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16/05/2024 | FRANCE | N°22/17082

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 16 mai 2024, 22/17082


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 16 MAI 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17082 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGP33



Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 mai 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-22-000894





APPELANTE



La société SOGEFINANCEMENT, société par act

ions simplifiée agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 16 MAI 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/17082 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGP33

Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 mai 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-22-000894

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉ

Monsieur [M] [I]

né le [Date naissance 1] 1976 au BRÉSIL

[Adresse 2]

[Localité 4]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par M. Grégoire GROSPELLIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 27 septembre 2016, la société Sogefinancement a consenti à M. [M] [I] un crédit personnel d'un montant en capital de 22 000 euros remboursable en 72 mensualités de 376,66 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 7,15 %, le TAEG s'élevant à 7,39 %, soit une mensualité avec assurance de 390,96 euros.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Sogefinancement a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte du 20 janvier 2022, la société Sogefinancement a fait assigner M. [I] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 6 mai 2022, a déclaré la société Sogefinancement recevable en son action, a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels, a écarté l'application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier, condamné M. [I] à payer la somme de 4 209,44 euros et dit que cette somme ne produira pas intérêts même au taux légal, a débouté la société Sogefinancement du surplus de ses demandes, a rappelé que l'exécution provisoire était de droit, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [I] aux dépens.

Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande au regard de la forclusion et la régularité de la déchéance du terme et pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, le juge a relevé que la méthode de calcul du TAEG ne figurait pas dans l'encadré.

Il a retenu que la banque ne pouvait prétendre qu'à la somme de 4 209,44 euros compte tenu des sommes versées de 17 790,56 euros et a relevé que pour assurer l'effectivité de la sanction il fallait écarter l'application des dispositions relatives au taux légal.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 4 octobre 2022, la société Sogefinancement a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 4 janvier 2023, la société Sogefinancement demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déclarée recevable et a condamné M. [I] aux dépens,

- de déclarer irrecevables les moyens visant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts au regard du délai de prescription quinquennal, et subsidiairement de rejeter le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

- de constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l'emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit et fixer la date des effets de la résiliation au 1er avril 2021 et,

- en tout état de cause, de condamner M. [I] à lui payer la somme de 10 693,67 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,15 % l'an à compter du 2 avril 2021 sur la somme de 9 875,46 euros ; subsidiairement en cas de déchéance du droit aux intérêts, d'assortir la condamnation des intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2021, date de la mise en demeure,

- en tout état de cause de condamner M. [I] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil.

S'agissant de la prescription, elle fait valoir que celle-ci s'applique à toutes les demandes qu'elles soient formées par voie d'action ou par voie d'exception, que la demande de déchéance du droit aux intérêts est bien une demande puisqu'elle vise à compenser les intérêts avec la créance et que cette prescription s'applique aussi bien aux parties qu'au juge qui ne peut avoir plus de droits que les parties elles-mêmes. Elle se prévaut de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa version applicable après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, laquelle a réduit ce délai à 5 ans et soutient que les arguments soulevés au titre d'une déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel ou du formalisme contractuel ne pouvaient donc être invoqués que jusqu'au 27 septembre 2021 alors que le juge l'a soulevée à l'audience du 8 mars 2022.

Elle conteste toute déchéance du droit aux intérêts et fait valoir que s'agissant d'un prêt à taux fixe avec l'ensemble des conditions d'octroi du crédit prédéterminées à l'avance, le TAEG est lui-même fixe et ne peut varier en fonction de l'hypothèse retenue et que par définition même, pour ce type de crédit, l'hypothèse retenue correspond aux conditions d'octroi du prêt : montant, durée, taux contractuel, et frais, lesquels figurent bien dans l'encadré de l'offre.

Elle s'estime bien fondée à réclamer la somme de 10 693,67 euros majorée des intérêts contractuels.

A titre subsidiaire, elle soutient que le juge ne peut pas écarter le taux légal qui doit être appliqué et que seul le juge de l'exécution a le pouvoir de supprimer la majoration de 5 points car cette question relève de l'exécution puisque pour être appliquée, il faut une inexécution pendant 2 mois et que la perte des intérêts est suffisamment significative.

Aucun avocat ne s'est constitué pour M. [I] à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 6 décembre 2022 délivré selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile et les conclusions par acte du 2 février 2023 délivré selon les mêmes modalités.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 19 mars 2024.

