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16/05/2024 | FRANCE | N°22/16271

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 16 mai 2024, 22/16271


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 16 MAI 2024



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16271 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGNGO - Jonction avec le RG N° 23/00439



Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er juillet 2022 - Juge des contentieux de la protection de SAINT MAUR DES FOSSÉS - RG n° 11-21-000684





APPELANTE




Madame [L] [I]

née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 6] (MAURITANIE)

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée par Me Jérôme GOUTILLE, avocat au barreau de VAL-...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 16 MAI 2024

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16271 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGNGO - Jonction avec le RG N° 23/00439

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er juillet 2022 - Juge des contentieux de la protection de SAINT MAUR DES FOSSÉS - RG n° 11-21-000684

APPELANTE

Madame [L] [I]

née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 6] (MAURITANIE)

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Jérôme GOUTILLE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 114

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/030907 du 02/11/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R233

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par M. Grégoire GROSPELLIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 11 janvier 2020 dans un magasin de la société But, la société BNP Paribas Personal Finance sous l'enseigne Cetelem a consenti à Mme [L] [I] un crédit renouvelable d'une durée d'un an d'un montant maximal autorisé de 3 000 euros remboursable à un taux fonction du montant utilisé et de la durée.

Elle a immédiatement utilisé une somme de 701,86 euros pour procéder à l'achat d'un combiné réfrigérateur remboursable en 10 mensualités au taux contractuel de 4,20 %.

D'autres utilisations ont ensuite été enregistrées par la banque au moyen d'une carte bancaire associée au crédit.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société BNP Paribas Personal Finance a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par ordonnance du 7 juin 2021, il a été enjoint à Mme [I] par le juge des contentieux de la protection de Saint-Maur-des-Fossés de payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 2 819,38 euros outre des frais et intérêts.

Cette ordonnance d'injonction de payer a été signifiée le 14 septembre 2021 à Mme [I] par acte remis à étude. Le 5 octobre 2021 une saisie-attribution a été pratiquée à son encontre en exécution de cette ordonnance d'injonction de payer.

Le 5 novembre 2021, Mme [I] a formé opposition à cette ordonnance d'injonction de payer devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Maur-des-Fossés lequel, par jugement contradictoire du 1er juillet 2022 a :

- déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer,

- rappelé que le jugement se substituait à l'ordonnance d'injonction de payer,

- débouté Mme [I] de l'ensemble de ses demandes,

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts,

- condamné Mme [I] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 2 819,38 euros avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision,

- débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande d'indemnité au titre de la clause pénale,

- rejeté toute autre demande,

- rappelé que la présente décision était exécutoire par provision,

- condamné Mme [I] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant le coût de la procédure d'injonction de payer.

Après avoir vérifié la recevabilité de l'opposition, le juge a relevé que Mme [I] avait signé elle-même au moyen d'un parcours de signature électronique le contrat de crédit renouvelable et que si elle faisait valoir qu'elle n'avait pas la volonté de s'engager pour ce montant de 3 000 euros dans ces conditions, elle ne procédait que par affirmations et ne démontrait par aucun élément objectif la réalité matérielle des pratiques commerciales trompeuses et du vice du consentement invoqués. Il a également relevé qu'elle avait explicitement sollicité la remise d'une carte de crédit de type Mastercard et qu'il ne résultait pas des dispositions contractuelles que cette remise devait être effectuée par envoi recommandé. Il a relevé que si elle affirmait avoir été victime d'un détournement de cette carte et d'une utilisation frauduleuse, Mme [I] n'apportait à la connaissance de la juridiction aucun élément objectif permettant d'étayer cette affirmation. Il a enfin considéré que la banque n'avait pas manqué à son devoir de surveillance des opérations réalisées au moyen de ce dispositif de paiement dans la mesure où les montants ne révélaient aucun caractère douteux et que Mme [I] étant destinataire des relevés mensuels de situation, celle-ci avait eu connaissance de l'intégralité des opérations réalisées sur le compte et avait eu la faculté de saisir l'organisme émetteur de la carte de toute difficulté ce qu'elle n'avait pas fait.

