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02/05/2024 | FRANCE | N°22/16720

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 02 mai 2024, 22/16720


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 02 MAI 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16720 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGOYF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 juillet 2022 - Tribunal de proximité d'AULNAY SOUS BOIS - RG n° 11-21-001943





APPELANTE



La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 12],

société coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité statutairement limitée agissant poursuites et diligences de ses représentant légaux domiciliés en cette qualit...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 02 MAI 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16720 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGOYF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 juillet 2022 - Tribunal de proximité d'AULNAY SOUS BOIS - RG n° 11-21-001943

APPELANTE

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 12], société coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité statutairement limitée agissant poursuites et diligences de ses représentant légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 315 843 284 00011

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentée par Me Sylvie LANGLAIS de la SCP LANGLAIS CHOPIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 7

INTIMÉS

Monsieur [S] [H]

né le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Localité 9]

DÉFAILLANT

Madame [P] [Y] épouse [H]

née le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 10] (TURQUIE)

[Adresse 6]

[Localité 9]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon convention de compte du 23 avril 2015, la Caisse de crédit mutuel [Localité 12] a consenti à M. [S] [H] et à son épouse Mme [P] [H] une ouverture de compte de dépôt sans autorisation de découvert.

Suivant offre acceptée le 14 décembre 2016, elle leur a consenti un prêt personnel portant sur la somme de 28 000 euros, remboursable en 60 mensualités de 660 euros chacune assurance comprise, au taux nominal conventionnel de 4,80 % l'an.

Suivant courriers recommandés du 18 juillet 2018, la banque a mise en demeure M. et Mme [H] de régulariser le solde débiteur de leur compte avant le 1er août 2018 et de s'acquitter des échéances impayées du crédit. Par courriers du 20 septembre 2018 et à défaut de régularisation, la banque a pris acte de la déchéance du terme du contrat de crédit.

M. et Mme [H] ont été déclarés recevables au bénéfice de la procédure de surendettement le 24 septembre 2018, puis un plan conventionnel a été adopté le 14 janvier 2019 et est entré en application le 28 février 2019. Aux termes de ce plan il était prévu s'agissant des créances détenues par la Crédit mutuel, un moratoire de 27 mois et 11 mensualités de 60,01 euros au taux de 0 % pour le solde du compte de dépôt et un moratoire de 27 mois et 11 mensualités de 19,41 euros puis 86 mensualités de 281,75 euros au taux de 0 % s'agissant du contrat de prêt.

En l'absence de paiement régulier des échéances, la banque a entendu se prévaloir de la caducité du plan par courriers recommandés adressés le 19 février 2021.

Par actes d'huissier délivrés le 6 mai 2021, la Caisse de crédit mutuel de Paris Auteuil 16 a fait assigner M. et Mme [H] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Aulnay-sous-Bois aux fins d'obtenir, sous bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 26 465,63 euros au titre du solde du compte de dépôt (660,13 euros) et du contrat de prêt (25 805,50 euros) et la capitalisation des intérêts outre la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par un jugement réputé contradictoire rendu le 18 juillet 2022 auquel il convient de se reporter, le juge a rejeté l'intégralité des demandes et condamné la Caisse de crédit mutuel [Localité 12] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge a considéré que la banque se prévalait de la caducité du plan alors qu'elle ne communiquait pas aux débats le plan définitif signé par les parties, que les courriers par lesquels la banque faisaient état du non-respect du plan n'évoquaient pas les mensualités d'assurance si ce n'est dans les observations, que la banque ne justifiait pas des conditions dans lesquelles le plan pouvait être déclaré caduc, ni d'éléments permettant de s'assurer que le plan définitivement adopté comprenait effectivement le montant de l'assurance.

Par une déclaration électronique enregistrée le 27 septembre 2022, la Caisse de crédit mutuel de Paris Auteuil 16 a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 22 novembre 2022, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

- de condamner solidairement M. et Mme [H] à lui payer la somme totale de 25 942,17 euros se décomposant comme suit :

- solde débiteur du compte n° [Numéro identifiant 2] : 136,67 euros avec intérêts au taux légal du 25 mars 2021 jusqu'à la date effective de paiement,

- crédit personnel n° [Numéro identifiant 3] : 25 805,50 euros avec intérêts au taux de 4,80 % du 21 février 2021 jusqu'à la date effective de paiement,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- de les condamner in solidum à la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle conteste la motivation retenue par le premier juge pour rejeter ses demandes et rappelle avoir régulièrement produit en première instance le dossier dématérialisé (dossier informatique) comportant la notification du projet de plan et la notification du plan définitif. Elle fait observer que l'original du plan conventionnel de redressement définitif, signé par le Président de la Commission, est conservé au dossier auprès du secrétariat de la Commission de surendettement de la Seine-Saint-Denis, comme spécifié à l'annexe de la lettre qui lui a été adressée le 21 septembre 2022 et qu'elle produit aux débats copie du plan définitif.

