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02/05/2024 | FRANCE | N°22/06592

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 02 mai 2024, 22/06592


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06592 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBZP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/03080





APPELANT



Monsieur [O] [W] [B] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Aude SIMORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257





INTIMÉE



S.A.S.U. TRIOMPHE SECURITE

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Anne-Ch...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 02 MAI 2024

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06592 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBZP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/03080

APPELANT

Monsieur [O] [W] [B] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Aude SIMORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257

INTIMÉE

S.A.S.U. TRIOMPHE SECURITE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne-Christine PEREIRA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0180

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nathalie FRENOY, Présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [O] [U] a été engagé à compter du 11 juillet 2018 par la société Torann France, par contrat à durée indéterminée, en qualité d'agent d'exploitation N3E2 , SSIAP1, au coefficient 140 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

En raison de la reprise du marché sur lequel il était affecté, son contrat de travail a été transféré le 17 décembre 2018 à la société Triomphe Sécurité.

Le salarié a reçu notification d'un avertissement par courrier du 5 avril 2019, puis d'un second par courrier du 3 janvier 2020.

Son contrat de travail a été suspendu de décembre 2019 à janvier 2021 pour cause d'accident du travail - pris en charge en tant que tel par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise par une décision qui a été déclarée inopposable à l'employeur, par jugement du 19 janvier 2021-.

Par courrier recommandé du 10 février 2021, Monsieur [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Sollicitant la requalification de sa prise d'acte en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [U] a saisi le 9 avril 2021 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 14 janvier 2022, a :

- fixé la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 1 870,14 euros,

- jugé la prise d'acte de Monsieur [U] infondée, laquelle produit les effets d'une démission,

- débouté Monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Monsieur [U] à verser à la société Triomphe Sécurité les sommes suivantes :

- 3 740,28 euros bruts au titre des deux mois de préavis non effectués,

- 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de Monsieur [U].

Par déclaration du 30 juin 2022, Monsieur [U] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 27 septembre 2022, Monsieur [U] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 14 janvier 2022 en ce qu'il a :

* jugé sa prise d'acte infondée et produisant les effets d'une démission,

*débouté Monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes,

* condamné Monsieur [U] à verser à la société Triomphe la somme de 3 740,28 euros bruts au titre des deux mois de préavis non effectué et 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence, statuant de nouveau,

- condamner la société Triomphe Sécurité à verser à Monsieur [U] les sommes suivantes :

- 239,71 euros à titre de rappel de salaires sur la revalorisation des heures au taux conventionnel pour l'année 2018,

- 23,97 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 388,12 euros à titre de rappel de salaires sur revalorisation des heures au taux conventionnel pour l'année 2019,

- 338,81 euros au titre des congés payés afférents,

- 152,49 euros à titre de rappel de salaire pour décembre 2019,

- 15,24 euros au titre des congés payés afférents,

- 296,55 euros au titre des 28 heures de formation pour février 2021,

- 29 euros au titre des congés payés afférents,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 1 480,94 euros à titre d'indemnité pour non-versement de la prévoyance,

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 10 000 euros à titre d'indemnité pour méconnaissance de l'obligation de sécurité de résultat,

- 3 000 euros à titre d'indemnité de retard dans la transmission des documents à la CPAM,

- 10 000 euros à titre d'indemnité pour rétrogradation et mutation discriminatoire en raison de la dénonciation de harcèlement moral,

- requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

à titre principal, pour un salaire brut moyen de 2 144,60 euros :

- condamner la société Triomphe Sécurité à verser à Monsieur [U] les sommes suivantes :

- 4 289,20 à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 428,92 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 385,05 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 38 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire, pour un salaire brut moyen de 1 870,14 euros :

- condamner la société à verser à Monsieur [U] les sommes suivantes :

- 3 740,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 374 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 207,78 euros à titre d'indemnité de licenciement légale,

- 33 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner la remise d'un solde de tout compte et d'un certificat de travail conformes, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement et réserver au conseil le pouvoir de liquider l'astreinte,

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'envoi à la défenderesse de la convocation au bureau de conciliation (article 1231-7 du code civil),

- condamner la société au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 5 décembre 2022, la société Triomphe Sécurité demande à la cour de :

à titre liminaire :

