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23/05/2024 | FRANCE | N°21/08569

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 23 mai 2024, 21/08569


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 23 MAI 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08569 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQA6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 20/00404





APPELANT



Monsieur [D] [Y] [L]

Demeurant [Adres

se 6]

[Localité 5]



Représenté par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188





INTIMÉES



SELAFA MJA prise en la personne de Maître [J] [R] en sa qual...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 23 MAI 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08569 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQA6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Septembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° 20/00404

APPELANT

Monsieur [D] [Y] [L]

Demeurant [Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188

INTIMÉES

SELAFA MJA prise en la personne de Maître [J] [R] en sa qualité de mandataire ad litem de la SAS NPE2

[Adresse 1]

[Localité 4]

N'ayant pas constitué avocat, assignation à personne morale le 27 décembre 2021

Association UNEDIC DELEGATION AGS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sandrine MOISAN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Monsieur Didier MALINOSKY, magistrat honoraire juridictionnel, rédacteur

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [L] a été engagé, sans contrat écrit, le 1er février 2014 par la société NPE2, exploitant un établissement de restauration rapide à l'enseigne 'Subway', en qualité d'employé polyvalent.

Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps complet, il a saisi le 21 octobre 2015 le conseil de prud'hommes de Bobigny.

Par jugement du 15 décembre 2015, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société NPE2 et désigné Maître [X] ès qualités de mandataire liquidateur.

Le 29 décembre 2015, Maître [X], ès qualités, a notifié à M. [L] son licenciement pour motif économique.

Par jugement du 28 décembre 2016, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de la société NPE2 pour insuffisance d'actif.

Par ordonnance du 17 octobre 2019, le président du tribunal de commerce de Bobigny a désigné la Selafa MJA, prise en la personne de Maître [R], en qualité de mandataire ad litem de la société NPE2.

Par jugement du 3 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny en sa formation de départage a :

- requalifié le contrat de travail à temps partiel de M. [L] avec la société NPE2 en contrat de travail à temps plein,

- prononcé la résiliation du contrat de travail de M. [L] avec la société NPE2 à la date du 29 décembre 2015,

- condamné la société NPE2, représentée par la Selafa MJA prise en la personne de Me [R], en sa qualité de mandataire ad litem, à payer à M. [L] les sommes de :

- 10 859,32 euros à titre de rappel de salaire,

- 1 085,93 euros au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal entre le 22 octobre et le 15 décembre 2015,

- 1 457,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 145,75 euros au titre des congés payés afférents,

- 583,02 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 457,55 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 277,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- déclaré la décision opposable à la délégation UNEDIC AGS CGEA IDF Est, étant rappelé que la somme totale de 10 427,70 euros a déjà été avancée au mandataire liquidateur,

- ordonné à la SELAFA MJA prise en la personne de Me [R] de remettre à M. [L] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au jugement,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société NPE2, représentée par la Selafa MJA prise en la personne de Me [R] en sa qualité de mandataire ad litem, aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 15 octobre 2021, M. [L] a interjeté appel de ce jugement.

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 21 décembre 2021, M. [L] demande à la cour de :

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 3 septembre 2021 en ce qu'il a :

- requalifié le contrat de travail à temps partiel de M. [L] avec la société NPE2 en contrat de travail à temps plein,

- prononcé la résiliation du contrat de travail de M. [L] avec la société NPE2 à la date du 29 décembre 2015,

- fait droit aux demandes de rappel de salaires et de congés payés afférents, d'indemnité compensatrice de congés payés, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 3 septembre 2021 en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu à fixer au passif de la société NPE2 et rendre opposable à l'AGS les sommes sollicitées assorties de l'intérêt au taux légal mais a condamné la société NPE2 au paiement des sommes sollicitées assorties de l'intérêt au taux légal,

- débouté M. [L] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, de ses demandes de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure et rupture abusive du contrat de travail,

- débouté M. [L] des demandes tendant à voir fixées au passif de la société NPE2 et rendues opposables à l'AGS les sommes suivantes, assorties de l'intérêt au taux légal :

- 10 859,32 euros à titre de rappel de salaire de février 2014 à décembre 2015,

- 1 085,93 euros au titre des congés payés afférents,

- 8 745,30 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 1 277,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 2 915,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 291,51 euros au titre des congés payés afférents,

