REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 24 AVRIL 2024
(n° 2024/ , 17 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12651 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDLG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mars 2022 - Tribunal Judiciaire de CRETEIL - RG n° 20/01752
APPELANTS
Monsieur [M] [N]
né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 23] (ITALIE)
[Adresse 13]
[Localité 24]
Madame [A] [N]
née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 27] (92)
[Adresse 10]
[Localité 9]
représentés par Me Jérôme CASEY de la SELARL CASEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R100
ayant pour avocat plaidant Me Gaëlle CASEY de la SELARL CASEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R100
INTIMES
Monsieur [G] [N]
né le [Date naissance 6] 1969 à [Localité 17] (ITALIE)
[Adresse 11]
[Localité 16]
Madame [H] [N]
née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 29] (ITALIE)
[Adresse 12]
[Localité 9]
représentés par Me Charles CAZALS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2313
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
Monsieur Bertrand GELOT, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Isabelle PAULMIER- CAYOL dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier, présente lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE :
[C] [N] et [O] [Z] se sont mariés le [Date mariage 8] 1960 en Italie sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.
De cette union sont issus quatre enfants : Mmes [A], [H] et MM [M] et [G] [N].
[C] [N] est décédé le [Date décès 7] 2011 laissant pour lui succéder ses quatre enfants et son conjoint survivant.
[O] [Z] qui avait opté pour l'usufruit de l'universalité de la succession, selon acte d'option du 11 janvier 2012, est décédée le [Date décès 4] 2018 laissant pour lui succéder ses quatre enfants.
Un désaccord est intervenu entre les quatre cohéritiers, M. [G] [N] et Mme [H] [N] ayant notamment invoqué une créance due à la succession au titre de trois prétendues donations consenties par leurs deux parents à leur frère M. [M] [N] pour un montant total de 104 000 € à laquelle se sont opposés M. [M] [N] et Mme [A] [N], ces derniers ayant fait valoir que leurs parents avaient prêté au premier de l'argent que celui-ci a remboursé.
Le partage amiable de la succession n'a pas pu aboutir.
Par actes d'huissier de justice délivrés à Mme [A] [N] et M. [M] [N] les 2 et 3 mars 2020, Mme [H] [N] et M. [G] [N] ont saisi le tribunal judiciaire de Créteil afin de voir ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [O] [Z] et de trancher les difficultés les empêchant de parvenir à un partage amiable.
Par jugement contradictoire du 29 mars 2022, le tribunal judiciaire de Créteil a notamment :
-ordonné le partage judiciaire de la succession de [O] [Z],
-désigné, pour y procéder, Me [X] [W] [S] dont le domicile professionnel est sis [Adresse 15] à [Localité 28],
-fixé en conséquence la provision à valoir sur ces émoluments, frais et débours à la somme de 3 000 € qui lui sera versée par parts viriles par chacune des parties,
-commis tout juge de la première chambre pour surveiller ces opérations,
-débouté M. [G] [N] et Mme [H] [N] de leur demande de qualification des prêts en libéralités,
-rejeté en conséquence la demande de rapport,
-déclaré prescrite la demande de fixation d'une créance de la succession de [O] [Z] envers M. [M] [N] au titre du solde des prêts, d'un montant total de 49 000 € qui lui ont été consentis par [C] [N] les 7 septembre et 22 octobre 2005,
-dit que la succession détient une créance d'un montant de 45 333,48 € à l'encontre de M. [M] [N] au titre du solde des deux prêts d'un montant de 49 000 € qui lui ont été consentis par [O] [Z] les 7 septembre et 22 octobre 2005,
-dit que M. [M] [N] doit rapport à la succession de la somme de 36 996 € au titre de dons manuels reçus de [O] [Z],
-débouté M. [M] [N] et Mme [A] [N] de leur demande d'indemnisation au titre du devoir de secours,
-débouté M. [M] [N] de sa demande de fixation d'une créance au titre des dépenses faites pour le compte de [O] [Z],
-rejeté toutes autres demandes,
-dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage,
-dit qu'ils seront supportés par les copartageants à proportion de leurs parts dans l'indivision,
-ordonné l'exécution provisoire.
Mme [A] [N] et M. [M] [N] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 juillet 2022 enrôlée sous le n° 22/12651 ; sur cette déclaration d'appel ne figurait pas l'indication des personnes intimées ; le 1er septembre 2022 était remise une seconde déclaration d'appel enrôlée sous le n° 22/15677 faisant mention de M. [M] [N] et Mme [A] [N] comme personnes intimées.