A l'audience la cour ayant examiné les pièces a relevé que la FIPEN produite n'était pas signée. Elle a fait parvenir le 19 mars 2024 au conseil de la banque par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque, souligné que l'intimé ne comparaissait pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 12 avril 2024.

Le 11 avril 2024, la banque a fait parvenir une note en délibéré aux termes de laquelle elle fait valoir :

- qu'aucun texte ne prévoit que la FIPEN soit signée et que sa seule obligation consiste à remettre cette fiche d'informations,

- que jusqu'à l'arrêt du 7 juin 2023 visé dans l'avis, la Cour de cassation admettait que la remise d'un document constituant un fait juridique, il pouvait être prouvé par tous moyens et notamment par une clause de reconnaissance, et qu'il en était déduit, de manière constante, que la clause combinée à la production de la copie du document permettait à l'établissement de crédit de rapporter la preuve de la remise du document sans qu'il soit nécessaire que ledit document soit signé par l'emprunteur,

- que l'exigence d'un document émanant du débiteur n'est requise qu'en matière de preuve des actes juridiques par l'article 1362 du code civil,

- que l'apposition de la signature de l'emprunteur sur le document ne confère, en outre, pas à la production un caractère plus probant que celui résultant de la signature sous la clause de reconnaissance corroborée par la production d'une copie du document,

- que la FIPEN soit ou non signée laisse à l'emprunteur la faculté de rapporter la preuve contraire que le document qui lui a été remis n'est pas celui que le prêteur a produit, en produisant le cas échéant son propre exemplaire,

- que l'arrêt du 7 juin 2023 apparaît en contradiction avec une position jusqu'alors clairement établie, qu'il ne peut qu'être analysé qu'en un arrêt d'espèce voire d'égarement isolé et ne saurait être suivi, étant rappelé que la loi a une valeur normative supérieure et que jusqu'alors la présente cour statuait différemment,

- que changer de jurisprudence conduirait à heurter gravement le principe de sécurité juridique et que cette règle ne peut au mieux valoir que pour l'avenir et ne saurait être appliquée rétroactivement car la banque n'était pas en mesure de prévoir cette exigence nouvelle,

- qu'il y a donc lieu de ne pas prononcer de déchéance du droit aux intérêts de ce chef.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 27 septembre 2016 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

La recevabilité de l'action de la société Sogefinancement au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, n'est pas remise en cause à hauteur d'appel. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

La prescription du moyen

La société Sogefinancement soutient que le juge du fond ne pouvait soulever d'office le 8 mars 2022 le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels au regard du délai de prescription quinquennale ayant commencé à courir à la date d'acceptation de l'offre et devant se terminer au 27 septembre 2021.

La prescription est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C'est ainsi que, défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription, pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.

Dans le rôle qui lui est conféré tant par l'article R. 632-1 du code de la consommation que par le droit européen, le juge peut relever d'office, sans être enfermé dans un quelconque délai, toute irrégularité qui heurte une disposition d'ordre public de ce code.

En l'espèce, le moyen soulevé d'office par le premier juge et susceptible de priver le prêteur de son droit aux intérêts contractuels n'a pas pour effet de conférer à l'emprunteur un avantage autre qu'une minoration de la créance dont la société Sogefinancement poursuit le paiement.

Loin de constituer un remboursement des intérêts acquittés par le jeu d'une compensation qui supposerait une condamnation -qui n'est pas demandée- de l'organisme de crédit à payer une dette réciproque, ces moyens ne peuvent avoir pour seul effet que de modifier l'imputation des paiements faits par l'emprunteur.

En conséquence, il convient d'écarter la fin de non-recevoir soulevée par la société Sogefinancement.

L'encadré

L'article L. 312-28 du code de la consommation dispose qu'un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.

Il résulte de l'article L. 341-1 du code de la consommation que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 312-28, il est déchu du droit aux intérêts.

L'article R. 312-10 précise que l'encadré mentionné à l'article L. 312-28 indique en caractères plus apparents que le reste du contrat, dans l'ordre choisi par le prêteur et à l'exclusion de toute autre information :

a) Le type de crédit ;

b) Le montant total du crédit et les conditions de mise à disposition des fonds ;

c) La durée du contrat de crédit ;

d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l'emprunteur doit verser et, le cas échéant, l'ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l'autorisation que l'emprunteur doit rembourser ;

e) Le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, le cas échéant tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d'adaptation du taux. Si différents taux débiteurs s'appliquent en fonction des circonstances, ces informations portent sur tous les taux applicables ;

f) Le taux annuel effectif global et le montant total dû par l'emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées ;

g) Tous les frais liés à l'exécution du contrat de crédit, dont, le cas échéant, les frais de tenue d'un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l'utilisation d'un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés ;

h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant ;

i) Le cas échéant, l'existence de frais de notaire ;

j) En cas de crédit servant à financer l'acquisition de bien ou service déterminé, ce bien ou ce service et son prix au comptant.