Elle indique que le plan conventionnel de redressement est entré en application le 28 février 2019, que pour le prêt, il était prévu un moratoire de 27 mois, 11 mensualités de 19,41 euros puis 86 mensualités de 281,75 euros sans intérêts (taux 0 %), et pour le solde débiteur du compte, un moratoire de 27 mois, 11 mensualités de 60,01 euros sans intérêts (taux 0 %). Elle ajoute qu'il était expressément spécifié dans la réponse adressée par elle à la Banque de France, à la suite de la notification du projet de plan, qu'elle maintenait le paiement de l'assurance emprunteur.

Elle indique avoir produit aux débats la liste des mouvements avec soldes progressifs du compte de prêt pour les années 2016 à 2020, les relevés du compte avec soldes progressifs mentionnant les prélèvements effectués au titre du prêt pour les années 2017 à 2019, un récapitulatif des prélèvements effectués sur le compte courant au titre du remboursement du crédit pour les années 2017 à 2019 et le tableau d'amortissement de mars 2019 à juin 2029, et qu'il en ressort qu'à compter de la mise en place du plan conventionnel dans le cadre de la procédure de surendettement, seul le montant de l'assurance a été prélevé, conformément à ce qu'avait sollicité la banque lors de sa déclaration de créances, et qu'à compter du mois de janvier 2020 les échéances n'ont plus été honorées, que la dernière échéance du prêt personnel prélevée sur le compte courant est celle du mois de décembre 2019 et qu'aucun prélèvement n'a été effectué sur le compte en 2020.

Elle explique avoir mis en demeure les époux [H] de régulariser leur situation suivant lettres recommandées avec avis de réception du 26 janvier 2021 et qu'en l'absence de régularisation, le plan est devenu caduc le 11 février 2021, la commission en ayant été informée.

Elle estime son action parfaitement recevable, qu'aucune forclusion n'est encourue et que les montants réclamés sont justifiés.

La déclaration d'appel a été signifiée à M. et Mme [H] par actes délivrés à leur personne le 21 novembre 2022. Les conclusions de l'appelante ont été signifiées le 5 décembre 2022 selon les mêmes modalités. M. et Mme [H] n'ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 13 mars 2024 puis mise en délibéré au 2 mai 2024.

A l'audience la cour ayant examiné les pièces a relevé que la FIPEN produite n'était pas signée. Elle a fait parvenir le 13 mars 2024 au conseil de la banque par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque, souligné que l'intimé ne comparaissait pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 29 mars 2024.

Aucune note en délibéré n'est parvenue à la cour dans le délai imparti.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Le découvert en compte est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016. En revanche, le prêt personnel est soumis à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 entrée en vigueur au 1er juillet 2016.

Sur l'exigibilité des sommes réclamées et sur la caducité du plan

Le premier juge a débouté la banque de ses demandes, faute de justifier de la caducité du plan de surendettement.

L'historique de compte et les relevés de compte communiqués attestent que les échéances du crédit sont demeurées impayées dès le mois de janvier 2018 et que le solde du compte est demeuré débiteur à compter du 11 janvier 2018 avant de redevenir créditeur en 2019.

La banque justifie que suivant courriers recommandés adressés le 18 juillet 2018, elle a mis en demeure M. et Mme [H] de régulariser le solde débiteur de leur compte avant le 1er août 2018 et de s'acquitter des échéances impayées du crédit sans succès, avant de prendre acte de la déchéance du terme du contrat de crédit et d'exiger le règlement de la totalité des sommes restant due par courriers adressés le 20 septembre 2018.

Il résulte des pièces communiquées aux débats à hauteur d'appel et notamment du courrier de notification adressé à la Caisse de Crédit mutuel le 21 septembre 2022, que M. et Mme [H] ont été déclarés recevables au bénéfice de la procédure de surendettement le 24 septembre 2018, avant que la Commission de surendettement de la Seine-Saint-Denis n'impose, le 14 janvier 2019, un plan de rééchelonnement des créances entré en application le 28 février 2019 et concernant 3 créanciers détenant 6 créances. Ce plan est devenu définitif à défaut de contestation.