- constater que Monsieur [U] n'a pas mentionné expressément les chefs de jugement critiqués dans sa déclaration d'appel,

en conséquence,

- dire et juger qu'elle n'a été saisie d'aucune demande à l'exception des demandes tendant à obtenir l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [U] à verser à la société Triomphe Sécurité la somme de 3 740,28 euros correspondant aux deux mois de préavis qu'il aurait dû effectuer et de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

sur le fond :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a requalifié en démission la prise d'acte par Monsieur [U] de la rupture de son contrat,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit et jugé l'ensemble des demandes formulées par Monsieur [U] infondées,

en conséquence,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

* fixé la moyenne mensuelle brute des salaires de Monsieur [U] à la somme de 1 870,14 euros,

* débouté Monsieur [U] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* débouté Monsieur [U] de ses demandes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents et d'indemnité de licenciement,

* débouté Monsieur [U] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, manquement à l'obligation de sécurité et de prévention, exécution déloyale du contrat de travail, retard dans la transmission des documents à la CPAM et rétrogradation discriminatoire en raison de la dénonciation d'un harcèlement moral,

* débouté Monsieur [U] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prévoyance,

* débouté Monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes de rappel de salaire,

* débouté Monsieur [U] de ses demandes tendant à ce que soit ordonnée la remise de son solde de tout compte et de son certificat de travail, sous astreinte,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné Monsieur [U] à verser à la société Triomphe Sécurité la somme de 3 740,28 euros correspondant aux deux mois de préavis qu'il aurait dû effectuer,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné Monsieur [U] à verser à la société Triomphe Sécurité la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Monsieur [U] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2024 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 22 février 2024.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'effet dévolutif de l'appel:

La société Triomphe Sécurité soutient que la cour d'appel n'a été saisie par le salarié d'aucune prétention autre que celles tendant à obtenir l'infirmation du jugement qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et critique la déclaration d'appel de Monsieur [U] au motif qu'elle ne précise pas expressément certains des chefs de demande dont il sollicite l'infirmation.

Monsieur [U] n'a pas répondu sur ce point.

Selon l'article 562 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2015-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Selon l'article 901 4° du même code, régissant la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration d'appel qui tend à la réformation du jugement doit mentionner les chefs de jugement critiqués.

Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de dispositif du jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

En l'espèce, la déclaration d'appel de Monsieur [U] est ainsi rédigée :

'Objet/Portée de l'appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués Monsieur [U] demande à la Cour de bien vouloir : INFIRMER le jugement du conseil des prud'hommes de Paris en date du 14 Janvier 2022 notifié le 1er juin 2022 n°21/03080 en ce qu'il a : JUGÉ la prise d'acte de Monsieur [O] [W] [U] infondée, laquelle produit les effets d'une démission ; DEBOUTÉ Monsieur [O] [W] [U] de l'ensemble de ses demandes ; CONDAMNÉ Monsieur [O] [W] [U] à verser à SAS TRIOMPHE SECURITE les sommes suivantes : - 3 740,28 € bruts au titre des deux mois de préavis non effectués ; - 300, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; LAISSÉ la charge des dépens à la charge de Monsieur [O] [W] [U]'.

Bien qu'elle ne détaille pas toutes les prétentions présentées devant le conseil de prud'hommes, la déclaration d'appel de l'espèce mentionne les chefs du dispositif du jugement critiqués; il y a lieu de constater que l'effet dévolutif a opéré.

Sur la qualification :

Recruté comme 'agent de sécurité SSIAP1', niveau 3, coefficient 140, Monsieur [U] soutient avoir été rémunéré à un taux inférieur à celui qu'il aurait dû normalement percevoir dans la mesure où il remplissait, dès sa prise de fonction en décembre 2018, les missions de 'chef d'équipe sûreté' correspondant au statut d'agent de maîtrise, niveau 1, coefficient 150. Il réclame un rappel de salaire pour les années 2018 et 2019, ainsi que les congés payés y afférents.

