cause,

- de débouter la société Sogefinancement de ses demandes,

- de la condamner à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés font valoir que le caractère d'ordre public des dispositions applicables justifie que le premier juge ait soulevé d'office la nullité du contrat en application de l'article L. 141-4 du code de la consommation. Sous le visa de l'article 2224 du code civil, ils font également valoir que le délai de la prescription quinquennale de la demande de nullité ne court pas à compter de la date de la souscription du contrat mais à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action, ici l'audience devant le premier juge.

Ils soutiennent que l'appelante n'a pas respecté le délai de sept jours, prévu par l'article L. 311-14 du code de la consommation dans sa version applicable en la cause, pour procéder au déblocage des fonds et s'étonnent que la banque ne justifie pas de la date du virement du capital emprunté.

Ils font plaider que la suppression des intérêts est justifiée au regard de l'article 1343-5 du code civil et ils relèvent une erreur dans le calcul par le premier juge de la somme restant à leur charge l'estimant à 517,40 euros.

Enfin, ils sollicitent l'octroi de délais de paiement au regard de leur situation pécuniaire précaire.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024 et l'affaire appelée à l'audience du 5 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour observe que les époux [N] sollicitent la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque dans l'éventualité où la cour réformerait le jugement de première instance mais sans articuler aucun moyen à l'appui de cette demande ni viser un article du code de la consommation excepté celui général de l'article L. 311-48 du code de la consommation en vigueur à l'époque de la conclusion du contrat.

Dès lors, ce moyen ne sera pas examiné.

Sur la demande d'annulation du jugement

Le premier juge a indiqué qu'à l'audience du 23 novembre 2017, la société Sogefinancement représentée par son conseil, avait sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance, que la forclusion, la régularité de l'offre et les moyens relevés d'office tirés du respect par le prêteur de ses obligations, avaient été mis dans le débat d'office, la demanderesse indiquant que le dossier de prêt était complet, l'offre régulière et la forclusion non encourue. Il a aussi précisé que M. et Mme [N] étaient présents, n'avaient pas contesté le principe de la dette ajoutant que des versements postérieurs à la déchéance du terme avaient eu lieu auprès de l'étude d'huissiers et qu'ils sollicitaient l'octroi de délais de paiement.

Aux termes de son jugement, le tribunal a prononcé d'office la nullité du contrat de prêt, au motif que la société Sogefinancement n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 312-25 du code de la consommation (article L. 311-14 dans sa rédaction antérieure au 1er juillet 2016) afférent au délai de déblocage des fonds de 7 jours.

La société Sogefinancement soutient que le premier juge ne pouvait soulever une nullité non sollicitée par les débiteurs.

La cour observe que devant le premier juge, la question de la nullité du contrat n'a pas été expressément mise dans le débat, seules la forclusion et la question "des moyens relevés d'office tirés du respect par le prêteur des obligations édictées par le code de la consommation" l'ayant été. Force est de constater que cette question de la date de déblocage des fonds n'a pas été évoquée par le juge avant qu'il ne prononce la nullité d'office du contrat, que la banque n'a pas eu l'occasion d'indiquer si les délais légaux avaient été respectés et que M. et Mme [N] n'ont formé aucune demande reconventionnelle en nullité du contrat.

Il convient de rappeler que suite à la question préjudicielle dont elle avait été saisie, la Cour de Justice de l'Union Européenne a, le 9 mars 2023 indiqué que la disposition interne de droit français prévoyant un délai de 7 jours pendant lequel l'exécution du contrat de crédit ne peut commencer, ne résultait pas de la transposition de la Directive, qui ne prévoit pas un tel délai d'indisponibilité des fonds.

Il en résulte que seules les dispositions de droit interne doivent trouver à s'appliquer.

La Cour de cassation a admis (Civ. 1e, 22 janvier 2009, n° 03-11775) que la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-17 du code de la consommation devenu L. 311-14 est sanctionnée non seulement pénalement mais également par la nullité du contrat de crédit en vertu de l'article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l'emprunteur du capital prêté.

Elle a également admis dans ce même arrêt que cette disposition pouvait être soulevée d'office.

Il convient d'observer qu'à cette époque, ce délai de 7 jours recouvrait exactement le délai de rétractation de 7 jours de l'article L. 311-15 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, ce qui n'est plus le cas depuis la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation qui a porté ce délai à 14 jours sans augmenter cette période d'interdiction.