Il a constaté la présence d'un bordereau de rétractation détachable conforme aux dispositions de l'article L. 311-18 du code de la consommation, considéré que l'examen de la lisibilité des stipulations contractuelles ne permettait pas d'établir une violation des dispositions de l'article L. 311-28 du même code et a rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts pour ce motif. Il a relevé que la banque versait aux débats l'ensemble de la liasse contractuelle mise à disposition de l'emprunteuse au moment de la conclusion du contrat comprenant la fiche de dialogue sur les revenus et charges complétée au moyen de ses déclarations et a considéré que cela constituait la preuve d'une vérification suffisante de la solvabilité s'agissant d'un crédit dont le montant n'était pas supérieur à 3 000 euros.

Après avoir rappelé que la banque devait, s'agissant d'un crédit renouvelable, justifier de l'envoi à l'emprunteur, trois mois avant chaque date anniversaire du contrat, de l'information sur les conditions de reconduction de celui-ci accompagné d'un bordereau réponse, il a sanctionné l'absence de preuve de l'envoi de cette information annuelle avant le 11 octobre 2020 par la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels.

Il a rappelé que de ce fait tous les paiements devaient être déduits de toutes les utilisations et fixé la somme due à 2 819,38 euros au titre du capital restant dû, somme à laquelle il a fait produire intérêts au taux légal à compter de la signification de sa décision.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 16 septembre 2022 puis de nouveau le 20 décembre 2022, Mme [I] a interjeté appel de cette décision.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 11 avril 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions (n° 3) notifiées par voie électronique le 2 juin 2023, Mme [I] demande à la cour :

- de la juger recevable en son appel,

- de juger irrecevable la nouvelle demande subsidiaire formulée par la banque tendant à obtenir la résolution judiciaire du contrat de prêt,

- de reformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, condamnée à payer la somme de 2 819,38 euros au titre du contrat de crédit du 11 janvier 2020 avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision, a rejeté toute autre demande et l'a condamnée à payer une somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant le coût de la procédure d'injonction de payer et statuant à nouveau,

- de prendre acte de ce qu'elle a remboursé la somme de 701,86 euros pour le réfrigérateur qu'elle a acheté le 11 janvier 2020,

- de juger que son consentement pour la signature d'un contrat renouvelable de 3 000 euros a été vicié,

- de juger que la société BNP Paribas Personal Finance ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle a reçu la carte de crédit associée au crédit renouvelable ni le code secret,

- à titre principal, de juger nul et irrégulier le contrat de crédit renouvelable du 11 janvier 2020 dont se prévaut la société BNP Paribas Personal Finance, d'annuler l'ordonnance d'injonction de payer du 7 juin 2021 rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Maur-des-Fossés,

- à titre subsidiaire, de juger que la société BNP Paribas Personal Finance est responsable au titre de son obligation de mise en garde et de la condamner à lui payer la somme de 3 596,23 euros de dommages et intérêts,

- en tout état de cause, de débouter la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes incidentes, fins et prétentions,

- d'ordonner toute compensation entre les sommes dues par les parties,

- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens d'instance et à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la nouvelle demande de la société BNP Paribas Personal Finance en résolution du contrat est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.

Elle soutient que le juge des contentieux de la protection a inversé la charge de la preuve en lui reprochant de ne pas rapporter les preuves nécessaires au succès de ses prétentions alors même que :

- sur le vice du consentement, c'est au vendeur professionnel, tenu d'une obligation de renseignement qu'il incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation, et non à l'acheteur demandeur en nullité de la vente pour réticence dolosive de prouver la dissimulation ;

- sur la délivrance de la carte bancaire et de son utilisation frauduleuse : le consentement du porteur pour l'utilisation du crédit doit être constaté par un accord exprès lors de la réalisation de l'opération de paiement ou par l'expression de ce consentement dans un délai raisonnable à réception du relevé mensuel d'opérations prévu à l'article L. 311-26 du code susvisé et que de plus, l'établissement émetteur de la carte doit à compter du 2 mai 2011, vérifier chaque année la solvabilité du bénéficiaire d'un crédit renouvelable en consultant le FICP ;

- sur le bordereau de rétractation c'est au prêteur qu'il incombe de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que la signature par l'emprunteur de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires ;

