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25/04/2024 | FRANCE | N°22/14288

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 25 avril 2024, 22/14288


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14288 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGICB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 mai 2022 - Tribunal Judiciaire de FONTAINEBLEAU - RG n° 21/01578





APPELANTE



La société ESPORT GAMING SCHOOL, SARL prise en la person

ne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 841 537 384 00015

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]



représentée par Me Aurélie THEVENIN, ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14288 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGICB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 mai 2022 - Tribunal Judiciaire de FONTAINEBLEAU - RG n° 21/01578

APPELANTE

La société ESPORT GAMING SCHOOL, SARL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 841 537 384 00015

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Aurélie THEVENIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B 757

INTIMÉ

Monsieur [W] [C]

né le 12 mai 1997 à [Localité 5] (94)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté et assisté de Me Pierre DERIEUX, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [W] [C] alors âgé de 21 ans, s'est inscrit à l'automne 2019 auprès de la société Esport Gaming School en 1ère année, pour suivre une formation "digital", sur le campus de [Localité 1] et a réglé les frais de scolarité correspondant.

Le 20 août 2020, M. [C] a souscrit un nouveau contrat auprès de la société Esport Gaming School pour effectuer sa 2ème année "bachelor 2" sur le même campus moyennant un coût de scolarité de 7 300 euros, stipulé payable après un premier règlement de 500 euros d'acompte, en 9 mensualités de 756 euros. Il a réglé les mensualités de septembre et octobre 2020, soit 1 512 euros et le 30 octobre 2020, il a résilié le contrat de formation par lettre recommandée avec accusé de réception en invoquant des motifs médicaux liés à sa vue.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 novembre 2020, le conseil de la société Esport Gaming School a fait part du refus de cette dernière faute de justificatif des motifs médicaux invoqués et l'a mis en demeure de régler le solde de la formation soit la somme de 5 288 euros.

Le 25 décembre 2020, M. [C] a envoyé en lettre recommandée avec accusé de réception tant à la société Esport Gaming School qu'à son avocat un certificat médical en date du 11 décembre 2020 du Docteur [H] [T] et n'a pas réglé le montant réclamé.

Par acte du 1er décembre 2021, la société Esport Gaming School a fait assigner M. [C] devant le tribunal judiciaire de Fontainebleau en paiement des sommes de :

- 5 867,20 euros représentant le solde des frais de scolarité de 5 288 euros majorés des intérêts contractuels de 553,42 euros et des intérêts légaux de 25,78 euros,

- 500 euros au titre de l'exécution fautive du contrat,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 27 mai 2022, le tribunal a :

- dit que l'article 4 du contrat du 20 août 2020 conclu entre la société Esport Gaming School et M. [C] constitue une clause abusive et est réputée non écrite,

- dit que M. [C] ne justifie pas avoir résilié le contrat pour une raison de force majeure ou un motif impérieux et légitime,

- condamné M. [C] à payer à la société Esport Gaming School la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. [C] aux dépens.

Le premier juge a retenu que l'article 4 du contrat, qui prévoyait le non remboursement des frais de scolarité en cas de désistement intervenu après un délai de 14 jours à compter de la signature du contrat, sans distinction de cause incluant la force majeure ou un motif légitime et impérieux et ne permettait pas même une dispense partielle de paiement, était abusive en ce qu'elle créait au détriment de l'élève un déséquilibre entre les droits et obligations des parties. Il l'a donc réputé non écrit.

Il a ensuite relevé que le certificat médical produit ne mentionnait pas la période d'apparition de la maladie, qu'il était postérieur à la date de résiliation et que M. [C] avait reconnu que ses problèmes de vue étaient antérieurs à la signature du contrat mais qu'il s'était néanmoins entêté à poursuivre sa formation alors qu'ils étaient de plus en plus handicapants. Il en a déduit que ce dernier ne pouvait pas se prévaloir d'un cas de force majeure ni d'un motif légitime faute de rapporter la preuve du caractère définitif et réellement invalidant de son état de santé.