- 583,02 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1 457,55 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,

- 8 745,30 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

statuant à nouveau,

-dire et juger que le salarié était lié à son employeur par un contrat de travail à temps plein et à tout le moins, prononcer la requalification de la relation de travail à temps partiel en relation de travail à temps plein,

-dire et juger le salarié recevable et bien fondé à solliciter des rappels de salaires pour les mois de février 2014 à décembre 2015 inclus,

-prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et lui faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

-fixer au passif de la SAS NPE2 et rendre opposable à l'AGS les sommes suivantes assorties de l'intérêt au taux légal :

- 10 859,32 euros à titre de rappel de salaire de février 2014 à décembre 2015,

- 1 085,93 euros au titre des congés payés afférents,

- 8 745,30 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 1 277,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 2 915,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 291,51 euros au titre des congés payés afférents,

- 583,02 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1 457,55 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,

- 8 745,30 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive,

-ordonner en outre la remise des bulletins de paie de février 2014 à février 2016 inclus, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir,

-condamner enfin la Selafa MJA prise en la personne de Maître [J] [R] en sa qualité de mandataire ad litem de la SAS NPE2 au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 mars 2022, l'AGS CGEA IDF Est demande à la cour de :

-infirmer le jugement en ce qu'il a :

* requalifié le contrat de travail à temps partiel de M. [L] avec la société NPE2 en contrat de travail à temps plein,

*prononcé la résiliation du contrat de travail de M. [L] avec la société NPE2,

* condamné la société NPE2, représentée par la Selafa MJA prise en la personne de Me [R] en sa qualité de mandataire ad litem, à payer à M. [L] les sommes de :

- 10 859,32 euros à titre de rappel de salaire, outre celle de 1 085,93 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal entre les 22 octobre et le 15 décembre 2015,

- 1 457,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 145,75 euros au titre des congés payés afférents,

- 583,02 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 457,55 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 277,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* déclaré la décision opposable à la délégation UNEDIC AGS CGEA IDF EST, étant rappelé que la somme totale de 10 427,70 euros a déjà été avancée au mandataire liquidateur,

* ordonné à Me [R] de remettre à M. [L] un bulletin de paie rectifié, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au jugement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

*débouté M. [L] de sa demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive et de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure,

statuant à nouveau,

-débouter M. [L] de ses demandes de rappel de salaire d'une part à temps plein et d'autre part de juillet à décembre 2015,

à titre subsidiaire,

-limiter à 2 231,07 euros le rappel de salaire de juillet à décembre 2015,

-débouter M. [L] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

-dire et juger que M. [L] a été rempli de ses droits concernant l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement et l'indemnité de congés payés,

en conséquence,

-débouter M. [L] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et d'indemnité de congés payés,

-donner acte à l'AGS de ce qu'elle s'en rapporte aux explications de la société défenderesse et des organes de la procédure sur le bien-fondé de la demande de résiliation judiciaire,

en conséquence,

-débouter M. [L] de ses indemnités de rupture,

en tout état de cause :

-débouter M. [L] de ses demandes d'indemnité pour non-respect de la procédure et de dommages et intérêts pour rupture abusive,

-donner acte à l'AGS de ce que sa garantie n'est pas acquise pour la demande formulée au titre de l'astreinte et de l'article 700 du code de procédure civile en application des dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail,

-constater, vu les dispositions de l'article L.622-28 du code de commerce, que les intérêts ont nécessairement été arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure collective,

-dire et juger que l'AGS CGEA IDF Est ne devra procéder à l'avance des éventuelles créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15 à L. 3253-21 du code du travail,

-statuer ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS CGEA IDF Est.

La Selafa MJA, ès qualités de mandataire ad litem de la société NPE 2, n'a pas conclu.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions et au jugement de première instance conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la durée du travail :

M. [L] soutient que son contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet. Il affirme qu'à défaut de contrat de travail écrit, la relation de travail est présumée être à temps plein. Il ajoute que l'absence de planning et l'indétermination des horaires l'obligeaient à se tenir à la disposition constante de son employeur.

L'AGS s'en rapporte aux explications de la société défenderesse et des organes de la procédure, ajoutant que le calcul présenté par M. [L] est incorrect.