S'agissant du TAEG, la banque soutient à juste titre que le crédit a été souscrit à taux fixe de sorte qu'il n'existe qu'une hypothèse, que le TAEG est lui-même fixe et résulte des conditions d'octroi du crédit relatives au montant, à sa durée, au taux contractuel et aux frais qui sont précisés et ne peut donc varier en fonction de l'hypothèse retenue. L'encadré mentionne expressément que "le TAEG est calculé sur la base du montant du crédit et de la durée mentionnée ci-dessus selon l'hypothèse d'un décaissement unique en prenant en compte le différé mentionné dans l'encadré".

Ceci correspond aux exigences de ce texte et aucune déchéance du droit aux intérêts n'est encourue de ce chef.

La fiche d'informations précontractuelles

Il résulte de l'article L. 312-12 du code de la consommation applicable au cas d'espèce que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Cette fiche d'informations précontractuelles -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 341-1), étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'informations et de remise de cette FIPEN.

A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'informations précontractuelles normalisées européennes, n'est qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il a toutefois été jugé qu'un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l'offre de prêt pour apporter la preuve de l'effectivité de la remise. (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).

Dès lors, ni la production de la FIPEN remplie par le prêteur, ni la production d'une liasse vierge comportant par principe une FIPEN ne saurait suffire à corroborer cette clause à la différence du bordereau de rétractation qui doit être remis vierge, car ce qui doit être prouvé d'emblée par le prêteur est la remise effective à M. [I] non représenté en appel, de la FIPEN personnalisée.

Il doit dès lors être considéré que la société Sogefinancement qui ne produit que le contrat comportant une clause de reconnaissance, une FIPEN remplie mais non signée par M. [I] ne rapporte pas suffisamment la preuve d'avoir respecté l'obligation qui lui incombe, sans qu'elle puisse valablement opposer que la signature de cette pièce n'est pas exigée par les textes ou que le fait que l'appréciation des éléments de preuves apportés ait pu être différente est de nature à heurter un principe de sécurité juridique.

Dès lors le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

Sur la déchéance du terme et les sommes dues

La société Sogefinancement produit en sus de l'offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, l'historique de prêt, le tableau d'amortissement, la mise en demeure avant déchéance du terme 23 février 2021 enjoignant à M. [I] de régler l'arriéré de 2 581,20 euros sous 15 jours à peine de déchéance du terme et celle notifiant la déchéance du terme du 20 septembre 2021 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance.

Il en résulte que c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la société Sogefinancement se prévalait de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues.

Aux termes de l'article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il y a donc lieu de déduire de la totalité des sommes empruntées soit 22 000 euros la totalité des sommes payées soit 17 790,56 euros.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné M. [I] à payer la somme de 4 209,44 euros.

La limitation légale de la créance du préteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l'article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation. La société Sogefinancement doit donc être déboutée sur ce point.

Sur les intérêts au taux légal, la majoration des intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan) ce que le juge du fond peut parfaitement apprécier.

En l'espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d'intérêt annuel fixe de 7,15 %.

Dès lors, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal significativement inférieurs à ce taux conventionnel ne le seraient plus si ce taux devait être majoré de cinq points. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de dire qu'il ne sera pas fait application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier. La somme restant due en capital au titre de ce crédit portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer effectuée simultanément au prononcé de la déchéance du terme soit le 20 septembre 2021 sans majoration de retard. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a écarté l'application du taux légal.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [I] aux dépens de première instance et a rejeté la demande de la société Sogefinancement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche rien ne justifie de le condamner aux dépens d'appel, alors que n'ayant jamais été représenté ni en première instance, ni en appel, il n'a jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l'a fait. La société Sogefinancement conservera donc la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Ecarte la fin de non-recevoir ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que la somme de 4 209,44 euros au paiement de laquelle il a condamné M. [M] [I] ne produira pas intérêts même au taux légal ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [M] [I] à payer à la société Sogefinancement les intérêts au taux légal produits par la somme de 4 209,44 euros à compter du 20 septembre 2021 ;

Ecarte la majoration de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Sogefinancement ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/17082
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;22.17082 ?
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