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25/04/2024 | FRANCE | N°22/06542

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 25 avril 2024, 22/06542


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 25 AVRIL 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06542 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBLB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/01517





APPELANT



Monsieur [I] [E]

[Adresse 4]

[LocalitÃ

© 3]



Représenté par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055







INTIMÉE



S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Maître [G] [U] ès qualités de Mandataire liquid...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 25 AVRIL 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06542 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBLB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/01517

APPELANT

Monsieur [I] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

INTIMÉE

S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Maître [G] [U] ès qualités de Mandataire liquidateur de la SAS IFRAC

[Adresse 1]

[Localité 6]

N'ayant pas constitué avocat, assignation à personne morale le 8 septembre 2022

Association AGS CGEA ILE-DE-FRANCE EST

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence ROBERT DU GARDIER de la SELARL DUPUY Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0061

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [I] [E] a été engagé le 8 octobre 2012 par la société Ifrac Formation (dispensant des formations aux techniques du transport de la conduite de travaux publics et de la manutention notamment) en qualité de responsable pédagogique marchandises, par contrat de travail à durée indéterminée, au niveau F, statut cadre de la convention collective nationale des organismes de formation.

Un avenant au contrat de travail a été signé par les parties le 1er janvier 2016, à effet rétroactif au 1er septembre 2014, date à laquelle le salarié a évolué et a occupé le poste de directeur général, portant sa rémunération à 120 000 € sur 12 mois pour 169 heures de travail et stipulant une indemnité exceptionnelle de rupture de 100 000 € en cas de départ pour un motif autre qu'un départ en retraite.

Par courrier recommandé du 14 mars 2016, la société Ifrac Formation l'a convoqué à un entretien préalable, qui a eu lieu le 21 mars 2016.

Par courrier recommandé du 24 mars 2016, elle lui a notifié son licenciement, lui reprochant notamment une attitude d'opposition à ses directives, de désaccord avec sa stratégie ainsi que des critiques injustifiées.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et sollicitant le versement d'une indemnité contractuelle de rupture, Monsieur [E] a saisi le 26 septembre 2016 la formation de référé du conseil de prud'hommes de Bobigny, qui a dit n'y avoir lieu à référé le 6 juin 2017, ordonnance confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 8 mars 2018.

Par jugement du 5 novembre 2018, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par le tribunal de commerce de Bobigny qui, par décision du 25 juin 2019, a prononcé la liquidation judiciaire de la société Ifrac Formation, désignant la SELAFA MJA en qualité de liquidateur judiciaire.

Il résulte de l'extrait K bis versé aux débats que la faillite personnelle de Monsieur [K] [S], son président, a été prononcée pour une durée de 15 ans.

Monsieur [E] a saisi au fond, le 24 mai 2018, le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 25 mai 2022, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens, déboutant également la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [U], mandataire liquidateur de la SAS Ifrac Formation, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 28 juin 2022, Monsieur [E] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 17 mars 2023, Monsieur [E] demande à la cour de :

- infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Bobigny du 25 mai 2022 en ce qu'elle l'a débouté de toutes ses demandes,

et, statuant à nouveau,

- juger l'avenant n°2 en date du 1er janvier 2016 au contrat de travail de Monsieur [E] parfaitement valable,

- juger le licenciement de Monsieur [E] sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- ordonner l'inscription au passif de la société Ifrac Formation des sommes suivantes :

- 66 550 euros, soit 57 000 euros à titre de rappel de salaires de septembre 2014 à décembre 2015, la prime de novembre 2015 à hauteur de 3 500 euros et les congés payés afférents de 6 050 euros,

- 100 000 euros au titre de l'indemnité contractuelle prévue à l'avenant n°2 du contrat de travail,

- 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- 2 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner que lesdites sommes soient soumises à un intérêt de droit à compter de la saisine du conseil,

- ordonner l'application de l'article 1154 du Code civil sur les intérêts légaux,

- ordonner au liquidateur la remise à Monsieur [I] [E] de l'attestation Pôle Emploi rectifiée, des bulletins de salaire des mois de septembre 2014 à décembre 2015, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, à compter de la notification de la décision à intervenir,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'association AGS CGEA Ile-de-France Est,

