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25/04/2024 | FRANCE | N°21/22195

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 25 avril 2024, 21/22195


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22195 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE3XH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 septembre 2021 - Tribunal de proximité d'ETAMPES - RG n° 11-21-000169





APPELANTS



Monsieur [M] [R]

né le [Date naissance 4] 19

74 à [Localité 7] (92)

[Adresse 3]

[Localité 6]



représenté et assisté de Me Lionel COHEN de la SELARL CABINET COHEN-TOKAR & ASSOCIES, avocat au barreau de l'ESSONNE





Madame [E...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 25 AVRIL 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/22195 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE3XH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 septembre 2021 - Tribunal de proximité d'ETAMPES - RG n° 11-21-000169

APPELANTS

Monsieur [M] [R]

né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 7] (92)

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté et assisté de Me Lionel COHEN de la SELARL CABINET COHEN-TOKAR & ASSOCIES, avocat au barreau de l'ESSONNE

Madame [E] [C]

née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 10] (31)

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée et assistée de Me Lionel COHEN de la SELARL CABINET COHEN-TOKAR & ASSOCIES, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉE

La SA CA CONSUMER FINANCE, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 542 097 522 03309

[Adresse 1]

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 15 mai 2017, la société CA Consumer Finance a sous sa marque Sofinco consenti à Mme [E] [C] et à M. [M] [R] un crédit personnel d'un montant en capital de 136 000 euros remboursable en 120 mensualités de 1 492,59 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 5,722 %.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société CA Consumer Finance a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte du 8 avril 2021, la société CA Consumer Finance a fait assigner Mme [C] et M. [R] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Evry-Courcouronnes lequel, par jugement réputé contradictoire du 16 septembre 2021, a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels, condamné Mme [C] et M. [R] au paiement de la somme de 89 334,03 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2021, rejeté la demande de capitalisation des intérêts et condamné Mme [C] et M. [R] à payer la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, le juge a énoncé qu'en application de l'article L. 312-5 du code de la consommation, la FIPEN devait comporter la mention "un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager" et relevé que la preuve de la remise de la FIPEN n'était pas rapportée et ne pouvait résulter de la signature d'une clause type.

Il a considéré qu'au regard de l'historique de compte seule la somme de 89 334,03 euros restait due en capital. Il a ensuite relevé que le contrat ne prévoyait pas de solidarité et écarté la demande de capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article L. 312-38 du code de la consommation.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 15 décembre 2021, Mme [C] et M. [R] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2022, ils demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'ils ont été condamnés à verser la somme de 89 334,03 euros au titre du contrat de crédit avec intérêt au taux légal à compter du 13 janvier 2021 et la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance,

- de donner acte à M. [R] de ce qu'il conteste avoir signé le prêt à la consommation, - de constater qu'il n'a pas signé l'offre de crédit, au besoin en ordonnant telle mesure d'instruction qu'il plaira, expertise graphologique ou vérification d'écriture,

- de débouter la société CA Consumer Finance de ses demandes à ce titre,

- d'ordonner un sursis le cas échéant,

- de débouter la société CA Consumer Finance de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

- de condamner la société CA Consumer Finance à payer à M. [R] la somme de (aucune mention),

- de condamner la société CA Consumer Finance à payer à Mme [C] la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- d'ordonner la levée du fichage auprès de la Banque de France à l'initiative de la société CA Consumer Finance sous astreinte de 200 euros par jour à compter de l'arrêt à intervenir,

- de condamner la société CA Consumer Finance à leur payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Ils font valoir que M. [R] n'a jamais signé le contrat de crédit et qu'il a déposé plainte auprès des services de police pour faux en écritures et usage de faux, que l'ensemble des pièces produites et notamment l'offre de prêt, les documents d'identité et pièces officielles figurant au dossier, mettent la cour en mesure d'apprécier le caractère falsifié des signatures litigieuses compte tenu de la netteté des pièces de comparaison. Ils ajoutent que cette analyse est confortée par le fait que les fonds n'ont pas été remis sur le compte courant de M. [R] et que les échéances des prêts n'ont pas été prélevées sur son compte. Ils soutiennent que la société CA Consumer Finance qui ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de vérification de l'identité de la personne qui s'est présentée pour régulariser l'offre de prêt au nom de M. [R] a commis une faute et est responsable de ses conséquences. Ils ajoutent que la société CA Consumer Finance a engagé des mesures d'exécution empêchant M. [R] de travailler puisqu'elle a saisi son véhicule automobile alors qu'il s'agissait de son outil de travail et que bien qu'avisée de la situation, elle a refusé de donner mainlevée.

