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02/05/2024 | FRANCE | N°22/15487

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 02 mai 2024, 22/15487


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 02 MAI 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/15487 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGLAP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 juin 2022 - Tribunal de proximité de PARIS - RG n° 22/00043





APPELANTE



La société INTRUM DEBT FINANCE AG, société anonyme de droit

suisse, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4] (SUISSE)



représentée et assistée de Me Thierry GICQUEAU d...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 02 MAI 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/15487 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGLAP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 juin 2022 - Tribunal de proximité de PARIS - RG n° 22/00043

APPELANTE

La société INTRUM DEBT FINANCE AG, société anonyme de droit suisse, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4] (SUISSE)

représentée et assistée de Me Thierry GICQUEAU de la SELARL GICQUEAU VERGNE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R147

INTIMÉ

Monsieur [Y] [U]

né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté et assisté de Me Paul-Emile BOUTMY, avocat au barreau de PARIS, toque : C280

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 5 octobre 2005, la société Sogefinancement a consenti à M. [Y] [U] un crédit personnel d'un montant en capital de 9 000 euros remboursable en 84 mensualités de 128,90 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 5,40 %, le TAEG s'élevant à 5,92 %, soit une mensualité avec assurance de 134,75 euros.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Sogefinancement a entendu se prévaloir de la déchéance du terme et a présenté une requête aux fins d'injonction de payer au président du tribunal d'instance du 18ème arrondissement de Paris lequel a, par ordonnance du 28 juillet 2007, enjoint à M. [U] de payer la somme de 8 598,11 euros avec intérêts contractuels à compter du 19 juin 2007 outre les frais de procédure et de présentation de la requête.

Cette ordonnance a été signifiée le 28 août 2007 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, a été revêtue de la formule exécutoire le 17 octobre 2007 et signifiée de nouveau sous cette forme par acte du 17 mars 2008 délivré selon les mêmes modalités.

Par déclaration au greffe du 13 juin 2018, M. [U] a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance d'injonction de payer suite à la délivrance le 6 juin 2018 d'un commandement de payer aux fins de saisie vente.

Par jugement contradictoire du 28 juin 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a reçu l'opposition formée par M. [U] et lui a substitué le jugement et a déclaré irrecevable l'action de la société Intrum Debt Finance AG et l'a condamnée aux dépens.

Le juge a considéré que l'opposition était recevable comme ayant été faite 7 jours après la signification du commandement aux fins de saisie vente.

Pour déclarer l'action de la société Intrum Debt Finance AG irrecevable, il a considéré que si cette société versait bien aux débats l'acte de cession de créances du 17 mars 2017 par la société Sogefinancement, elle ne produisait pas l'annexe ce qui ne permettait pas de savoir si la créance contre M. [U] en faisait partie.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 25 août 2022, la société Intrum Debt Finance AG a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 7 février 2024, la société Intrum Debt Finance AG demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a reçu l'opposition formée par M. [U] à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 20 juin 2007 par le juge du tribunal d'instance de Paris 18ème et lui a substitué le présent jugement, déclaré irrecevable son action formée et statuant à nouveau :

- de juger irrecevable la demande nouvelle de M. [U] visant à limiter la condamnation à la somme de 1 034,75 euros ou, à titre subsidiaire, à voir ordonner la reprise de l'exécution du contrat de prêt,

- de condamner M. [U] à lui payer la somme de 8 598,11 euros en principal assortie des intérêts échus au taux conventionnel depuis deux ans,

- de débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner M. [U] à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

Elle fait valoir que la société Sogefinancement lui a cédé sa créance selon bordereau de cession de créances du 17 mars 2017, que cette cession a été notifiée par huissier de justice à M. [U] le 8 janvier 2018, que le code civil n'exige aucune mention obligatoire concernant le caractère déterminé ou déterminable de la cession et qu'aucun document permettant d'individualiser la créance cédée n'est requis mais elle admet qu'elle avait omis de produire l'annexe visant la cession individuelle de la créance de M. [U] et indique qu'elle la verse désormais aux débats. Elle soutient que la cession est dès lors régulière, prouvée et opposable.

Sur la prescription alléguée, elle conteste toute pratique commerciale déloyale et soutient que le fait de réclamer des intérêts pouvant être prescrits ne peut suffire à établir une telle pratique.

