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25/04/2024 | FRANCE | N°22/14081

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 25 avril 2024, 22/14081


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024



(n° , 18 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14081 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHTY - Jonction avec le dossier RG N° 22/15723



Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 mai 2022 - Tribunal de proximité de LONGJUMEAU - RG n° 11-20-002202





APPELANTS



Monsieur [M

] [G]

né le 3 octobre 1967 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Elie LELLOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1021

ayant pour avocat plaidant Me...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

(n° , 18 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14081 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHTY - Jonction avec le dossier RG N° 22/15723

Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 mai 2022 - Tribunal de proximité de LONGJUMEAU - RG n° 11-20-002202

APPELANTS

Monsieur [M] [G]

né le 3 octobre 1967 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Elie LELLOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1021

ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

Madame [J] [H] épouse [G]

née le 18 août 1968 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Elie LELLOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1021

ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉES

La société CONSUMER FINANCE anciennement dénommée SOFINCO, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 542 097 522 03309

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE

La société ISOWATT, sociétéa par actions simplifiée représentée par son représentant légal en exercice dûment habilité domiciliés de droit en cette qualité audit siège

N° SIRET : 493 774 160 00037

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Morgane LUSSIANA, avocat au barreau de LYON, toque : 1276

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre d'un démarchage à domicile, le 27 octobre 2015, M. [M] [G] a acquis de la société Isowatt un kit photovoltaïque composé de panneaux solarworld, un kit aérovoltaïque, un micro-onduleur et un système GSE, au prix de 29 900 euros.

Un contrat de crédit affecté a été conclu le même jour par M. [M] [G] et Mme [J] [G] née [H] auprès de la société Sofinco afin de financer cette installation et prévoyant un financement en capital de 29 900 euros remboursable sur 120 mois, par mensualités de 328,20 euros hors assurance au taux d'intérêts contractuel de 4,482 % l'an soit un TAEG de 4,90 %, soit une mensualité avec assurance de 358,10 euros.

L'ouvrage a fait l'objet d'une réception sans réserve le 23 novembre 2015 et l'installation a été mise en service le 1er février 2016.

Saisi par M. et Mme [G] par actes en date des 16 octobre et 13 novembre 2020 d'une demande notamment en nullité des contrats de vente et de crédit, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Longjumeau, par un jugement contradictoire rendu le 5 mai 2022 a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de nullité du contrat de vente conclu le 27 octobre 2015 entre M. et Mme [G] d'une part et la société Isowatt d'autre part,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de nullité du contrat de prêt conclu le 27 octobre 2015 entre M. et Mme [G] d'une part et la société Sofinco d'autre part,

- rejeté la demande de nullité du contrat de vente conclu le 27 octobre 2015 entre M. et Mme [G] d'une part et la société Isowatt d'autre part,

- rejeté la demande de nullité du contrat de prêt conclu le 27 octobre 2015 entre M. et Mme [G] d'une part et la société Sofinco d'autre part,

- rejeté la demande de condamnation solidaire de la société Isowatt et de la société CA Consumer Finance à payer à Monsieur et Mme [G] les sommes suivantes :

- 29 900 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,

- une somme à parfaire correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés qu'ils ont payés à la société Consumer Finance en exécution du prêt souscrit,

- 10 000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation, et de la remise en état de, évaluation qui sera faite de manière plus précise et sur devis en cours de procédure,

- 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- rejeté la demande de M. et Mme [G] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. et Mme [G] à payer à la société Isowatt la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. et Mme [G] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [G] aux dépens,

- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.

Après avoir rappelé que le délai de prescription de la demande en nullité du contrat de vente fondée sur l'irrégularité formelle du bon de commande ne courait qu'à compter de la conclusion du contrat de vente et que sur le fondement du dol, le délai de prescription a commencé à courir à compter du moment où les époux [G] ont été en mesure de comparer le produit du rachat par EDF de l'électricité produite par leur installation avec les échéances du prêt, soit à compter de l'émission de la première facture de rachat d'électricité, de sorte que le point de départ du délai de prescription est nécessairement postérieur à la conclusion du contrat de vente, le juge a précisé que la nullité du contrat de vente soutenue par les demandeurs n'était que la conséquence de la nullité du contrat de vente principal et suivait donc le même régime.

Le premier juge a relevé ensuite que les contrats de vente et de prêt avaient été conclus le 27 octobre 2015, de sorte que M. et Mme [G] pouvaient intenter leur action en nullité pour violation des dispositions du code de la consommation jusqu'au 27 octobre 2020. L'assignation ayant été délivrée le 16 octobre 2020, il a considéré que la demande de nullité pour violation des dispositions du code de la consommation n'était pas prescrite et que la demande de nullité fondée sur le dol, dont le délai de prescription avait nécessairement débuté après le 27 octobre 2015, n'était pas plus prescrite.

Sur le fond, le juge a estimé que la preuve d'un dol commis par la société Isowatt n'était pas rapportée puisque le rapport d'expertise contradictoire établi cinq ans après l'installation et non corroboré par d'autres éléments de preuve ne pouvait permettre de justifier les allégations des débiteurs, selon lesquelles le démarcheur de la société Isowatt se serait engagé à ce que l'installation de panneaux photovoltaïques s'autofinance.

S'agissant du respect des mentions exigées par les articles L. 111-1, L. 121-21 et L. 121-23 du code de la consommation, il a considéré que les caractéristiques essentielles du bien vendu étaient rappelées aux termes du bon de commande même s'il manquait les mentions relatives à la technologie mise en 'uvre, au poids et aux dimensions des panneaux photovoltaïques qui constituaient uniquement des caractéristiques précises dudit bien mais non des caractéristiques essentielles. En revanche, le juge a estimé que la mention "délai maximum de livraison" n'était pas remplie et que dès lors le bon de commande était susceptible d'être affecté par une nullité.