Mme [H] [N] et M. [G] [N], intimés, ont constitué avocat le 22 septembre 2022.
Dans les deux instances enrôlées, les appelants ont remis le 5 octobre 2022 leurs premières conclusions au fond au greffe et les ont notifiées le même jour.
Par ordonnance du 11 octobre 2022, la jonction du dossier n°RG 22/15677 au dossier n°RG 22/12651 a été ordonnée.
L'incident qui avait été élevé du fait de l'absence d'indication du nom des intimés sur la première déclaration d'appel s'est achevé par une ordonnance rendue le 10 octobre 2023, par le conseiller de la mise en état et qui a déclaré l'appel recevable.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 18 janvier 2024, M. [M] [N] et Mme [A] [N], appelants, demandent à la cour de :
-déclarer recevables et bienfondés M. [M] [N] et Mme [A] [N] en leur appel,
-débouter M. [G] [N] et Mme [H] [N] de leurs demandes plus amples et contraires,
in limine litis,
- juger irrecevable l'appel incident formé par les intimés dans leurs conclusions signifiées le 16 janvier 2024 relativement à la prescription,
ce faisant,
-confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil en date du 29 mars 2022 en ce qu'il a :
*ordonné le partage judiciaire de la succession de [O] [Z],
*désigné, pour y proce'der, Me [X] [W] [S],
*dit que la pre'sente de'cision lui sera communique'e par les soins du greffe,
*rappelé qu'aux termes de l'article R. 444-61 du code de commerce, le notaire doit e'tre, pre'alablement a' la signature de l'acte, inte'gralement provisionne' du montant de ses e'moluments, des frais et des de'bours et qu'a' de'faut, il ne peut commencer sa mission,
*fixé en conse'quence la provision a' valoir sur ces e'moluments, frais et de'bours a' la somme de 3 000 € qui lui sera verse'e par parts viriles par chacune des parties,
*commis tout juge de la première chambre pour surveiller ces ope'rations,
*rappelé que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles a' l'accomplissement de sa mission,
*rappele' que le notaire commis pourra s'adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou, a' de'faut, de'signe' par le juge commis,
*rappelé que le notaire commis peut sans autorisation judiciaire, si ne'cessaire, interroger les fichiers FICOBA pour retrouver les coordonne'es de tous les comptes bancaires, me'mes joints, ouvertes par la de'funte,
*rappelé que le notaire commis devra dresser un projet de partage dans le de'lai d'un an a' compter de sa de'signation,
*rappele' qu'a' de'faut pour les parties de signer cet e'tat liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe de la 1ère chambre un procès-verbal de dires et son projet d'e'tat liquidatif,
*de'bouté M. [G] [N] et Mme [H] [N] de leur demande de qualification des pre'ts en libe'ralite's,
*rejeté en conse'quence la demande de rapport,
*de'clare' prescrite la demande de fixation d'une cre'ance de la succession de [O] [Z] envers M. [M] [N] au titre des prêts d'un montant total de 49 000 € qui lui ont e'te' consentis par [C] [N] le 7 septembre et le 22 octobre 2005,
*ordonne' l'exe'cution provisoire,
-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil en date du 29 mars 2022 en ce qu'il a :
*dit que la succession de'tient une cre'ance d'un montant de 45 333,48 € a' l'encontre de M. [M] [N] au titre du solde des deux pre'ts d'un montant total de 49 000 € qui lui ont e'te' consentis par [O] [Z] le 7 septembre et le 22 octobre 2005,
*dit que M. [M] [N] doit rapport a' la succession de la somme de 36 996 € au titre de dons manuels rec'us de [O] [Z],
*de'boute' M. [M] [N] et Mme [A] [N] de leur demande d'indemnisation au titre du devoir de secours,
*de'boute' M. [M] [N] de sa demande de fixation d'une cre'ance au titre des de'penses faites pour le compte de [O] [Z],
statuant à nouveau de ces chefs,
sur le remboursement des prêts à [O] [Z],
à titre principal,
-juger que M. [M] [N] a remboursé l'intégralité du prêt consenti par [O] [Z],
à titre subsidiaire,
-juger que M. [M] [N] dispose d'une créance d'un montant de 50 910,06 € contre la succession de [O] [Z],
sur les dons manuels,
à titre principal,
-juger que l'intention libérale de la défunte n'est pas rapportée et qu'en conséquence aucune libéralité au profit de M. [M] [N] n'est caractérisée,
à titre subsidiaire,
-juger que les chèques établis au profit de M. [M] [N] pour un montant de 36 996 € correspondent au remboursement des frais avancés par lui au profit de sa mère,
à titre infiniment subsidiaire,
-juger que M. [M] [N] détient contre la succession de sa mère une créance d'un montant de 36 996 € au titre des frais payés par ses soins au profit de la défunte,
sur la créance d'assistance,
-fixer l'indemnité d'assistance due à Mme [A] [N] à la somme de 115 500 €,
-ordonner l'inscription de la créance de Mme [A] [N] au passif de la succession,
-fixer l'indemnité d'assistance due à M. [M] [N] à la somme de 55 440 €,
-ordonner l'inscription de la créance de M. [M] [N] au passif de la succession,
en toutes hypothèses,
-confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
-condamner solidairement M. [G] [N] et Mme [H] [N] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner solidairement M. [G] [T] et Mme [H] [N] aux entiers dépens de la présente instance au titre de l'article 699 du code du code de procédure civile, avec faculté de distraction au profit de la SELARL Casey Avocats, avocat au barreau de Paris.
