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14/05/2024 | FRANCE | N°22/09535

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 14 mai 2024, 22/09535


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 14 MAI 2024



(n° / 2024, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09535 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2LY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 avril 2022 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2020019468





APPELANTE



Madame [D] [J] née [B]

Née le [Date naissance 1] 198

1 à [Localité 8] (COTE D'IVOIRE)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 6]



Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avo...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 14 MAI 2024

(n° / 2024, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09535 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2LY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 avril 2022 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2020019468

APPELANTE

Madame [D] [J] née [B]

Née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 8] (COTE D'IVOIRE)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : K0148,

Assistée de Me Sarah GARCIA, avocate au barreau de PARIS, toque C2182,

INTIMÉS

S.A.S. BDR & ASSOCIES, prise en la personne de Me [E] [O], en qualité de liquidateur de la société GROUPE 3 PROTECTION, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 532 007 374,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 844 765 487,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 5]

Non constituée

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 3]

[Localité 7]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2023, en audience publique, devant la cour composée de:

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François Vaissette, avocat général, qui a fait connaître son avis écrit le 4 octobre 2022.

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La SARLGroupe 3 Protection, créée en 2011, avait pour activité la surveillance humaine et la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou gardiennage de biens meublés ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles.

Sur déclaration de cessation des paiements de l'un de ses gérants, M.[G] [M], effectuée le 4 décembre 2019 et par jugement du 18 décembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert la liquidation judiciaire de la société, fixé la date de cessation des paiements au 4 décembre 2019 et désigné la SCP [O]-Daudé, en la personne de Maître [E] [O], en qualité de liquidateur judiciaire.

Selon le ministère public, l'insuffisance d'actif s'élève à 299.346,62 euros.

Par requête du 29 mai 2020, le ministère public a saisi le tribunal de commerce de Paris d'une requête en sanction personnelle à l'encontre de Mme [D] [J] née [B], co-gérante de droit de la société, lui reprochant d'avoir fait disparaître des documents comptables, omis de tenir une comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou d'avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables (article L653-5 du code de commerce) et détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale (article L653-4 du code de commerce), correspondant à d'importants virements au profit de 'Services de sécurité' 12.000 euros, le 21 août 2019, 7.828 euros le 22 août 2019,8.439,43 euros le 19 septembre 2019, 12.000 euros le 26 septembre 2019 dont M.[M], qui a déposé la déclaration de cessation des paiements, n'avait pas justifiés et à des pénalités déclarées par le Trésor public pour un montant de 58.910 euros.

Mme [J] a contesté être gérante de la société Groupe 3 Protection et soutenu que son identité avait été usurpée.

Par jugement du 5 avril 2022, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris, retenant la qualité de dirigeante de droit de Mme [J] et les griefs reprochés a prononcé à son encontre une faillite personnelle d'une durée de 8 ans.

Mme [J] a interjeté appel de ce jugement le 13 mai 2022.

Par conclusions déposées au greffe et signifiées le 18 juillet 2022, Mme [J] demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, y faisant droit, infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, à titre principal, vu son absence de qualité de gérante, vu la falsification de sa signature, rejeter toutes les demandes formulées par le liquidateur et le ministère public, la mettre purement et simplement hors de cause, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où sa qualité de dirigeante de droit serait retenue, juger qu'elle n'a commis aucune faute qui aurait pu contribuer à l'aggravation du passif, rejeter toutes les demandes formulées à son encontre, à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire sa responsabilité devait être caractérisée, limiter la durée de la faillite personnelle à deux ans, en tout état de cause, condamner Maître [E] [O] et le ministère public aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 octobre 2022, le ministère public sollicite la confirmation du jugement sur le principe, mais sa réformation quant au quantum en prononçant une mesure de faillite personnelle à l'encontre de Mme [J] pour une durée de 5 ans .

Mme [J] a, par acte du 20 juillet 2022, remis à personne morale, assigné la SAS BDR&Associés, en la personne de Maître [E] [O], devant la cour d'appel en lui dénonçant la déclaration d'appel et lui signifiant les conclusions en date du 18 juillet 2022.

Le liquidateur judiciaire, ès qualités, n'a pas constitué avocat .