Il a cependant considéré que M. [G] avait eu nécessairement connaissance durant le délai de rétractation des vices affectant le contrat de vente en raison de sa signature sous la mention "avoir pris connaissance et accepté les termes et conditions générales figurant au verso du présent bon de commande et en particulier avoir été informé des dispositions applicables aux ventes réalisées hors établissement", de sa signature attestant "avoir reçu par le représentant de la société l'exemplaire du bon de commande doté d'un formulaire détachable de rétractation et le cas échéant un exemplaire de l'offre de prêt", et de sa signature sur l'attestation de fin de travaux, avec réception des travaux sans réserve, le 23 novembre 2015.

Le juge a conclu que M. [G] avait entendu réparer en toute connaissance de cause le vice affectant le bon de commande en exécutant le contrat principal et le contrat de crédit affecté, en demandant le financement du bien le jour même, en payant les échéances du prêt, en procédant à son rachat anticipé et en profitant de l'installation pendant plusieurs années.

Enfin, il a souligné que la demande de condamnation de la banque au paiement du prix de vente et des intérêts ne pouvait prospérer dès lors que ni le contrat de vente ni le contrat de prêt n'étaient annulés.

Par deux déclarations enregistrées les 22 juillet et 2 septembre 2022 N° RG 22/14081 et RG 22/15723, M. et Mme [G] ont relevé appel de cette décision.

Le 29 novembre 2022, la cour a ordonné la jonction des deux procédures inscrites au rôle pour les retenir sous le numéro RG 22/14081.

Aux termes de leurs dernières conclusions n° 2 remises par RPVA le 3 avril 2023, M. et Mme [G] demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir,

- de prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société Isowatt,

- de condamner la société Isowatt à leur restituer l'intégralité du prix de vente et à procéder à ses entiers frais à la reprise du matériel litigieux et à la remise en état de leur immeuble,

- de constater, et au besoin de prononcer en conséquence, la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre la société CA Consumer Finance et eux,

- de constater que la société CA Consumer Finance a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes qu'ils ont versées au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,

- de condamner solidairement la société Isowatt et la société CA Consumer Finance à leur verser l'intégralité des sommes suivantes :

- 29 900 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,

- 4 707,06 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux en exécution du prêt souscrit auprès de la société CA Consumer Finance,

- 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter la société CA Consumer Finance et la société Isowatt de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraire aux présentes,

- de condamner solidairement la société Isowatt et la société CA Consumer Finance supporter les dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de leurs demandes, ils font valoir que l'installation ne satisfait pas aux promesses de rendement qui leur ont été faites, comme le démontre l'étude qu'ils ont faite réaliser démontrant que pour amortir le coût de l'installation, une durée de 17 ans d'utilisation est nécessaire.

Au soutien de leur demande de nullité du contrat de vente, ils évoquent tout d'abord la nullité du contrat principal pour dol estimant avoir été trompés par le vendeur qui leur aurait dit que l'installation leur permettrait de réaliser des économies d'énergie substantielles. Ils indiquent que cette promesse de rentabilité résulte d'une part des documents contractuels puisque le vendeur leur a présenté une série de documents commerciaux et fait des promesses permettant de réaliser des économies d'énergie mais aussi divers avantages permettant de réduire le coût de l'installation. Ils ajoutent que sur son site Internet la société Isowatt vante les mérites des installations photovoltaïques avec une rentabilité rapide et des économies substantielles pour le client, et que s'il est prévu le report de la première échéance du prêt d'une durée de 11 mois c'est parce que cette clause permet ainsi aux clients de ne commencer à payer leur première échéance de crédit qu'après avoir constaté un premier retour sur investissement.

D'autre part, ils estiment que cette promesse de rentabilité procède de la nature même de la chose vendue puisque ce type d'installation disgracieuse n'est pas acquise à des fins purement écologiques ou esthétiques mais dans un but de rentabilité qui est donc un élément déterminant du consentement, étant entré dans le champ contractuel.

Enfin, ils soulignent que cette promesse de rentabilité est mensongère puisqu'après un an d'utilisation, ils n'ont réalisé que 2 064 euros d'économies alors que les échéances du prêt s'élèvent pour la même période à 3 938,40 euros, et ce alors que la société venderesse ne peut ignorer que l'installation litigieuse ne produira jamais les valeurs annoncées. Ils considèrent que la société Isowatt utilise ainsi des pratiques déloyales et trompeuses, constitutives de man'uvres dolosives, puisque c'est en pleine conscience qu'elle, comme la société CA Consumer Finance, leur ont fait souscrire des contrats, alors que l'opération ne pouvait pas leur permettre d'autofinancement ou ne serait-ce que des économies d'énergie.

Ils évoquent ensuite la nullité du contrat de vente pour violation des dispositions impératives du code de la consommation, considérant que le bon de commande n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation faute de précisions sur les modalités de livraison et d'exécution du contrat ( aucun délai n'est prévu) et sur les caractéristiques essentielles des biens ou services (marque du kit, taille, poids, marques des micros onduleurs et du ballon thermo-dynamique, quantité de biens commandés, prix unitaire des biens commandés, distinction entre coût des biens et coût de la main-d''uvre, dimension, technologie mise en 'uvre) empêchant le consommateur d'opérer une comparaison utile sur les matériels et d'assurer l'effectivité des garanties légales dues par les fournisseurs. Ils ajoutent que doit apparaître la distinction entre le coût du matériel et le coût de la main-d''uvre afin que le consommateur ne soit pas privé des informations concrètes sur la prestation objet de la commande.

