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23/05/2024 | FRANCE | N°23/04732

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 23 mai 2024, 23/04732


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 23 MAI 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/04732 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH54Z



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 octobre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Bobigny, infirmé partiellement par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 7 avril 2021, cassé et annulé partiellement p

ar un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 13 avril 2023.



DEMANDEUR À LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION



Mada...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 23 MAI 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/04732 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH54Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 octobre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Bobigny, infirmé partiellement par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 7 avril 2021, cassé et annulé partiellement par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 13 avril 2023.

DEMANDEUR À LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

Madame [X] [E]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

DÉFENDEURS À LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

Association GROUPE SOS SOLIDARITÉS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Arnaud DOUMENGE de la SELARL NERVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0131

ASSOCIATION INTERCOMMUNALE DE PARENTS D'ENFANTS INADAPTÉS (AIPEI)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Arnaud DOUMENGE de la SELARL NERVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0131

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sandrine MOISAN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Monsieur Didier MALINOSKY, magistrat honoraire juridictionnel, rédacteur

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [X] [E] a été engagée le 17 octobre 2011, par contrat à durée indéterminée, par l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés en qualité de directrice adjointe, au coefficient 850 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées et pour une rémunération de 3 179 euros.

Par avenant du 11 septembre 2012, elle a bénéficié d'un supplément de rémunération de 90 points pour assurer le remplacement du directeur de l'établissement lors de ses absences.

Les 26 juillet et 18 novembre 2013, Mme [E] a déposé deux plaintes contre X auprès du commissariat de police de [Localité 7] pour des faits d'intimidation et de menaces de mort, plaintes transmises au procureur de la République de Bobigny.

Elle a été en arrêt de travail du 17 décembre 2013 au 30 avril 2014 au titre d'accident du travail ou de maladie professionnelle, puis du 18 mai au 1er juin 2014.

Le 2 juin 2014, Mme [E] a bénéficié de sa première visite de reprise, le médecin du travail constatant d'une part, une inaptitude temporaire au poste et d'autre part, qu'une inaptitude définitive au poste est à prévoir, fixant la seconde visite au 19 juin 2014 avec une étude de poste à effectuer entre les deux visites.

Le 19 juin 2014, à l'issue de la seconde visite, le médecin du travail a rendu un avis définitif d'inaptitude au poste dans l'établissement de [Localité 7], 'la salariée pouvant occuper un emploi similaire dans un autre contexte relationnel et organisationnel'.

Par courrier recommandé du 7 juillet 2014, l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés a convoqué Mme [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 juillet 2014.

Par courrier recommandé du 23 juillet 2014, elle lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et dénonçant des faits de harcèlement moral, Mme [E] a saisi le 3 décembre 2014 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 31 octobre 2018, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, a débouté l'Association intercommunale des parents d'enfants inadaptés de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la demanderesse aux éventuels dépens de l'instance.

Par déclaration du 26 novembre 2018, Mme [E] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 7 avril 2021, la cour d'appel de Paris a :

- constaté l'intervention volontaire de l'Association groupe SOS solidarités,

- infirmé le jugement du 26 novembre 2018 en ce qu'il rejette les demandes de Mme [E] en paiement de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, et de dommages-intérêts au titre des repos compensateurs et les demandes relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse,

statuant à nouveau sur ces chefs :

- condamné l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés à payer à Mme [E] les sommes de :

- 4 368 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour 2011,

- 436,80 euros au titre des congés payés afférents,

- 17 108 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour 2012,

- 1 710,80 euros au titre des congés payés afférents,

- 14 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du repos compensateur 2012,

- 17 108 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour 2013,

- 1 710,80 euros au titre des congés payés afférents,

- 14 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du repos compensateur 2013,

- 4 004 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour 2014,

- 400,40 euros au titre des congés payés afférents,

- 8 926,06 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 892,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 29 100 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé de l' arrêt pour les sommes de nature indemnitaire, avec capitalisation des intérêts,

y ajoutant,

- rejeté les demandes de l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés et de l'Association Groupe SOS Solidarités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés à payer à Mme [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés aux dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour la société BDL Avocats.