La Cour de cassation a d'ailleurs considéré dans ses arrêts de transmission de la question préjudicielle susvisée que ce point n'était pas acquis, que la détermination par les parties de l'objet du litige était une règle fondamentale du procès civil et une garantie pour les parties, qu'il pouvait néanmoins être soutenu qu'il paraît possible d'appliquer d'office des sanctions dans l'intérêt du consommateur pour faire échec à une demande du prêteur, à la condition toutefois que le consommateur ne s'y oppose pas.

Or, la nullité fondée sur l'article 6 du code civil a un caractère relatif destiné à la seule protection de l'emprunteur qui peut choisir ou non de s'en prévaloir, étant observé que l'annulation d'un contrat qui remet les parties en leur état antérieur n'est pas de même nature qu'une déchéance du droit aux intérêts qui conduit seulement à la perte des intérêts contractuels voire légaux pour la banque. L'annulation du contrat va nécessairement rendre le capital immédiatement exigible tandis que la déchéance du droit aux intérêts va laisser subsister le contrat en l'état et ne porter que sur les intérêts. Le fait qu'en pratique, la question se pose principalement lorsque la banque sollicite le solde du prêt et aboutisse dans les deux cas à voir réduire sa créance ne saurait dissimuler cette différence de régime, et ce d'autant que la question de la régularité de la déchéance du terme se pose avec beaucoup d'acuité et que l'enjeu d'une annulation soulevée d'office alors même que la déchéance du terme n'aurait pas été considérée comme régulière changerait fondamentalement la situation du débiteur qui se verrait alors du seul fait de la nullité soulevée d'office qu'il n'aurait pas sollicitée, réclamer tout le capital restant dû, sauf au juge à ne soulever d'office qu'en fonction du résultat qu'il souhaite atteindre ce qui dépasse largement son office.

Dès lors, le premier juge ne pouvait sans méconnaître les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile modifier l'objet du litige et soulever une nullité non sollicitée par les débiteurs, au demeurant présents, ni avoir invité les parties à s'exprimer sur ce point.

Le jugement doit en conséquence être annulé.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 5 novembre 2011 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Aucune demande reconventionnelle d'annulation n'est formée par M. et Mme [N] qui se bornent à conclure à la confirmation du jugement lequel est annulé et ne peut donc être confirmé et subsidiairement à l'octroi de délais de paiement. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

Sur la forclusion

L'article L. 311-52 du code de la consommation, applicable à la date du contrat (devenu R. 312-35), dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

Il précise que lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 331-7 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L. 331-7-1.

Constitue un réaménagement et/ou un rééchelonnement au sens de ce texte, le contrat qui a pour seul objet de réaménager les modalités de remboursement d'une somme antérieurement prêtée, pour permettre, par l'allongement de la période de remboursement et l'abaissement du montant de l'échéance mensuelle, d'apurer le passif échu, pour autant qu'il ne se substitue pas au contrat de crédit initial dont la déchéance du terme n'a pas été prononcée, qu'il n'en modifie pas les caractéristiques principales telles le montant initial du prêt et le taux d'intérêts et qu'il porte sur l'intégralité des sommes restant dues à la date de sa conclusion.

En application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office, même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur, que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

En l'espèce, le contrat a été réaménagé par avenant en date du 20 octobre 2015 lequel prévoyait que les échéances réduites à 258,54 euros devaient être reprises à compter du 12 décembre 2015.

L'historique de compte montre que dix prélèvements ont honorés fixant la date du premier impayé non régularisé au mois d'octobre 2016.

Dès lors qu'elle a introduit son action par acte du 26 juillet 2017, soit dans le délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé, la banque doit être déclarée recevable en son action.

Sur la déchéance du terme

En application de l'article L. 311-24 du code de la consommation (devenu L. 312-39) en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 (devenus l'article 1231-5 du code civil), est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L'article D. 311-6 devenu D. 312-16 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance. Aucune autre pénalité notamment de retard ne peut être exigée par le prêteur.

