La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2024 | FRANCE | N°23/09771

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 07 mai 2024, 23/09771


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 07 MAI 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/09771 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHW33



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 février 2023 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/08617





APPELANT



Monsieur [X], [Z] [V] né le 1er octobre 1996 à [Lo

calité 6] (Cameroun)



[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34





INTIME

...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 07 MAI 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/09771 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHW33

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 février 2023 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/08617

APPELANT

Monsieur [X], [Z] [V] né le 1er octobre 1996 à [Localité 6] (Cameroun)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE NATIONALITE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme Brigitte AUGIER de MOUSSAC, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Mme Marie LAMBLING, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire du 2 février 2023 du tribunal judiciaire de Paris qui a jugé que le certificat de nationalité française délivré le 11 juin 2013 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) à M. [X] [Z] [V], l'a été à tort, et dit que M. [X] [V] n'est pas de nationalité française et l'a condamné aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel du 31 mai 2023 de M. [X] [V] ;

Vu les conclusions signifiées le 21 décembre 2023 par M. [X] [Z] [V] qui demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, juger qu'il est de nationalité française par filiation paternelle, ordonner la transcription de son acte de naissance camerounais n°2021/LT1303/N/010 dressé le 22 avril 2021 sur les registres de l'état civil français et condamner le Trésor public à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les conclusions notifiées le 2 octobre 2023 par le ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement en tout son dispositif ;

Vu la clôture prononcée le 30 janvier 2024 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 15 juin 2023 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 18 du code civil, M. [X] [Z] [V] revendique la nationalité française par filiation paternelle, pour être né le 1er octobre 1996 à [Localité 6] (Cameroun) d'un père lui-même français en vertu de l'article 21-2 du code civil, par déclaration souscrite le 7 décembre 1994 et enregistrée le 7 mars 1997.

M. [X] [V] est titulaire d'un certificat de nationalité française délivré le 11 juin 2013 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) aux motifs qu'il est le fils de M. [T] [S], de nationalité française.

Le ministère public qui soutient que ce certificat de nationalité française a été délivré à tort à l'intéressé doit en apporter la preuve en application de l'article 30 du code civil.

La force probante d'un certificat de nationalité française dépend des documents qui ont servi à l'établir et si le ministère public prouve que ce certificat a été délivré à tort à l'intéressé ou sur la base d'actes erronés, ce certificat perd toute force probante.

C'est par des motifs exacts et pertinents, non contestés par les parties, que le tribunal a retenu que le certificat de nationalité délivré à M. [X] [V] l'avait été à tort, ce dernier ayant produit un acte de naissance n° 76/96 qui était apocryphe. Le jugement est confirmé sur ce point.

Pour considérer ensuite que M. [X] [V] ne disposait pas d'un acte d'état civil fiable, les premiers juges ont retenu qu'il avait produit plusieurs actes de naissance comportant des mentions divergentes, l'acte n° 76/96 et l'acte 040/2015 dressé suivant jugement de reconstitution d'acte de naissance n°218/DL du 25 septembre 2015, qui ôtaient toute force probante à l'une quelconque des copies en application de l'article 47 du code civil.

En appel, M. [X] [V] produit :

- L'original de son acte de naissance 2021/LT 1303/N010 du centre d'état civil de [Localité 6], délivré le 22 avril 2021 en exécution du jugement de reconstitution d'acte de naissance n°218/DL du 25 septembre 2015 rendu par le tribunal de première instance de Mbanga, indiquant que [V] [X] [Z], de sexe masculin est né le 1er octobre 1996 de [T] [S], né à [Localité 5], domicilié à [Localité 7], menuisier et de [J] [I], née à [Localité 8] le 26 mai 1960 domiciliée à [Localité 6], ménagère, de nationalité camerounaise. Au dos de l'acte figurent les mentions suivantes « l'enfant [V] [X] [Z] est reconnu par son père naturel M. [S] [T], conformément à l'article 44 de l'ordonnance présidentielle n°81/002 du 29 juin 1981 » ; « jugement de reconstitution d'acte de naissance n0218/DL du 25 septembre 2015 rendu par le tribunal de première instance de Mbanga et transcrit dans le registre des actes de naissance du centre d'état civil secondaire de [Localité 6] » ; « jugement de rectification d'erreurs matérielles dans un jugement n°98/TPD/MBA du 4 mars 2021 rendu par le tribunal de première instance de Mbanga » ;

- une expédition du jugement de reconstitution d'acte de naissance n°218/DL rendu par le tribunal de première instance de Mbanga, délivrée le 1er novembre 2015, ordonnant la reconstitution de l'acte de naissance de [V] [H] [Z], comme né le 1er octobre 1996 à [Localité 6] ;

- une expédition du jugement de rectification d'erreurs matérielles, rendu le 4 mars 2021 par le tribunal de première instance de Mbanga, « ordonnant au greffier en chef du tribunal la rectification des erreurs matérielles figurant sur le jugement n°218/DL du 25 septembre 2015 en ce sens au niveau des qualités, retranscrire la filiation du requérant notamment l'identité de ses père et mère et leurs coordonnées devant figurer sur l'acte de naissance en voie de reconstitution ; écrire plutôt [V] [X] [Z] au lieu de [A] [H] », accompagné de l'acte de signification et du certificat de non appel ;

Le ministère public conteste la régularité internationale du jugement du 25 septembre 2015 au motif qu'il n'a que pour objet de régulariser la fraude originaire, l'article 22 de l'ordonnance n°2 du 29 juin 1981 relative à l'état civil de Cameroun ne prévoyant nullement la possibilité de reconstituer un acte faux mais énonçant seulement qu'il y a lieu à reconstitution en cas de perte, de destruction des registres ou lorsque la déclaration de naissance n'a pu être effectuée dans les délais prescrits. Il considère que le jugement, en application de l'article 34 de l'accord de coopération en matière de justice entre la France et le Cameroun du 21 février 1974 est contraire à l'ordre public international qui interdit de donner effet à la fraude.