Il a relevé que la bonne foi de M. [C] était largement questionnable puisqu'il reconnaissait lui-même ne pas avoir effectué de suivi médical sérieux ce qu'il imputait au confinement alors que les sorties pour rendez-vous médicaux étaient autorisées, que c'est donc son attitude dont il était seul responsable qui l'avait conduit à résilier le contrat et donc à causer un préjudice à la société Esport Gaming School qu'il a estimé à la somme de 1 000 euros après avoir relevé que la demande de la société Esport Gaming School était hors de proportion avec le préjudice réellement subi. Il a ensuite relevé que la demande de dommages et intérêts étant justifiée en son principe, M. [C] devait être débouté de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive.

Par déclaration électronique en date du 28 juillet 2022, la société Esport Gaming School a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 20 janvier 2023, la société Esport Gaming School demande à la cour :

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que l'article 4 du contrat du 20 août 2020 constitue une clause abusive et est réputée non écrite, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner M. [C] à lui payer la somme de 5 867,20 euros en principal, de confirmer le jugement pour le surplus,

- statuant de nouveau, de condamner M. [C] à lui payer la somme de 5 867,20 euros en principal,

- y ajoutant, de condamner M. [C] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.

Elle fait valoir que le tribunal n'explicite pas en quoi l'article 4 créerait un déséquilibre significatif entre les parties, qu'aucune clause relative aux conditions de résiliation anticipée d'un contrat à durée déterminée n'est visée comme clause irréfragable aux termes de l'article R. 212-1 du code de la consommation, que n'est présumée abusive que la clause ayant pour objet ou pour effet de "soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel" et que tel n'est pas le cas puisque le contrat ne prévoit pas la possibilité pour l'école de mettre fin prématurément au contrat.

Elle ajoute qu'il ressort des écrits mêmes de M. [C] que ce dernier était parfaitement au courant avant la signature du contrat du 20 août 2020 qu'il avait des problèmes de vue potentiellement incompatibles avec sa formation et qu'il s'est donc inscrit en toute connaissance de cause. Elle soutient que sa situation médicale pouvait donc être raisonnablement prévue lors de la souscription du contrat le 20 août 2020. Elle soutient que M. [C] qui se prévaut non plus de sa maladie mais de ses conséquences, ne démontre pas la date de survenue desdites conséquences prétendument imprévisibles à savoir l'apparition d'une cicatrice chori rétinienne. Elle ajoute qu'au surplus, M. [C] n'a jamais justifié - y compris dans le cadre de la procédure - d'un suivi médical antérieur, ni du caractère définitif ou réellement invalidant de sa maladie et considère que le certificat médical du 19 novembre 2022 versé au débat par M. [C] faisant état d'un "état cicatriciel non susceptible d'amélioration" n'apporte pas la preuve du caractère définitif ou réellement invalidant de son état ni d'un suivi médical.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2023, M. [C] demande à la cour :

- de le dire et juger recevable et bien fondé en ses écritures et y faisant droit,

- de confirmer le jugement rendu le 27 mai 2022 en ce qu'il a dit que l'article 4 du contrat du 20 août 2020 constitue une clause abusive et est réputée non écrite et pour le surplus de l'infirmer,

- statuant à nouveau à titre principal de constater qu'il rapporte la preuve de l'existence d'un cas de force majeure rendant impossible la poursuite du contrat de formation et justifiant sa résiliation anticipée le 30 octobre 2020, à raison des conséquences de la toxoplasmose oculaire par lui contractée, à titre subsidiaire et en tout état de cause, de constater qu'il rapporte la preuve de l'existence d'un motif légitime et impérieux de résilier de façon anticipée le 30 octobre 2020 le contrat de formation, à raison des conséquences de la toxoplasmose oculaire par lui contractée et en conséquence,

- de débouter la société Esport Gaming School de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la société Esport Gaming School au paiement d'une indemnité de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pierre Derieux avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il fait valoir qu'est manifestement abusive la clause stipulée sous l'article 4 du contrat en date du 20 août 2020, en ce qu'elle crée à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, faisant du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école passé le délai 14 jours à compter de la signature du contrat et qui, sans réserver le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux, ni même pour force majeur, ne permet aucune dispense même partielle du règlement de la formation. Il en déduit qu'elle doit être réputée non écrite.