- sur la lisibilité du contrat c'est encore au professionnel qu'il appartient de prouver qu'il a exécuté ses obligations, qu'il est possible de s'inspirer de la taille des caractères qui est un bon indicateur de la lisibilité de l'information , mais aussi de la qualité de l'impression du document informatif, que sa lisibilité sur un écran numérique peut être également prise en compte et qu'il appartient donc au professionnel de prouver qu'il a délivré outre les informations sur les caractéristiques essentielles des biens et services, dont celles spécifiques au contenu numérique, les informations sur le prix, sur l'exécution du contrat et sur son identification ;

- sur la vérification de la solvabilité de l'emprunteur, la Cour de cassation met à la charge du prêteur un devoir de mise en garde des "emprunteurs non avertis" contre les risques encourus et que c'est à l'établissement de crédit de prouver qu'il a bien rempli son obligation ;

- sur l'absence d'informations précontractuelles, c'est encore à la banque de rapporter la preuve de ce qu'elle a satisfait à ses obligations précontractuelles et que la signature par l'emprunteur d'une fiche explicative et de l'offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d'informations normalisées européennes et la notice d'assurance constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Elle expose avoir, le 11 janvier 2020, acheté au sein du magasin But [Localité 7] un combiné ainsi qu'un réfrigérateur d'un montant de 684,99 euros, qu'elle ne pouvait pas payer comptant et qu'un échéancier a été mis en place pour lui permettre de payer en plusieurs fois ce qu'elle a respecté, ses relevés de compte démontrant qu'elle a remboursé la somme globale de 701,52 euros. Elle conteste avoir demandé à bénéficier d'un crédit de 3 000 euros puisqu'elle n'avait besoin que d'un remboursement de son achat en plusieurs mensualités, soutient que la société But ne lui jamais proposé un autre crédit qu'un crédit renouvelable au mépris des dispositions de l'article L. 312-62 du code de la consommation et qu'elle n'a jamais entendu donner son accord exprès ni pour un crédit renouvelable de 3 000 euros ni pour une carte de crédit.

Elle soutient que la société BNP Paribas Personal Finance n'a jamais produit les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et lui permettant compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement et fait valoir qu'elle n'a pas eu le temps matériel de prendre connaissance des 29 pages et surtout qu'il s'agissait d'un contrat de crédit renouvelable de 3 000 euros avec une carte de crédit qu'elle n'a jamais reçue ni demandée. Elle relève que le document ne distingue pas dans le temps les différentes étapes d'un crédit (présentation de l'offre, informations précontractuelles et signature du contrat) puisque tout est dans un seul et même document et soutient que ceci démontre qu'elle n'a pas bénéficié d'un temps suffisant pour analyser l'offre et que le crédit renouvelable ne lui a pas été présenté. Elle soutient que tant la société But que la société BNP Paribas Personal Finance l'ont trompée dans ses choix en se rendant coupables d'une pratique commerciale trompeuse.

Elle ajoute que le document intitulé "Worldline - Attestation de déroulé d'opération" comporterait visiblement 12 pages et qu'il manque les pages 1/12, 2/12, 4/12, 5/12, 7/12/, 8/12, 10/12, 12/12 de l'attestation de déroulement de l'opération.

Elle soutient que le commercial de la société But avait déjà coché toutes les cases à sa place et qu'elle n'a pas eu le temps matériel de lire 29 pages de contrat.

Elle souligne que la page 29 du contrat qui concerne l'utilisation spéciale n'est pas signée et indique qu'elle est en outre complètement contradictoire en ce que la mensualité de 134 euros pour un montant autorisé renouvelable de 3 000 euros n'a rien à voir avec 10 mensualités de 70,19 euros au titre de cette utilisation spéciale. Elle rappelle qu'elle souhaitait seulement étaler le paiement d'un achat et était persuadée de signer un contrat mettant en place les 10 mensualités pour le financement de cet achat.

Elle relève avoir signé sur tablette, n'avoir eu la copie du contrat que dans le cadre de la procédure judiciaire et soutient que la banque ne démontre pas le lui avoir envoyé par mail.

Elle conteste avoir sollicité et reçu la carte de crédit, se prévaut de l'article relatif à la signature de la carte figurant dans le contrat de crédit qui stipule page 19 que : "Lorsqu'un panonceau de signature figure sur cette carte Mastercard, l'absence de signature sur ladite carte justifie son refus d'acceptation" et soutient n'avoir jamais signé la carte faute de réception. Elle conteste également toute réception d'un code secret et soutient que c'est à la banque de démontrer ces réceptions. Elle indique que les retraits d'espèces ont été réalisés au moyen d'une carte bancaire non reçue par elle.