L'article 34 de l'accord de coopération en matière de justice entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République unie du Cameroun conclu à [Localité 8] le 21 février 1974 stipule qu':

« En matière civile, sociale ou commerciale, les décisions contentieuses ou gracieuses rendues par une juridiction siégeant en France ou au Cameroun sont reconnues de plein droit sur le territoire de l'autre Etat si elles réunissent les conditions suivantes :

a) Les parties ont été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes;

b) Le litige entre les mêmes parties, fondé sur les mêmes faits et ayant le même objet :

- n'est pas pendant devant une juridiction de l'Etat requis, ou

- n'a pas donné lieu à une décision rendue dans l'Etat requis, ou

- n'a pas donné lieu à une décision rendue dans un Etat et réunissant les conditions nécessaires à son exequatur dans l'Etat requis ;

c) La décision, d'après la loi de l'Etat où elle a été rendue, ne peut plus faire l'objet d'un recours ordinaire ou d'un pourvoi en cassation ;

d) La décision émane d'une juridiction compétente d'après les règles de conflit de l'Etat requis, sauf renonciation de la partie intéressée ;

e) La décision n'est pas contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet Etat et possédant à son égard l'autorité de la chose jugée ;

f) Elle ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat. »

En outre, l'article 38 de l'accord de coopération du 21 février 1974 dispose que :

« L'autorité compétente se borne à vérifier si la décision dont l'exequatur est demandé remplit les conditions prévues à l'article 34. Elle procède d'office à cet examen et doit en constater les résultats dans la décision. »

Le jugement rendu le 25 septembre 2015 par le tribunal de première instance de Mbanga a été rendu, en présence du ministère public, à la requête de M. [X] [V] qui faisait valoir qu'ayant perdu l'acte de naissance que ses parents lui avaient fait établir, il s'est rendu au centre d'état civil de son lieu de naissance et qu'il s'est avéré que la souche de cette pièce n'existait pas, qu'il a produit au soutien de sa requête un certificat de non retrouvaille, un certificat de domicile ainsi que les cartes nationales d'identité des témoins. Le tribunal, après avoir entendu des témoins et pris connaissance de l'enquête diligentée par le parquet, confirmant l'inexistence de la souche de l'acte de naissance perdu de l'intéressé, a considéré que sa naissance n'a jamais été déclarée, que la demande ne visait aucun dessein frauduleux et qu'il convenait d'ordonner la reconstitution de son acte de naissance.

Contrairement à ce que soutient le ministère public pour caractériser la violation par le jugement camerounais de l'ordre public international, cette cour ne peut se fonder sur la circonstance que le droit camerounais ne permet pas la reconstitution d'un acte faux, la cour ne pouvant substituer sa propre interprétation de la loi camerounaise à celle des juges camerounais. En outre, alors que M. [X] [V] a exposé au tribunal camerounais l'ensemble de sa situation, qu'il a fait état de l'acte de naissance qu'il avait eu en sa possession et qu'il avait perdu, qu'il a produit le certificat de non existence de souche et que le juge camerounais a considéré que son action ne visait aucun but frauduleux, la fraude alléguée par le ministère public ne peut être retenue, le juge français ne pouvant réviser au fond le jugement étranger dont la reconnaissance est sollicitée en France.

Enfin, la circonstance que le jugement ait été transcrit avant l'expiration du délai d'appel est inopérant dès lors que M. [X] [V] produit un certificat de non appel. Le jugement du 25 septembre 215 est donc opposable en France.

Ce jugement a ensuite été rectifié par jugement du 4 mars 2021 lequel est également critiqué par le ministère public qui considère qu'il a été obtenu dans le même but que le jugement reconstitutif initial. Mais, outre le certificat de non appel de ce jugement, M. [X] [V] produit sa requête, ses conclusions additives ainsi que les réquisitions du ministère public en faveur des rectifications sollicitées. Le jugement rectificatif réunissant les conditions prévues à l'article 34 précité est donc opposable en France pour les mêmes motifs que ceux énoncés pour le jugement du 25 septembre 2015.

Il s'ensuit que l'acte de naissance de M. [X] [V], dressé en exécution des deux jugements précités, est probant.

La filiation de M. [X] [V] étant établie à l'égard de M. [T] [S] qui a acquis la nationalité française par déclaration souscrite le 7 décembre 1994 devant le juge d'instance de Sens, enregistrée sous le n°03781/97, est français. Le jugement est infirmé.

Les dépens sont laissés à la charge du Trésor public. En équité, dès lors que M. [X] [V] a produit de nouvelles pièces en appel, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Dit que la formalité prévue à l'article 1040 du code de procédure civile a été accomplie et que la procédure est régulière,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que le certificat de nationalité française délivré à M. [X] [V] l'avait été à tort,

Infirme le jugement pour le surplus

Et statuant à nouveau,

Dit que M. [X] [V], né le 1er octobre 1996 à [Localité 6] (Cameroun) est de nationalité française,

Ordonne l'inscription de la mention prévue à l'article 28 du code civil,

Déboute M. [X] [V] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 23/09771
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;23.09771 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award