Sur ce,

L'article L. 3123-6 du code du travail dispose que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit, qui mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf exceptions, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.

A défaut d'écrit, le contrat de travail est présumé être à temps plein; toutefois l'employeur peut démontrer que l'emploi est à temps partiel par des éléments concrets sur la durée de travail effectif et sur le rythme de celui-ci, et que le salarié ne se tenait pas à sa disposition en permanence.

Il est constant, en l'espèce, que M. [L], rémunéré sur la base d'un temps partiel, ne s'est pas vu remettre de contrat de travail écrit. Or, faute pour l'employeur de démontrer la durée du travail ou d'apporter des éléments sur le rythme de travail du salarié, le contrat de travail est requalifié à temps plein, soit 151,67 heures par mois.

Sur le rappel de salaire :

M. [L] sollicite un rappel de salaire à compter de juillet 2015. Il affirme que malgré la fermeture du restaurant au 1er août de la même année, son contrat n'a pas été valablement rompu et dit être resté à la disposition de son employeur. M. [L] prétend ainsi qu'à défaut de fourniture de travail ou de licenciement, ses salaires lui restent dus.

L'AGS soutient que M. [L] ne saurait prétendre à un rappel de salaire, qu'il ne produit aucun bulletin de salaire pour la période visée et n'a pas fourni de prestation de travail. En outre, l'AGS affirme que M. [L] a déjà perçu un rappel de salaire dans le cadre de la procédure collective.

Sur ce,

M. [L] verse aux débats ses bulletins de salaire de février 2014 à juillet 2015, à l'exception des mois de février et mars 2015 mentionnant un horaire de 138,56 heures pour un taux horaire de 9,53 euros jusqu'en décembre 20l4, puis de 9,61 euros au-delà.

Pour cette période, il apparaît donc un différentiel horaire mensuel de 13,01 heures, que le représentant de l'employeur ne justifie pas, soit aux taux horaires retenus sur les bulletins de paie, une somme due de 2 114,02 euros, outre 211,40 euros au titre des congés payés y afférents.

Par ailleurs, tenu au versement des salaires jusqu'à la rupture du contrat de travail, quelle que soit la qualification de la rupture, le 29 décembre 2015, et cela malgré la fermeture du restaurant pour le 1er août 2015 dans la mesure où le salarié s'est tenu à la disposition de son employeur, il sera fait droit à la demande à hauteur de la somme de 8 745,30 euros pour la période de juillet à décembre, outre 874,53 euros au titre des congés payés y afférents.

L'ensemble de ces sommes, soit 10 859,32 euros et 1 085,93 euros, seront fixées au passif de la liquidation judiciaire et opposables au CGEA Ile de France Est.

Sur la résiliation judiciaire :

M. [L] soutient que la société NPE2 a commis des manquements graves, qui justifient la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il reproche notamment à l'employeur, à compter de la fermeture du restaurant le 1er août 2015, de ne pas avoir répondu à ses demandes, d'avoir cessé de lui fournir du travail et de ne plus avoir versé son salaire. Il fait grief à la société d'avoir refusé de régulariser sa situation en lui fournissant du travail ou en procédant à son licenciement.

L'AGS soutient que, compte tenu du dépôt de bilan de la société concomitant, les manquements invoqués par le salarié ne sont pas suffisamment graves pour justifier l'imputabilité de la rupture à l'employeur, et conclut au débouté des demandes de M. [L] à ce titre.

Sur ce,

L'article L. 1231-l du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative du salarié ou de l'employeur.

Le salarié, qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur en raison de faits qu'il reproche à celui-ci, doit caractériser l'existence d'un ou plusieurs manquements de l'employeur; il appartient au juge de vérifier la réalité de ces manquements, puis, s'ils sont établis, d'apprécier s'ils sont d'une gravité suffisante pour justifier l'impossibilité de poursuivre le contrat de travail.

Il résulte des articles 1184 du code civil et L. 1232-1 du code du travail que lorsqu'il est fait droit à la demande de résiliation du contrat de travail, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En outre, lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; dans ce cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement, dans le cas contraire, il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

La date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date.

