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14/05/2024 | FRANCE | N°23/06448

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 14 mai 2024, 23/06448


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 14 MAI 2024



(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06448 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHNKI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 janvier 2023 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/09709





APPELANT



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE

PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté à l'audience par Madame M.-D. PERRIN, substitut général





INTIM...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 14 MAI 2024

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06448 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHNKI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 janvier 2023 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/09709

APPELANT

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté à l'audience par Madame M.-D. PERRIN, substitut général

INTIMEE

Madame [T] [N] épouse [K] née le 31 mai 1966 à [Localité 3] (Algérie),

[Adresse 1]

[Localité 3]

ALGERIE

représentée par Me Abderrazak BOUDJELTI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0094

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro C-75056-23-507610 du 27/10/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mars 2024, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimée ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie LAMBLING, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Mme Marie LAMBLING, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire du 12 janvier 2023 du tribunal judiciaire de Paris qui a jugé que Mme [T] [N], née le 31 mai 1966 à [Localité 3] (Algérie), est de nationalité française, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code de procédure civile, et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu la déclaration d'appel du 31 mars 2023 du ministère public ;

Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 3 janvier 2024 par le ministère public qui demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en tout son dispositif et statuant à nouveau, de débouter Mme [T] [N] de l'intégralité de ses demandes, dire que cette dernière, se disant née le 31 mai 1966 à [Localité 3] (Algérie) n'est pas de nationalité française, ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil et condamner cette dernière aux dépens ;

Vu les conclusions signifiées le 22 décembre 2023 par Mme [N] qui demande à la cour de débouter le ministère public, confirmer le jugement dont appel et ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil ;

Vu la clôture prononcée le 23 janvier 2024 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 26 juin 2023 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 17 du code de la nationalité française, Mme [T] [N], revendique la nationalité française par filiation maternelle pour être née le 31 mai 1966 à [Localité 3] (Algérie), de Mme [F] [W], née le 5 février 1925 à [Localité 7] (France), française de statut de droit civil de droit commun.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

Mme [T] [N] n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité. Il lui appartient donc d'apporter la preuve de la nationalité française de sa mère au jour de sa naissance, d'un lien de filiation légalement établi à son égard durant sa minorité et de son identité au moyen d'actes d'état civil fiables et probants au sens de l'article 47 du code civil selon lequel « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Pour accueillir la demande de Mme [T] [N], le tribunal a retenu, après avoir relevé que ni sa filiation, ni la nationalité française de sa mère revendiquée n'était contestées, qu'elle justifiait d'un état civil probant, au regard de l'ordonnance n°70/20 du 19 février 1970 relative à l'état civil en Algérie.

Toutefois, le ministère public relève à juste titre que l'ordonnance susvisée, entrée en vigueur le 1er juillet 1972, n'était pas applicable au moment de la naissance de l'intéressée, et qu'il convient en conséquence de se référer aux dispositions du code civil français dont l'application avait été reconduite par la loi algérienne n°62-157 du 31 décembre 1962.

Pour justifier de son état civil, Mme [T] [N] produit en premier lieu une copie conforme du registre matrice (pièce 13). Il apparaît que celle-ci n'est toutefois signée ni de l'officier de l'état civil, ni du déclarant, en violation, comme le relève à juste titre le ministère public, des articles 38 et 39 du code civil alors applicables.

En second lieu, Mme [T] [N] produit devant la cour une nouvelle copie intégrale de son acte de naissance, sur formulaire EC7, délivrée le 4 janvier 2022, indiquant qu'elle est née le 31 mai 1966 à 11 heures à [Localité 3], wilaya de [Localité 3], de [Z], âgé de 33 ans, « employer » et de [W] [F], âgée de 41 ans, infirmière, domiciliés à [Localité 6], l'acte ayant été dressé le 1er juin 1966 à 14h30 sur déclaration faite par « le directeur de l' « opital » civil de [5] » (pièce 3).

Cet acte n'identifie pas, comme le souligne justement le ministère public, l'état civil du déclarant, ni son domicile, en violation de l'article 34 du code civil français alors applicable qui dispose que « les actes de l'état civil énonceront l'année, le jour et l'heure où ils seront reçus, les prénoms et nom de l'officier de l'état civil, les prénoms, noms professions et domiciles de tous ceux qui y seront dénommés['] », et de l'article 57 du même code, issu de la loi publiée le 10 février 1924, qui prévoit que «  L'acte de naissance énoncera le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant et les prénoms qui lui seront donnés, les prénoms, noms, figes, professions et domiciles des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant['] ».

Contrairement à ce que soutient l'intimée, la circonstance que la copie intégrale de l'acte est conforme au registre, dont elle verse copie (pièce 13), ne saurait suffire à justifier du caractère probant de son acte de naissance. En effet, outre que l'identité du déclarant est exigée par les textes susvisés, elle constitue une mention substantielle de l'acte, l'article 56 du code civil énumérant limitativement, comme le rappelle le ministère public, les personnes habilitées pour déclarer la naissance, soit « le père, ou à défaut les docteurs en médecine ou en chirurgie, sage-femmes, officiers de santé ou autres personnes qui auront assisté à l'accouchement ; et, lorsque la mère sera accouchée hors de son domicile, par la personne chez qui elle sera accouchée ».

Il s'ensuit que l'acte de naissance de Mme [T] [N], qui n'identifie pas le directeur de l'hôpital, et a été dressé sur déclaration d'une personne qui n'avait pas qualité pour y procéder, n'est pas conforme à ce premier titre à la législation algérienne alors applicable, et ainsi qu'il ne peut être considéré comme probant au sens de l'article 47 du code civil français.

Ne justifiant pas d'un état civil certain, Mme [T] [N] ne peut revendiquer la nationalité française.

Le jugement est infirmé.

Mme [T] [N], qui succombe, est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Dit que les formalités prévues à l'article 1040 du code de procédure civile ont été accomplies et que la procédure est régulière,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [T] [N], née le 31 mai 1966 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas de nationalité française,

Ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil,

Condamne Mme [T] [N] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 23/06448
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;23.06448 ?
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