Ils soutiennent que la société CA Consumer Finance a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde et que rien ne permet de démontrer qu'elle a rempli son obligation lors de la conclusion de l'offre de prêt personnel. Ils soulignent en particulier qu'elle n'a pas tenu compte des renseignements figurant sur la fiche de dialogue qui démontrent que leur taux d'endettement avant même la souscription du prêt à la consommation en cause était de 69,42 % et ensuite de 97,27 %. Ils en déduisent que la société CA Consumer Finance a commis une faute en octroyant le crédit litigieux et réclament 90 000 euros en indemnisation de leur perte de chance.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 9 juin 2022, la société CA Consumer Finance demande à la cour :

- de déclarer Mme [C] et M. [R] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter,

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- de confirmer le jugement sur le principe d'une condamnation solidaire de Mme [C] et M. [R] et de le réformer sur le quantum,

- de condamner Mme [C] et M. [R] solidairement à lui payer la somme de 82 020,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2021,

- de condamner Mme [C] et M. [R] solidairement à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- à titre subsidiaire si la cour devait estimer que la déchéance du terme n'était pas valablement acquise, de prononcer la résolution judiciaire des conventions et de condamner Mme [C] et M. [R] solidairement à lui payer la somme de 82 020,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2021 et les condamner solidairement à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- à titre infiniment subsidiaire, si la Cour venait à mettre hors de cause M. [R], de le dire mal fondé en ses demandes dirigées à son encontre, de dire Mme [C] mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 82 020,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2021,

- en tout état de cause, de condamner Mme [C] à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts et celle de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle fait valoir que Mme [C] ne conteste pas être signataire du crédit en cause et qu'elle a fait l'objet d'une composition pénale pour avoir "dénoncé mensongèrement à l'autorité judiciaire ou administrative des faits constitutifs d'un délit, en l'espèce, en déposant plainte auprès du commissariat d'[Localité 9] en déclarant avoir fait l'objet d'une usurpation d'identité pour la souscription d'un crédit Sofinco de 136 000 euros".

Elle soutient que les signatures de M. [R] sont toutes identiques ou similaires et sont différentes de celle de Mme [C] et qu'il ne produit aucun spécimen de signature. Elle considère qu'il est donc bien engagé. Elle conteste toute faute dans la vérification des signatures.

Elle précise ne pas remettre en cause la déchéance du droit aux intérêts prononcée pour absence de la FIPEN.

Elle soutient que les saisies ont été faites avec un titre exécutoire et que la cour ne peut donc faire droit à la demande de dommages et intérêts de M. [R] et souligne qu'au surplus la responsable serait Mme [C] qui aurait alors commis un faux.

Elle souligne que le premier impayé non régularisé date du mois de novembre 2019, qu'elle est recevable, qu'il a été payé une somme de 46 767,96 euros mais qu'il convient de réintégrer le montant des primes d'assurance pour 4 590,60 euros, que deux véhicules ont été vendus pour 9 691,49 euros et 2 210,98 euros si bien qu'il reste dû la somme de 82 020,20 euros.

Elle reconnaît ne pas avoir régulièrement prononcé la déchéance du terme et demande à titre subsidiaire à la cour de constater les manquements graves et réitérés des emprunteurs à leur obligation de remboursement, de prononcer la résolution judiciaire des conventions et de les condamner solidairement à lui payer 82 020,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2021.