Les intimés ont remis leurs premières conclusions d'intimés le 4 janvier 2023 par lesquelles ils ont formé un appel incident.
Aux termes des dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2024, M. [G] [N] et Mme [H] [N], intimés, demandent à la cour de :
-déclarer Mme [H] [N] et M. [G] [N] recevables en leurs demandes tant en la forme qu'au fond,
-confirmer le jugement en ce qu'il ordonne l'ouverture des opérations de partage de la succession de [O] [N], décédée le [Date décès 4] 2018,
en ce qu'il nomme Me [X] [W] [S], dont le domicilie professionnel est sis au [Adresse 15] à [Localité 28], pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [O] [Z], épouse [N],
-confirmer le jugement en ce qu'il désigne tel juge du siège qu'il plaira au tribunal de désigner, pour surveiller lesdites opérations et faire rapport sur l'homologation de la liquidation, s'il y a lieu,
-dire en application des dispositions de l'article 969 de l'ancien code de procédure civile, que si, dans le cours des opérations, le juge ou le notaire est empêché, le président du tribunal prévoira son remplacement par une ordonnance sur requête,
-constater le désaccord entre les héritiers concernant l'évaluation et le devenir des biens composant l'actif de la succession de [O] [N],
-en conséquence, ordonner la sortie de l'indivision des requérants au sens des dispositions de l'article 815 du code civil,
à titre principal,
-infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil et juger, que le prêt familial consenti par [C] [N] et [O] [N] à leur fils, M. [M] [N], est une donation indirecte,
-en conséquence, ordonner le rapport de la libéralité perçue par celui-ci, avec réévaluation au jour du partage, en prenant en compte son utilisation dans l'acquisition immobilière par M. [M] [N], du bien sis [Adresse 5]), avec toutes les conséquences de droit qui s'y rattachent,
à titre subsidiaire,
-infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil sur la prescription quinquennale du prêt consenti par [C] [N] et condamner M. [M] [N] à régler à la succession la somme de 95 833,48 € en vertu du prêt familial, non remboursé à ce jour, accordé par ses parents [C] [N] et [O] [N],
en tout état de cause,
-ordonner le rapport de toutes les libéralités consenties,
-confirmer le jugement en ce qu'il condamne M. [M] [N] à rapporter à la succession l'ensemble des dons manuels qu'il a perçus à hauteur de 36 996 €,
-à défaut, juger que la succession [O] [N] dispose d'une créance sur M. [M] [N] d'un montant de 36 996 € et condamner M. [M] [N] à son remboursement,
-débouter M. [M] [N] et Mme Mme [A] [N] de l'intégralité de leurs demandes,
-condamner M. [M] [N] et Mme Mme [A] [N] à la présente action au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-les condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Charles Cazals,
-ordonner l'exécution de la décision à intervenir.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024.
L'affaire a été appelée à l'audience du 14 février 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
In limine litis, les appelants soulèvent l'irrecevabilité d'une partie de l'appel incident formé par les intimés ; or, le chef du jugement sur lequel porte cet appel incident, a statué sur une demande présentée à titre subsidiaire par les intimés ; en conséquence, sera d'abord examinée la demande principale formée par les intimés demandeurs initiaux à l'action et ensuite le cas échéant, si cette demande principale est rejetée, il sera statué sur l'irrecevabilité partielle de l'appel incident soulevée par les appelants.
A ce stade, il convient de rappeler que les intimés forment à titre principal une demande de rapport de donations, laquelle demande implique la requalification en donations indirectes des prêts consentis à M. [M] [N] ; pour le cas où cette qualification ne serait pas retenue, à titre subsidiaire, les intimés présentent une demande en remboursement de ces prêts.