La société Triomphe Sécurité fait valoir au contraire que Monsieur [U], exerçant les fonctions de SSIAP1 catégorie agent d'exploitation, sur le site du centre commercial Qwartz, n'effectuait que de façon très occasionnelle des vacations de chef d'équipe en remplacement du salarié occupant ce poste lorsqu'il était absent (soit 198 heures sur les 1516 accomplies au titre de la période). Elle souligne qu'il n'était pas le seul à réaliser ces vacations ponctuelles, les autres agents de sécurité se relayant sur ce poste et percevant une prime de fonction conformément aux dispositions de la convention collective.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Déterminer la classification dont relève un salarié suppose donc l'analyse de la réalité des fonctions par lui exercées, au vu des éléments produits par les parties, et leur comparaison avec la classification de la convention collective nationale applicable.

En l'espèce, il résulte du contrat de travail signé par Monsieur [U] qu'il a été recruté en tant qu'agent de sécurité SSIAP1, comme le montrent d'ailleurs les différents bulletins de salaires qui lui ont été remis.

Cependant, si l'attestation de travail qui lui a été transmise le 3 octobre 2019 par le service des ressources humaines fait état d'un emploi de 'chef d'équipe sûreté' occupé par l'intéressé, la société Triomphe Sécurité invoque une erreur entachant ce document, ce que corroborent non seulement la main courante de l'intéressé en date du 2 décembre 2019 dans laquelle il se présente lui-même en qualité d' 'agent de sécurité incendie' ayant comme supérieur un 'chef d'équipe', mais également le versement d'une prime de fonction en cas d'intérim assuré sur un poste de classification supérieure (notamment en avril 2019).

La démonstration de l'exercice permanent des fonctions de chef d'équipe n'étant pas faite, il y a lieu de rejeter les demandes présentées à ce titre par le salarié.

Le jugement de première instance doit être, par conséquent, confirmé de ces chefs.

Sur les heures supplémentaires :

Monsieur [U] soutient ne pas avoir été rémunéré pour un certain nombre d'heures supplémentaires. Pour l'année 2019, il se dit en droit de réclamer la somme de 2 302,28 €, ainsi que les congés payés y afférents.

La société Triomphe Sécurité soutient que Monsieur [U] a été rémunéré pour l'intégralité des heures effectuées.

Il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des

exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

En l'espèce, Monsieur [U] produit un tableau de ses heures supplémentaires (pièce 24) détaillant sur chaque semaine le nombre d'heures réalisées, le nombre d'heures supplémentaires (à savoir 157,5 heures au total) et leurs majorations respectives.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

La société Triomphe Sécurité conteste l'existence d'heures qui n'auraient pas été rémunérées, rappelle que Monsieur [U] a été soumis à un accord de modulation, visé expressément dans son contrat de travail, et communique un tableau contenant l'ensemble des explications afférant au décompte des heures et à leur paiement dans ce contexte.

L'accord de modulation souscrit par la société Triomphe Sécurité prévoit une durée annuelle de travail fixée à 1 607 heures pour un horaire hebdomadaire moyen de 35 heures, une période de modulation entre le 1er juillet de l'année en cours et le 31 juin de l'année suivante, un horaire collectif pouvant varier d'une semaine à l'autre dans les limites suivantes : 'aucun horaire minimal hebdomadaire n'est fixé de sorte que des semaines complètes de repos pourront être octroyées' et ' l'horaire hebdomadaire maximal est fixé à 48 heures ou 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives'.

L'article 4 de ce texte prévoit une programmation des horaires selon deux formats, une programmation indicative collective et une communication à chaque agent d'un planning individualisé de la modulation, avec des changements communiqués dans un délai d'au moins sept jours ouvrés avant la prise d'effet de la modification.

Dans ce contexte, l'article 5.1 définit les heures supplémentaires comme étant celles effectuées ' au-delà de la durée maximale hebdomadaire de la modulation fixée à l'article 2.4' et celles effectuées 'au-delà de la durée annuelle de travail effectif fixée à l'article 3.1, les jours fériés chômés n'étant pas décomptés comme du temps de travail'.

L'article 5.2 de cet accord prévoit le paiement des heures accomplies au-delà de la limite annuelle fixée à l'article 3.1: ' lorsque des variations imprévues de la charge de travail au cours de la période de modulation ont conduit à un dépassement du volume annuel d'heures de travail, les heures excédentaires accomplies au-delà du volume annuel, à l'exclusion de celles qui ont dépassé les limites hebdomadaires, doivent être payées avec la majoration légale ou conventionnelle en vigueur.