Elle souligne n'être débitrice d'un devoir de mise en garde que lorsqu'il existe un risque d'endettement excessif au moment de la signature des conventions, relève que s'agissant d'un regroupement de crédits, par définition, la mensualité a drastiquement baissé, fait état des revenus déclarés et de son étude de solvabilité qui démontrent l'existence d'un patrimoine immobilier et conclut au rejet de toute demande à son encontre sur ce point.

Elle conteste toute faute et relève que si Mme [C] a imité la signature de M. [R], elle subit un préjudice en étant privée d'un co-débiteur solidaire et réclame en sus du solde de tout le crédit, 15 000 euros à Mme [C].

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience le 20 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de relever que le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts n'est pas remis en cause à hauteur d'appel. Le rejet de la demande de capitalisation des intérêts n'est pas non plus remis en cause. Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ces points.

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 15 mai 2017 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

La recevabilité de l'action de la société CA Consumer Finance au regard de la forclusion n'a pas été vérifiée par le premier juge. Or, en application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

En l'espèce, il résulte de l'historique de compte que le premier impayé non régularisé date du mois novembre 2019. Dès lors la banque qui a assigné le 8 avril 2021 n'est pas forclose en son action et doit être déclarée recevable.

Sur la réalité de l'obligation de M. [R] et de Mme [C]

L'article 1373 du code civil dispose que la partie à laquelle on oppose un acte sous signature privée, peut désavouer son écriture ou sa signature, auquel cas il y a lieu à vérification d'écriture. Il résulte de cet article que le juge n'est pas tenu d'ordonner une expertise et peut procéder lui-même à la vérification de la signature contestée et trouver dans la cause des éléments de conviction suffisants. L'article 287 du code de procédure civile prévoit notamment, quant à lui, que si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.

M. [R] conteste être le signataire du contrat de crédit. Il convient de rappeler que Mme [C] avait faussement déposé plainte pour usurpation d'identité en ce qui concerne ce crédit et qu'ayant été confondue, elle a bénéficié d'une composition pénale. Il est donc admis qu'elle est bien la signataire de ce contrat. Dans ce cadre elle a affirmé qu'elle avait signé le contrat à la place de M. [R].

Il doit être observé que la signature "[R]" qui figure sur le contrat de crédit peut paraître proche de celle qui figure sur la carte d'identité de M. [R] laquelle est peu lisible mais qu'elle n'est pas similaire à celle qui figure sur son propre dépôt de plainte ni sur une demande de gravage de vitres de véhicule, un bon de commande et une demande de carte bleue qu'il a signés en décembre 2017 qui se ressemblent toutes. Il y a donc lieu de considérer qu'il n'est pas le signataire de ce crédit et de débouter la société CA Consumer Finance de toute demande à son encontre. Il y a également lieu de faire droit à sa demande de désinscription du FICP et d'assortir cette demande d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant 2 mois commençant à courir passé un délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt.

Sur la somme due par Mme [C] au titre du crédit

La société CA Consumer Finance reconnaît ne pas avoir valablement prononcé la déchéance du terme et sollicite le prononcé de la résolution. Outre que le fait de contrefaire la signature de M. [R] constitue une faute suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résolution du contrat, il résulte des pièces produites que les échéances du crédit n'ont pas été honorées pendant plusieurs mois. Il doit donc être fait droit à cette demande de résolution.

Du fait de la déchéance du droit aux intérêts prononcée la société CA Consumer Finance ne peut prétendre qu'au capital soit 136 000 euros déduction faite des sommes versées. La cour observe que la société CA Consumer Finance ne présente pas une demande en paiement différente selon que M. [R] soit ou non reconnu signataire du contrat et indique que dans tous les cas il convient de déduire le coût des deux véhicules. La somme versée est donc de 58 670,43 euros (46 767,96 euros + 9 691,49 euros + 2 210,98 euros). Mme [C] doit donc être condamnée à verser la somme de 77 329,57 euros sans qu'il y ait lieu de réintégrer les mensualités d'assurance, la banque ne justifiant pas d'un mandat de recouvrement. Elle doit en outre être condamnée aux intérêts au taux légal à compter de la présente décision prononçant la résolution.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l'espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d'intérêt annuel fixe de 5,722 %.