S'agissant de la réitération de leur consentement malgré les irrégularités affectant le bon de commande, ils soutiennent que ces irrégularités dénoncées relèvent d'un manquement à l'ordre public et que la nullité en résultant s'analyse en une nullité absolue insusceptible de confirmation.

Ils contestent également toute confirmation du contrat faisant valoir qu'ils n'avaient pas connaissance des causes de nullité, des vices affectant le contrat et n'avaient aucune intention de les réparer, d'autant plus qu'ils ne pouvaient avoir la volonté de régulariser les nullités alors qu'ils n'avaient pas commencé à profiter de l'installation et n'avaient donc pas eu conscience du préjudice.

Ils ajoutent que si la société Isowatt et la société Consumer Finance n'ont pas été alertées par les irrégularités, ils ne peuvent en tant que profanes s'en être rendus compte.

Ils concluent à la nullité du contrat de prêt en raison de l'interdépendance existante entre le contrat accessoire de crédit et celui principal au financement duquel il est spécialement affecté.

Ils font valoir que la banque a commis une faute d'une part, en finançant un contrat dont la conclusion a été obtenue par dol, comme en atteste le report de 11 mois des échéances de remboursement confortant la présentation faite par le vendeur selon laquelle l'installation était autofinancée, et d'autre part, en débloquant les fonds alors qu'à la simple lecture du contrat de vente, elle aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation et aurait dû relever les anomalies du bon de commande avant de se dessaisir du capital prêté. Ils ajoutent que l'attestation de livraison - demande de financement ne peut rendre légitime le déblocage des fonds alors que ce bon d'accord de fin de chantier mentionne le matériel installé avec des précisions qui étaient manquantes sur le bon de commande et présente des mentions préécrites de confirmation et d'acceptation de la livraison, que de surcroit ce procès-verbal se réfère expressément à un cahier des charges qui n'est nullement détaillé ou produit par la société Isowatt.

Enfin ils soulignent que la demande de financement ne précise pas le détail des prestations accomplies ni n'évoque la fourniture et la pose du ballon thermodynamique, que le document est intitulé "demande de financement" alors qu'il s'agit en réalité en réalité d'une demande de déblocage des fonds.

Dès lors, ils concluent à l'impossibilité pour la banque d'obtenir sa créance de restitution du capital emprunté en raison du préjudice qu'ils subissent dû au défaut de rendement de l'installation, en étant victimes d'une perte de chance de ne pas contracter la vente litigieuse et de ne pas s'endetter en pure perte et concluent par conséquent à la condamnation de la banque à leur rembourser l'ensemble des sommes versées par eux et à réparer le préjudice qu'ils ont subi.

Ils demandent que par le jeu des restitutions, la somme de 29 900 euros leur soit restituée, que la société Isowatt soit condamnée à procéder à l'enlèvement de l'installation litigieuse et à la remise en état de l'immeuble à ses frais, qu'ils soient dédommagés des frais bancaires qu'ils ont engagés pour 4 707,06 euros, mais aussi en raison du préjudice moral subi du fait de la prise de conscience d'avoir été dupés par le vendeur et de s'être engagés dans un système qui les contraint sur de nombreuses années, d'être bénéficiaire d'une indemnité de 5 000 euros.

Aux termes de conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 28 novembre 2023, la société Isowatt demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, y faisant droit,

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- prendre acte que la société Isowatt s'en rapporte à justice quant à la prescription,

- constater que le contrat en date du 27 octobre 2015 contient toutes les mentions légales d'ordre public,

- déclarer que le bon de commande en date du 27 octobre 2015 est valide, régulier, conforme aux dispositions légales, de sorte qu'il doit produire ses effets,

- condamner les consorts [G] au paiement de la somme de 500 euros regard du caractère abusif et dilatoire cette procédure,

Si par impossible la cour déclarait nul le contrat en litige au regard des mentions légales d'ordre public,

- constater que les consorts [G] avaient connaissance des omissions des mentions légales d'ordre dès le 27 octobre 2015,

- constater que les consorts [G] nonobstant leur connaissance des omissions des mentions légales d'ordre public dès le 27 octobre 2015 ont ratifié l'acte nul de par leur comportement contractuel,

- déclarer que les consorts [G] ont confirmé le contrat en date du 27 octobre 2015 en toutes ses dispositions,

- déclarer le contrat en date du 27 octobre 2015 pleinement valide et effectif,

- constater que les consorts [G] ne rapportent aucune preuve d'un élément matériel ni d'un élément intentionnel démontrant qu' un dol aurait vicié leur consentement,

- déclarer qu'aucune man'uvre dolosive ne saurait lui être imputée,

- constater l'absence de nullité afférente à la conclusion du contrat de vente en date du 27 octobre 2015,

- constater que la société Isowatt n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat en litige et a parfaitement honoré les obligations en résultant qui lui incombent et qu'aucune preuve contraire n'est rapportée,

Par conséquent,

- débouter les consorts [G] de leurs demandes, fins et prétentions,

- déclarer l'absence de nullité afférente la conclusion du contrat de vente en date du 27 octobre 2015,

Si par extraordinaire la cour réformait le jugement entrepris et faisait droit aux demandes des consorts [G], entrant en voie de condamnation,

- constater que la société Isowatt n'a commis aucune faute,

- constater que la société Isowatt a parfaitement honoré les obligations qui lui incombent et qu'aucune preuve contraire n'est rapportée,

- déclarer la société Isowatt débitrice d'aucune restitution à l'endroit des consorts [G],

- subordonner le retrait des panneaux aérovoltaïques la justification par les consorts [G] de l'avis favorable de la mairie post déclaration préalable,