Ces heures supplémentaires seront payées, ainsi que leurs majorations, avec le dernier salaire de l'année de référence.'

Les pièces produites et notamment les éléments du tableau invoqué par le salarié ne permettent pas d'identifier d'heures dépassant l'horaire hebdomadaire maximal restant non rémunérées, en l'état de la régularisation intervenue (cf la pièce 36 de l'employeur).

La demande formulée à ce titre doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les salaires non versés :

Monsieur [U] prétend ne pas avoir été payé de certaines heures qu'il a effectivement accomplies en décembre 2019 ( 13 heures) et février 2021 (28 heures correspondant à une formation SSIAP et HOBO). Il réclame donc respectivement la somme de 152,49 € et celle de 296,55 €, outre les congés payés y afférents. Il sollicite également des dommages-intérêts à hauteur de 5 000 € pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

La société Triomphe Sécurité relève que le salarié ne communique pas le bulletin de salaire de février 2021 sur lequel figure la rémunération de ses 28 heures de formation. Elle conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté la demande.

En ce qui concerne l'exécution déloyale du contrat de travail, elle pointe la mauvaise foi du salarié qui multiplie les demandes de rappel de salaire sans fondement et conclut au débouté de l'intéressé.

La société intimée reproduit dans ses conclusions un extrait du bulletin de salaire du mois de février 2021 portant mention de la somme de 296,55 € au titre de la formation 'indemnisée à 100 %'.

En revanche, alors que sur le bulletin de paie de décembre 2019 figure le paiement de 6,67 heures de travail, la société Triomphe Sécurité ne justifie pas de cette durée, contestée par le salarié.

Il convient donc d'accueillir la demande de rappel de salaire à hauteur du montant réclamé, ainsi que les congés payés y afférents.

Alors que, comme pour toute indemnisation d'un préjudice, la demande de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail suppose, pour être accueillie, la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux, force est de constater que le salarié, qui bénéficiera des intérêts moratoires de cette somme ainsi mise à la charge de la société employeur, ne justifie d'aucun préjudice distinct.

Sa demande doit être rejetée, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la prévoyance :

Reprochant à son employeur de ne pas avoir maintenu son salaire à hauteur de 80 %, conformément aux stipulations de la convention collective et à son article 14 en particulier, Monsieur [U] réclame la somme de 1 480,94 € à ce titre.

La société Triomphe Sécurité prétend que l'appelant ne lui a jamais communiqué les éléments relatifs aux indemnités journalières perçues pendant son arrêt de travail, ne permettant pas ainsi de mettre en oeuvre son maintien de salaire. Elle rappelle en outre que l'accident du travail lui a été déclaré inopposable par le tribunal judiciaire de Paris dans un jugement du 19 janvier 2021.

Selon l'article 14 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, 'il est versé au salarié en incapacité temporaire de travail, sous réserve qu'il bénéficie des indemnités journalières de la sécurité sociale au titre des législations maladie, accident du travail ou maladie professionnelle (reconstituées de manière théorique pour les salariés n'ayant pas 200 heures), une indemnité égale à 80 % du salaire brut de référence, y compris les prestations brutes de la sécurité sociale.

Cette indemnisation intervient en relais des obligations conventionnelles de l'employeur.

[...]'

Cependant, alors que l'entreprise verse aux débats son courrier du 18 mai 2020 réclamant au salarié son décompte IJSS pour mettre en 'uvre le contrat de prévoyance ainsi que la preuve du dépôt de ce courrier recommandé avec accusé de réception et la preuve de ce qu'il a été retourné 'non réclamé', après avis donné à son destinataire, Monsieur [U] admet ne pas avoir gardé copie de son envoi de l'attestation de versement d'indemnités journalières mais souligne qu'il l'a produite à la procédure.

Cependant, cette assertion n'est corroborée par aucune pièce objective et aucune mention du jugement ne fait état de la transmission à l'employeur de ce document.

La demande doit donc être rejetée et le jugement de première instance confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral :

Alors qu'il affirme avoir toujours donné satisfaction en cours d'exécution de son contrat de travail, Monsieur [U] soutient qu'il a été victime de harcèlement moral et notamment d'une attitude agressive de la part de sa hiérarchie (Monsieur [V], chef d'équipe sûreté et Monsieur [F], responsable du site). Il réclame la somme de 10'000 € à titre de réparation du préjudice lié à ce harcèlement moral.