Elle soutient que le bordereau de rétractation ne lui a pas été remis en format papier et soutient que ceci lui interdisait d'exercer ce droit d'autant qu'il lui est fait obligation pour user de son droit de rétractation de retourner exclusivement par courrier le bordereau de rétraction. Elle ajoute que la banque ne démontre pas le point de départ de ce délai et n'apporte pas de preuve de réception du contrat que ce soit par courrier électronique ou par courrier postal. Elle en déduit que tout droit à rétractation lui a été refusé.

Elle fait valoir que la banque ne démontre pas que la tablette affichait des caractères correspondant au corps 8 et souligne qu'elle n'a eu accès à aucun autre document. Elle souligne que ceci a aussi participé du fait qu'elle n'a pas été en mesure de prendre conscience de la portée de son engagement et que la banque n'a pas respecté son devoir de mise en garde.

Elle ajoute que sa solvabilité n'a pas été suffisamment vérifiée et indique qu'en particulier il n'est pas justifié d'une consultation du FICP conforme, aucune réponse n'apparaissant sur les documents fournis dont elle soutient au surplus que les dates ne correspondent pas à celle du crédit.

Elle conclut à la nullité du crédit et conteste devoir le capital réclamé exposant avoir remboursé ses achats et ne pas être l'auteur des autres dépenses.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 6 juin 2023, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour :

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'égard de Mme [I] mais de l'infirmer en ce qu'il a déchu la banque de son droit aux intérêts,

- de débouter Mme [I] de toutes ses demandes, fins et prétentions et statuant à nouveau,

- de constater qu'elle est bien fondée à se prévaloir de la déchéance du terme du contrat de prêt et à titre subsidiaire de prononcer la résolution judiciaire du contrat de prêt,

- en conséquence, de condamner Mme [I] à lui payer la somme de 3 476,62 euros dont 3 222,44 euros avec intérêts au taux contractuel de 21,06 % l'an à compter du 11 janvier 2021, date de la mise en demeure infructueuse portant déchéance du terme et 254,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2021, date de la mise en demeure infructueuse, au titre de l'indemnité contractuelle sur le capital restant dû,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts,

- en toutes hypothèses de condamner Mme [I] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel et de première instance qui seront recouvrés par Maître Stéphane Gautier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle affirme que les conditions d'octroi du prêt sont régulières et habituelles en matière de crédit conclu sous forme électronique sur le lieu de vente, que lors de la signature électronique de l'offre, Mme [I] a communiqué et validé son adresse électronique, qu'elle a donc reçu un courriel lui permettant d'accéder à l'ensemble des documents susvisés, en ce compris le contrat de crédit comportant un bordereau de rétractation, qu'elle a aussi validé la remise de la FIPEN, de la fiche explicative, de la fiche de renseignements, de la fiche conseil en assurance, de la notice d'assurance et de l'intégralité du contrat de crédit et elle a fait le choix d'adhérer à l'assurance facultative et de demander une carte bancaire à son nom. Elle ajoute qu'elle a reçu toutes les informations utiles qui sont rappelées dans la fiche explicative et la FIPEN qu'elle verse aux débats. Elle précise que le document intitulé "attestation de déroulé d'opération" permet d'établir les modalités, la date et l'heure de signature du contrat par Mme [I] ainsi que les modalités de vérification de son identité par l'insertion de sa carte nationale d'identité. Elle affirme que ce document est complet et ne comporte pas 12 pages mais 3 et que c'est la signature électronique qui comporte 12 encadrés de validation (3 par page) lesquels sont tous versés aux débats.

Elle conteste toute contradiction entre les modalités de remboursement mentionnées sur le document intitulé "utilisation spéciale" et celles mentionnées sur les documents contractuels et souligne que Mme [I] admet l'utilisation spéciale tout en soutenant ne pas l'avoir signée.

Elle ajoute que l'article L. 312-62 du code de la consommation n'est pas applicable l'achat étant inférieur à 1 000 euros.

A titre subsidiaire, elle indique que même si le contrat devait être annulé, Mme [I] doit lui restituer le capital soit 2 819,38 euros.