En l'espèce, la société Sogefinancement produit en outre l'offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, l'avenant de réaménagement, l'historique de prêt, les tableaux d'amortissement, la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, la fiche de dialogue revenus et charges, le justificatif pour chaque époux de la consultation du fichier des incidents de paiement du 28 octobre 2011 soit avant la date de déblocage des fonds, la notice d'assurance, et la fiche de conseil en assurance, une mise en demeure du 15 décembre 2016 et une du 6 mars 2017 enjoignant respectivement à M. et Mme [N] de régler l'échéance de crédit impayée, le capital restant dû non échu à la date de l'échéance, la pénalité légale, les intérêts de retard ou à échoir et les intérêts, soit le solde du crédit, et un décompte de créance.

Ces courriers doivent, par leur demande de régler l'intégralité du crédit, être considérés comme des déchéances du terme et non comme des mises en demeure préalables.

Il en résulte que la société Sogefinancement ne se prévaut pas de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues puisque la clause de déchéance du terme n'a pu jouer et que la cour ne peut donc constater son acquisition.

Il y a donc lieu d'examiner la demande subsidiaire tendant au prononcé de la résiliation.

En application de l'article 1184 du code civil, dans sa version applicable au contrat, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfait pas à son engagement.

Si les conditions posées par le contrat n'ont pas été respectées, empêchant la clause résolutoire de jouer et de produire ses effets de plein droit, rien n'interdit au créancier de demander en justice le terme du contrat.

En l'espèce, M. et Mme [N] n'ont pas respecté leur engagement à partir du mois d'octobre 2016, de régler les mensualités d'un montant réduit à la suite du réaménagement du contrat et en les assignant le 26 juillet 2017 en paiement du solde du prêt après déchéance du terme, la banque a manifesté clairement sa volonté de ne pas poursuivre le contrat alors que celui-ci n'était pas arrivé à son terme juridique.

Dès lors, leur inexécution est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat à compter du présent arrêt.

Sur les sommes dues

Au vu de la résolution prononcée, il y a lieu de condamner solidairement M. et Mme [N] au paiement des sommes dues, au vu du décompte actualisé au 30 juillet 2018 prenant en considération les versements entre le 14 janvier 2017 et le 6 juin 2018, soit :

- 773, 88 euros au titre de l'échéance de crédit impayée,

- 13 422, 12 euros au titre du capital restant dû non échu à la date de l'échéance,

- 16, 45 euros au titre des intérêts de retard,

- 1 752, 54 euros au titre des intérêts.

à déduire 3 100 euros versés après la déchéance du terme,

soit un total de 12 864,99 euros majorée des intérêts au taux de 7,60 % à compter du présent arrêt sur la seule somme de 12 848, 54 euros.

Elle est en outre fondée à obtenir une indemnité de résiliation de 8 % laquelle, sollicitée à hauteur de 1 109,42 euros, apparaît excessive d'autant que dans le cadre du réaménagement des indemnités de même nature ont déjà été prises en compte et doit être réduite à la somme de 150 euros et produire intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La cour condamne donc M. et Mme [N] solidairement à payer ces sommes à la société Sogefinancement.

Sur la demande de délais de paiement

M. et Mme [N] ne produisent aucune pièce sur leur situation actualisée mais uniquement sur l'année 2017. Leur demande de délais ne peut qu'être rejetée.

Sur les autres demandes

Les dépens du jugement annulé doivent être mis à la charge du trésor public.

M. et Mme [N] qui succombent doivent être condamnés in solidum aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SELARL Cloix et Mendès-Gil en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il apparaît équitable de laisser à la société Sogefinancement la charge de ses frais.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Annule le jugement du 25 janvier 2018 du tribunal d'instance du Raincy ;

Statuant à nouveau,

Déclare la société Sogefinancement recevable en son action ;

Condamne M. [L] [N] et Mme [P] [F] épouse [N] solidairement à payer à la société Sogefinancement les sommes de 12 864,99 euros majorée des intérêts au taux de 7,60 % à compter du présent arrêt sur la seule somme de 12 848,54 euros et de 150 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt au titre de l'indemnité de résiliation ;

Rejette la demande de délais de paiement ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Met les dépens du jugement annulé à la charge du trésor public ;

Condamne M. [L] [N] et Mme [P] [F] épouse [N] in solidum aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SELARL Cloix et Mendès-Gil en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 18/10103
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;18.10103 ?
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