La société Triomphe Sécurité soutient que Monsieur [U] n'a pas été victime de harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

Monsieur [U] invoque notamment une hostilité à son encontre de la part de ses supérieurs hiérarchiques, des remarques déplacées, des commentaires injustifiés sur sa personnalité et son physique, une agression le 2 décembre 2019 par son supérieur direct, Monsieur [V], qui l'a agrippé au niveau des bras et des hanches et l'a bousculé pour le contraindre à quitter la pièce dans laquelle il se trouvait après l'interpellation d'un suspect, ensuite relâché, sans qu'aucune mesure ne soit prise par l'employeur pour garantir sa sécurité. Il fait état également de l'absence de réponse à son courrier de décembre 2019 relatif notamment à cette agression physique et d'un avertissement notifié le 3 janvier 2020 de façon injustifiée.

Au soutien de sa demande, Monsieur [U] verse aux débats :

- sa main courante du 2 décembre 2019 à 20h04 dans laquelle il explique, après avoir fait part de ses ' soucis' avec Monsieur [V], chef d'équipe, et Monsieur [F], depuis plusieurs mois, qu'une tentative de vol ayant eu lieu au magasin Zara par deux individus, il est intervenu pour les intercepter, que Monsieur [F] lui a demandé de laisser partir la personne qui était devant lui, pour venir le lui reprocher ensuite en lui disant 'mais tu te prends pour qui ' On te dit quelque chose, tu fais toujours ce que tu veux, tu vas voir', qu'il a été 'agrippé' par Monsieur [V] alors qu'il répondait à Monsieur [F] qu'il n'était 'pas son chien, ni son enfant' et 'tiré pour (me) faire sortir' 'moi je ne me suis pas laissé faire et les collègues sont intervenus',

- le procès-verbal de son audition à la suite des faits,

- la copie de son audition relative à son dépôt de plainte pour faits de harcèlement moral et de violence en date du 17 décembre 2019, précisant la présence de caméras de surveillance à l'endroit où l'altercation a débuté et s'est finie.

Il verse également aux débats :

- sa convocation à entretien préalable en date du 28 novembre 2019,

- l'avertissement notifié par courrier du 3 janvier 2020 pour avoir refusé de participer à la réunion du 22 novembre 2019 et remis en cause les procédures de travail,

-le courrier de la société Triomphe Sécurité en date du 19 janvier 2020 mettant en 'uvre la clause de mobilité à l'occasion de la fin de son arrêt de travail, en raison de ses diplômes non mis à jour et l'empêchant d'exercer ses fonctions de SSIAP1 mais aussi en raison de l'audition par les services de police du responsable de site et du chef d'équipe sûreté suite à sa plainte, concluant 'selon nos investigations internes, il s'agirait à ce stade tout au plus d'incompatibilité d'humeur entre vous et votre hiérarchie.[...] en tout état de cause, la situation conflictuelle que vous prétendez vivre nous impose de prendre sans délai des mesures conservatoires exceptionnelles et ce, par principe de précaution. Aussi nous vous informons de votre affectation prochaine sur notre site avec une nouvelle hiérarchie, en vertu de votre clause de mobilité'.

Il produit enfin :

-le courrier du 5 décembre 2019 de son employeur, adressé à la Caisse primaire d'assurance maladie, émettant des réserves et des doutes sur la matérialité du fait accidentel, relevant que 'lors du prétendu fait accident, Monsieur [U] [O] [W] s'est soustrait volontairement à la subordination de l'employeur, il n'était plus dans l'exercice de sa fonction au moment des faits, les motifs invoqués par le salarié sont totalement contestés par les personnes présentes', relevant qu'il était le seul à l'initiative de cette altercation pour des raisons non professionnelles et concluant que l'accident a une origine totalement étrangère au travail,

- sa réponse, par courrier recommandé, rappelant qu'aucune mesure n'a été prise suite à son dépôt de plainte pour harcèlement moral et agression physique, dénonçant l'absence d'enquête avant l'émission des réserves adressées à la Caisse primaire, relevant le préjudice financier subi sur le calcul de ses indemnités journalières de sécurité sociale et du fait de l'absence de 'complément employeur'.