- condamner les consorts [G] à procéder à ladite déclaration préalable,

- la condamner à procéder au retrait des panneaux aérovoltaïques et à la remise en état de la toiture sur justification par les consorts [G] de l'avis favorable de la mairie post déclaration préalable,

- déclarer que le ballon thermodynamique n'est pas concerné par les demandes de nullité formulées par les consorts [G],

- écarter du quantum des restitutions la valeur du ballon thermodynamique et de son installation,

- déclarer que les consorts [G] conserveront le ballon thermodynamique,

- constater la faute commise par la société CA Consumer Finance dans la délivrance des fonds,

- déclarer que la société Isowatt n'est débitrice d'aucune restitution à l'endroit de la société CA Consumer Finance au regard de la faute par elle commise dans la délivrance des fonds,

- priver la société CA Consumer Finance de son droit à restitution à l'endroit de la société Isowatt,

- exclure la garantie de la société Isowatt l'endroit de la société CA Consumer Finance,

Par conséquent,

- débouter la société CA Consumer Finance de toutes ses demandes, fins et prétentions dirigées l'encontre de la société Isowatt,

En toute hypothèse,

- débouter toutes demandes contraires au présent dispositif,

- condamner les consorts [G], ou qui mieux le devra, au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens.

A l'appui de ses demandes, elle soutient que le premier juge a justement estimé que les caractéristiques essentielles du bien avaient été valablement portées à la connaissance des consorts [G] puisque la marque du kit était mentionnée ainsi que sa puissance globale, que le mode d'intégration du kit, ses accessoires et les prestations y afférentes outre la capacité du ballon thermodynamique, ce qui permettait de fournir une information complète aux acquéreurs. Elle indique que les autres mentions du type le poids des panneaux, leur surface, leur dimension, la technologie ne sont pas des mentions légales obligatoires sauf à ajouter aux dispositions du code de la consommation.

Elle ajoute que la marque des panneaux apparaît non seulement sur le bon de commande mais également sur le bon d'accord de fin de travaux et sur la facture d'achat, que la marque des micro-onduleurs apparaît sur la facture, que la marque du ballon thermodynamique apparaît sur la facture et sur le bon d'accord de fin de travaux.

S'agissant du prix du bien, elle soutient qu'il ne constitue pas une caractéristique essentielle des marchandises et qu'il ne doit pas être rapporté à l'unité, l'indication du prix global suffisant, et ce d'autant qu'il s'agit de la vente d'un kit, et donc d'une installation globale, sans aucune individualisation des prix possible.

S'agissant des modalités de livraison et d'exécution du contrat, la société Isowatt précise que dans les conditions générales de vente attenantes au bon de commande est prévu le délai maximum de 200 jours pour l'exécution du contrat, remplissant dès lors les exigences légales.

Elle ajoute que les acquéreurs ne se sont jamais plaints d'un quelconque grief résultant du délai de livraison et d'installation du matériel aérovoltaïque et qu'ils ont accepté le matériel et son installation sans réserves en signant le bon d'accord le 23 novembre 2015.

Dans l'hypothèse où la cour devait suivre le même raisonnement que la juridiction de première instance, elle considère que le contrat a été confirmé par les consorts [G] en ce que ces derniers attestent de la parfaite lisibilité du bon de commande et donc de la parfaite connaissance du vice dont ils se plaignent.

Elle ajoute que les époux ont démontré leur volonté de réparer le vice en renonçant à faire usage de leur droit de rétractation par le biais du bordereau, en signant le contrat de crédit qui comportait la reproduction apparente des articles du code de la consommation selon une typographie claire et lisible, en acceptant la livraison et l'installation du matériel, en acceptant le suivi des travaux de raccordement, en acceptant le remplacement d'une partie de leur toiture pour la pose des panneaux, en attestant de la conformité du matériel à leur commande et de la réalisation de l'installation au cahier des charges, en acceptant la mise en service de l'installation aérovoltaïque, en commençant à rembourser le crédit, en signant un contrat avec la société ERDF en vue de la revente de l'énergie produite, en bénéficiant de revenus annuels depuis le mois de février 2016, en ordonnant le déblocage des fonds au bénéfice de la société Isowatt et en ne manifestant aucune volonté de renoncer au contrat avant octobre 2020, soit 5 ans après la conclusion du contrat.

S'agissant de l'argumentation relative au dol dont les consorts [G] auraient été victimes, la société Isowatt conteste avoir pris de quelconques engagements envers eux lors de la conclusion du contrat tant en termes d'autofinancement qu'en termes de quantum de production de leur installation aérovoltaïque et souligne que les consorts [G] échouent à démontrer l'existence de cet engagement et a fortiori le fait qu'il soit entré dans le champ contractuel ; elle insiste sur l'absence de preuve de présentation de documents commerciaux de la part de son vendeur pour conduire les époux [G] à contracter et sur le caractère non probant de l'expertise de l'installation réalisée non contradictoirement cinq ans après la pose.

Elle ajoute que le contrat ne contient aucun engagement de production minimale ou de rentabilité ni simulation en ce sens mais qu'il contient en revanche un formulaire de rétractation que les époux [G] ont choisi de ne pas utiliser. Enfin, elle souligne que les époux [G] ne rapportent pas la preuve d'une quelconque intention par la société Isowatt de les tromper.

Elle conteste les préjudices allégués par les époux [G] dont la preuve n'est pas rapportée puisque le contrat ne saurait encourir de nullités et d'autant que la confirmation du contrat est acquise.

Reconventionnellement, elle souhaite que les époux [G] soient condamnés au paiement d'une somme de 500 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive.