S'agissant de la carte bancaire, elle indique que Mme [I] l'a demandée et qu'elle a été adressée à son domicile plusieurs jours avant l'envoi séparé du code confidentiel, que des retraits ont été effectués avec cette carte et le code confidentiel et qu'ils l'ont donc nécessairement été par elle sauf à considérer qu'elle fait preuve d'une négligence grave dans la préservation de sa carte et de ses données de sécurité personnalisées, voire d'une complicité avec l'éventuel auteur des opérations contestées.

Elle soutient avoir respecté les dispositions du code de la consommation et conteste toute déchéance du droit aux intérêts. Elle souligne qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas informé Mme [I] sur les conditions de renouvellement du contrat alors que ce renouvellement n'a pas eu lieu du fait du retard de paiement. Elle ajoute qu'elle a vérifié la solvabilité et que s'agissant d'un contrat ne dépassant pas 3 000 euros elle n'a pas à produire les pièces visées par l'article D. 312-7 du code de la consommation. Elle affirme justifier de la consultation du FICP.

Elle rappelle que le premier impayé non régularisé date du mois d'avril 2020 et soutient être recevable et fondée à réclamer la somme de 3 476,62 euros.

Elle souligne que la demande de résolution subsidiaire tend aux mêmes fins que celle tendant au paiement en application de la déchéance du terme par l'effet de la clause résolutoire et qu'elle est donc recevable.

Elle conteste tout défaut de mise en garde au motif que le prêt était adapté à la situation financière de Mme [I] telle que révélée par la fiche de solvabilité. Elle ajoute que si ce grief était retenu, il ne s'agirait que d'une perte de chance de ne pas contracter qui ne peut être d'un montant équivalent aux sommes réclamées et que Mme [I] ne démontre aucune perte de chance.

Elle estime toute demande de compensation infondée.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 12 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 11 janvier 2020 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la recevabilité de l'opposition

La recevabilité de l'opposition n'est pas remise en cause à hauteur d'appel. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la forclusion

L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

La recevabilité de l'action de la société BNP Paribas Personal Finance au regard de la forclusion n'a pas été vérifiée par le premier juge. Or en application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

En l'espèce, le contrat a été signé le 11 janvier 2020 et la signification de l'ordonnance d'injonction de payer à laquelle est assimilée la demande en justice date du 14 septembre 2021 si bien que la banque n'est pas forclose en son action et doit être déclarée recevable.

Sur la demande de nullité du contrat pour vice du consentement

Mme [I], qui ne conteste pas avoir signé le contrat de crédit, soutient en substance ne pas avoir eu conscience de souscrire un contrat de crédit renouvelable de 3 000 euros alors qu'elle entendait seulement souscrire un contrat lui permettant de payer de manière échelonnée son achat d'un combiné réfrigérateur dans un magasin de la société But.

Il résulte des articles 1130 et suivants du code civil que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, que leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donnés et qu'ils sont une cause de nullité relative du contrat.

Contrairement à ce que soutient Mme [I], c'est bien à celle qui invoque le vice du consentement de le démontrer en application de l'article 9 du code de procédure civile dont il résulte qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Elle ne peut valablement soutenir qu'elle n'a pas eu le temps de lire les 29 pages du contrat. Il résulte en effet des éléments du dossier qu'elle a procédé à la signature du contrat à 13:50:47. Compte tenu de l'heure, il lui appartenait de prendre le temps nécessaire pour lire la totalité des pages ce qu'elle pouvait largement faire avant la fermeture du magasin en soirée et si elle a décidé de valider sans lire, ceci ne peut en aucun cas être reproché à la banque à laquelle il ne saurait non plus être reproché le nombre de pages soumis à sa lecture dès lors que l'importance et le caractère indigeste de cette lecture résultent directement de la législation protectrice du consommateur qu'elle se doit de respecter à peine de sanctions diverses que Mme [I] ne manque d'ailleurs pas de rappeler. Elle n'établit en aucun cas avoir fait l'objet d'une pression du vendeur lui interdisant de lire le contrat ou la pressant de signer sans le lire. Il ne peut non plus être reproché à la banque d'avoir regroupé tous les documents dans une liasse dont les numéros se suivent. Le détail du processus de signature montre que la prise de connaissance et la validation des documents précontractuels précèdent celle de la signature du contrat et le code de la consommation n'impose pas de délai minimal entre la soumission et la signature de ces documents et celle du contrat final à la différence de la législation applicable au crédit immobilier qui impose un délai de réflexion préalable à la signature.