Si les remarques déplacées et l'hostilité ambiante ne sont corroborées par aucune donnée objective, le salarié présente toutefois des éléments de fait relatifs à une sanction disciplinaire, à une altercation physique consécutive à une discussion houleuse avec l'un de ses supérieurs et à une décision sur son affectation, lesquels, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

Contestant la version des faits de Monsieur [U] - dont elle invoque la situation disciplinaire (avertissements des 5 avril 2019 et 3 janvier 2020)-, la société Triomphe Sécurité affirme que celui-ci s'est violemment emporté à l'encontre de ses supérieurs, qui ont dû s'interposer pour éviter une escalade de violence lors de l'incident du 2 décembre 2019. Elle relate que ce jour-là, lors de la tentative de vol au sein du centre commercial Qwartz, deux individus particulièrement agressifs ont été immobilisés, que Monsieur [U], en pleine discussion avec une personne qui s'est avérée être l'un des voleurs, sommé d'arrêter sa conversation et de venir aider ses collègues, l'a laissée partir sans préciser à Monsieur [F] de qui il s'agissait et a refusé ensuite de reprendre son poste, invectivant son supérieur de façon agressive, ce qui a conduit Monsieur [V] à intervenir pour le calmer.

Elle dit avoir mené une enquête et recueilli le témoignage de tous les salariés présents lors de l'incident, établissant que Monsieur [U] n'a nullement été victime d'une agression physique, ni de harcèlement moral.

Si le compte-rendu de Monsieur [F] et le témoignage de Monsieur [V] en raison de leur lien de subordination avec l'employeur mais également de leur implication dans l'altercation litigieuse ne sauraient être considérés comme probants, les attestations de deux autres salariés (pièces 9 et 10), comme le rapport de visionnage détaillé des images des caméras de surveillance, versés aux débats par la société Triomphe Sécurité, permettent de retenir qu'à la suite de l'interpellation, Monsieur [U] a refusé de reprendre sa position, parlant 'très fort', se montrant 'très agressif', situation justifiant l'intervention de plusieurs autres salariés.

Dans son courrier du 7 février 2020 adressé à la Caisse primaire d'assurance maladie pour rétablir les faits tels qu'ils se seraient passés, selon elle, au vu des éléments qu'elle a rassemblés, la société Triomphe Sécurité fait état de ce que Monsieur [U] n'a pas été agressé physiquement - du fait de la présence de plusieurs agents entre lui et ses responsables- , et joint plusieurs témoignages de membres du personnel.

Elle verse aux débats en outre l'avis de classement sans suite de la plainte de Monsieur [U]

(pour infraction insuffisamment caractérisée).

Il convient d'ailleurs de constater que Monsieur [U] ne verse aux débats aucun certificat médical de constatation de blessures résultant de l'altercation du 2 décembre 2019.

La société Triomphe Sécurité justifie en outre de l'absence de tout lien entre l'altercation de début décembre 2019 et l'avertissement notifié le 3 janvier 2020, dans la mesure où la convocation à entretien préalable à cette fin lui a été adressée le 28 novembre 2019, reportant au 9 décembre suivant à la demande de l'intéressé l'entretien préalable prévu.

La société Triomphe Sécurité démontre au surplus par différents témoignages que Monsieur [U] avait effectivement refusé de participer au briefing de l'ensemble de l'équipe, comme le lui reproche cet avertissement.

Par ailleurs, alors que le salarié a vu son contrat de travail suspendu de décembre 2019 jusqu'à janvier 2021 (une partie de la période - décembre 2019 à fin février 2020- ayant été utilisée pour des cours de formation de chauffeur de taxi, comme en justifie la société intimée ), il a à nouveau par courrier du 3 février 2021 dénoncé des faits de harcèlement moral.

Une nouvelle enquête a été donc réalisée par la Commission santé, sécurité et conditions de travail ( CSSCT), à la suite de ces doléances.

Il en résulte que Monsieur [U] a refusé de donner suite aux invitations qui lui ont été faites par téléphone et /ou par écrit pour s'expliquer sur les faits dénoncés, que les témoins n'ont jamais vu ou entendu d'actes potentiellement constitutifs de faits de harcèlement moral à son encontre, le salarié étant décrit au contraire comme ayant 'des problèmes de comportement récurrents avec ses chefs de poste quels qu'ils soient', faisant parfois le contraire des missions qui lui étaient demandées, 'cherchant' à plusieurs reprises Monsieur [V], potentiellement par jalousie de sa promotion en juin 2019.

