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25/04/2024 | FRANCE | N°22/14087

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 25 avril 2024, 22/14087


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14087 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHUE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 mai 2022 - Juge des contentieux de la protection de MONTREUIL SOUS BOIS - RG n° 11-21-000565





APPELANTE



La SA CREATIS, société anony

me agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 5]

[Adresse 9]

[Localité 4]



rep...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14087 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHUE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 mai 2022 - Juge des contentieux de la protection de MONTREUIL SOUS BOIS - RG n° 11-21-000565

APPELANTE

La SA CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 5]

[Adresse 9]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉS

Monsieur [B] [T]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 11]

[Adresse 10]

[Adresse 1]

[Localité 6]

DÉFAILLANT

Madame [N] [I]

née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 8] (95)

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Localité 6]

représentée par Me Marie-Pierre MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0295

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/029224 du 19/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 25 février 2014, la société Creatis a consenti à M. [B] [T] et à Mme [N] [I] un crédit personnel d'un montant en capital de 96 700 euros remboursable en 144 mensualités de 1 063,24 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 8,31 %, le TAEG s'élevant à 10,08 %, soit une mensualité avec assurance de 1 147,86 euros.

Par avenant du 25 octobre 2016, les parties ont convenu d'un réaménagement du montant dû à cette date de 85 433,98 euros par réduction du montant des mensualités à la somme de 939,37 euros assurance comprise, sur 144 mois du 31 octobre 2016 au 30 septembre 2028, le taux nominal restant inchangé et le TAEG s'élevant à 8,63 euros.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Creatis a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte du 4 octobre 2021, la société Creatis a fait assigner M. [T] et Mme [I] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montreuil-sous-Bois en paiement du solde du prêt lequel, par jugement contradictoire du 17 mai 2022, a déclaré la société Creatis recevable en son action mais l'a déchue de son droit aux intérêts contractuels et a condamné M. [T] et Mme [I] solidairement au paiement de la somme de 21 008,01 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 9 décembre 2020, autorisé M. [T] et Mme [I] à s'acquitter de cette somme en 23 mensualités de 400 euros et la 24ème correspondant au solde avec une clause de déchéance du terme, rejeté la demande de capitalisation des intérêts, débouté la société Creatis de ses autres demandes et condamné M. [T] et Mme [I] in solidum aux dépens et au paiement à la société Creatis de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande au regard de la forclusion et pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, le juge a retenu que la société Creatis avait consulté le FICP le 6 mars 2014 soit après la signature du contrat de crédit et ce faisant n'avait pas respecté l'obligation posée par l'article L. 312-16 du code de la consommation.

Il a déduit les sommes versées (soit 71 390,81 euros avant la déchéance du terme et 4 301,18 euros ensuite selon décompte arrêté au 24 mars 2022) du capital emprunté et a relevé que pour assurer l'effectivité de la sanction il fallait écarter l'application des dispositions relatives à la majoration de plein droit du taux légal de 5 points. Il a également écarté la demande de capitalisation des intérêts.

Il a enfin octroyé des délais de paiement en considération de la situation de M. [T] et Mme [I].

Par déclaration réalisée par voie électronique le 22 juillet 2022, la société Creatis a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions n° 2 déposées par voie électronique le 13 avril 2023, la société Creatis demande à la cour :

- de déclarer M. [T] et Mme [I] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions, et de les en débouter,

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d'appel,

- d'y faire droit, d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions critiquées dans la déclaration d'appel qui portent sur toutes les dispositions sauf la recevabilité de sa demande et la condamnation de M. [T] et Mme [I] aux dépens,

- de condamner M. [T] et Mme [I] solidairement à lui payer la somme de 84 109,44 euros avec intérêts au taux contractuel de 8,31 % l'an à compter du jour de la mise en demeure du 9 décembre 2020,

- à titre subsidiaire, si la cour devait estimer que la déchéance du terme n'était pas acquise, de constater les manquements graves et réitérés de M. [T] et Mme [I] à leur obligation contractuelle de remboursement du prêt et de prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil et de condamner M. [T] et Mme [I] solidairement à lui payer la somme de 84 109,44 euros avec intérêts au taux contractuel de 8,31 % l'an à compter du jour de la mise en demeure du 9 décembre 2020,

- à titre infiniment subsidiaire en cas de déchéance du droit aux intérêts, de condamner M. [T] et Mme [I] à lui payer la somme de 21 008,01 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2020 sans suppression de la majoration de 5 points,

- en tout état de cause de condamner M. [T] et Mme [I] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que c'est au moment de l'agrément qu'elle doit consulter le FICP et pas lors de la signature et qu'en l'absence d'agrément, elle doit le faire avant la date de déblocage des fonds, qu'elle l'a consulté le 15 janvier 2014 et le 30 janvier 2014, ce qui est conforme.