Sur la demande de rapport des donations dont a été gratifié M. [M] [N]
Les intimés prétendent que sous le couvert de prêts, ont en fait été consenties à M. [M] [N] des libéralités.
L'article 843 du code civil dispose que « tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale. Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant. ».
En application de cet article, une donation consentie sous le couvert d'un prêt est rapportable à la succession.
Les intimés font valoir que :
-a été prêtée la somme totale de 99 500 € et que cette somme a fait l'objet de trois prélèvements sur le compte joint de [C] [N] et [O] [Z] veuve [N] vers celui de M. [M] [N] ,
-M. [M] [N] en dépit de nombreuses demandes n'a pas produit les éléments relatifs au remboursement dont il se prévaut,
-en l'absence de remboursement d'un prêt familial, il convient de requalifier ce prêt en donation indirecte,
-l'intention libérale se déduit de l'absence de remboursement par l'intéressé : M. [M] [N] et de la passivité des époux [N]/[Z] qui n'ont jamais demandé le remboursement du prêt,
-le lien de parenté liant les parties et l'absence de stipulation d'intérêts concourent à démontrer l'intention libérale,
-grâce à cette donation indirecte, M. [M] [N] a pu procéder à l'acquisition d'un bien immobilier.
Il est produit deux avis des opérations bancaires émanant de la banque [21] auprès de laquelle [C] [N] et [O] [Z] veuve [N] avaient ouvert un compte-joint, l'un en date du 7 septembre 2005 faisant mention qu'à cette même date la somme de 93 000 € a été débitée par virement, et l'autre du 22 octobre 2005 faisant mention du retrait de la somme de 5 000 €. M. [M] [N] ne conteste pas avoir été le bénéficiaire de ces deux sommes.
Ces mentions manuscrites apposées respectivement sur ces deux avis dont il n'est pas contesté qu'elles émanent de [C] [N] et qui ont été régulièrement traduites contiennent les libellés suivants :
1/« pour les prêter à [26], lorsqu'il a fait le compromis »
2/ « pour les prêter à [M], ils en ont eu besoin pour les peintres »,
Au vu de ces mentions qui se réfèrent à deux reprises à un prêt et qui sont dénuées d'ambiguïté, le tribunal a, à juste titre, considéré qu'elles établissaient l'existence incontestable de prêts.
Alors que ces mentions manuscrites renseignent sur la nature juridique des transferts d'argent qui se sont opérés du compte bancaire des époux [N]/[Z] vers celui de leur fils [M], il ne peut être déduit de l'absence de réclamation de leur part pendant plus de cinq ans s'agissant de [C] [N] et plus de douze ans s'agissant de [C] [N] que ces derniers ont entendu opérer une novation de ces prêts en donations, en l'absence de tous autres éléments de nature à démontrer l'existence d'une remise de dettes. Il est rappelé que tant l'intention libérale que la novation ne se présument pas.
Par ailleurs, le lien de filiation liant M. [M] [N] aux époux [N]/[Z] est de nature à expliquer que ces prêts n'aient pas été assortis d'intérêts sans pour autant emporter la qualification en donation qui aux termes de l'article 894 du code civil est l'acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte, tandis que le prêt implique une obligation de restitution même si aux termes de l'article 1876 de ce code, il peut être gratuit.
La somme de 98 000 € n'ayant donc pas fait l'objet de libéralité par les feux époux [N]/[Z] à M. [M] [N], cette somme ne saurait donner lieu en application de l'article 843 du code civil au rapport de libéralités.
Par ailleurs, au vu de la mention manuscrite figurant sur l'avis de virement de la somme de 1 500 € en date du 18 juin 2005 : « Pour [D] pour la terrasse, je ne lui ai pas donné car [D] était en vacances et c'est [M] qui a géré » qui évoque plus un mandat confié à [M] en vue de la réalisation d'une prestation devant être exécutée par un dénommé [D] dont les parties s'accordent pour considérer que ce dernier était un maçon que connaissaient les époux [N]/[Z], le tribunal, à juste titre, a retenu que M. [M] [N] n'apparaissait pas le destinataire de cette somme.
Partant pour les motifs qui précèdent qui complètent ceux retenus par les premiers juges, sont confirmés les chefs du jugement ayant débouté M. [G] [N] et Mme [H] [N] de leur demande de voir requalifier en libéralité les prêts consentis à M. [M] [N] ; en conséquence, est rejetée leur demande de rapport fondée sur l'article 843 du code civil.