Ces éléments sont corroborés par plusieurs courriels en date des 7 et 13 mars 2019 faisant état pour l'un, de ce que Monsieur [U] aurait dévoilé le lieu de domicile de son collègue à un agresseur et pour l'autre, de ce que l'intéressé avait les yeux sur une feuille pour calculer ses heures pendant le briefing du matin, répondant à son supérieur qu'il pouvait continuer à parler 'c'est pas ses yeux et sa main qui (m)'écoute, c'est ses oreilles' (sic).

Enfin, il n'est pas contesté que la société Triomphe Sécurité a mis en 'uvre la clause de mobilité du contrat de travail de Monsieur [U] dans un courrier qui est daté du 19 janvier 2020, mais qui est entaché manifestement d'une erreur à ce sujet, parce qu'il évoque le terme du contrat de travail au 20 janvier 2021.

Dans ce courrier, la société intimée légitime sa décision par les éléments recueillis notamment lors de l'enquête de la CSSCT, mais également par la carence du salarié à justifier de ses diplômes de SSIAP et HOBO à jour; il ne saurait y être vu de lien avec la dénonciation du harcèlement moral par l'appelant.

Par conséquent, alors que Monsieur [U] n'a dénoncé un harcèlement moral que postérieurement à sa convocation à entretien préalable en lien avec son refus de participer à une réunion et à l'altercation du 2 décembre 2019 avec ses supérieurs hiérarchiques, il est établi que les faits invoqués par le salarié sont justifiés par l'employeur par des éléments étrangers à tout harcèlement moral.

Les demandes de l'appelant à ce titre ne sauraient donc prospérer. Le jugement de première instance doit être confirmé de ce chef.

Sur l'obligation de sécurité et l'obligation de bonne foi:

Monsieur [U] soutient que la société Triomphe Sécurité n'a pas respecté ses obligations de sécurité et d'exécution du contrat de travail de bonne foi, au motif qu'elle n'a mené aucune enquête après son agression, malgré ses multiples alertes.

Il a été vu, au contraire, que la société Triomphe Sécurité avait, peu après l'altercation du 2 décembre 2019, entendu les témoins et visionné la vidéosurveillance, informant d'ailleurs la CPAM des éléments d'enquête ainsi recueillis, et qu' ensuite, après une nouvelle dénonciation de harcèlement moral par le salarié par lettre recommandée, une enquête sur les faits dénoncés a été menée par la CSSCT, cette dernière concluant à l'absence de toute situation de harcèlement moral ou d'agression physique.

La démonstration d'un manquement à l'obligation de sécurité et à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi n'est donc pas faite.

Sur la rétrogradation et la modification du contrat de travail:

Monsieur [U] soutient qu'il a été victime d'une rétrogradation irrégulière et d'une modification unilatérale de son contrat, ayant été réaffecté au poste d'agent de sécurité, et transféré sans son accord sur un autre site, pour avoir dénoncé la situation de harcèlement moral dont il a fait l'objet.

Il a été vu que Monsieur [U], agent de sécurité, amené de façon très temporaire à remplacer un chef d'équipe, n'a pas été rétrogradé à l'occasion de la mise en 'uvre de la clause de mobilité, mais maintenu à la qualification qui était la sienne, et qu'aucun lien ne pouvait être fait, en l'état des éléments objectifs démontrés, entre cette décision et la dénonciation des faits de harcèlement moral par le salarié.

Les griefs ne sauraient être retenus.

Sur la rupture du contrat de travail:

Monsieur [U] soutient que la société Triomphe Sécurité s'est rendue coupable de manquements graves, justifiant sa prise d'acte aux torts exclusifs de son employeur. Il invoque notamment le manquement de la société à son obligation de sécurité, la non-revalorisation de ses heures, sa rétrogradation irrégulière et la modification de son contrat sans son accord.

La société intimée soutient qu'elle ne s'est rendue coupable d'aucun manquement et affirme que la prise d'acte de Monsieur [U] doit avoir les effets d'une démission.