Il indique avoir contracté une toxoplasmose oculaire au niveau de son 'il droit, avec présence d'un kyste au centre, lequel a entrainé la survenance d'une cicatrice chori rétinienne maculaire, au centre de son 'il droit, insusceptible de soins en amélioration, ce qui a entrainé la quasi perte de cet 'il droit qui n'a plus qu'une acuité visuelle de 1/10 avec correction et photophobie incompatible avec l'usage d'un écran d'ordinateur. Il souligne que ce n'est pas la maladie qui constitue la force majeure mais ses conséquences inattendues malgré les soins suivis. Il souligne que si le 20 août 2020, date de signature du contrat, il s'était trouvé dans cette situation, il ne l'aurait pas signé et que cette aggravation n'était pas prévisible.

Subsidiairement, il considère justifier à tout le moins d'un motif légitime et impérieux procédant de l'impossibilité physique pour lui de poursuivre la formation objet dudit contrat, à raison des conséquences de la toxoplasmose oculaire par lui contractée au niveau de son 'il droit.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 20 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'appréciation du caractère abusif de l'article 4 du contrat

Pour réclamer à M. [C] la totalité des frais de la formation alors que celui-ci ci a entendu résilier le contrat, la société Esport Gaming School lui oppose l'article 4 dudit contrat lequel est ainsi rédigé : "Droit de rétractation : l'Etudiant(e) dispose d'un droit de rétractation de 14 jours à la signature du présent contrat. La demande de résiliation du présent contrat doit être faite par Lettre recommandée avec AR et n'aura pas à être motivée. Passée cette date, l'inscription est définitive. En conséquence, les frais de formation seront intégralement dus".

L'article L. 212-1 du code de la consommation dispose que "Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat".

Il est constant que la stipulation contractuelle qui fait, passé un délai de rétractation, dans tous les cas et sans aucune exception pour motif légitime et impérieux et pour force majeure, du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école et ne permet aucune dispense partielle du règlement de la formation, crée au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

C'est donc à juste titre que le premier juge a déclaré cette clause abusive et l'a déclarée non écrite et le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé de la résiliation

La formation à laquelle s'est inscrit M. [C] implique une utilisation intensive d'un ordinateur et d'un écran. Or il résulte des pièces produites et notamment du certificat du 11 décembre 2020 que son état de santé est à compter incompatible avec cette utilisation compte tenu de la faiblesse de son acuité visuelle à droite de 1/10 avec correction et d'une photophobie. Il résulte des documents médicaux produits que cette situation n'est pas susceptible d'amélioration.

Il est justifié de ce que sa situation s'est dégradée entre la signature du contrat et la date de résiliation par la production d'une attestation d'un autre élève, régulière en la forme qui témoigne de ce qu'après la rentrée de septembre 2020, il a assisté à des discussions entre M. [C] et des responsables de l'école concernant les difficultés grandissantes de ce dernier à rester devant un écran.

Il est encore justifié par des certificats médicaux des 29 septembre 2022 et 19 novembre 2022 de ce que cet état ne peut s'améliorer, mais peut s'aggraver et de ce qu'il a contraint M. [C] à abandonner sa formation.

Il est ainsi suffisamment établi que M. [C] a présenté une évolution de son état de santé l'empêchant de poursuivre sa formation après son inscription ce qui caractérise à tout le moins un motif légitime et sérieux de nature à justifier la résiliation.

Il y a donc lieu de constater la validité de la résiliation à la date du 30 octobre 2020 du contrat signé le 20 août 2020.

Dès lors le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société Esport Gaming School de sa demande en paiement du solde du contrat mais infirmé en ce qu'il a écarté ce motif et condamné M. [C] à payer à la société Esport Gaming School la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et la société Esport Gaming School doit être déboutée de toutes ses demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné M. [C] aux dépens. La société Esport Gaming School qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec distraction au profit de Maître Pierre Derieux avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et il apparaît équitable de lui faire supporter la charge des frais irrépétibles de M. [C] à hauteur d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Infirme le jugement en ce qu'il a dit que M. [W] [C] ne justifiait pas avoir résilié le contrat pour une raison de force majeure ou un motif impérieux et légitime et l'a condamné M. [C] à payer à la société Esport Gaming School la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate la validité de la résiliation par M. [W] [C] à la date du 30 octobre 2020 du contrat signé le 20 août 2020 avec la société Esport Gaming School ;

Déboute la société Esport Gaming School de toutes ses demandes ;

Condamne la société Esport Gaming School à payer à M. [W] [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Esport Gaming School aux dépens de première instance et d'appel ces derniers avec distraction au profit de Maître Pierre Derieux avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/14288
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.14288 ?
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