***
La demande en requalification des prêts en donation étant rejetée, il convient de statuer sur l'irrecevabilité de l'appel incident soulevée par les appelants en ce que cet appel porte sur le chef du jugement ayant déclaré partiellement prescrite la demande subsidiaire de M. [G] [N] et Mme [H] [N] au titre du remboursement des prêts consentis à M. [M] [N].
Sur la recevabilité de l'appel incident en ce qu'il porte sur le chef du jugement ayant déclaré partiellement prescrite la demande subsidiaire de M. [G] [N] et Mme [H] [N] au titre du remboursement du prêt ou des prêts consentis à M. [M] [N]
Aux termes de l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
Les appelants soulèvent l'irrecevabilité de l'appel incident portant sur le chef du jugement ayant déclaré partiellement prescrite la demande subsidiaire de M. [G] [N] et Mme [H] [N] en remboursement des prêts en faisant valoir que cet appel incident a été formé par le deuxième jeu de conclusions adressé à la cour et remis le 16 janvier 2024 après l'expiration du délai imparti par l'article 909 du code de procédure civile pour former appel incident.
L'article 914 du code de procédure civile dispose que : « les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
' prononcer la caducité de l'appel ;
' déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;
' déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
' déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.
Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal. ».
Du fait de la compétence exclusive que confère cet article au conseiller de la mise en état pour statuer sur l'irrecevabilité de l'appel, est déclarée irrecevable l'irrecevabilité soulevée par M. [M] [N] et Mme [A] [N] de l'appel incident portant sur le chef du jugement ayant déclaré partiellement prescrite la demande de M. [G] [N] et Mme [H] [N] en remboursement des prêts consentis les 7 septembre et 22 octobre 2005.
L'article 914 du code de procédure civile réserve à la cour la possibilité de relever d'office la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ; de surcroît, aux termes de l'article 125 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de l'appel tenant à l'inobservation des délais pour l'exercer est d'ordre public et doit être relevée d'office.
En l'espèce, l'irrecevabilité partielle de l'appel incident ayant été mise dans le débat par les appelants, il n'y a pas lieu de susciter les observations des parties sur celle-ci à l'occasion de ce relevé d'office.
Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 applicable au présent litige : « l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. ».
Depuis ce décret, hors le cas de l'annulation du jugement ou d'invisibilité du litige, il n'existe plus d'appel total ; l'acte d'appel qui seul opère l'effet dévolutif doit donc viser expressément les chefs du jugement dont l'infirmation est demandée.
L'appel incident étant formé en application de l'article 551 du code de procédure civile de la même manière que le sont les demandes incidentes, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire, les conclusions de l'intimé constituent l'acte de l'appel incident.
Il résulte de la combinaison de ces articles que l'appel incident doit être formé par les conclusions de l'intimé remises dans le délai imparti à l'article 909 du code de procédure civile ; ces conclusions doivent donc viser expressément les chefs du jugement sur lesquels l'intimé entend faire porter son t appel incident.
En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour statue sur le seul dispositif des conclusions.
Les conclusions d'intimés remises le 4 janvier 2023 par M. [G] [N] et Mme [H] [N] dans le délai imparti par l'article 909, contiennent certes une demande d'infirmation mais ne visent pas le chef du jugement ayant déclaré partiellement prescrite leur demande subsidiaire en remboursement du ou des prêts.
Leur demande subsidiaire au fond tendant à condamner M. [M] [N] à régler à la succession la somme de 95 833,48 €, outre qu'elle constitue une prétention et ne vise pas un chef du jugement, ne saurait inclure l'infirmation du chef du jugement les ayant déclarés partiellement irrecevables puisqu'en application de l'article 122 du code de procédure civile, la fin de non recevoir qui est un défaut de droit d'agir ne saurait dépendre d'une prétention au fond.
L'appel incident portant sur le chef du jugement ayant déclaré partiellement prescrite la demande subsidiaire de M. [G] et Mme [H] [N] en remboursement des prêts consentis à M. [M] [N], a été formé par les conclusions remises par les intimés le 16 janvier 2024, soit après l'expiration du délai imparti par l'article 909 du code de procédure civile.
Partant, cet appel incident en ce qu'il porte sur ce chef du jugement est irrecevable.
Sur la demande en remboursement
Comme il vient d'être vu, M. [G] [N] et Mme [H] [N] ne sont pas fondés à demander le rapport de la somme de 99 500 € au titre des libéralités consenties par les défunts, en tant qu'héritiers de [C] [N] et de [O] [Z] veuve [N]. En revanche, leur a été ouverte l'action en remboursement dont disposaient leurs auteurs au titre des deux prêts consentis respectivement les 7 septembre et 22 octobre 2005 portant sur la somme globale de 98 000 €, ayant été précédemment retenu que la preuve d'une donation ou d'un prêt sur la somme complémentaire de 1 500 € n'était pas rapportée.