- laisser les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société Ifrac Formation en ce compris les éventuels frais de signification et d'exécution de la décision.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 décembre 2022, l'AGS CGEA Ile de France Est demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes,

sur la garantie AGS :

- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, la garantie de l'AGS ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

- dire et juger que la garantie prévue suivant les dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l'article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou l'article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,

- dire et juger que la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage conformément aux dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance ' dont les dépens ' sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

La SELAFA Mandataires Judiciaires Associés (MJA) n'a pas conclu, après avoir fait état dans un courrier du 28 juillet 2022 de l'impécuniosité de la liquidation judiciaire.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 décembre 2023 et l'audience de plaidoiries a eu lieu le 6 février 2024.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le rappel de salaires et l'indemnité de rupture:

Monsieur [E] réclame la somme de 66 550 € à titre de rappel de salaire, en application de l'avenant n° 2 à son contrat de travail, signé le 1er janvier 2016 et portant rétroactivement à compter du 1er octobre 2014 sa rémunération à 120 000 € par an. Il réclame également une indemnité exceptionnelle de rupture de 100 000 €, conformément à l'article 3 de cet avenant.

Il fait valoir que les signataires de cet avenant sont parfaitement identifiables, que son bulletin de salaire de janvier 2016 est établi à hauteur de 10 000 € conformément à cet avenant, qu'aucune plainte n'a été déposée à son encontre pour faux et que [K] [S] qui a nié être signataire de cet avenant a été condamné pour escroquerie en 2005 et a adopté une gestion désinvolte et malveillante de l'entreprise en 2017 et 2018.

Le CGEA d'Ile de France Est rappelle que la société Ifrac Formation a contesté la validité de cet avenant, que la cour d'appel de Paris, statuant en référé, a relevé qu'il avait été signé un jour férié alors que l'attestation de Monsieur [P], destinée à en corroborer l'authenticité, fait état d'une signature le 7 janvier, qu'il porte la signature de ce dernier alors qu'il n'est pas partie au contrat et que des échanges entre Monsieur [E] et Monsieur [S] en date du 28 janvier 2016 font état d'un projet d'avenant en cours de pourparlers ne prévoyant pas d'effet rétroactif des modifications envisagées. Il s'en remet aux explications données par le mandataire liquidateur qui s'est opposé à cette demande de rappel de salaire.

Monsieur [E] invoque l'application d'un avenant n°2 à son contrat de travail stipulant la prise d'effet des modifications contractuelles rétroactivement au 1er septembre 2014, 'une rémunération annuelle brute, avantages en nature compris, de Cent Vingt Mille Euros (120 000 €), versée en 12 mensualités, correspondant à 169 heures de travail par mois' et incluant 'd'ores et déjà la rémunération majorée des heures supplémentaires comprises dans cette durée', ainsi qu'une indemnité exceptionnelle de rupture de 100 000 € 'en cas de départ du salarié pour un motif autre qu'un départ en retraite'.

L'avenant litigieux, produit en copie, n'est pas paraphé sur chacune de ses pages contrairement au contrat de travail, a pour partie Monsieur [S] en sa qualité de président d'Ifrac Formation et comporte trois signatures dont deux masquées par le tampon de la société.

Dans un courrier du 23 juin 2016, répondant aux contestations du salarié quant à son licenciement, Monsieur [S], en sa qualité de président de la société intimée a indiqué 'vous faites référence à un prétendu « avenant » qui serait à l'origine de votre licenciement. Rien n'est moins vrai, puisque vous savez pertinemment que, eu égard aux circonstances dans lesquelles vous l'avez vous-même établi, cet avenant n'a aucune valeur et ne lie en rien notre société.'

Si la véracité de la signature de l'employeur est attestée par Monsieur [P], qui dit avoir signé le document en sa qualité de président de LC Finances, associé unique d'Ifrac Formation, à la demande de Monsieur [S], force est de constater que son témoignage évoquant une réunion le 7 janvier 2016 - et non le 1er janvier 2016 - , puis l'envoi par lui 'par scan' aux deux autres signataires, pourtant les principaux intéressés, dudit document - dont il n'était pas l'auteur-, fragilise la démonstration du salarié, comme d'ailleurs l'attestation de l'avocat de Monsieur [E] indiquant que son contradicteur a renoncé à sa contestation quant à la validité de l'avenant, signé à son insu avec d'autres documents dans un parapheur.