La déchéance du terme du contrat de prêt était donc acquise bien avant la décision de recevabilité du dossier de surendettement, la banque n'ayant pas obtenu de titre exécutoire avant mise en place de mesures imposées par la commission de surendettement, lesquelles ne font pas obstacle à l'action de la banque, seule l'exécution du jugement étant affectée par la procédure de surendettement. En effet, son exécution qui est notamment différée pendant la durée du plan arrêtée par la Commission ne peut en excéder les mesures si le plan est respecté, et par ailleurs, en cas d'inexécution par le débiteur des mesures imposées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d'exécution que dans le cas où il est mis fin au plan soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l'effet d'une clause de caducité prévue par ces mesures.

Le plan adopté en faveur de M. et Mme [H] inclut les deux créances litigieuses à savoir le solde débiteur du compte n° [Numéro identifiant 2] pour 660,13 euros et le prêt personnel n° 10278 06016 00002057970 pour 24 444,38 euros. Il est prévu un moratoire de 27 mois sans paiement puis 11 mensualités de 60,01 euros au taux de 0 % pour le solde du compte de dépôt et un moratoire de 27 mois sans paiement puis 11 mensualités de 19,41 euros puis 86 mensualités de 281,75 euros au taux de 0 % s'agissant du prêt.

Contrairement à ce qu'indique la Caisse de crédit mutuel, il n'est fait mention à aucun moment dans le cadre du plan de l'obligation pour les emprunteurs de continuer à payer les mensualités d'assurance du crédit. Le prêt a été résilié avant l'élaboration du plan et la banque avait d'ores et déjà exigé le remboursement de la totalité de sommes dues, en ce compris les assurances du crédit incluses dans le montant des mensualités. Elle ne justifie donc pas de la raison pour laquelle elle a prélevé sur le compte une somme mensuelle de 19,70 euros du 19 avril 2019 au 23 décembre 2019 au titre du crédit n° 10278 06016 00002057970 alors que M. et Mme [H] ne devaient aucune somme pendant 27 mois du 20 mars 2019 au 20 mai 2021.

Dès lors, elle ne pouvait le 26 janvier 2021 adresser des courriers de mise en demeure visant des arriérés pour 275,79 euros dans le cadre du plan ni prendre acte par courriers du 19 février 2021 de la caducité du plan.

Pour autant, la déchéance du terme du prêt et la résiliation de la convention de compte étaient acquises avant décision de recevabilité du dossier de surendettement et la Caisse de crédit mutuel justifie en outre avoir adressé des courriers recommandés le 19 février 2021 à M. et Mme [H] leur rappelant la résiliation des deux contrats, et exigeant le paiement sous 10 jours de sommes de 660,13 euros s'agissant du compte et de 25 805,50 euros s'agissant du crédit.

La Caisse de crédit mutuel justifie ainsi de la régularité de la déchéance du terme du prêt, de la résiliation de la convention de compte et de l'exigibilité des sommes dues, indépendamment du plan devant recevoir exécution.

S'agissant du compte bancaire

Sur la recevabilité

Aux termes de l'article L. 311-52 du code de la consommation en sa version applicable au litige, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Cet événement est caractérisé par :

- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

- ou le premier incident de paiement non régularisé ;

- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;

- ou le dépassement, au sens du 11° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 311-47.

L'historique de compte fait apparaître que le compte a alterné de manière habituelle les positions créditrice et débitrice depuis son ouverture, qu'il présentait un solde débiteur en 2018 expliquant la résiliation de la convention à l'initiative de la banque, avant de devenir à nouveau créditeur en 2019 puis débiteur en 2020. La banque a agi le 6 mai 2021 de sorte qu'elle est recevable en son action.

Sur le montant des sommes dues

L'appelante produit à l'appui de sa demande la convention d'ouverture de compte "formule clé" du 23 avril 2015, la liste des mouvements du compte pour les années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020, les courriers recommandés des 18 juillet 2018, 20 septembre 2018, 26 janvier 2021 et 19 février 2021.

Elle est bien fondée à obtenir la condamnation solidaire de M. et Mme [H] au paiement de la somme de 136,67 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2021.