Sur ses demandes subsidiaires, elle maintient que la société de crédit a commis une faute dans la libération des fonds, en débloquant les fonds alors que les prestations étaient exécutées de façon incomplète en raison du nécessaire délai d'obtention des autorisations administratives pour le raccordement de l'installation, justifiant qu'elle ne puisse bénéficier de la garantie par la société Isowatt.

Selon elle, la banque a également commis une négligence si la cour devait retenir la nullité du bon de commande, puisqu'elle a une parfaite connaissance de cette nullité ayant régulièrement conclu ce type de contrat ; elle a enfin commis une faute en acceptant un bon d'accord signé par uniquement une partie.

Elle conclut donc à la privation par la banque de son droit à obtenir restitution de l'intégralité des fonds prêtés et à la restitution aux consorts [G] des sommes payées.

Aux termes de ses dernières écritures du 19 janvier 2023, la société CA Consumer Finance demande à la cour :

- de déclarer M. et Mme [G] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter,

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

y faisant droit,

- de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire si la cour venait à prononcer la nullité des conventions :

- de la condamner au remboursement des seuls intérêts, le capital remboursé par anticipation lui restant définitivement acquis, en l'absence de faute de la société Consumer Finance et en toute hypothèse en l'absence de préjudice et de lien de causalité,

à titre plus subsidiaire,

- de condamner la société Isowatt à lui payer la somme de 29 900 euros au taux légal à compter de l'arrêt,

en tout état de cause,

- de condamner la société Isowatt à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise sa charge au profit de M. et Mme [G] quelque titre que ce soit,

- de condamner solidairement M. et Mme [G] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle soutient tout d'abord que M. et Mme [G] ne démontrent pas la réalité du dol qu'ils invoquent ni son caractère déterminant au moment de la souscription des conventions en l'absence de toute promesse de rendement ou d'autofinancement de la part du vendeur ; elle conteste le versement aux débats du rapport d'expertise privée non contradictoire établi cinq ans après les conventions, qui ne pourra donc emporter la conviction. Elle ajoute que les époux [G] ne justifient pas des économies réalisées grâce à la production d'électricité à des fins domestiques et aux économies réalisées grâce au chauffe-eau thermodynamique, que l'origine du prétendu problème de rendement n'est ni déterminée ni déterminable.

Elle ne conteste pas les irrégularités affectant le bon de commande, en l'absence de date de livraison et de nom du démarcheur, mais elle soutient que M. et Mme [G] ont confirmé l'acte prétendument nul puisqu'ils avaient parfaitement connaissance de l'article L. 111-1 du code de la consommation reproduit au sein des conditions générales de vente. Elle considère qu'ils ont eu l'intention de réparer le vice en signant le contrat de crédit, en signant la fiche de dialogue relative à leurs revenus et charges, en remettant à la société de crédit leurs éléments d'identité et de solvabilité, en obtenant les autorisations administratives, en acceptant la livraison et l'installation des panneaux sans réserve, en acceptant que l'installation soit raccordée et en signant le contrat de raccordement, en signant un contrat de vente d'électricité avec la société EDF, en signant un procès-verbal de réception sans réserve, en signant une attestation de livraison sans réserve, en signant un mandat de prélèvement SEPA, en remettant à la société de crédit un RIB et en procédant au remboursement anticipé total.

Elle considère que les époux [G] réitèrent chaque jour leur consentement depuis la signature du contrat en produisant chaque jour de l'électricité à des fins domestiques et en vendant le surplus non consommé. Elle ajoute qu'ils ont signé la mention "je déclare avoir pris connaissance et accepter les termes et conditions générales figurant au verso du présent bon de commande et en particulier avoir été informé des dispositions applicables aux ventes réalisées hors établissement".

A titre subsidiaire, en cas d'annulation des contrats, elle fait valoir que les emprunteurs devraient lui rembourser le capital emprunté indépendamment du fait que les fonds ont été adressés initialement au vendeur.

Elle conteste devoir vérifier la mise en service de l'installation et l'obtention des autorisations administratives conformément aux conditions générales du contrat de crédit. Cependant, elle souligne que le délai séparant la date de signature du bon de commande, le 27 octobre 2015, et la date d'attestation de fin de travaux, le 23 novembre 2015, est suffisamment long pour qu'elle puisse avoir la certitude que le matériel a bien été mis en service.

Elle ajoute avoir reçu un procès-verbal de réception sans réserves, une attestation de livraison avec demande de financement sans réserve, un mandat de prélèvement SEPA et un RIB ; elle considère qu'elle n'a donc commis aucune faute dans le déblocage des fonds, les emprunteurs ayant parfaitement conscience de la prise d'effet de leurs obligations.

Elle considère donc qu'elle ne pourrait être condamnée qu'au remboursement des intérêts perçus et non au remboursement du capital, remboursé par anticipation, qui lui est définitivement acquis en l'absence de faute.

Elle conteste par ailleurs avoir commis une faute en finançant un bon de commande entaché de causes de nullité puisqu'elle considère que les époux [G] ont couvert toutes les causes de nullité en réitérant leur consentement en parfaite connaissance de cause et affirme n'être responsable d'aucun dol, la société Isowatt n'étant pas son mandataire.

Elle fait enfin valoir qu'elle n'est débitrice d'aucun devoir de mise en garde en l'absence de risque d'endettement excessif des emprunteurs et qu'elle n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client. Dans l'hypothèse où une nullité pour dol serait prononcée, elle estime que les époux [G] devraient alors être condamnés solidairement à lui rembourser le capital emprunté d'un montant de 29 900 euros, déduction faite des échéances payées.