Le processus de signature électronique qui lui a été soumis imposait la validation de 12 points de reconnaissance successifs jalonnant les diverses pièces du contrat et Mme [I] a notamment validé la case "je reconnais avoir eu connaissance de l'intégralité du contrat de crédit ainsi que de l'adhésion à l'espace client". Elle a ensuite signé ledit contrat sur tablette.

Elle se prévaut de dispositions du code de la consommation tenant au devoir d'explication et de lisibilité et de clarté du contrat pour étayer son affirmation selon laquelle elle n'a pas eu conscience de signer un contrat renouvelable assorti d'une carte de crédit. Toutefois ces dispositions ne sont pas sanctionnées par la nullité du contrat et elle ne peut à la fois soutenir ne pas avoir lu le contrat par manque de temps et prétendre qu'il n'était pas suffisamment lisible sur tablette. La cour observe d'ailleurs que le contrat comporte une fiche d'explication relative au fonctionnement du crédit renouvelable et que cette fiche fait l'objet d'une case de validation spécifique.

Le contrat est parfaitement clair sur les engagements de Mme [I], mentionne en première page qu'il s'agit d'un contrat de crédit renouvelable et les conditions de remboursement en cas d'utilisation en une fois. Il précise en fin de contrat les conditions d'octroi de l'utilisation particulière qui en est faite pour l'achat du combiné réfrigérateur qui ne sont pas contradictoires avec ce qui précède mais ne peut évidemment aboutir aux mêmes mensualités que pour une utilisation de la somme totale. Mme [I] qui ne conteste pas avoir voulu souscrire cette utilisation particulière, soutient pourtant ne pas l'avoir signée alors qu'elle l'a remboursée et ne peut donc être suivie dans cette argumentation d'autant que cette utilisation fait partie du contrat.

Le contrat mentionne également la demande de carte bancaire emprunteur. Une case de validation a été spécifiquement validée à ce titre.

Mme [I] soutient sans en apporter la preuve qui lui incombe qu'elle n'aurait pas elle-même validé les cases.

Enfin elle ne démontre aucune pratique commerciale trompeuse étant là encore rappelé que c'est bien à elle qu'il incombe d'en apporter la preuve.

Mme [I] doit donc être déboutée de sa demande de nullité pour vice du consentement.

Sur la demande de nullité pour non-respect des obligations de l'article L. 312-62 du code de la consommation

L'article L. 312-62 du code de la consommation dispose que "Lorsqu'un consommateur se voit proposer, sur le lieu de vente ou par un moyen de vente de biens ou de services à distance, un contrat de crédit renouvelable pour financer l'achat de biens ou de prestations de services particuliers pour un montant supérieur à un seuil fixé par décret, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit accompagne l'offre de crédit renouvelable d'une proposition de crédit amortissable.

La proposition comporte les informations permettant au consommateur de comparer de façon claire le fonctionnement, le coût et les modalités d'amortissement des deux crédits proposés selon au moins deux hypothèses de délai de remboursement. Ces informations ainsi que les conditions de leur présentation sont définies par décret.

Si le consommateur opte pour le crédit amortissable qui lui est proposé, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit lui fournit l'offre de crédit correspondant à la proposition".

Ce seuil a été fixé à 1 000 euros par l'article D. 312-25 du même code.

Toutefois, cette disposition n'est pas sanctionnée par la nullité mais par une peine d'amende prévue par l'article R. 341-13 du code de la consommation qui dispose que : "Le fait pour le prêteur ou l'intermédiaire de crédit de contrevenir aux obligations prévues par les dispositions des articles L.312-62 et L.312-63 en matière d'information précontractuelle est puni de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe".

Aucune nullité n'est donc encourue de ce chef.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts faute pour la banque d'avoir s'agissant d'un crédit renouvelable, justifié de l'envoi à l'emprunteur, trois mois avant chaque date anniversaire du contrat, de l'information sur les conditions de reconduction de celui-ci accompagné d'un bordereau réponse, faisant en cela application des articles L. 312-65 et L. 341-5 du code de la consommation.

