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07/05/2024 | FRANCE | N°22/14268

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 07 mai 2024, 22/14268


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 07 MAI 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14268 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGIAS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 mai 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 19/13458

Après arrêt avant dire droit rendu le 31 octobre 2023 par la cour de céans



APPEL

ANT



Monsieur [P] [J] né le 29 octobre 1989 à [Localité 8] (Algérie),



S/C de [L] [J],

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Me Stéphanie CALVO, avocat au ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 07 MAI 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14268 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGIAS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 mai 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 19/13458

Après arrêt avant dire droit rendu le 31 octobre 2023 par la cour de céans

APPELANT

Monsieur [P] [J] né le 29 octobre 1989 à [Localité 8] (Algérie),

S/C de [L] [J],

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0599

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE NATIONALITE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme Brigitte AUGIER de MOUSSAC, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Mme Marie LAMBLING, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 12 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, jugé que M. [P] [J], se disant né le 29 octobre 1989 à [Localité 8] (Algérie), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamné M. [P] [J] aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel du 31 juillet 2022 de M. [P] [J] ;

Vu l'arrêt avant dire droit rendu le 31 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris qui a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture, renvoyé l'affaire devant le conseiller de la mise en état, dit que le ministère public doit présenter ses observations sur les pièces n°41 et n°42 et les nouvelles conclusions de M. [P] [J] avant le 1er décembre 2023, dit que l'affaire sera clôturée le 18 janvier 2024, renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de plaidoirie du jeudi 14 mars 2024 à 14h ;

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 janvier 2024 par M. [P] [J] qui demande à la cour de :

À titre principal :

- Annuler le jugement rendu le 12 mai 2022 pour défaut de respect du contradictoire ;

À titre subsidiaire :

- Infirmer le jugement rendu le 12 mai 2022 ;

En conséquence et en toutes hypothèses :

-Dire et juger que M. [P] [J], né le 29 octobre 1989 à [Localité 8] (Algérie) est de nationalité française à compter de sa naissance ;

- Ordonner les mentions prévues par les articles 28 et 28-1 du code civil ;

- Ordonner que les frais et dépens soient à la charge de l'État ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2023 par le ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner M. [P] [J] aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 janvier 2024 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 9 septembre 2022 par le ministère de la Justice.

Sur l'annulation du jugement

L'appelant soutient que les premiers juges n'ont pas respecté le principe de la contradiction en retenant que l'acte de mariage des parents de M. [P] [J] n'était pas conforme au formalisme prévu par la loi algérienne et ne faisait donc pas foi alors que cet élément de fait n'avait pas été soulevé par le ministère public. Mais, faute de produire les conclusions du ministère public devant le tribunal, il ne rapporte pas la preuve d'une atteinte au principe du contradictoire. En conséquence, il n'y a pas lieu d'annuler le jugement.

Sur la réformation du jugement

Invoquant les articles 18 et 32-1 du code civil, M. [P] [J], se disant né le 29 octobre 1989 à [Localité 8] (Algérie), soutient qu'il est français par filiation paternelle pour être le fils de M. [O] [Y] [J], descendant de [A] [C], née le 19 mars 1889 à [Localité 8], de statut de droit commun, ayant conservé sa nationalité française lors de l'indépendance de l'Algérie.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

M. [P] [J] n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité. Il lui appartient d'apporter la preuve de la nationalité française de son père au jour de sa naissance, d'un lien de filiation légalement établi à son égard durant sa minorité et de son identité au moyen d'actes d'état civil fiables et probants au sens de l'article 47 du code civil selon lequel « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française'.

C'est par des motifs exacts et pertinents, non contestés par le ministère public, que la cour adopte, que le tribunal a considéré que M. [P] [J], né le 29 octobre 1989 à [Localité 8] de [O] [Y], âgé de 31 ans, ouvrier et de [T] [U], âgée de 22 ans, sans profession, domiciliés à [Localité 5], disposait d'un état civil certain.

Pour rejeter sa demande, le tribunal a notamment retenu qu'il ne rapportait pas la preuve de sa filiation à l'égard de [O] [Y], dès lors qu'il n'avait pas été déclaré par ses soins et que la copie de l'acte de mariage de ses parents, n'était pas conforme aux prescriptions du décret n°14-75 du 17 février 2014.