S'agissant du prêt personnel

Sur la recevabilité

Aux termes de l'article R. 312-35 du code de la consommation en sa version applicable au litige, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

Il résulte des pièces produites et en particulier de la liste des mouvements du compte que les fonds ont été débloqués le 23 décembre 2016, puis que les échéances ont été prélevées régulièrement jusqu'au mois de janvier 2018 où elles sont demeurées impayées, la banque ayant adressé le 18 juillet 2018 une mise en demeure de s'acquitter des échéances impayées avant de prendre acte de la déchéance du terme du contrat de crédit et d'exiger le règlement de la totalité des sommes restant dues par courriers adressés le 20 septembre 2018.

L'action de la banque a ensuite été suspendue par la procédure de surendettement de sorte qu'elle est recevable en son action introduite le 6 mai 2021.

Sur le montant des sommes dues

La Caisse de crédit mutuel produit aux débats :

- l'offre de crédit validée par M. et Mme [H] dotée d'un bordereau de rétractation,

- le tableau d'amortissement,

- la fiche expression de besoin signée des emprunteurs,

- la notice d'informations relative à l'assurance signée des emprunteurs,

- la fiche de renseignements signée des emprunteurs,

- la fiche d'informations précontractuelles,

- les pièces de solvabilité remises par les emprunteurs (bulletins de paie de monsieur de septembre à décembre 2016, avis d'imposition sur les revenus de 2015).

Il résulte de l'article L. 312-12 du code de la consommation applicable au cas d'espèce que, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Cette fiche d'informations précontractuelles -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 341-1), étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'informations et de remise de cette FIPEN.

A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'informations précontractuelles normalisées européennes, n'est qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il a toutefois été jugé qu'un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l'offre de prêt pour apporter la preuve de l'effectivité de la remise. (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).

Dès lors, la production de la FIPEN remplie par le prêteur ne saurait suffire à corroborer cette clause car ce qui doit être prouvé d'emblée par le prêteur est la remise effective aux emprunteurs non représentés en appel, de la FIPEN personnalisée.

Il doit dès lors être considéré que la Caisse de Crédit mutuel qui ne produit que le contrat comportant une clause de reconnaissance, une FIPEN remplie mais non signée par M. et Mme [H] à l'exception de toute autre pièce, ne rapporte pas suffisamment la preuve d'avoir respecté l'obligation qui lui incombe, de sorte qu'il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

Il doit être constaté au demeurant que le prêteur ne démontre pas non plus avoir consulté le fichier des incidents de remboursement des crédits avant la conclusion du contrat comme l'impose l'article L. 312-16 du code de la consommation.

Cette déchéance du droit aux intérêts interdit au prêteur de percevoir d'autre somme que le capital de 28 000 euros déduction faite des sommes versées au titre des échéances, soit 8 290,32 euros et des sommes payées sans fondement au titre de l'assurance d'avril à décembre 2019 (9 x 19,702) soit un solde de 19 532,38 euros. La demande formée au titre d'une indemnité de résiliation doit être rejetée.

Il convient de condamner solidairement M. et Mme [H] au paiement de cette somme.

Sur les intérêts au taux légal, la majoration des intérêts au taux légal, la capitalisation des intérêts

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l'espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d'intérêts annuel fixe de 4,80 %, alors que le taux d'intérêts légal est supérieur actuellement. Dès lors, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal ne seraient pas significativement inférieurs à ce taux conventionnel. Il convient en conséquence de dire qu'il ne sera pas fait application de l'article 1231-6 du code civil ni de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

La somme due ne portera pas intérêt.

La capitalisation des intérêts, dit encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l'article L. 311-23 devenu L. 312-38 du code de la consommation rappelle qu'aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 311-24 et L. 311-25 devenus L. 312-39 et L. 312-40, ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

La demande de capitalisation sera par conséquent rejetée.

Sur les autres demandes

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné la Caisse de crédit mutuel aux dépens de première instance mais confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. M. et Mme [H] sont tenus in solidum aux dépens de première instance et la Caisse de crédit mutuel conservera la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre des frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Reçoit la Caisse de crédit mutuel [Localité 12] en ses demandes ;

Condamne solidairement M. [S] [H] et Mme [P] [H] à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 12] la somme de 136,67 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2021 au titre d'un solde débiteur de compte n° [Numéro identifiant 1] ;

Condamne solidairement M. [S] [H] et Mme [P] [H] à payer à la Caisse de crédit mutuel [Localité 12] la somme de 19 532,38 euros sans intérêt et sans majoration de l'article L. 13-3 du code monétaire et financier au titre d'un prêt personnel ;

Condamne M. [S] [H] et Mme [P] [H] in solidum aux dépens de première instance ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la Caisse de crédit mutuel [Localité 12] ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/16720
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.16720 ?
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