Le 7 juin 2021, l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés s'est pourvue en cassation.

Par arrêt du 13 avril 2023 (pourvoi n°Z 21-17.678), la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 7 avril 2021, mais seulement en ce qu'il a déclaré le licenciement de Mme [E] sans cause réelle et sérieuse et condamné l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés à payer à la salariée les sommes de 8 926,06 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 892,60 euros de congés payés afférents et de 29 100 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Par déclaration de saisine du 12 juillet 2023, Mme [E] a saisi la cour d'appel de Paris suite au renvoi de cassation.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 septembre 2023, Mme [E] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses appel, demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 31 octobre 2018 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en paiement de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

statuant à nouveau,

- requalifier le licenciement pour inaptitude de Mme [E] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner solidairement l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés et le Groupe SOS solidarités aux sommes suivantes :

- 53 556,36 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8 926,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 892,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l'introduction de la demande au titre de l'article 1154 du code civil.

Dans leurs dernières conclusions communes communiquées par voie électronique le 31 octobre 2023, l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés et le Groupe SOS Solidarités demandent à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que :

* l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de Mme [E] et de l'ensemble des personnels de l'établissement concernant le risque de harcèlement moral,

* l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés n'a pas manqué à son obligation de sécurité,

* le licenciement pour inaptitude de Mme [E] repose sur une cause réelle et sérieuse,

-débouter Mme [E] des demandes suivantes :

- 53 556,36 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8 926,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 892,60 euros au titre des congés payés afférents,

en tout état de cause :

-débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes,

-débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de l'association Groupe SOS Solidarités,

-condamner Mme [E] au paiement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'audience de plaidoiries a eu lieu le 8 mars 2024.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, il est fait référence à leurs conclusions par application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la portée de la cassation:

L'article 624 du code de procédure civile dispose que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

L'article 625 du même code dispose que, sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement ou l'arrêt cassé.

Elle entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. (...)

En l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 avril 2021 a été cassé aux motifs :

'Vu l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile :

8. Aux termes de ce texte, les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

9. Pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de la salariée, l'arrêt énonce que celle-ci soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation de reclassement, et retient, après analyse des pièces du dossier, que l'employeur n'établit pas avoir proposé à la salariée tous les postes disponibles et compatibles avec les préconisations du médecin du travail, y compris des postes de moindre qualification, et qu'il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif aux manquements à l'obligation de sécurité, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

10. En statuant ainsi, alors que si la salariée avait effectivement, au soutien du mal-fondé de son licenciement, invoqué dans ses conclusions signifiées le 19 février 2019, en sus de sa critique de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, ce manquement de l'employeur à son obligation de lui rechercher un reclassement, elle n'avait pas repris ce dernier moyen dans ses dernières conclusions signifiées le 9 février 2021 et était donc réputée l'avoir abandonné, la cour d'appel a violé le texte susvisé.'

Ainsi, il appartient à la cour de renvoi de statuer à nouveau sur la qualification du licenciement et, le cas échéant, sur ses conséquences financières.

Sur le respect de l'obligation de sécurité et de santé :

Mme [E] soutient que l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés n'a pas respecté son obligation de sécurité à son égard. Elle affirme avoir été victime de harcèlement moral, principalement sous la forme de lettres de menaces anonymes, et reproche à l'association de ne pas avoir pris les mesures nécessaires afin de faire cesser les agissements à son encontre.

Mme [E] prétend que les manquements de l'association à son obligation de sécurité ont fortement dégradé son état de santé, conduisant à son inaptitude pour motif professionnel.

L'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés soutient avoir pleinement respecté son obligation de sécurité à l'égard de Mme [E]; elle affirme notamment l'avoir accompagnée dans toutes ses démarches pénales, avoir alerté l'inspection du travail et affiché des notes d'information à destination du personnel. En outre, l'association soutient que la salariée n'apporte pas la preuve d'un lien de causalité entre les faits reprochés et son inaptitude.