En appel, M. [P] [J] produit une copie de l'acte de mariage de ses parents, conforme aux prescriptions algériennes, qui n'est pas contestée par le ministère public. M. [P] [J] justifie donc de sa filiation à l'égard de [O] [Y] [J].

Pour établir la chaine de filiation jusqu'à [A] [C], son arrière-grand-mère, M. [P] [J] produit :

-l'extrait des jugements collectifs des naissances de son père, [O] [Y], indiquant qu'il est présumé né en 1958, de [N] et [G] [K] [B], ainsi que l'acte de mariage de ces derniers célébré le 23 août 1947 ;

- la copie de l'acte de naissance de son grand-père, [N] [J], né le 29 février 1916 à [Localité 8], de [E], âgé de 35 ans, soldat et de [A] [C], âgée de 30 ans, sans profession ;

- la copie de l'acte de mariage, délivrée le 7 août 2023, de [E] [J], présumé né en 1886 à [Localité 7] et de [A] [C], née le 19 mars 1889 à [Localité 8], fille de [V] et de [H] [M] [R] [S] ou [I] indiquant que leur mariage a été célébré en 1908 conformément au jugement n°108 du 3 mai 1995, transcrit le 28 décembre 1995 ;

- l'ordonnance de « transcription d'un acte de mariage » prononcée le 3 mai 1995 par le président du tribunal de Tizi-Ouzou concernant [E] [J] et [A] [C], en langue arabe et traduite ;

- la copie de l'acte de naissance de [A] [C], née le 19 mars 1889 à [Localité 8] de [V] [C], âgé de 56 ans, propriétaire, et de [F] [M] [R] [S] ou [I], âgée de 22 ans, sans profession, l'acte ayant été dressé sur déclaration du père ;

- la copie de l'acte de naissance de [V] [C] dressé par l'officier de l'état civil de [Localité 6] (Jura) indiquant qu'il est né le 10 avril 1834 de [W] [C] et [Z] [X].

Au regard de ces pièces, M. [P] [J] justifie, ce qui n'est pas contesté par le ministère public, que son père est le fils de [N] [J]. Il ressort également de l'acte de naissance de [A] [C] que sa filiation est établie à l'égard de [V] [C], ce dernier ayant déclaré sa naissance et de l'acte de naissance de [V] [C], né à [Localité 6], que [A] [C] est originaire de France métropolitaine.

En revanche, comme le soulève à juste titre le ministère public, l'ordonnance de transcription de l'acte de mariage de [E] [J] et [A] [C] du 3 mai 1995 ne comporte pas le nom du juge qui l'a rendue et n'est donc pas opposable. En effet, en application de l'article 6 de la convention franco-algérienne relative à l'exequatur et à l'extradition du 29 août 1964, la partie qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire doit produire une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité. Si la décision comporte le nom de celui qui a délivré la copie et une signature, le traducteur a relevé qu'elle était illisible de sorte qu'elle ne permet pas d'authentifier le juge qui a prononcé la décision. Or, la mention du nom du juge est une condition permettant de s'assurer de l'authenticité de la décision. Dès lors, la décision du 3 mai 1995 est inopposable en France, et l'acte de mariage, dressé en vertu de cet acte et qui en est indissociable ne peut faire foi. L'appelant échoue en conséquence à démontrer l'existence d'une chaîne de filiation jusqu'à [A] [C].

L'appelant soutient en outre que la confirmation du jugement porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme en ce que la nationalité française participe de son identité étant descendant de [V] [C], natif de l'actuel territoire français. Mais, si la Cour européenne des droits de l'homme reconnaît qu'un refus d'octroyer la nationalité puisse dans certaines conditions constituer une ingérence dans l'exercice des droits découlant de l'article 8 du fait de l'impact de cette décision dans la vie privée, M. [P] [J] n'expose aucun élément de fait particulier à sa situation pour justifier d'une telle atteinte, la seule circonstance qu'il ait un aïeul français étant inopérante.

En conséquence, le jugement qui a constaté son extranéité est confirmé.

Succombant à l'instance, M. [P] [J] est condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Dit que la formalité prévue à l'article 1040 a été respectée et que la procédure est régulière,

Rejette la demande d'annulation du jugement,

Confirme le jugement,

Ordonne l'inscription de la mention prévue à l'article 28 du code civil,

Condamne M. [P] [J] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/14268
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;22.14268 ?
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