En réponse aux écritures de Mme [I], s'agissant de la preuve de l'existence d'un bordereau de rétractation, elle soutient qu'elle résulte de la reconnaissance par l'emprunteur de cette remise dans le contrat qui fait la loi des parties, qu'en présence d'une telle clause c'est à l'emprunteur qu'il appartient d'établir qu'il n'a pas reçu le bordereau de rétractation. Elle ajoute que seul l'exemplaire remis à l'emprunteur doit comporter un bordereau de rétractation et non celui conservé par le prêteur qui par définition ne pourrait s'en servir et que la règle du double exemplaire n'est pas applicable. Elle soutient apporter la preuve de la remise d'un exemplaire conforme par la production d'une liasse vierge du pack contractuel identique à celui envoyé à M. [T] et Mme [I] comme portant le même numéro.

Elle indique verser aux débats un décompte actualisé au 20 janvier 2023 ainsi qu'un détail des sommes versées par Mme [I] depuis le 17 février 2021 et précise que les sommes versées précédemment figurent à l'historique de prêt. Elle ajoute que cette dernière ne justifie pas des règlements qu'elle invoque.

Elle soutient que l'indemnité d'exigibilité anticipée, dont le montant est limité en fonction de la durée de remboursement du crédit, et donc proportionnée au préjudice subi par le prêteur du fait de la défaillance du débiteur, n'est pas manifestement excessive, rappelle que le juge n'a pas le pouvoir d'écarter l'application du taux légal, et que seul le juge de l'exécution est donc en mesure de se prononcer sur le caractère non dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts contractuels au regard de l'application du taux majoré.

Elle indique que les échéances du prêt sont demeurées impayées à compter du mois de décembre 2019, qu'elle a mis M. [T] et Mme [I] en demeure de régulariser avant de prononcer la déchéance du terme et soutient que dès lors que l'accusé de réception lui a été retourné, le courrier a été régulièrement délivré. Elle ajoute que la déchéance du terme a été valablement prononcée même si le courrier la notifiant a été distribué puis retourné pour case d'adresse incorrecte. A titre subsidiaire, elle demande que la résolution soit prononcée, du fait des impayés qui au surplus persistent.

Elle conteste que son décompte soit erroné, soutient que le fait que des versements aient été effectués après la déchéance du terme n'est pas de nature à la remettre en cause et indique avoir pris en compte les versements postérieurs.

Elle souligne que si des versements ont été effectués, il est manifeste que les débiteurs ne sont pas en capacité de respecter les délais de paiement octroyés.

Subsidiairement, elle affirme que seul le juge de l'exécution a le pouvoir de supprimer la majoration de 5 points car cette question relève de l'exécution puisque pour être appliquée, il faut une inexécution pendant 2 mois et que la perte des intérêts est suffisamment significative.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2023, Mme [I] demande à la cour :

- de confirmer le jugement du 17 mai 2022 en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Creatis, accordé des délais de paiement, rejeté la capitalisation des intérêts, dit n'y avoir lieu à application de l'indemnité de résiliation de 8 %, subsidiairement sur ce point, de ramener cette indemnité à 1 euro et d'infirmer le jugement en ce qu'il a fait courir les intérêts légaux à compter du 9 décembre 2020 et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au dépens,

- y ajoutant de dire n'y avoir lieu à majoration des intérêts prévus à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, d'enjoindre à la société Creatis d'établir un nouveau décompte prenant en compte les paiements intervenus entre le mois de janvier 2021 et le mois de janvier 2023 et conforme au dernier alinéa de l'article L. 311-48 du code de la consommation dans sa version ci-dessus rappelée afin de comptabiliser les intérêts au taux légal des sommes versées au titre des intérêts, et de les imputer sur le capital restant éventuellement dû et à défaut, de débouter la société Creatis de sa demande de paiement, de déclarer que la déchéance du terme n'a pas été valablement prononcée et que les intérêts légaux n'ont pu commencer à courir à compter du 9 décembre 2020,

- subsidiairement de dire qu'elle reste devoir la somme de 18 572,68 euros arrêtée au 19 janvier 2023, de ramener l'indemnité de résiliation à 1 euro,

- en tout état de cause, de débouter la société Creatis de ses demandes, fins et conclusions et de condamner la société Creatis au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700-2° du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir que la société Creatis a consulté le FICP le jour même de la mise à disposition des fonds mais ne démontre pas l'avoir fait avant cette mise à disposition. Elle ajoute que la consultation qui a été faite ne permet pas de connaître le résultat de cette consultation, une case étant cochée sans que ceci soit explicite.