Le total des sommes prêtées provenait du compte joint des époux [N]/[Z] dont le régime matrimonial depuis la loi italienne du 15 mai 1975 était la communauté d'acquêts ; ce sont donc des deniers réputés communs qui ont été prêtés à M. [M] [N] par les époux [N]/[Z] qui sont devenus titulaires d'une créance de remboursement de la somme prêtée. A la mort de [C] [N], la communauté étant dissoute, s'est substituée une indivision post-communautaire entre la succession de ce dernier d'une part et [O] [Z] veuve [N] d'autre part, les droits de ces deux entités étant égaux. La succession de [C] [N] s'est donc trouvée titulaire d'une créance théorique représentant la moitié du total de la somme prêtée et [O] [Z] veuve [N] de la créance de l'autre moitié et qui s'élève donc à hauteur de 49 000 €.
L'appel incident sur le chef du jugement ayant déclaré partiellement prescrite la demande des intimés au titre de la créance de remboursement de [C] [N] étant irrecevable, M. [G] [N] et Mme [H] [N] sont donc seulement recevables à agir au titre de la créance de remboursement de feue leur mère.
Les intimés n'ont pas formé appel incident sur les chefs du jugement qui ont retenu que M. [M] [N] avait par des dépenses ou des achats effectués pour le compte de ses parents, procédé à quelques remboursements à hauteur de 3 666,52 € devant venir en déduction de la créance de remboursement de [O] [Z] veuve [N] d'un montant de 49 000 € (49 000 € - 3 666,52 € = 45 333,48 €). Cette somme de 3 666,52 € comporte à hauteur de 1 500 € le coût d'une intervention chirurgicale subie par [O] [Z] veuve [N], le surplus à hauteur de 418,52 €, 799 € et 949 € correspond à l'achat d'un téléviseur, d'une machine à laver et aux frais de restaurant engagés pour fêter l'anniversaire de mariage des époux [N]/[Z] ; M. [M] [N] et Mme [A] [N] ont formé appel principal du chef du jugement ayant dit que la succession détient une créance de 45 333,48 € sur M. [M] [N] ; tant leur prétention principale tendant à voir dire que M. [M] [N] a remboursé l'intégralité du prêt consenti par [O] [Z] veuve [N] que leur prétention subsidiaire tendant à voir dire que M. [M] [N] détient une créance de 50 910,06 € intègrent ces différents postes ainsi qu'il résulte du tableau récapitulant ces postes figurant pages 19 et 20 de de leurs conclusions.
Il s'en suit que les chefs du jugement qui aboutissent à ce que soit soustraite de la créance de remboursement de [O] [Z] veuve [N] la somme totale de 3 666,52 € n'ont pas été dévolus par l'appel principal, ni par l'appel incident, à la cour de sorte qu'elle ne statuera donc pas à nouveau sur ces chefs.
Le tribunal en faisant droit à hauteur de la somme de 45 333,48 € à la demande de M. [G] [N] et Mme [H] [N] au titre de la créance de remboursement de [O] [Z] veuve [N], a rejeté le moyen défendu par les appelants selon lequel la somme prêtée a été intégralement remboursée.
Les appelants qui ne contestent pas l'existence des prêts de sommes d'argent pour un montant total de 98 000 € par le biais de deux virement en date des 7 septembre et 22 octobre 2005, soutiennent que M. [M] [N] s'est entièrement acquitté du remboursement de cette somme, de façon en partie informelle, en effectuant pour le compte de ses parents de nombreuses dépenses, faisant référence à une pratique familiale connue de tous dont il n' a pas été le seul bénéficiaire ; ils expliquent le prêt de la somme de 98 000 € à M. [M] [N] par le fait que leurs parents ayant vendu leur maison sise à [Localité 24], [Adresse 14] , ils ont pu dégager des liquidités et qu'en raison de l'aide financière et en travaux précédemment apportée par leur fils, ils ont entendu l'aider en retour ; ils indiquent que l'aide apportée par [26] s'est notamment matérialisée par un virement de 14 500 € en date du 22 mars 2004 et par la remise d'un chèque d'un montant de 5 700 € qui a été encaissé le 23 juin 2004 destiné à contribuer au financement de la cuisine des époux [N]/[Z]. Ils font valoir que les sommes ainsi avancées antérieurement à 2005 par [M] doivent se compenser avec celles qui lui ont été prêtées et que dès lors « il convient de les prendre en compte dans le cadre des remboursements anticipés des futurs prêts octroyés ». Ils ajoutent que M. [M] [N] a également pris en charge des dépenses de la vie courante dont hélas celles de faibles montants n'ont pas donné lieu à des justificatifs ou à la conservation de ceux-ci. Ils font également état de chèques tirés par [O] [Z] veuve [N] sur son compte bancaire et remis à M. [M] [N] que ce dernier n'a pas encaissés.