Le Groupe SOS Solidarités, intervenant volontaire, soutient que la gestion de l'établissement lui a été transférée près de six ans après le départ de Mme [E], aucune faute ne pouvant ainsi lui être reprochée à ce titre.

Sur ce,

L'article L.4121-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L.4121-2 du même code, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L. 1152-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'article L.4121-3 du même code, dans sa version en vigueur jusqu'au 06 août 2014, dispose que l'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

Il est constant qu'en matière d'obligation de sécurité et de santé physique et mentale, l'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant qu'il a pris toutes les mesures de prévention nécessaires pour éviter le dommage subi par la salariée.

L'évaluation des risques liés à la nature de l'établissement est formalisée dans un document unique.

Ce document doit être réévalué chaque année ou à chaque fois qu'une situation modifie les conditions de santé et de sécurité; il est tenu à la disposition tant de la représentation du personnel que des salariés par affichage pour ces derniers.

En l'espèce, la cour relève qu'entre le 20 juillet 2013 et le 14 novembre 2013, Mme [E] a fait l'objet de sept courriers d'intimidations ou menaces, y compris de mort, qu'elle a procédé, d'une part, à deux dépôts de plainte, suivis de plusieurs compléments de plainte, auprès du commissariat de police de son lieu de travail, et d'une plainte auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny.

La cour relève aussi que les procès-verbaux de plainte reprennent les menaces, notamment, dans ces termes :

- ' (...) Ça fait six mois qu'on vous surveille (...) Nous vous avertissons gare à vous SVP parce que nous connaissons vos habitudes, votre voiture couleur et marque, votre domicile et vos heures de services'.

- '(...) Vous étiez dans la liste d'attente mais pour des raisons encore plus fortes et qui touchent à la vie des salariés, notre option est celle de finir avec toi (...)'.

- ' (...) Tu es notre proie et tu ne vas pas t'échapper, à moins que tu démissionnes dans bref délai. En plus nous sommes convaincus que tu vas encore informer la police de notre menace mais cela ne servira à rien car finir avec toi. (...)' (lettre de menaces d'une association 'MAS APEI' dont l'adresse indiquée est à [Localité 8]).

- ' (...) Vous devez savoir que chaque chose à sa fin, nous vous conseillons de changer votre comportement envers vos salariés (ne faut pas prendre nos courriers à la léger). Sachez que tous les mercredis vous quittez votre domicile à 5 h ou 6 h, nous sommes du même quartier (...)'(lettre de menaces d'une association de salariés avec une adresse [Adresse 9]).

La cour relève, aussi, qu'à plusieurs occasions (cinq au moins), le véhicule de Mme [E] a été détérioré (pneus crevés), y compris sur le parking privatif de l'établissement.

Par ailleurs, la cour constate la concomitance entre les lettres de menaces en juillet et novembre 2013 et les arrêts de travail de Mme [E] de décembre 2013 à juin 2014 et les avis de la médecine du travail des visites de reprise des 13 janvier, 18 mars et 19 juin 2014 qui lient certaines affections de la salariée (eczéma) avec les faits de harcèlement subis.

En outre, la cour relève que le dernier document de prévention des risques établi le 23 février 2012 ne comporte aucune mention liée à d' éventuels faits de harcèlement moral et qu'il n'a pas été modifié suite aux lettres de menaces reçues par Mme [E].

Cependant, si l'association fait état d'un dépôt de plainte en soutien à Mme [E], elle n'en justifie pas, ne produisant que des communiqués lapidaires d'information des salariés, des représentants du personnel ou des organismes de tutelles sur les lettres de menaces reçues par sa directrice adjointe, sans qu'aucune enquête interne du CHSCT ne soit engagée, alors que l'association reconnaît l'existence de graves problèmes entre plusieurs salariés et Mme [E].

Au surplus, alors que la souffrance de la salariée est avérée tant par ses arrêts de travail que par les avis de son médecin traitant et du médecin du travail lors des différentes visites de reprise de 2013 et 2014, l'association a engagé des procédures disciplinaires à son encontre lors d'astreinte de remplacement du directeur, étant noté que le climat social dans l'association s'était dégradé fortement, une procédure de licenciement d'une représentante du personnel étant refusée par l'inspection du travail et de multiples faits mettant en cause la sécurité du personnel apparaissant (départ d'incendie, fugues ou blessures de résidents...) sans que la direction ne prenne de mesures efficaces, se limitant à sanctionner les salariés présents.