Enfin, un projet d'avenant- ayant un tout autre contenu- a été discuté par courriel du 28 janvier 2016 entre Monsieur [S] et Monsieur [P], ce qui prive de toute valeur l'attestation de ce dernier. Un échange avait eu lieu, au surplus, entre ces deux représentants d'Ifrac Formation et de LC Finances montrant à cette date diverses difficultés à surmonter en vue d'un accord, au niveau de l'indemnité de rupture, considérée comme 'un problème entre [I] et toi, sur la base d'une promesse/un accord fait en octobre 2014 à ton initiative', 'il faut d'abord régler ce litige entre Ifrac et [I], via un avenant simple je pense. En profiter d'ailleurs pour régulariser son poste de DG sur Ifrac, et son augmentation à 10'000€ Brut au 01/01/2016'.

Par ailleurs, il ne saurait être tiré aucune conclusion de ce que le bulletin de salaire de janvier 2016 porte mention, comme les suivants jusqu'en juin 2016, de l'augmentation de la rémunération telle qu'indiquée dans l'avenant litigieux, puisque la répercussion rétroactive de cet avenant n'a pas eu lieu avant cette date et que l'employeur pouvait revaloriser la prestation de travail de Monsieur [E] en dehors de tout écrit, en le gratifiant de l'augmentation constatée.

Les éléments produits permettent donc de constater que l'avenant litigieux ne manifeste pas la commune intention de l'employeur et du salarié de modifier le contrat de travail.

Il ne saurait donc recevoir application et les demandes du salarié doivent être rejetées, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement adressée à Monsieur [E] le 24 mars 2016 contient les motifs suivants, strictement reproduits :

'Les explications que vous nous avez apportées ne nous ayant pas paru convaincantes, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse motivé par votre désaccord profond et persistant sur les orientations stratégiques de la Société et du groupe LC

Finances.

En effet, nous n'avons pu que constater que, depuis plusieurs mois, vous critiquez ouvertement la politique et les orientations stratégiques mises en 'uvre par la Société et par le groupe.

Vous avez ainsi affiché de plus en plus ouvertement votre opposition aux directives qui vous étaient communiquées : une telle attitude est hautement préjudiciable à la Société.

Une telle attitude ne reflète pas celle que la Société est légitimement en droit d'attendre de votre part, compte tenu de votre statut, de votre niveau et de votre ancienneté. En faisant ouvertement état d'un tel désaccord sur la stratégie de la Société, votre attitude est totalement contraire à nos intérêts, notamment au regard des répercussions induites au niveau de l'encadrement du personnel.

Cette situation d'opposition et de critiques injustifiées a engendré un climat de confiance détériorée entre vous et votre hiérarchie, rendant impossible la poursuite des relations contractuelles et ne nous laissant d'autre choix que de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.'

Monsieur [E] considère que sa lettre de licenciement manque de précision, que le motif invoqué n'est pas fondé en tout état de cause puisqu'il ne s'appuie sur aucune pièce prouvant ses prétendues critiques, alors que l'entretien annuel du 29 décembre 2015 le disait 'très investi' et qu'une augmentation de salaire significative lui a profité à compter de janvier 2016. N'ayant pas retrouvé de travail, étant resté au Pôle Emploi du 4 septembre 2016 jusqu'à l'extinction de ses droits et faisant état d'un travail à temps partiel en mai 2020 et juin 2021, il sollicite 60 000 € en réparation du préjudice subi.

Le CGEA d'Ile-de-France Est s'en remet aux explications présentées par le mandataire en première instance et sollicite la confirmation du jugement qui a relevé que l'employeur justifiait des dénigrements du salarié par différents témoignages de ses collègues.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, c'est-à-dire comporter l'imputation au salarié d'un fait ou d'un comportement qui soit assez explicite pour être identifiable en tant que tel et l'énoncé d'un grief qui repose sur des éléments objectifs de telle manière qu'on puisse en vérifier la pertinence.

En l'espèce, alors que la société Ifrac Formation a fait état dans la lettre de licenciement de critiques ouvertes du salarié contre la politique et les orientations stratégiques qu'elle a mises en oeuvre, elle ne développe ni d'ailleurs ne produit aucun élément vérifiable, au soutien de ce grief. En effet, les attestations des salariés dont s'était prévalu le représentant de l'employeur en première instance non seulement ne sont pas produites, mais encore, à défaut d'être corroborées par un quelconque élément objectif, seraient sujettes à caution eu égard au lien de subordination existant entre leur auteur et l'employeur.