La banque soutient que ces dispositions n'avaient pas à s'appliquer dès lors que le contrat a duré moins d'un an.

Il a été souscrit le 11 janvier 2020 et la déchéance du terme est survenue le 11 janvier 2021. Il n'en reste pas moins que cette information devait être donnée trois mois avant la date anniversaire du contrat soit au plus tard le 11 octobre 2020 et que tel n'a pas été le cas, étant observé que la mise en demeure avant déchéance du terme est postérieure au 11 octobre 2020.

La déchéance du droit aux intérêts est donc bien encourue pour ce motif. Toutefois elle n'a vocation à s'appliquer qu'à compter de la date anniversaire.

L'article L. 312-16 du code de la consommation impose au prêteur avant de conclure le contrat de crédit, de vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande prêteur et de consulter le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6.

Lorsque le contrat a été conclu à distance, les articles L. 312-17, D. 312-7 et D. 312-8 du code de la consommation prévoient que la vérification de la solvabilité de l'emprunteur prévue par l'article L. 312-16 du même code est renforcée, le prêteur ou son intermédiaire devant fournir à l'emprunteur une fiche d'informations distincte de la fiche mentionnée à l'article L. 312-12, laquelle doit être conservée par le prêteur pendant toute la durée du prêt et comporter notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier, être signée ou son contenu confirmé par voie électronique par l'emprunteur et faire l'objet d'une déclaration certifiant sur l'honneur son exactitude et , mais seulement lorsque le crédit porte sur un montant supérieur à 3 000 euros, cette fiche doit être corroborée par des pièces justificatives à jour à savoir tout justificatif du domicile de l'emprunteur, de son revenu et de son identité ainsi que le prévoit l'article D. 312-8 du même code.

Enfin s'agissant d'un crédit renouvelable, l'article L. 312-75 du même code prévoit qu'avant de proposer à l'emprunteur de reconduire le contrat, le prêteur consulte tous les ans le fichier prévu à l'article L. 751-1 et tous les trois ans, il vérifie la solvabilité de l'emprunteur dans les conditions de l'article L. 312-16.

Ces dernières dispositions ne sont toutefois pas sanctionnées en tant que telles par la déchéance du droit aux intérêts.

La fiche de renseignement produite comporte tous les éléments relatifs aux revenus et charges et son contenu a été validé électroniquement (validation 4/12). Le contrat de crédit conclu sur le lieu de vente ne dépassait pas 3 000 euros et dès lors il ne saurait être exigé de la banque la production de toutes les pièces visées à l'article D. 312-8 du code de la consommation étant observé qu'elle produit la copie de sa carte d'identité.

S'agissant de la consultation du FICP, aucun formalisme n'est exigé quant à la justification de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers par les organismes prêteurs, l'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, qu'en application de l'article L. 751-6 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu'ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l'article 1er doivent, dans les cas de consultation aux fins mentionnées au I de l'article 2, conserver des preuves de cette consultation, de son motif et de son résultat, sur un support durable. En effet, la Banque de France ne délivrait pas de récépissé de la consultation de son fichier.

Pour démontrer avoir satisfait à son obligation de consultation préalable du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, la société BNP Paribas Personal Finance communique un document à entête de Cetelem daté du 30 novembre 2021 ainsi libellé :

"L'établissement code Interbancaire 18029 - dénomination BNP Paribas Personal Finance

a effectué une consultation obligatoire du FICP pour la clé BDF : 250780CAMAR

le 14-01-2020

pour Mademoiselle [I] [L], née le [Date naissance 2]1980

dans le cadre d'un Octroi de crédit

pour un crédit de type consommation

à laquelle il a été répondu le 2020-01-14-18.23.15

Numéro de consultation obligatoire 200140321565".

Outre que la date du document apparaît peu compatible avec celle de la consultation mentionnée et ne démontre donc pas la conservation d'un document depuis la date de consultation, la cour constate que ledit document ne mentionne pas le résultat de la consultation mais seulement qu'une réponse a été faite.

La déchéance du droit aux intérêts contractuels doit donc être prononcée depuis l'origine du contrat sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres motifs invoqués.

Sur la preuve de la remise de la carte bancaire

La société BNP Paribas Personal Finance réclame à Mme [I] diverses sommes dont une grande partie est liée à l'utilisation de la carte bancaire que Mme [I] conteste avoir jamais reçue de même que le code secret qui y a été attaché et dont la banque soutient qu'il a été utilisé.