Sur la régularité de la déchéance du terme, elle soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel visant à obtenir la limitation de la condamnation et que cette demande est comme telle irrecevable. Elle soutient en outre qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir délivré de mise en demeure préalable à la déchéance du terme dès lors que cette exigence n'existait pas avant 2015. Elle ajoute que le contrat lui permet de prononcer cette déchéance du terme et que la clause de déchéance du terme n'est pas abusive. Elle indique que M. [U] n'apporte nullement la preuve de la mise en 'uvre de la déchéance du terme dans un délai qui pourrait être qualifié de déraisonnable.

Elle conteste toute nullité du contrat fondée sur la date de déblocage des fonds en soutenant que rien n'interdit un tel déblocage.

Elle s'oppose à toute déchéance du droit aux intérêts contractuels en relevant que le TAEG est mentionné et que son calcul n'est pas faux.

Elle conclut au rejet des délais de paiement sollicités au motif que M. [U] ne produit pas de justificatif de sa situation.

Aux termes de ses dernières conclusions (n° 2) notifiées par voie électronique le 4 décembre 2023, M. [U] demande à la cour :

- à titre principal d'annuler, et à tout le moins de déclarer inopposable, le commandement de payer valant saisie vente qui lui a été signifié le 6 juin 2018 et en conséquence de déclarer irrecevable la société Intrum Debt Finance AG, son action étant prescrite,

- de confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris le 28 juin 2022 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Intrum Debt Finance AG ;

- à titre subsidiaire si la cour infirmait ou réformait le jugement entrepris, de débouter la société Intrum Debt Finance AG de l'intégralité de ses demandes, de déclarer la clause du contrat de prêt relative à la déchéance du terme abusive et réputée non écrite et en conséquence, de limiter le montant de la condamnation à intervenir à la somme de 1 034,75 euros, subsidiairement d'ordonner la reprise de l'exécution du contrat de crédit et plus subsidiairement de déchoir la société Intrum Debt Finance AG du droit aux intérêts contractuels,

- de lui accorder 24 mois de délais en 23 échéances d'un montant de 100 euros, la 24ème soldant le principal,

- en tout état de cause, de débouter la société Intrum Debt Finance AG de l'intégralité de ses demandes de condamner la société Intrum Debt Finance AG à lui payer une somme d'un montant de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Sur la confirmation de l'irrecevabilité de l'action de la société Intrum Debt Finance AG qu'il demande à titre principal, il fait valoir que la fraude corrompt tout, que tout acte entaché de fraude doit être annulé, que le commandement aux fins de saisie-vente doit être annulé car la société Intrum Debt Finance AG a réclamé le paiement d'intérêts prescrits puisque calculés depuis 2007, soit 11 années, ce calcul ne respectant pas le principe de la prescription biennale des intérêts fixé par la Cour de cassation. Il ajoute qu'il ne s'agit pas d'une simple erreur car il s'agit d'une habitude de cette société et que témoignent de cette habitude divers actes d'huissier réclamant ces intérêts et qu'elle a fondé son modèle économique sur cette pratique. Il souligne qu'elle ne conteste pas le principe de la prescription biennale mais que par huissier elle réclame des intérêts qu'elle sait prescrits. Il soutient qu'il s'agit là d'une pratique déloyale sanctionnée par la chambre criminelle.

A titre subsidiaire, il conclut au débouté des demandes de la société Intrum Debt Finance AG au motif qu'aucune mise en demeure préalable n'a été délivrée avant le prononcé de la déchéance du terme et soutient que ceci doit s'appliquer au contrat en cause. Il ajoute que la clause de déchéance du terme du contrat est abusive car elle ne peut autoriser la banque à user d'un pouvoir discrétionnaire et si elle a pour objet ou pour effet d'empêcher la partie faible de recourir au juge pour contester le bien-fondé de son application et qu'elle doit donc être réputée non écrite.

Il fait encore valoir qu'il n'a bénéficié d'aucun préavis raisonnable.

Il en déduit que seul le montant des échéances échues impayées peut lui être réclamé soit un total de 10 échéances soit une somme de 1 034,75 euros et réclame à titre subsidiaire la reprise de l'exécution du contrat.

A titre très subsidiaire il se prévaut de la déchéance du droit aux intérêts contractuels en raison du non-respect du délai de 7 jours pour le versement des fonds ce qui fait que le contrat encourt la nullité, comme en raison d'un TAEG erroné puisque la banque lui a facturé les mensualités d'assurance alors même qu'il y avait renoncé.