***
Le mouvement de sommes d'argent entre deux comptes ne suffit pas à rapporter la preuve de l'obligation en vertu de laquelle ce mouvement a été opéré. Il est ainsi habituellement retenu que l'opération au débit du compte d'une personne et l'opération correspondante au crédit du compte d'une autre personne, fussent-elles établies, ne suffisent pas à rapporter la preuve d'une donation, faute de démontrer l'intention libérale. En l'espèce, ce sont les mentions manuscrites apposées par [C] [N] figurant sur les deux avis d'opération bancaire faisant chacune expressément référence à l'existence d'un prêt consenti à [M] qui ont justifié la qualification de prêt retenue par le tribunal et la cour et non les mouvements de compte à compte.
Les appelants produisent l'ordre de virement adressé à la banque (La Banque [25]) en date du 22 mars 2004 de la somme de 14 500 € sur le compte de M. et Mme [C] [N].
Sur le relevé du compte de M. [M] [N] et de son épouse ouvert à la Banque [25] également mis aux débats figure à la date du 25 mars 2004 une opération au débit intitulé « virement M. Mme [N]» du montant de la somme de 14 500 €.
Ces deux pièces suffisent à établir l'existence d'un virement du compte joint de M. [M] [N] et de son épouse sur le compte joint des époux [N]/[Z]. Pour autant, ce mouvement de fonds ne fait pas la preuve de l'obligation en vertu duquel il a été effectué. Sur ce point, les appelants se contentent d'indiquer que « M. [M] [N] a assumé pour ses parents d'importantes dépenses » (cf page 16 de ses conclusions).
De même, les appelants soutiennent que M. [M] [N] a partiellement financé l'achat et l'installation d'une cuisine équipée auprès des établissements [J] pour un montant de 5 700 €. Sous leur pièce 17, ils produisent une facture en date du 30 juin 2004 émanant des établissement [22] libellée au nom des défunts et faisant mention de leur adresse à [Localité 24], [Adresse 14], d'un montant de 19 000 € ainsi que leur relevé de compte portant une écriture au débit d'un montant de 5 700 € sur laquelle est apposée une mention manuscrite « parents ». Ces deux pièces, outre qu'elles sont insuffisantes à établir avec certitude l'existence d'un versement du compte de M. [M] [N] vers celui de ses parents, n'établissent pas la nature de l'obligation sous-tendue par l'opération débitrice de son compte bancaire.
Ainsi non seulement comme l'avaient souligné les premiers juges, il ne peut être retenu l'existence de remboursement antérieurs à la remise de la somme prêtée, mais encore, le moyen tiré de la compensation invoqué par les appelants devant la cour ne saurait utilement prospérer faute pour eux de rapporter la preuve de l'obligation dont M. [M] [N] se prétend créancier.
Cependant, le tribunal n'a pas pour autant écarté le moyen tenant au remboursement de la somme prêtée par des dépenses effectuées par M. [M] [N]. Il a ainsi été tenu compte du mode de fonctionnement familial ou « modus operandi » selon l'expression latine utilisée par les appelants, le jugement ayant ainsi comme il vient d'être vu, déduit la somme de 3 666,52 € de la créance de remboursement de [O] [Z] veuve [N], tout en subordonnant cette prise en compte à la preuve que la dépense a été effectuée dans l'intérêt des époux S/C et après la décès de [C] [N], de [O] [Z] veuve [N] et a été supportée par M. [M] [N].
C'est à juste titre que les premiers juges n'ont pas tenu compte des frais d'obsèques de [C] [N], eussent-ils été supportés par M. [M] [N] comme tendent à l'établir les factures des Pompes Funèbres et du marbrier et les opérations correspondantes inscrites au débit du compte bancaire de ce dernier ; en effet, si celui-ci paraît à même de pouvoir se prévaloir d'une créance à l'égard de la succession de [C] [N] et donc de ses co-héritiers, il ne peut valablement prétendre que ces frais d'obsèques et de sépultures ont été payés en remboursement de la somme prêtée par ses auteurs et dont il reste redevable à l'égard de sa mère.