Même si le contrat ne prévoit pas expressément que cette carte sera envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception, il ne prévoit pas non plus le contraire et n'attire pas l'attention de l'emprunteur sur le mode d'envoi afin qu'il puisse surveiller sa boite aux lettres concernant un tel envoi sensible. La banque ne démontre pas que Mme [I] a été mise en possession de cette carte et qu'elle est donc bien l'auteur des retraits, ce qu'elle conteste. Le fait que ces retraits aient été effectués avec le code secret démontre seulement qu'une même personne était en possession de la carte et du code mais pas que cette personne est Mme [I] qui n'a jamais accusé réception de ladite carte.

Il résulte d'ailleurs des pièces qu'elle produit que le 7 avril 2020, la banque lui a écrit en lui indiquant qu'elle venait de recevoir très récemment sa carte de crédit But CPay Mastercard associée à un crédit renouvelable et que dès le 8 avril 2020, la société BNP Paribas Personal Finance a enregistré l'opposition de Mme [I] à cette carte perdue ou volée. Elle a ensuite déposé une main courante puis a attesté sur l'honneur n'avoir jamais reçu cette carte et a enfin déposé plainte le 15 août 2020.

Si les opérations figurent bien sur les relevés qui lui ont été envoyés, ceci ne suffit pas à démontrer qu'elle en est à l'origine et serait seulement de nature à justifier une demande de dommages et intérêts de la part de la banque pour la faute consistant à ne pas avoir réagi plus tôt. Il résulte des éléments qui sont versés aux débats que Mme [I] ne lisait manifestement pas plus ses relevés de compte émanant de la société BNP Paribas Personal Finance et que ce qui l'a fait réagir est le document du 7 avril 2020 qui a immédiatement entraîné une opposition de sa part. La banque ne formule aucune demande de dommages et intérêts.

Il y a lieu de débouter la banque de toute demande de remboursement au titre des utilisations faites via la carte bancaire.

Sur le devoir de mise en garde

Mme [I] soutient que la banque a manqué à son obligation de mise en garde.

Il convient de rappeler que si le banquier est tenu d'un devoir de mise en garde par rapport au risque d'endettement généré par le crédit contracté au regard des capacités financières de l'emprunteur, il est admis qu'en l'absence de risque d'endettement, le banquier n'est pas tenu à ce devoir de mise en garde.

La fiche de dialogue signée par Mme [I] mentionne qu'elle perçoit un salaire de 1 200 euros par mois et supporte un loyer de 372 euros. Elle était donc en mesure de supporter un remboursement en cas d'utilisation totale de 113 euros par mois sans risque d'endettement.

Ainsi il ne saurait être reproché à la banque de n'avoir pas satisfait une obligation générale de mise en garde à laquelle elle n'était pas tenue dès lors que le crédit ne faisait pas naître un risque d'endettement excessif.

Sur les sommes dues

Mme [I] a remboursé 701,86 euros pour le réfrigérateur soit la totalité du capital correspondant à la première utilisation qui était son achat auprès de la société But qui lui est seule imputable. Du fait de la déchéance du droit aux intérêts, la banque ne peut prétendre à aucune autre somme. Il y a donc lieu de débouter la société BNP Paribas Personal Finance de toute demande de condamnation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné Mme [I] aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société BNP Paribas Personal Finance qui succombe doit conserver donc la charge des dépens de première instance y compris ceux relatifs à l'ordonnance d'injonction de payer, Mme [I] ayant déjà remboursé manque la suite et d'appel et de ses frais irrépétibles.

Il apparaît équitable de faire supporter à la société BNP Paribas Personal Finance les frais irrépétibles engagés par Mme [I] à hauteur de la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, rappelé que le jugement se substituait à l'ordonnance d'injonction de payer, prononcé la déchéance du droit aux intérêts, débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande d'indemnité au titre de la clause pénale ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société BNP Paribas Personal Finance recevable en sa demande ;

Déboute Mme [L] [I] de sa demande d'annulation du contrat ;

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en paiement ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance y compris ceux relatifs à l'ordonnance d'injonction de payer et aux dépens d'appel ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Mme [L] [I] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/16271
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;22.16271 ?
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