En l'espèce, le salarié a adressé à son employeur un courrier recommandé du 26 octobre 2015 aux termes duquel il lui faisait grief de ne pas répondre à ses demandes depuis la fermeture de l'établissement, d'avoir cessé de lui fournir du travail, de ne plus lui verser son salaire depuis juillet 2015 et lui réclamait de justifier de sa déclaration aux organismes sociaux. Il sollicitait également la fourniture de travail ou de procéder à son licenciement.

Les difficultés liées au contexte de fermeture de l'établissement, suivie d'une liquidation judiciaire, ne sont pas de nature à justifier l'absence totale de réponse de l'employeur aux légitimes demandes du salarié. La société pouvait procéder au licenciement pour motif économique à compter de la fermeture de l'établissement sans attendre l'engagement de la procédure collective, comme l'inspection du travail l'a utilement rappelé le 23 septembre 2015.

Les manquements de l'employeur à ses obligations essentielles de fournir du travail et de verser les salaires dus sont dès lors suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat de travail à compter du 29 décembre 2015 et dire que le licenciement de M. [L] est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture :

Selon l'article L. 1234-l du code du travail, dans sa version applicable à la cause, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1. S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiques dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3' ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

Il résulte des articles L. l234-2, alinéa 1er, et R. 1234-2 du code du travail, dans leur version applicable, que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Cette indemnité est calculée en fonction de la rémunération brute du salarié et a pour assiette, la formule la plus avantageuse pour le salarie soit du douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois.

Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel versée au salarie pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

Selon les articles L. l 235-3 et L. l235-5 du code du travail, dans leur version applicable à la cause, lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie à ce dernier une indemnité, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois si le salarié justifie d'au moins deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et si le licenciement est opéré dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés.

La société employant moins de onze salariés, M. [L] peut néanmoins prétendre à une indemnité correspondant au préjudice qu'il a subi.

Il convient de retenir en l'espèce, compte tenu de la requalification à temps plein, un salaire de 1 457,55 euros et une ancienneté d'un an et onze mois.

M. [L] ne justifie pas de son préjudice, ni de sa situation professionnelle postérieure à la rupture.

S'agissant d'une résiliation du contrat de travail, l'indemnité pour irrégularité de la procédure n'est pas due.

Le salarié justifie par ailleurs d'un solde de 19 jours de congés payés.

Ainsi, il y a lieu de fixer au passif de la société NPE 2 les sommes suivantes :

- 1 457,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 145,75 euros au titre des congés payés afférents ;

- 583,02 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- l 277,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 1 457,55 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi, et notamment moral résultant de la perte d'un emploi stable.

Sur le travail dissimulé :

L'article L 8221-5 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 10 août 2016, dispose que, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, la simple absence de contrat écrit à temps partiel ne démontre pas l'intention frauduleuse de l'employeur et la demande d'indemnité sera rejetée, faute de démonstration d'une quelconque intention de dissimulation.

Sur la garantie de l' AGS CGEA IDF Est:

Il y a lieu de fixer les créances de M. [L] au passif de la liquidation judiciaire et de dire que la garantie de l' AGS CGEA Ile de France Est s'effectuera dans la limite des dispositions légales et des plafonds applicables, à l'exclusion de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Sur les autres demandes:

Les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2015, tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement, tout en précisant que l'ouverture de la procédure collective a suspendu le cours des intérêts.

Le jugement de première instance doit être confirmé en ce qu'il a ordonné à Me [R], ès qualités, de délivrer à M. [L], un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un bulletin de paie récapitulatif conformes à la décision; à défaut de l'avoir d'ores et déjà fait, le mandataire ad litem devra effectuer cette remise dans le délai d'un mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.

L'équité commande de rejeter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de fixer les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société NPE 2.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt rendu par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisé dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sous réserve que les sommes mises à la charge de la société NPE2 soient fixées au passif de cette dernière,

Y ajoutant,

DIT que si elle n'est pas encore effective, la remise des documents sociaux de rupture par Me [R] devra être faite dans le mois suivant la mise à disposition du présent arrêt,

RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société NPE2 a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels,

DIT la présente décision opposable au CGEA-AGS,

DIT que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et L3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes des parties,

FIXE les dépens de première instance et d'appel à la charge de la liquidation judiciaire de la société NPE 2.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 21/08569
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;21.08569 ?
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