Enfin, la cour remarque que rapidement, le directeur de l'établissement n'a plus pris au sérieux la souffrance de Mme [E], affirmant, dès le 22 novembre 2013, dans un courriel au Président de l'association : 'Va t-on avoir besoin du commissaire [C] ''.

Par ailleurs, la cour relève le nombre important d'heures supplémentaires réalisées par Mme [E] et les multiples demandes de la direction pendant ses repos journaliers, hebdomadaires, y compris pendant ses congés payés par des appels, comme en justifient plusieurs attestations de salariés, au domicile de Mme [E] alors qu'elle avait repris son travail.

Ainsi, l'association ne peut valablement invoquer le respect de ses obligations de prévention des risques alors qu'elle n'a engagé aucune mesure nécessaire à la prévention de ceux-ci nés des lettres de menaces alors que lesdites lettres font directement référence à un comportement hypothétique de Mme [E] envers les salariés de l'association, que le ou les auteurs de ces courriers ont parfaitement connaissance de ses horaires de travail, de son planning et de son adresse personnelle et que plusieurs détériorations de son véhicule personnel ont eu lieu dans l'enceinte de l'établissement ; alors que les différentes actions dont elle se réclame (saisine de la médecine du travail, dépôts de plainte) ont été effectuées par la salariée, l'association ne démontre aucune enquête interne, ni aucune enquête du CHSCT, limitant son action à des informations des salariés ou des autorités de tutelles sans jamais soutenir sa directrice adjointe.

La situation concrète de Mme [E], établie tant par les lettres de menaces que les arrêts de travail, les avis médicaux de son médecin traitant et de la médecine du travail, démontre l'absence de mesures de prévention efficaces, ce qui a eu de profondes influences sur la dégradation de l'état de santé et sur la déclaration d'inaptitude à son poste de travail, étant rappelé que l'avis d'inaptitude indique une aptitude de la salariée à 'un emploi similaire dans un autre contexte relationnel et organisationnel' et qu'aucune modification du document d'évaluation des risques n' a eu lieu postérieurement aux lettres de menaces

- pour certaines adressées sur son lieu de travail -.

Ainsi, le licenciement de Mme [E], découlant de ces manquements de l'employeur, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières :

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

Ayant une ancienneté de plus de deux ans, Mme [E] est en droit de solliciter une indemnité de préavis de deux mois, outre les congés payés afférents, la cour retenant à ce titre un salaire de 4 463,03 euros.

Ainsi, il sera fait droit à sa demande d'une somme de 8 926,06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 892,60 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 24 septembre 2017, dispose que, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

Au regard des manquements de l'employeur à ses obligations de prévention et aux conséquences tant sur la santé que sur l'emploi de la salariée, Mme [E], justifiant de la signature d'un nouveau contrat de travail à compter du 20 juillet 2015, doit bénéficier d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à la somme de 29 100 euros.

Sur les autres demandes :

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, soit le 7 avril 2021, la capitalisation des intérêts étant ordonnée.

Les associations intimées, qui succombent à l'instance, seront condamnées aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [E] la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, mais aussi au titre de la première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt rendu par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement de première instance en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT le licenciement de Mme [X] [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés et l'Association Groupe SOS Solidarités à payer à Mme [X] [E] les sommes de :

- 8 926,06 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 892,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 29 100 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter du prononcé de l'arrêt du 7 avril 2021 pour les sommes de nature indemnitaire, avec capitalisation des intérêts,

REJETTE les demandes de l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés et de l'Association Groupe SOS Solidarités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés et l'Association Groupe SOS Solidarités à payer à Mme [X] [E] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE l'Association intercommunale de parents d'enfants inadaptés et l'Association Groupe SOS Solidarités aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 23/04732
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.04732 ?
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