Il convient de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Tenant compte de l'âge du salarié (54 ans) au moment de la rupture, de son ancienneté (supérieure à deux ans), de son salaire moyen mensuel brut (soit 10 000 € d'après les bulletins de salaire produits), des justificatifs de sa situation de demandeur d'emploi après la rupture, il y a lieu de fixer à 60 000 € la réparation de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, par application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige.

Sur le caractère vexatoire du licenciement :

Monsieur [E] considère que son licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires, puisqu'après trois ans et quatre mois d'ancienneté, il s'est vu remettre un courrier de convocation le dispensant d'activité jusqu'au jour de l'entretien préalable prévu le 21 mars 2016. Dispensé d'effectuer son préavis, il rappelle n'avoir pu saluer ses collègues, ni s'expliquer sur les raisons de son départ et souligne le caractère choquant de cette rupture, dont il demande indemnisation à hauteur de 10 000 €.

Le CGEA d'Ile de France Est considère que le salarié ne justifie pas sa demande, ne démontrant aucun préjudice distinct de celui résultant du licenciement.

La demande d'indemnisation de l'espèce suppose, pour être accueillie, la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.

Si Monsieur [E] a considéré que la rupture des relations de travail a été brutale en raison de la dispense d'activité dont il a fait l'objet après sa convocation à entretien préalable, ce procédé, qui n'est pas démontré comme ayant été entouré de circonstances humiliantes, ne saurait constituer intrinsèquement le caractère vexatoire invoqué.

Alors qu'au surplus, le salarié se limite à invoquer son préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, sans le démontrer, sa demande ne saurait prospérer.

Sur l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail :

Monsieur [E] considère que la mauvaise foi de son employeur est caractérisée dans l'exécution de son contrat de travail dans la mesure où il n'a pas perçu les sommes prévues à l'avenant qu'il avait signé, et où le président de la société Ifrac Formation a dénié sa signature avant de reconnaître le contraire, le contraignant à multiplier les procédures et les frais d'avocat. Il sollicite la somme de 10 000 € de dommages-intérêts à ce titre.

Le CGEA d'Ile-de-France Est conclut au rejet de la demande, s'en remettant à l'argumentation présentée dans l'intérêt de l'employeur en première instance. Il conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Il a été vu que l'authenticité de l'avenant n°2 qui aurait été signé le 1er janvier 2016 n'a pas été retenue; les éléments recueillis ne permettent donc pas de retenir une exécution déloyale du contrat de travail. La demande d'indemnisation présentée par Monsieur [E] doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la remise de documents:

Monsieur [E] sollicite la remise, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document, d'une attestation Pôle Emploi rectifiée, tenant compte des salaires qui auraient dû lui être versés.

La remise d'une attestation Pôle Emploi (devenu France Travail), d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt relativement au licenciement s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance du représentant de la société Ifrac Formation n'étant versé au débat.

Sur la garantie de l'AGS :

Il convient de rappeler que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L. 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire.

Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS et au CGEA d'Ile-de-France Est.

Sur les intérêts :

Il convient de rappeler que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Ifrac Formation a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels (en vertu de l'article L. 622-28 du code de commerce).

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La liquidation judiciaire de la société Ifrac Formation devra les dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de l'une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny, sauf en ses dispositions relatives au licenciement, à la remise de documents et aux dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT le licenciement de Monsieur [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

FIXE au passif de la société Ifrac Formation la créance de Monsieur [I] [E] à hauteur de 60 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Ifrac Formation a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels,

ORDONNE à la SELAFA MJA en qualité de liquidateur de la société Ifrac Formation de remettre à Monsieur [I] [E] une attestation destinée à Pôle Emploi (devenu France Travail), un certificat de travail et un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt relativement au licenciement,

DIT la présente décision opposable au CGEA-AGS d'Ile-de-France Est,

DIT que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

LAISSE les dépens d'appel à la charge de la liquidation judiciaire de la société Ifrac Formation.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 22/06542
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.06542 ?
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