SUR CE,

Le ministère public poursuit Mme [J] en sa qualité de gérante de droit de la société Groupe 3 Protection depuis le 2 mai 2019, lui faisant grief de ne pas avoir respecté l'obligation légale de tenir une comptabilité et d'avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la société en procédant à d'importants virements ( 40.267 euros) entre le 20 août 2019 et le 26 septembre 2019 sans qu'aucune explication ne soit apportée sur la raison de ces virements et en faisant supporter à la société des pénalités consécutives au non reversement de la TVA pour la période 2015-2019, sans avoir engagé de procédure de régularisation lors de sa gestion.

Pour retenir que Mme [J] était dirigeante de droit de '2013 à 2020, soit pendant plus de 7 ans', de la société Groupe 3 Protection, le tribunal a considéré qu'elle n'était pas sans ignorer l'univers de la direction des affaires puisqu'elle est par ailleurs présidente de la SASU [J] Sécurité Protection France immatriculée à Paris en janvier 2019 et qu'il ressortait des contrôles effectués par l'administration fiscale que des factures fictives avaient été émises par la société [J] Net Services en 2015 et 2016 dont le gérant est M.[V] [J] qui est aussi salarié de la société Groupe 3 Protection, que la plainte pour usurpation d'identité et usage de faux déposée par Mme [J] le 15 juillet 2020, soit plus de 6 mois après le prononcé de la liquidation judiciaire de la société le 18 décembre 2019 et pour laquelle elle avait réceptionné deux courriers du mandataire judiciaire, n'était complétée par aucune pièce susceptible de l'étayer.

Mme [J] conteste avoir été gérante de la société Groupe 3 Protection et sollicite sa mise hors de cause. Elle fait valoir que sa signature a été imitée sur les actes sociaux, notamment les statuts et le procès-verbal la nommant et qu'ainsi une fraude est à l'origine de sa mention en tant que dirigeante sur le Kbis de la société. Elle indique avoir déposé plainte pour faux, usage de faux et usurpation d'identité et avoir fait procéder à une expertise en écritures qui établit le caractère apocryphe des signatures censées émaner d'elle. Elle précise avoir découvert la situation lorsqu'elle a reçu le 30 juin 2020 une convocation du tribunal pour être entendue préalablement à l'application d'une sanction de faillite personnelle, qu'aucun acte de gestion ne peut lui être imputé, que M.[M] était le seul et unique gérant de la société et que le liquidateur judiciaire a constaté qu'il avait bénéficié d'importants virements pour les mois d'août à novembre 2019.

L'extrait Kbis à jour au 4 novembre 2019 de la SARLGroupe 3 Protection, fait état de deux co-gérants M.[M] [G] et Mme [D] [B] épouse [J].

Le procès-verbal de l'assemblée générale de la société Groupe 3 Protection en date du 2 mai 2019, mentionne que Mme [J] a été nommée co-gérante de la société aux côtés de M.[M], en remplacement de M.[U] [W] démissionnaire et qu'il a été décidé de modifier les statuts suite à la cession par M.[M] de 150 parts sociales au profit de Mme [J] afin de tenir compte de la nouvelle répartition du capital social, Mme [J] détenant 150 parts et M.[M] 850 parts de la société Groupe 3 Protection. Les statuts de la société mis à jour le 2 mai 2019 reprennent cette répartition du capital social.Le procès-verbal de l'assemblée générale a été déposé eu greffe du tribunal de commerce le 28 mai 2019.

C'est sur la base de ces éléments qu'il est soutenu que Mme [J] était bien gérante de droit de la société Groupe 3 Protection, non pas comme l'indique à tort le tribunal depuis 2013, mais depuis le 2 mai 2019 selon le ministère public.

Il ressort du rapport du liquidateur judiciaire versé aux débats que M.[M] était frappé d'une faillite personnelle d'une durée de 10 ans depuis le 6 mai 2010, d'autre part que Mme [D] [J] est présidente de la SASU [J] Sécurité Protection France, immatriculée le 24 janvier 2019, exerçant sous l'enseigne 'Dispro France' une activité de sécurité privée.