Elle ajoute que le contrat de prêt produit par le prêteur ne comporte aucun bordereau de rétractation et conteste que les pièces produites par la société Creatis soient suffisantes à démontrer la remise d'un contrat pourvu d'un bordereau conforme et soutient que ce n'est pas à elle de justifier qu'un tel bordereau ne lui a pas été remis.

Elle affirme que compte tenu de la rédaction de l'article L. 311-48 du code de la consommation, il y a lieu de faire injonction à la société Creatis de produire un décompte conforme au dernier alinéa de l'article L. 311-48 du code de la consommation dans sa version ci-dessus rappelée afin de comptabiliser les intérêts au taux légal des sommes versées au titre des intérêts et de les imputer sur le capital restant éventuellement dû.

Elle souligne que l'application de la majoration de 5 points de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier conduirait à lui appliquer un taux supérieur au taux contractuel et rappelle que la capitalisation des intérêts doit être écartée en cette matière.

Elle conteste devoir une indemnité de résiliation dès lors que la déchéance du terme n'a pas été valablement prononcée et soutient à titre subsidiaire que l'indemnité réclamée est excessive et ce d'autant que le premier incident de paiement non régularisé serait d'après la société Creatis intervenu au mois de décembre 2019, et que celle-ci a attendu un an avant de se prévaloir de la déchéance du terme, alors qu'il n'est pas contesté que les emprunteurs rencontraient des difficultés dans le remboursement du prêt depuis l'origine.

Elle soutient que la déchéance du terme n'a pas été valablement prononcée, les accusés de réception des mises en demeure présentant la même signature et conteste la validité de son prononcé faute de justification de l'envoi effectif de la lettre du 9 décembre 2020 la notifiant. Elle fait valoir que le contrat réaménagé courant jusqu'au 30 septembre 2028, la société Creatis ne pouvait réclamer que les échéances échues et non payées, arrêtées au mois de décembre 2020, ou au mois d'octobre 2021, date de son assignation.

Elle fait encore valoir que le décompte de la société Creatis est erroné compte tenu des paiements qu'elle a effectués et que cette dernière ne produit pas de justificatif des sommes réclamées et que faute de créance justifiée et de décompte à jour, elle doit être déboutée de ses demandes. Subsidiairement, elle indique qu'il convient de déduire du capital emprunté de 96 700 euros les sommes de 71 390,81 euros représentant les versements antérieurs à la déchéance du terme, outre celle de 4 301,18 euros versés ensuite jusqu'au mois de mars 2022 et de 2 435,33 euros de mars 2022 à janvier 2023, soit une somme restant due de 18 572,68 euros.

Elle conclut à la confirmation des délais octroyés et détaille sa situation.

M. [T] à qui la déclaration d'appel et les conclusions de la société Creatis ont été signifiées par acte du 19 septembre 2022 délivré à personne n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience le 20 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 25 février 2014 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

La recevabilité de l'action de la société Creatis au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, n'est pas remise en cause à hauteur d'appel. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

L'article L. 311-9 (devenu L. 312-16) du code de la consommation impose au prêteur avant de conclure le contrat de crédit, de vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur et de consulter le fichier prévu à l'article L. 333-4 (devenu L. 751-1), dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5 (devenu L. 751-6).

Il résulte de l'article L. 311-48 al.2 (devenu L. 341-2) que lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9 (devenus L. 312-14 et L. 312-16), il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

S'agissant de la date de conclusion du contrat, la société Creatis soutient à juste titre qu'elle doit s'établir en application l'article L. 311-13 du code de la consommation qui énonce que "Le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que ledit emprunteur n'ait pas usé de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit. La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l'article L. 311-14 5 vaut agrément de l'emprunteur par le prêteur". En l'espèce, l'offre préalable a été acceptée le 25 février 2014 et il n'a pas été fait usage du délai de rétractation de 14 jours de l'article L. 311-12 alors applicable. Aucun agrément n'a été formellement notifié mais la date de mise à disposition des fonds est le 6 mars 2014. C'est donc à cette date que le contrat a été conclu.

La consultation du FICP a eu lieu le 15 janvier 2014, le 30 janvier 2014 et le 6 mars 2014. Dès lors il ne saurait être reproché à la société Creatis d'avoir consulté tardivement le fichier.