Il demande des délais de paiement faisant valoir que sa situation financière ne lui permet pas de payer en une fois.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 27 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 5 octobre 2005 initialement soumis aux dispositions de la loi 93-949 du 26 juillet 1993.

L'intérêt et la qualité à agir de la société Intrum Debt Finance AG qui produit non seulement le bordereau de cession de créances du 17 mars 2017 mais aussi l'annexe concernant la créance cédée à M. [U] jointe au bordereau de cession de créance, qui l'identifie et précise la valeur comptable de la créance au moment de la cession et la signification de cette cession à M. [U] par huissier de justice à M. [U] le 8 janvier 2018 ne sont plus contestés à hauteur d'appel.

Sur la recevabilité de l'opposition

Si la société Intrum Debt Finance AG demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a reçu l'opposition formée par M. [U] à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 20 juin 2007 par le juge du tribunal d'instance de Paris 18ème et lui a substitué le présent jugement, la cour constate qu'elle ne fait valoir aucun moyen à l'encontre de la recevabilité de l'opposition.

Il n'est pas justifié d'un acte délivré à personne plus d'un mois avant l'opposition qui a été formée par M. [U] et si la société Intrum Debt Finance AG justifie d'une saisie attribution réalisée le 31 mars 2008 entre les mains de la société Banque Postale qui aurait été fructueuse à hauteur de 9,90 euros elle ne démontre pas avoir dénoncé cette saisie-attribution et ne s'en prévaut pas, étant rappelé qu'en cette matière c'est seulement l'acte de dénonciation qui fait courir le délai d'opposition.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit l'opposition recevable et a dit que le jugement s'y substituait.

Sur la forclusion

L'article L. 311-37 du code de la consommation dans sa version applicable au litige issue de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 dite Murcef dispose que "Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion".

La recevabilité de l'action de la société Intrum Debt Finance AG au regard de la forclusion n'a pas été vérifiée par le premier juge. Or en application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

Il est admis que cette défaillance résulte du premier impayé non régularisé. Il n'est pas contesté que ce premier impayé non régularisé date du 10 août 2006. La signification d'une ordonnance d'injonction de payer étant assimilée à une action en paiement au sens de ce texte et ayant été réalisée les 28 août 2007 et 17 mars 2008, soit moins de 2 ans après le premier impayé non régularisé, la demande n'est pas forclose. Aucun nouveau délai de forclusion ne renaît après la demande en justice sauf caducité, laquelle n'est pas intervenue.

Sur la prescription de la créance

Sur la prescription, laquelle est soulevée par M. [U], il convient de rappeler que l'opposition régulièrement formée à une injonction de payer ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande du créancier et de l'ensemble du litige sur lequel il est statué par un jugement qui se substitue à l'injonction de payer, les dispositions relatives au délai d'exécution des titres exécutoires, ne sont pas applicables à la prescription de la créance.

La prescription à prendre en considération est donc celle de la créance elle-même.

La loi du 17 juin 2008 a créé l'article L. 137-2 du code de la consommation qui disposait que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Ces dispositions figurent désormais sous l'article L. 218-2 du même code.

Ce nouveau délai s'est donc substitué à compter du 19 juin 2008, date d'application de la loi du 17 juin 2008, à l'ancien délai qui courrait depuis la date d'exigibilité de la créance.

La signification de l'ordonnance portant injonction de payer a constitué une citation en justice, interruptive du cours de la prescription, la signification de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire également. Une saisie attribution a été tentée le 31 mars 2008 qui a permis de saisir la somme de 9,90 euros mais la banque ne justifie pas de sa dénonciation et ne se prévaut pas de cet acte. En tout état de cause il s'est écoulé un délai bien supérieur à deux ans entre cette saisie et la délivrance du commandement aux fins de saisie-vente le 6 juin 2018 et dès lors la créance est prescrite.

Le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.

Les dispositions qui précédent rendent sans objet le surplus des demandes hormis celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Intrum Debt Finance AG qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel et il apparaît équitable de lui faire supporter la charge des frais irrépétibles de M. [U] à hauteur de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Intrum Debt Finance AG aux dépens d'appel et au paiement à M. [Y] [U] de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/15487
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.15487 ?
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