Mme [J], qui soutient que son identité a été usurpée, a déposé plainte auprès du parquet du tribunal judiciaire de Paris le 15 juillet 2020 pour faux, usage de faux et usurpation d'identité. La plainte vise M.[M] et soutient que ce dernier a cherché à diluer sa propre responsabilité et à créer une confusion sur ses détournements alors qu'il exerçait les fonctions de gérant en violation d'une faillite personnelle d'une durée de 10 ans. Il n'est pas pertinent de s'attarder sur le caractère tardif de la plainte, dès lors que Mme [J] explique avoir découvert en juillet 2020 qu'elle était dirigeante de la société Groupe 3 Protection par la convocation devant le tribunal de commerce pour y être entendue sur la sanction réclamée et qu'il n'est pas démontré qu'elle pouvait agir avant.La cour n'a pas connaissance des suites réservées à cette plainte.

Mme [J] a également fait procéder à une expertise en écritures par M.[P] (cabinet LFD Criminalistique) expert en écritures agréé par la cour d'appel de Toulouse, qui a comparé les signatures attribuées à Mme [J] sur le procès-verbal de l'assemblée générale la nommant co-gérante et sur les statuts à jour du 2 mai 2019 avec neuf échantillons de signatures de Mme [J].

Dans son rapport daté du 11 juillet 2022, l'expert conclut que les signatures apposées sur le procès-verbal d'assemblée générale du 2 mai 2019 ( Pièce Q-01) et sur les statuts mis à jour le 2 mai 2019 (Pièce Q-02) n'émanent pas de Mme [D] [J] et à l'existence d'un fort soupçon d'imitation servile, avec réserve de ce que ferait ressortir l'examen des documents de question en original, l'expert ayant travaillé sur la copie des documents en question, toutefois après vérification positive de viabilité et d'absence apparente de manipulation physique et numérique. L'analyse a été réalisée sur la base d'un

échantillon de contrôle composé de 10 spécimens de référence dont neuf en original, datés entre 2018 et 2022, soit une période relativement contemporaine des signatures arguées de

faux. De très nombreuses discordances ont été relevées par l'expert notamment la composition de la signature, la morphologie d'ensemble, l'inclinaison, la forme, la graphométrie, le positionnement, la spontanéité, l'homogénéité, les proportions et la ligne de base.

Le travail effectué par l'expert selon les normes de la profession est précis et rigoureux. Rien ne permet de s'écarter de ses conclusions, la réserve relative au fait qu'il n'a examiné les signatures litigieuses qu'en copie étant habituelle en la matière mais inopérante en l'espèce compte tenu des dissemblances constatées et du caractère médiocre de l'imitation, et ce d'autant que la cour relève aussi que les deux signatures arguées de faux (pièces Q01 et Q02) pourtant supposées établies le même jour (2 mai 2019) ne sont pas identiques entre elles et diffèrent très sensiblement de la signature officielle de Mme [J] figurant sur son passeport établi le 20 juillet 2018.

Ces discordances induisent un très sérieux doute sur l'authenticité des signatures apposées sur le procès-verbal de l'assemblée générale du 2 mai 2019 et sur les statuts modifiés.Aucun élément ne permet par ailleurs de rattacher ces signatures à une activité de Mme [J] au sein de la société Groupe 3 Protection, l'intéressée ne devant pas être confondue avec M.[V] [J]. Enfin, si Mme [J] dirige la SASU [J] Sécurité Protection France, ce n'est pas cette entité, mais la société [J] Net Services qui est visée dans l'établissement de fausses factures à la société Groupe 3 Protection.

Dans ces conditions, le ministère public manque à établir que Mme [D] [B] épouse [J] a été dirigeante de droit de la société Groupe 3 Protection.

En conséquence la cour, infirmant le jugement en toutes ses dispositions, déboutera le ministère public de sa requête en sanction personnelle à l'encontre de Mme [J].

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge du Trésor Public. Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à sanction personnelle à l'encontre de Mme [D] [B] épouse [J], sa qualité de dirigeante de droit de la société Groupe 3 Protection n'étant pas établie,

Ordonne la suppression de l'inscription de la sanction prononcée par le tribunal de commerce de Paris le 5 avril 2022 ( faillite personnelle pendant une durée de 8 ans ) dans le Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,

Déboute Mme [J] de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge du Trésor Public.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 22/09535
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;22.09535 ?
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