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02/05/2024 | FRANCE | N°22/16521

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 02 mai 2024, 22/16521


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 02 MAI 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16521 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGOAY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 juillet 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 22/03089





APPELANTE



La société CREATIS, société anonyme agissan

t poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 02 MAI 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16521 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGOAY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 juillet 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 22/03089

APPELANTE

La société CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉS

Monsieur [B] [S]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

DÉFAILLANT

Madame [E] [V] épouse [S]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 26 janvier 2018, M. [B] [S] et Mme [E] [V] épouse [S] ont contracté auprès de la société Créatis un contrat de regroupement de crédits d'un montant de 68 200 euros, moyennant le remboursement de 108 mensualités de 748,51 euros hors assurance avec un taux débiteur de 3,86 % et un TAEG de 5,84 %.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Créatis a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte en date du 11 avril 2022, la société Créatis a fait assigner M. et Mme [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 8 juillet 2022, a déchu la société Créatis de son droit aux intérêts contractuels et condamné solidairement M. et Mme [S] au paiement de la somme de 35 742,47 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2021 sans application de la majoration de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, débouté la société Créatis du surplus de ses demandes, dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné solidairement les époux [S] aux dépens.

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, le juge a retenu que la banque ne justifiait pas avoir suffisamment vérifié la solvabilité des emprunteurs avant la conclusion du contrat en ne vérifiant pas leurs charges et ne justifiant pas avoir fourni des explications aux emprunteurs leur permettant de déterminer l'adaptation du crédit à leurs besoins et à leur situation financière.

Il a déduit les sommes versées du capital emprunté et a relevé que pour assurer l'effectivité de la sanction il fallait écarter l'application des dispositions relatives à l'application de la majoration du taux légal.

Par déclaration électronique en date du 22 septembre 2022, la société Créatis a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions n° 2 déposées par RPVA le 16 décembre 2022, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- statuant à nouveau,

- de condamner solidairement M. et Mme [S] à lui payer la somme de 57 957,47 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 3,86 % l'an à compter du 27 décembre 2021, date de la mise en demeure,

- subsidiairement, si la cour devait estimer que la déchéance du terme n'était pas acquise à la société Créatis, de constater les manquements graves et réitérés de Monsieur et Mme [S] à leur obligation contractuelle de remboursement du prêt et prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil,

- condamner en conséquence M. et Mme [S] à payer à la société Créatis la somme de 57 957,47 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- à titre infiniment subsidiaire, en cas de prononcé de la déchéance du droit aux intérêts contractuels, de condamner solidairement M. et Mme [S] à lui payer la somme de 57 957,47 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 décembre 2021, sans suppression de la majoration de cinq points,

- de condamner solidairement M. et Mme [S] à lui payer la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, l'appelante soutient avoir suffisamment justifié de la vérification de la solvabilité de M. et Mme [S] par la production de la fiche de dialogue avec les ressources et charges, annexée au contrat de crédit et par les pièces justificatives qu'elle a versées au dossier dont les relevés de compte des emprunteurs. Elle ajoute avoir consulté le FICP avant la mise à disposition des fonds. Elle estime qu'il n'appartient pas au juge en charge des contentieux de la protection de statuer sur l'exonération ou la réduction du montant de la majoration, qui relève uniquement de la compétence du juge de l'exécution.

Aucun avocat ne s'est constitué pour M. et Mme [S] à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par acte en date du 21 novembre 2022 signifié à personne à Mme [S] et à domicile à M. [S].

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 12 mars 2024.

A l'audience, la cour ayant examiné les pièces, a relevé que la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, ci-après dénommée FIPEN, produite n'était pas signée.

Elle a fait parvenir le 12 mars 2024 au conseil de la société Créatis par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque ; elle a souligné que les intimés ne comparaissaient pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise.

Par note en date du 4 avril 2024, la société Créatis estime que la Cour de cassation dans sa nouvelle jurisprudence ne demande pas aux banques de faire signer les FIPEN mais seulement, en cas d'absence de signature, de corroborer la remise par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Elle précise donc fournir la liasse contractuelle complète transmise aux emprunteurs le 25 janvier 2018, portant le numéro de contrat et la FIPEN, que cette liasse contractuelle personnalisée comprend, d'une part, des documents "à conserver" et, d'autre part, des documents "à renvoyer" ; que si les documents qui sont conservés par l'emprunteur n'ont pas à être signés, l'emprunteur doit renvoyer l'exemplaire prêteur "à renvoyer" signé ainsi que la fiche de dialogue également signée et qu'il en résulte qu'elle a transmis, et donc remis à l'emprunteur un document complet, comportant notamment un bordereau de rétractation et une FIPEN remplie et que si elle a reçu en retour l'exemplaire "à renvoyer" signé, cela signifie que l'emprunteur a bel et bien reçu l'intégralité du document, comprenant la FIPEN. Elle déduit du fait que l'emprunteur lui ait retourné l'exemplaire prêteur que ce document n'émane pas uniquement de la banque mais aussi de l'emprunteur.

