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14/05/2024 | FRANCE | N°23/08395

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 14 mai 2024, 23/08395


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 14 MAI 2024



(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08395 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHSVW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 mars 2023 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/02007





APPELANT



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PRO

CUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté à l'audience par Madame M.-D. PERRIN, substitut général







INTIMEE...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 14 MAI 2024

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08395 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHSVW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 mars 2023 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/02007

APPELANT

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Madame M.-D. PERRIN, substitut général

INTIMEE

Madame [M] [B] née le 15 aout 2003 à [Localité 5] (Comores),

Chez Madame [R] [G] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

assignée le 02 juin 2023 par procès-verbal de remise à étude d'huissier

non comparante

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mars 2024, en audience publique, le ministère public s'y étant pas opposé, devant Mme Marie LAMBLING, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Mme Marie LAMBLING, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire du 2 mars 2023 du tribunal judiciaire de Paris qui a ordonné la clôture de l'instruction, reçu Mme [M] [B] en sa reprise d'instance, dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, jugé que Mme [M] [B], née le 15 aout 2003 à [Localité 5] (Comores), est de nationalité française, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil en marge des actes concernés, laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu la déclaration d'appel du ministère public en date du 3 mai 2023 et ses conclusions notifiées par la voie électronique le 24 mai 2023 et par acte de commissaire de justice en date du 2 juin 2023 à Mme [M] [B] selon les modalités prévues à l'article 658 du code de procédure civile, qui demande à la cour d'infirmer le jugement de première instance en date du 2 mars 2023, et statuant à nouveau, de débouter Mme [M] [B] de l'ensemble de ses demandes, de juger que celle-ci, se disant née le 15 août 2003 à [Localité 5] (Comores), n'est pas de nationalité française, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, et de condamner Mme [M] [B] aux entiers dépens ;

Vu l'absence de constitution de Mme [M] [B] à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 2 juin 2023 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 18 janvier 2024 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 4 mai 2023 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 18 du code civil, Mme [M] [B], se disant née le 15 aout 2003 à [Localité 5] (Comores), revendique la nationalité française par filiation paternelle pour être la fille de M. [L] [B], né le 1er janvier 1965 à [Localité 5] (Comores), ayant acquis la nationalité française suite à une déclaration de nationalité française souscrite le 16 mars 1992 à raison de son mariage avec une conjointe de nationalité française.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

Mme [M] [B] n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité. Il lui appartient d'apporter la preuve de la nationalité française de son père au jour de sa naissance, d'un lien de filiation légalement établi à son égard durant sa minorité et de son identité au moyen d'actes d'état civil fiables et probants au sens de l'article 47 du code civil selon lequel « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française'.

Mme [M] [B] n'ayant pas constitué avocat devant la cour, est réputée, conformément à l'article 954 alinéa 6 du code de procédure civile, s'approprier les motifs du jugement qui, pour dire qu'elle est de nationalité française, a retenu qu'elle justifiait d'un état civil probant et d'une filiation établie, du temps de sa minorité, à l'égard d'un père français.

Pour justifier de son état civil et de sa filiation, Mme [M] [B] a notamment produit devant le tribunal :

- Une copie de son acte de naissance N° 195, délivrée le 27 décembre 2018, indiquant qu'elle est née le 15 août 2003 à [Localité 5] (Comores) de [L] [B] né le 1er janvier 1965 à [Localité 5] (Comores) et de [C] [R] [G], née le 7 janvier 1983 à [Localité 5] (Comores), l'acte ayant été dressé le 4 octobre 2010 en exécution d'un jugement supplétif n°541 du 19 décembre 2009 rendu par le tribunal du cadi d'Itsandra, communiqué au parquet le 20 décembre 2009 (pièce 1 du ministère public) ;

- Une « copie », délivrée le 24 décembre 2018, du jugement supplétif d'acte de naissance n°541 du tribunal musulman du cadi d'Itsandra en date du 19 décembre 2019, communiqué au parquet le 20 décembre 2009 (pièce 3 du ministère public).

Le ministère public conteste devant la cour la valeur probante et l'authenticité du jugement supplétif d'acte de naissance sur le fondement duquel l'acte de naissance de l'intéressée a été dressé.

Dès lors que l'acte de naissance de Mme [M] [B] a été dressé en exécution d'un jugement supplétif, il en devient indissociable, et il appartient à la cour d'examiner la régularité internationale de la décision étrangère.

Mme [M] [B] n'ayant pas constitué avocat, la cour ne dispose en premier lieu pas d'expédition conforme de cette décision.

En second lieu, comme le relève justement le ministère public, la décision communiquée au tribunal, dont le ministère public verse une photocopie, était toutefois non une expédition certifiée conforme du jugement supplétif en date du 19 décembre 2009, mais une copie certifiée conforme par le ministère public le 4 janvier 2019, d'une copie conforme du jugement délivrée le 24 décembre 2018.

Si le tribunal a retenu que la décision avait fait l'objet d'une légalisation régulière, il apparaît néanmoins que seule la signature du procureur de la République [W] [Y] figurant sous cette mention a été correctement légalisée le 7 mars 2019 par le consul des Comores en France. Les signatures des Cadi et du secrétaire greffier, également apposées en bas de la copie conforme, ont en effet été légalisées le 7 janvier 2019 par le ministère des affaires étrangères à Moroni, autorité incompétente pour y procéder, et sans que les identités exactes des intéressés n'aient en outre été précisées. Il s'ensuit que la légalisation du jugement n'est pasrégulière, et que celui-ci ne peut en conséquence à ce premier titre produire effet en France.

Au surplus, outre que le tampon « Vu et communiqué au parquet » daté du 20 décembre 2009 figure sur une copie conforme de la décision délivrée le 24 décembre 2018, sans qu'aucune explication ne soit apportée sur ce point, le ministère public relève à juste titre qu'une telle communication est en tout état de cause postérieure au jugement, en violation des termes mêmes de l'article 69 de la loi comorienne n°84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil qui dispose que « le dossier est communiqué au ministère public, pour conclusions, après que le tribunal ait procédé d'office à toutes mesures d'instruction jugées nécessaires ». Il s'ensuit que ce jugement qui n'a pas été rendu dans des conditions de nature à garantir le respect du contradictoire, lequel fait partie intégrante de l'ordre public international français est inopposable en France, et que l'acte de naissance de Mme [M] [B], dressé sur le fondement de cette décision est dépourvu de caractère probant.

Nul ne pouvant prétendre à la nationalité française s'il ne justifie d'un état civil certain, l'extranéité de Mme [M] [B] doit être constatée. Le jugement est donc infirmé.

Mme [M] [B] qui succombe, est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Dit que la formalité prévue à l'article 1040 a été respectée et que la procédure est régulière,

Infirme le jugement,

Dit que Mme [M] [B], née le 15 août 2003 à [Localité 5] (Comores), n'est pas de nationalité française,

Ordonne l'inscription de la mention prévue à l'article 28 du code civil,

Condamne Mme [M] [B] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 23/08395
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;23.08395 ?
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