Dès lors, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal significativement inférieurs à ce taux conventionnel ne le seraient plus si ce taux devait être majoré de cinq points. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de dire qu'il ne sera pas fait application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier. La somme restant due ne produira donc intérêts qu'au taux légal sans majoration.

Cette condamnation justifie que Mme [C] soit déboutée de sa demande de désinscription du FICP.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Aucune somme ne figure dans le dispositif à coté de la demande de M. [R] à cet égard si bien que la cour n'est de fait saisie d'aucune demande au bénéfice de ce dernier. En tout état de cause et à titre surabondant, la cour relève que le contrat ayant été souscrit à distance, la société CA Consumer Finance ne pouvait découvrir le faux commis par Mme [C] qui a fourni la copie de la pièce d'identité de son compagnon, ses bulletins de salaire, ses relevés de compte, a pris soin de rédiger en employant deux écritures différentes les deux attestations sur l'honneur manuscrites qu'ils étaient censés avoir chacun rédigées et a apposé sur tous les documents sous le nom de M. [R] une signature très différente de celle qu'elle a apposée sous son propre nom. Ce n'est pas la société CA Consumer Finance qui est responsable mais Mme [C]. La société CA Consumer Finance a certes exécuté le jugement sur un bien propriété de M. [R] à ses risques et périls en vertu d'une décision revêtue de l'exécution provisoire mais ce dernier n'établit pas que ce véhicule était un "outil de travail" alors qu'il est informaticien et surtout il lui appartenait en ce cas de saisir le juge de l'exécution d'une demande de distraction.

Mme [C] soutient que la société CA Consumer Finance ne l'a pas suffisamment mise en garde et demande des dommages et intérêts. Outre que le fait qu'elle a commis un faux démontre qu'aucune mise en garde n'aurait été de nature à la dissuader puisqu'elle a employé des moyens extrêmes pour obtenir ce crédit afin de rembourser d'autres crédits souscrits par elle, ce qui exclut toute perte de chance, il résulte des pièces produites que la société CA Consumer Finance était fondée à se baser sur les revenus du couple, qu'il s'agissait d'un rachat de crédits et que ce faisant la charge des emprunts avait baissé de 831 euros par mois. Elle doit être déboutée de sa demande sur ce point.

S'agissant de la demande de la société CA Consumer Finance à l'encontre de Mme [C], celle-ci est fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas octroyé le prêt à cette dernière seule et que le faux commis lui a fait perdre le bénéfice d'un co-contractant dont la cour observe toutefois qu'il n'était pas solidaire ainsi que l'a justement relevé le premier juge. Dès lors, il ne doit être fait droit à sa demande de dommages et intérêts qu'à hauteur d'une somme de 1 500 euros que Mme [C] doit être condamnée à lui payer.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné M. [R] aux dépens et au paiement d'une somme de 150 euros avec Mme [C]. Cette dernière doit être seule condamnée au paiement de ces sommes. Il y a en outre lieu de la condamner aux dépens d'appel et au paiement à la société CA Consumer Finance d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [R] doit être débouté de ses demandes présentées de ce chef à l'encontre de la société CA Consumer Finance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels, rejeté la demande de capitalisation des intérêts, condamné Mme [E] [C] aux dépens et au paiement à la société CA Consumer Finance de la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société CA Consumer Finance recevable en sa demande ;

Dit que M. [M] [R] n'a pas signé le contrat de crédit et déboute la société CA Consumer Finance de toutes ses demandes à son encontre ;

Ordonne à la société CA Consumer Finance de faire procéder à la levée de toute inscription au FICP de M. [M] [R] du chef de ce crédit sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant 2 mois commençant à courir passé un délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Prononce la résolution du contrat de crédit souscrit par Mme [E] [C] ;

Condamne Mme [E] [C] à payer à la société CA Consumer Finance les sommes de :

- 77 329,57 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour au titre du solde du prêt, et écarte en ce qui concerne cette condamnation la majoration de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [E] [C] aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/22195
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;21.22195 ?
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