Elle ajoute enfin que M. et Mme [S] ont signé la clause attestant de la remise de la FIPEN.

Elle conclut donc à l'absence de déchéance du droit aux intérêts contractuels encourue.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Le contrat ayant été conclu le 26 janvier 2018, il sera fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016. Il en est de même des dispositions du code civil en leur version postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.

Sur la forclusion

La recevabilité de l'action de la société Créatis n'a pas été vérifiée par le premier juge.

En application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

Il convient donc d'examiner la recevabilité de l'action au regard de l'article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur, doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le premier incident de paiement non régularisé remonte au mois de décembre 2020.

La société Créatis qui a assigné le 11 avril 2022 n'est donc pas forclose en son action.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

1) Sur la vérification de la solvabilité

Le premier juge a privé la société Créatis de son droit à intérêts pour ne pas avoir suffisamment vérifié la solvabilité de l'emprunteur avant la conclusion du contrat.

L'article L. 312-16 du code de la consommation impose au prêteur avant de conclure le contrat de crédit, de vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande prêteur et de consulter le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6.

Il résulte de l'article L. 341-2 que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Si le contrat n'a pas été conclu en agence mais à distance, ce qui est le cas, l'article L. 312-17 du même code prévoit une vérification de la solvabilité de l'emprunteur renforcée, le prêteur ou son intermédiaire devant fournir à l'emprunteur une fiche d'informations distincte de la fiche mentionnée à l'article L. 312-12, laquelle doit être conservée par le prêteur pendant toute la durée du prêt et comporter notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier, être signée ou son contenu confirmé par voie électronique par l'emprunteur et faire l'objet d'une déclaration certifiant sur l'honneur son exactitude. De plus lorsque le crédit porte sur un montant supérieur à 3 000 euros, cette fiche doit être corroborée par des pièces justificatives à jour au moment de l'établissement de la fiche d'informations, dont la liste, définie par décret est la suivante :

1° Tout justificatif du domicile de l'emprunteur ;

2° Tout justificatif du revenu de l'emprunteur ;

3° Tout justificatif de l'identité de l'emprunteur.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations.

En l'espèce, la société Creatis produit outre la fiche de dialogue signée des deux emprunteurs, la copie de leurs pièces d'identité, une copie de leur livret de famille, une facture Orange, un appel d'échéance pour le loyer de novembre 2017 et la taxe foncière 2017 justifiant de leur domicile, l'avis d'imposition sur les revenus 2016, les relevés de retraite de Monsieur du mois d'octobre 2017, le relevé de carrière de Madame de mars 2010 et la notification du montant de la pension de retraite de Madame d'avril 2014, ces documents attestant que la fiche de dialogue a été remplie à partir de ces informations.

La société Creatis produit par ailleurs le résultat de consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits effectuée le 2 février 2018, soit avant le déblocage des fonds, pour chacun des époux [S] et justifie ainsi suffisamment avoir vérifié la solvabilité des emprunteurs.

Il n'y a donc pas lieu de retenir une déchéance du droit aux intérêts contractuels pour défaut de vérification de la solvabilité.

2) Sur la FIPEN

Il résulte de l'article L. 311-6 du code de la consommation applicable au cas d'espèce que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Cette fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts par l'article L. 311-48 du même code, étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'informations.

A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle les emprunteurs reconnaissent avoir pris connaissance de la fiche d'informations précontractuelles normalisées européennes, n'est qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il a toutefois été jugé qu'un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l'offre de prêt pour apporter la preuve de l'effectivité de la remise (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).

La société Creatis produit non pas une liasse vierge mais la liasse qu'elle a envoyée à M. et Mme [S] le 25 janvier 2018 qui comprend 52 pages qui se suivent, portent toutes la référence du contrat n° 28956000524536 qui est celui qui a été signé par M. et Mme [S], comporte en pages 1 et 2 un document intitulé "votre dossier de financement" et en pages 3 et 4 un courrier spécialement adressé aux emprunteurs, et comprend notamment :

- en pages 5 et 6 des courriers de mise en garde adressés aux emprunteurs,

- en pages 7, 8, 9 la fiche de dialogue renseignée et signée,

- en pages 11 à 14, les fiches besoins en assurance,

- en pages 15 à 18, la FIPEN remplie,

- en pages 19 à 22 la fiche d'informations spécifique au regroupement de crédits remplie avec les éléments concernant les emprunteurs,

- en pages 23 à 26 le contrat avec la mention "à renvoyer",

- en pages 27 à 30 le contrat avec la mention "à conserver" qui comprend un bordereau de rétractation,

- en pages 31 à 34 un second exemplaire du contrat avec la mention "à conserver" qui comprend un bordereau de rétractation,

- en pages 35 et 36 un mandat de prélèvement rempli avec les éléments fournis par M. et Mme [S] à signer,

- en pages 37 à 42, la notice d'assurance,

- en pages 43 à 48, des courriers émanant des époux [S] de résiliation des contrats de crédit renouvelable conclus avec Créatis et regroupés,

- en pages 49 et 50, un questionnaire,

- en pages 51 et 52, une documentation commerciale.