Elle conteste l'existence d'un préjudice pour les époux [G] puisqu'ils peuvent récupérer les fonds directement auprès du vendeur in bonis et la rembourser, qu'ils bénéficient d'un matériel livré, posé, raccordé et mis en service, que la banque ne peut être tenue responsable d'un défaut de retour sur investissement, que selon les données chiffrées reprises dans l'expertise, l'installation rapporte aux emprunteurs environ 2064 euros par mois ; elle conteste également l'existence d'un lien de causalité.

Elle fait enfin valoir que si la cour venait à prononcer la nullité des conventions, la société Isowatt aurait nécessairement commis des fautes relatives à la rédaction et la régularité du bon de commande, engageant sa responsabilité vis-à-vis de la banque. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le patrimoine de la société Isowatt s'est enrichie d'un montant de 29 900 euros alors que le patrimoine de la banque s'est appauvri d'un pareil montant.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 27 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les fins de non-recevoir

La cour observe qu'aucune fin de non-recevoir examinée et rejetée par le premier juge n'est contestée par les parties, la société Isowatt s'en rapportant quant à elle au sujet de la prescription ; qu'il n' y a donc pas lieu à statuer spécifiquement sur les fins de non-recevoir.

Sur la validité du contrat de vente

A titre liminaire, la cour constate :

- que le contrat de vente du 27 octobre 2015 conclu entre M. [G] et la société Isowatt est soumis aux dispositions des articles L. 121-16 et suivants du code de la consommation dans leur version postérieure l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014,

- que le contrat de crédit affecté conclu le 27 octobre 2015 entre M. et Mme [G] et la société Sofinco est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,

- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

1) Au titre du dol

L'article 1109 du code civil dans sa version applicable au litige dispose qu'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. Il résulte de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans elles, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

En l'espèce, si les appelants imputent à la société Isowatt une tromperie dans la présentation commerciale de son offre de contrat relative à la rentabilité voire à l'auto-financement de l'installation et des man'uvres frauduleuses qui auraient vicié leur consentement, ils ne produisent aucun élément de preuve à l'appui de leurs assertions, en particulier les brochures commerciales qui leur auraient été présentées faisant "miroiter un important rendement énergétique" ne sont visées à aucune endroit du bon de commande. Aux termes du contrat, il n'est ainsi fait référence ni à des plaquettes publicitaires ou explicatives ni au renvoi à un site internet par exemple. Ces éventuels documents commerciaux , à les supposer présentés à M. [G] au moment de la conclusion du contrat, ne comportent donc en tout état de cause aucune valeur contractuelle.

S'agissant de l'expertise réalisée le 22 septembre 2020 de façon non contradictoire, cinq années après la pose de l'installation, force est de relever qu'elle part du postulat que la société Isowatt a effectué une promesse de rentabilité financière aux époux [G] ; or rien ne le démontre, pas plus que n'est établi qu'il s'agissait d'un investissement à visée de rentabilité et non à visée écologique.

Aucune nullité n'est donc encourue de ce chef.

2) Au plan formel

En application des articles L. 121-17, L. 121-18 et L. 111-1, le professionnel doit informer le consommateur avant la conclusion du contrat et indiquer de manière lisible dans le contrat conclu hors établissement :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'État.

L'article L. 121-18-1 sanctionne par la nullité du contrat toute violation des dispositions qui précèdent et prévoit que le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du I de l'article L. 121-17.

En l'espèce, le bon de commande décrit l'objet de la vente comme suit : "kit photovoltaïque de 4,480 WC, panneaux solarworld, kit aérovoltaïque, micro-onduleur, système GSE, puissance crête installée 8,78 Wc nombre d'onduleur 1".

La cour observe que l'article L. 111-1 susvisé n'impose pas de préciser dans le détail la taille, le poids, les dimensions, la technologie mise en oeuvre.

En revanche, apparait sur le bon de commande la marque des panneaux, Solarworld permettant aux consommateurs d'opérer utilement une comparaison lors de la conclusion du contrat avec d'autres équipements disponibles sur le marché et permettant de vérifier la complète installation des éléments avant de signer l'attestation de fin de travaux.

Il est expressément stipulé, juste à côté des signatures, que le souscripteur reconnait "avoir pris connaissance et accepté les termes et conditions générales figurant au verso du présent bon de commande et en particulier avoir été informé des dispositions applicables aux ventes réalisées hors établissement".

Le contrat n'encourt donc pas de nullité de ce chef.

S'agissant du délai, le bon de commande ne donne aucune précision sur le délai de livraison, la case "délai maximum de livraison :" étant vierge.

Si l'article IV des conditions générales de vente stipule que "la livraison s'entend par la remise du matériel et son installation au domicile de l'acheteur, à l'exclusion de travaux de raccordement au réseau public d'électricité ou au réseau exploité par des entreprises locales de distribution (ELD). Le délai de livraison figurant au recto du présent contrat est donné à titre indicatif et ne peut dépasser une limite de 200 jours à compter de la date d'effet du contrat".

Cependant, aucune date n'apparaît au recto du contrat.

Dès lors il était impossible pour M. [G] de connaître le délai de livraison, précision déterminante dans l'engagement contractuel. Le bon de commande n'est donc pas conforme sur ce point et il encourt l'annulation de ce chef. Le jugement de première instance sera confirmé à ce titre.

3) La confirmation du contrat

Par application des dispositions de l'article 1338 du code civil dans sa version applicable au litige, il est admis que la nullité formelle résultant du texte précité est une nullité relative à laquelle la partie qui en est bénéficiaire peut renoncer par des actes volontaires explicites dès lors qu'elle avait connaissance des causes de nullité.

À défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée. La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

Les conditions générales de vente reproduisent le texte intégral des articles L. 111-1 et L. 111-2 (qui apparaissent en premier), L. 121-17, L. 121-18-2, L. 121-18-1, L. 121-18-2, L. 121-19-2, L. 121-1, L. 121-21-2 et L.121-21-5 du code de la consommation de sorte que M. et Mme [G] étaient parfaitement informés de la réglementation applicable et se trouvaient par conséquent en mesure d'apprécier les irrégularités formelles du bon de commande et de connaître les modalités de rétractation.

Pour autant, depuis un arrêt rendu le 24 janvier 2024 (pourvoi n° 22-15.199), la première chambre civile de la Cour de cassation juge désormais que la reproduction même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 du code civil, dans sa rédaction issue l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l'article 9 de cette ordonnance aux contrats conclus dès son entrée en vigueur.

En l'espèce aucun élément ne permet de dire que nonobstant la reproduction des articles applicables aux contrats conclus hors établissement, M. et Mme [G] ont eu connaissance du vice affectant l'obligation critiquée et ont eu l'intention de le réparer, aucun acte ultérieur ne révélant leur volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause.

Dès lors, la nullité formelle n'a pas été couverte et il y a lieu de prononcer l'annulation du contrat de vente et subséquemment celle du contrat de crédit, le jugement étant infirmé en ce qu'il avait rejeté ces demandes.

Sur les conséquences de la nullité des contrats

Les contrats étant anéantis, il convient de replacer les parties dans leur état antérieur à la conclusion des contrats.

1) Sur la restitution

Pour remettre les parties dans l'état où elles étaient avant conclusion du contrat, il convient tout d'abord de prévoir la désinstallation du matériel par la société venderesse. Il appartiendra dès lors aux époux [G] de laisser à la libre disposition de la société Isowatt l'installation complète à charge pour elle de venir procéder à la dépose et de remettre la toiture et le bâti en état, concernant le ballon thermodynamique et les kits photovoltaïque et aérovoltaïque, à ses frais. En effet bien que la société Isowatt souhaite limiter la restitution aux panneaux aérovoltaïques, force est de constater que les époux [G] n'ont pas entendu circonscrire la désinstallation aux panneaux puisqu'ils parlent de "l'enlèvement de l'installation litigieuse" sans plus de précisions.

Dès lors le ballon sera inclus dans la restitution, M. et Mme [G] n'ayant pas expressément demandé à le conserver, ce qui au demeurant aurait impliqué d'en payer le prix.

Conformément aux souhaits de la société Isowatt, le retrait des panneaux sera subordonné à l'avis favorable de la mairie.

Toutefois, il appartiendra aux époux [G] de solliciter cet accord et donc c'est dans un délai de trois mois à compter du jour où les époux [G] auront signifié à la société Isowatt l'accord de la mairie, que le retrait pourra avoir lieu.

En raison de la nullité du contrat de vente prononcée, la société Isowatt, société in bonis, doit restituer aux époux [G], qui ont remboursé par anticipation le crédit à la société CA Consumer Finance, la somme de 29 900 euros, et ce à compter du jour de la signification de l'accord de la mairie pour le retrait de l'installation. La demande de la banque de condamner la société Isowatt à lui payer la somme de 29 900 euros ne peut prospérer, la société de crédit ayant déjà récupéré le capital auprès des emprunteurs.

M. et Mme [G] ayant d'ores et déjà remboursé le capital, la banque, à qui restera acquis le dit capital, ne pourra être condamnée qu'au remboursement aux emprunteurs des intérêts perçus.

2) Sur la responsabilité de la société CA Consumer Finance

Il est admis que la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté. Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

M. et Mme [G] invoquent une faute de la société CA Consumer Finance pour avoir participé au dol en consentant un crédit à partir d'imprimés-type délivrés aux démarcheurs et en instaurant un différé de paiement de 11 mois pour augmenter la croyance en l'existence d'un système auto-financé, et pour avoir débloqué les fonds sur la base d'un bon de commande atteint d'irrégularités, sans aucune vérification.

Dans un premier temps, il ne peut être reproché à la banque d'avoir fourni des imprimés de crédit affecté aux démarcheurs alors qu'il n'est ni soulevé, ni à fortiori établi, que les imprimés de crédit affecté CA Consumer Finance seraient atteints d'irrégularités. De la même façon, le choix de prévoir un différé de paiement de la première échéance de onze mois ne peut être considéré comme étant une stratégie de la banque pour entretenir la croyance des emprunteurs que leur installation serait rentable et auto-financée, en l'absence de tout élément corroborant ces assertions.

Dans un second temps, il appartenait en effet à la banque de s'assurer de la validité formelle du bon de commande, avant de débloquer les fonds, et ce d'autant qu'en l'espèce l'irrégularité était facile à déceler, en l'absence de toute date de livraison de l'équipement sur le bon de commande, ce que d'ailleurs la société de crédit ne conteste pas réellement, indiquant dans ses conclusions "Si la CA Consumer Finance ne nie pas que le bon de commande est entaché de plusieurs causes de nullité flagrantes, elle plaide cependant que les emprunteurs ont réitéré leur consentement".

La société CA Consumer Finance estime également avoir libéré les fonds conformément à l'attestation de livraison qui lui a été présentée.

Selon l'article L. 311-31 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d'interruption de celle-ci.

Les dispositions de l'article L. 311-51 du même code en leur version applicable au litige prévoient que le prêteur est responsable de plein droit à l'égard de l'emprunteur de la bonne exécution des obligations relatives à la formation du contrat de crédit, que ces obligations soient à exécuter par le prêteur qui a conclu ce contrat ou par des intermédiaires de crédit intervenant dans le processus de formation du contrat de crédit, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.

En revanche, il n'appartient pas au prêteur de s'assurer par lui-même de l'exécution des prestations et il ne saurait être garant de l'exécution du contrat principal.