En revanche, comme le relève justement Mme [I], le document produit ne répond pas aux prescriptions de l'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers. Il résulte en effet de cet article dans sa rédaction applicable au litige, que le document doit mentionner le motif et le résultat. Or le listing de consultation fait seulement apparaître un signe dans un rond dans la colonne résultat sans que l'on puisse savoir si ce résultat est positif ou négatif et rien dans la colonne motif ou alors la mention "interrogation BDF" ce qui n'est pas un motif suffisant.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

S'agissant du bordereau de rétractation, Mme [I] qui soutient que son contrat n'en comportait pas ne le produit toutefois pas aux débats tandis que la société Creatis fait à juste titre valoir que celui qui lui est retourné par les emprunteurs n'a pas à en comporter un et que seul l'exemplaire restant en leur possession doit en être pourvu et justifie par la production d'une liasse similaire à celle envoyée à M. [T] et Mme [I] dont ils ont retourné des pages dont le contrat à renvoyer, que le contrat destinés à être conservé par ces derniers en comprend un. Mme [I] doit donc être déboutée sur ce point.

Sur les sommes dues

La société Creatis produit en sus de l'offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, l'avenant de réaménagement, l'historique de prêt, les tableaux d'amortissement, les mises en demeure avant déchéance du terme du 26 octobre 2020 enjoignant à M. [T] et Mme [I] de régler l'arriéré de 12 557,36 euros sous 30 jours à peine de déchéance du terme et celle notifiant la déchéance du terme du 9 décembre 2020 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance.

Il en résulte que la société Creatis se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues.

Aux termes de l'article L. 311-48 devenu L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il résulte de ce texte que tous les paiements réalisés doivent s'imputer sur le capital et il n'y a pas lieu de contraindre la société Creatis à produire un décompte particulier étant observé qu'elle produit un historique de compte avant déchéance du terme et la liste des sommes encaissées par elle ensuite. C'est à Mme [I] qu'il appartient de justifier de règlements supplémentaires.

Au 7 décembre 2020, les emprunteurs avaient payé la somme de 71 390,81 euros ce qui n'est pas contesté. Le premier juge a en outre considéré qu'ils avaient réglé après la déchéance du terme et selon décompte arrêté au 24 mars 2022 une somme de 4 301,18 euros. La société Creatis produit un nouveau relevé des paiements effectués depuis le 7 décembre 2020 date de déchéance du terme jusqu'au 3 janvier 2023, date du dernier paiement enregistré sur son listing, lequel s'établit à la somme de 5 939,80 euros. Il n'est pas justifié de règlements supplémentaires pendant cette période et dès lors, le jugement doit être infirmé sur le quantum et la somme retenue doit être fixée à 96 700 euros - (71 390,81 euros + 5 939,80 euros) = 19 369,39 euros.

La limitation légale de la créance du préteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l'article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation. La société Creatis doit donc être déboutée sur ce point.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l'espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d'intérêt annuel fixe de 8,31 %.

Dès lors, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal significativement inférieurs à ce taux conventionnel ne le seraient plus si ce taux devait être majoré de cinq points. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de dire qu'il ne sera pas fait application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que la somme restant due en capital au titre de ce crédit portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer effectuée simultanément au prononcé de la déchéance du terme soit le 9 décembre 2020 sans majoration de retard.

La cour condamne donc M. [T] et Mme [I] solidairement à payer à la société Creatis la somme de 19 369,39 euros avec intérêts au taux légal non majorés à compter du 9 décembre 2020, en deniers ou quittances pour les règlements effectués après le 3 janvier 2023.

Aucune demande de capitalisation des intérêts n'est plus formée devant la cour et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les autres demandes

La situation des débiteurs dûment justifiée doit conduire à confirmer les délais octroyés par le premier juge.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [T] et Mme [I] aux dépens de première instance mais infirmé pour des motifs d'équité au regard de leur situation financière en ce qu'il les a condamnés au paiement d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Creatis qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel et conserver la charge de ses frais irrépétibles.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'indemnité de Mme [I] sur le fondement de l'article 700-2 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt par réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné M. [B] [T] et Mme [N] [I] au paiement à la société Creatis de la somme de 21 008,01 euros au titre du solde du prêt et de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le montant de la condamnation de M. [B] [T] et de Mme [N] [I] est de 19 369,39 euros et les condamne solidairement au paiement de cette somme en deniers ou quittances pour les règlements effectués après le 3 janvier 2023 ;

Rejette toute demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Creatis aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/14087
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.14087 ?
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