M. et Mme [S] ont renvoyé et signé la fiche de dialogue qui comporte le numéro de contrat et la numérotation 7, 8 et 9/52, le mandat de prélèvement qui comporte ce numéro de contrat et la numérotation 35 et 36 /52 et un des exemplaires du contrat "à renvoyer" qui figurent dans cette liasse personnalisée. Dès lors il doit être admis que la société Creatis a bien remis aux emprunteurs la FIPEN qu'elle produit et comporte le numéro de contrat et la numérotation 15 à 18/52.

La société Creatis produit en outre comme cité plus haut :

- le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement avant la remise des fonds qui fait apparaître le résultat,

- les justificatifs des identités, ressources et domicile des emprunteurs prévus pour les contrats à distance : la copie des cartes d'identité de M. et Mme [S], de leur livret de famille, de leur avis d'imposition de 2017, de leur avis de taxe foncière de 2017, d'une facture Orange et les justificatifs de leurs ressources.

Aucune déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est donc encourue de ces chefs.

3) Sur le devoir d'explication

L'article L. 312-14 du code de la consommation dispose que le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 311-6. Il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l'emprunteur.

Il résulte de l'article L. 341-2 que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Aucune forme n'est toutefois prescrite en ce qui concerne ces explications qui s'appuient sur la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées (FIPEN) prévue par l'article L. 312-12 du code de la consommation. Or il a été établi que cette FIPEN avait été remise et il a en outre été attesté par le couple [S] que, sur la base de cette fiche, ont été reçues d'une part les explications permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à la situation financière et d'autre part les informations quant aux conséquences d'une éventuelle défaillance dans les remboursements.

Ce faisant, la société Créatis établit suffisamment avoir respecté son devoir d'explication et aucune déchéance du droit aux intérêts n'est encourue de ce chef.

Dès lors le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

Sur le montant des sommes dues

En application L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L'article D. 312-16 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance. Aucune autre pénalité notamment de retard ne peut être exigée par le prêteur.

Le prêteur justifie avoir régulièrement prononcé la déchéance du terme du contrat suivant courriers recommandés du 27 décembre 2021 ayant au préalable mis en demeure M. et Mme [S] par courriers recommandés des 19 octobre 2021 de régulariser les arriérés de 5 898,33 euros sous un délai de trente jours sous peine de déchéance du terme du contrat.

Il en résulte que la société Creatis se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues et qu'elle est fondée à obtenir paiement des sommes dues à la date de déchéance du terme soit :

- 7 502,97 euros au titre des échéances impayées assurance comprise

- 46 251,09 euros au titre du capital restant dû

- 107,61 euros au titre des intérêts échus

soit un total de 53 861,67 euros augmentée des intérêts au taux de 3,86 % à compter du 27 décembre 2021 sur la somme de 53 754,06 euros.

Elle est en outre fondée à obtenir une indemnité de résiliation de 8 % laquelle, sollicitée à hauteur de 4 095,80 euros, n'est pas conforme au calcul de 8 %, apparaît excessive et doit être réduite à la somme de 300 euros et produire intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2021.

La cour condamne donc M. et Mme [S] solidairement à payer ces sommes à la société Creatis.

Il n'y a pas lieu de statuer spécifiquement sur l'application des dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, la sanction de déchéance du droit aux intérêts n'étant pas encourue.

Sur les autres demandes

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [S] aux dépens de première instance mais infirmé sur la nature de la condamnation aux dépens qui sera prononcée in solidum et non solidairement, et a rejeté la demande de la société Creatis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche rien ne justifie de les condamner aux dépens d'appel, alors que n'ayant été ni présents ni représentés en première instance, ils n'avaient pas fait valoir de moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l'a fait. La société Créatis conservera donc la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable l'action de la société Créatis ;

Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne solidairement M. [B] [S] et Mme [E] [S] née [V] à payer à la société Créatis les sommes de 53 861,67 euros augmentée des intérêts au taux de 3,86 % à compter du 27 décembre 2021 sur la somme de 53 754,06 euros au titre du solde du prêt et de 300 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2021 au titre de l'indemnité légale de résiliation ;

Dit que les dépens de première instance seront supportés in solidum par M. [B] [S] et Mme [E] [S] née [V] ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Sogefinancement ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/16521
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.16521 ?
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