Par courrier du 10 février 2021, Monsieur [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Triomphe Sécurité, rappelant qu'elle avait multiplié

' les atteintes et les manquements à ses droits ainsi qu'à son contrat de travail'.

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

En l'espèce, Monsieur [U] fait état , plus précisément, d'une rémunération à un taux inférieur à celui garanti par la convention collective applicable, d'une agression, d'un harcèlement moral pendant plusieurs mois, de l'absence de sanction prise à l'encontre de son agresseur, de l'absence d'enquête sérieuse à la suite de sa dénonciation de faits de harcèlement moral, d'un manquement à l'obligation de sécurité, d'une rétrogradation au poste d'agent de sécurité et d'une affectation sur un site par application de la clause de mobilité en février 2021.

Or, il a été vu ci-dessus que ces différents griefs n'étaient pas constitués en l'état des éléments produits, et ce, d'autant que la société Triomphe Sécurité verse aux débats un courriel montrant que l'intéressé avait été recruté par une société concurrente de sécurité, à temps complet, depuis le 22 janvier 2021.

Il convient, comme l'a fait le jugement de première instance, de constater que la prise d'acte de Monsieur [U] a eu les effets d'une démission et de rejeter ses demandes au titre d'un licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu, enfin, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le salarié à verser à l'entreprise la somme de 3 740,28 € correspondant aux deux mois de préavis qu'il aurait dû effectuer, l'employeur n'ayant pas à démontrer l'existence d'un préjudice pour réclamer cette indemnité compensatrice.

Sur la transmission des documents à la CPAM :

Monsieur [U] relève que dans un courrier du 5 décembre 2019, la société Triomphe Sécurité a contesté, sans preuve, l'accident du travail qu'il a subi, contestation faite auprès de l'assurance maladie qui l'a relancé à ce sujet et l'a invité ensuite à faire remplir à son employeur une attestation d'accident du travail. Il considère que cette contestation prématurée de l'origine de l'accident du travail a entraîné pour lui en retard de prise en charge, qui l'a privé d'indemnité pendant plus de deux mois, le mettant dans une situation économique extrêmement précaire. Il réclame 2 000 € de dommages-intérêts à ce titre.

La société Triomphe Sécurité invoque une erreur de la CPAM qui n'a pas pris en compte la déclaration d'accident du travail et ses réserves émises en sa qualité d'employeur. Elle estime justifier du bon accomplissement de ses obligations déclaratives et conclut au rejet de la demande.

La demande d'indemnisation de l'espèce suppose, pour être accueillie, la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.

Si Monsieur [U] verse aux débats la copie d'un écrit du 26 décembre 2019 émanant de la Caisse primaire d'assurance maladie et faisant état de ce que la déclaration de son accident du travail 'n'est toujours pas parvenue à notre organisme', la société intimée produit pour sa part la copie de la déclaration d'accident du travail, signée le 6 décembre 2019 par la chargée des affaires sociales de l'entreprise, la preuve de sa télétransmission ainsi que la copie de l'accusé de réception par la CNAMTS le même jour à 11h57.

Au surplus, la démonstration d'un préjudice qui aurait été subi par le salarié n'est pas faite.

La demande d'indemnisation ne saurait prospérer dans ces conditions.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié.

Sur les intérêts:

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil et R.1452-5 du code du travail, les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil, courent sur les créances de sommes d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi (rappels de salaire) à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Sur la remise de documents:

La remise d'un solde de tout compte rectifié conforme à la teneur du présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la société Triomphe Sécurité n'étant versé au débat.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

Le salarié, qui succombe principalement, doit être tenu aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d'appel.

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, mais de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives au rappel de salaire de décembre 2019 et aux congés payés y afférents,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Triomphe Sécurité à payer à Monsieur [O] [U] les sommes de:

- 152,49 € à titre de rappel de salaire,

- 15,24 € au titre des congés payés y afférents,

DIT que les intérêts au taux légal sont dus à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation pour les créances de sommes d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi, à compter du jugement de première instance pour les sommes indemnitaires confirmées,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE la remise par la société Triomphe Sécurité à Monsieur [U] d'un solde de tout compte conforme à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans le mois suivant son prononcé,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE Monsieur [U] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 22/06592
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.06592 ?
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