Il est rappelé que le contrat de crédit souscrit prévoit expressément que les fonds sont mis à disposition à la livraison du bien au bénéficiaire mentionné dans l'attestation de fin de travaux.

Le 23 novembre 2015, M. [G] a attesté sur le document intitulé "bon d'accord de fin de travaux n° 01 39 95", que "je déclare que le matériel livré et installé est conforme à ma commande, et que l'installation réalisée ce jour correspond au cahier des charges initialement prévu. La société certifie que cette installation répond aux normes en vigueur. Je reconnais avoir reçu les explications nécessaires à la parfaite utilisation de mon matériel et certifie avoir reçu en main s propres un exemplaire du présent document", et a demandé à la société Sofinco de payer la somme de 29 900 euros à l'installateur Isowatt.

Cette attestation est donc suffisante pour apporter la preuve de l'exécution du contrat principal sans qu'aucune faute ne soit établie à l'encontre de l'organisme financeur dans la libération des fonds.

En conclusion, la seule faute commise par la banque concerne un défaut de vérification de la régularité du bon de commande.

M. et Mme [G] font état de plusieurs préjudices qu'ils indiquent être en lien avec les fautes de la banque devant la priver de son droit à restitution du capital emprunté ou encore devant conduire à sa condamnation à des dommages et intérêts.

Ils font état d'un préjudice financier de 4 707,06 euros en ce qu'ils ont été contraints de payer des frais bancaires, des intérêts et des cotisations assurance, et de régler les échéances du crédit. Ils invoquent un préjudice moral évalué à 5 000 euros dès lors qu'ils ont pris conscience d'avoir été dupés par le vendeur et de s'être engagés dans un système contraignant sur de nombreuses années en raison de la non réalisation des performances et rendement annoncés.

Cependant, il convient de constater qu'en contrepartie du crédit contracté, M. et Mme [G] bénéficient d'une installation qui est fonctionnelle, laquelle produit de l'électricité (le détail n'est pas connu en l'absence de factures produites par les emprunteurs) des revenus minimum de 2 064 euros selon les propres chiffres des emprunteurs, et dont ils retirent donc toujours avantage et qu'ils ne démontrent avoir supporté aucun autre frais en dehors de ceux spécifiquement prévus à l'ensemble contractuel. Les désagréments liés à l'installation photovoltaïque en tant que telle ne peuvent être imputés qu'à la société prestataire en charge de la réalisation des travaux.

Les préjudices allégués ne sont donc pas suffisamment démontrés et sont sans lien avec une éventuelle faute de la banque.

Partant, la responsabilité de la banque n'est pas engagée de sorte que le jugement doit être confirmé en ce que la banque n'a commis aucune faute ayant entraîné un préjudice, la privant de son droit à restitution du capital prêté et a débouté les époux [G] de leurs demandes de dommages et intérêts.

Dès lors que la banque a commis une faute en ne décelant pas la cause de nullité, elle ne peut solliciter la garantie de la société Isowatt.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société Isowatt forme une demande de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive auprès des époux [G].

Cependant, une telle demande ne pourra prospérer alors que la société Isowatt succombe en partie à l'instance.

Sur les autres demandes

La société Isowatt et la société CA Consumer Finance qui succombent doivent être condamnées aux dépens d'appel et il apparaît en outre équitable de leur faire supporter in solidum les frais irrépétibles engagés par les époux [G] à hauteur de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance seront mis à la charge des sociétés Isowatt et Consumer Finance.

Les parties sont déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation solidaire de la société Isowatt et de la société CA Consumer Finance à payer à M. [M] [G] et Mme [J] [G] née [H] les sommes de 29 900 euros, de 10 000 euros et de 5 000 euros ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité des contrats de vente conclu le 27 octobre 2015 entre M. [M] [G] et la société Isowatt, et de crédit conclu le 27 octobre 2015 entre la société Sofinco et M. [M] [G] et Mme [J] [G] née [H] ;

Ordonne à M. [M] [G] et Mme [J] [G] née [H] de restituer à la société Isowatt l'installation photovoltaïque complète et le ballon thermodynamique ;

Dit que pour ce faire ils devront solliciter l'autorisation de dépose auprès de la mairie ;

Dit que la société Isowatt devra procéder à cette dépose et à la remise en état de la toiture et du bâti, en ce compris le ballon thermodynamique et les kits photovoltaïque et aérovoltaïque, à ses frais et ce dans un délai de trois mois à compter de la notification qui leur sera faite de l'autorisation de la mairie ;

Dit que la société CA Consumer Finance conservera le capital de 29 900 euros réglé par anticipation par M. [M] [G] et Mme [J] [G] née [H] ;

Condamne la société Isowatt à rembourser à M. [M] [G] et Mme [J] [G] née [H] la somme de 29 900 euros, dès qu'elle aura reçu la signification de l'accord de la mairie pour récupérer l'installation ;

Condamne la société CA Consumer Finance venant aux droits de Sofinco à rembourser à M. [M] [G] et Mme [J] [G] née [H] les intérêts perçus à l'occasion du contrat de crédit affecté conclu le 27 octobre 2015 ;

Rejette la demande de garantie de cette condamnation de la société CA Consumer Finance par la société Isowatt ;

Déboute M. [M] [G] et Mme [J] [G] née [H] de toutes leurs autres demandes ;

Déboute la société Isowatt de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne in solidum la société Isowatt et la société CA Consumer Finance aux dépens d'appel et aux dépens de première instance ;

Condamne in solidum la société Isowatt et la société CA Consumer Finance à verser à M. [M] [G] et à Mme [J] [G] née [H] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/14081
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.14081 ?
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