Pour les mêmes motifs que précédemment développés, l'encaissement par [O] [Z] veuve [N] d'un chèque tiré sur le compte bancaire de M. [M] [N] d'un montant de 3 000 € ne fait pas la preuve de l'obligation qu'il sous-tend à défaut d'autres éléments du dossier. Il ne peut donc être retenu que par la remise de ce chèque, M. [M] [N] a procédé à un remboursement partiel de la somme prêtée.
En revanche les pièces produites ci-après :
-le relevé de la taxe foncière de 2009 sur lequel le coût des ordures ménagères et les frais de gestion de la fiscalité directe s'élèvent à hauteur de 381 €,
-la copie d'un chèque de ce même montant tiré du compte bancaire de M. [M] [N] et de son épouse en date du 14 octobre 2009 à l'ordre du Trésor Public, les justificatifs postaux d'envoi d'un courrier à la trésorerie de [Localité 30] au nom de [O] [Z] veuve [N],
-le relevé du compte bancaire de M. [M] [N] et de son épouse sur lequel figure au débit la somme de 381 € reprenant le numéro du chèque,
sont de nature à établir que M. [M] [N] a payé pour le compte de sa mère la somme de 381 € au titre de la taxe foncière.
La moitié de cette somme, soit 190,50 € doit donc être déduite de la créance de remboursement de [O] [Z] veuve [N].
Comme il a été dit, il n'y a pas lieu de statuer à nouveau sur les dépenses afférentes à l'achat d'un téléviseur, d'une machine à laver la vaisselle, aux frais de restaurant relatif à l'anniversaire de mariage des époux [N]/[Z], et à l'intervention chirurgicale subie par M. [M] [N].
Les appelants critiquent le jugement qui n'a pas pris en compte les chèques tirés sur le compte bancaire de [O] [Z] veuve [N] comportant comme seul libellé de bénéficiaire « [20] » et qui n'ont pas été encaissés.
Il est ainsi versé aux débats la copie de quatorze chèques tirés par [O] [Z] Veuve [N] sur son compte bancaire personnel ouvert à la [19] ou la [18] entre le 6 avril 2009 et le 19 janvier 2015 dont les montants cumulés s'élèvent à 5 777 €.
Le seul mouvement d'une somme d'argent au crédit ou débit d'un compte bancaire ne faisant pas la preuve de l'obligation qu'il sous-tend, il en va de plus fort de chèques qui n'ont pas été encaissés.
Partant, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à la somme de 45 333,48 € le montant de la créance de [O] [Z] veuve [N] et désormais de sa succession au titre du solde de la somme prêtée à M. [M] [N] ; du fait de la prise en compte du règlement par M. [M] [N] d'une partie de la taxe foncière 2009 à hauteur de 190,50 €, la créance de la succession de [O] [Z] Veuve [N] sur M. [M] [N] est fixée à la somme de 45 142,98 €.
Sur les dons manuels
M. [G] [N] et Mme [H] [N] qui invoquent l'existence de dons manuels consentis par [O] [Z] veuve [N] à [M] par le biais de remises de chèques encaissés par M. [M] [N], ont demandé le rapport par ce dernier à la succession du montant de ces chèques.
Le jugement a fait partiellement droit à leur demande alors présentée à hauteur de 59 714 €, en ordonnant à M. [M] [N] de rapporter la somme de 36 996 €, ayant considéré que seuls les chèques libellés à ses nom et prénom et non pas à l'ordre de « [20] » sans autre précision, pouvaient être considérés comme opérant un don manuel. Pour qualifier la remise de ces sommes de dons manuels, le tribunal a considéré que la preuve n'était pas rapportée que ces chèques correspondaient au remboursement de dépenses faites par M. [M] [N] pour le compte de [O] [Z] veuve [N].
Les appelants soutiennent que ces chèques constituent des remboursements de dépenses en espèce effectuées par M. [M] [N] pour le compte de sa mère et en veulent pour preuve la concomitance des dates des retraits d'espèce et les chèques litigieux. Ils invoquent comme dépenses récurrentes les sommes versées à l'auxiliaire de vie ; ils critiquent le jugement en ce qu'il n'a pas caractérisé l'intention libérale et font remarquer que les montants de ces chèques pour des chiffres non ronds corroborent qu'il ne correspondent pas à des dons manuels. Ils ajoutent que M. [G] [N] qui avait procuration sur le compte bancaire de sa mère avait connaissance des débits opérés par chèques et ne s'en était jamais inquiété du vivant de [O] [Z].
Les intimés qui demandent la confirmation du chef du jugement sur le montant de la somme rapportable au titre de ces dons manuels font valoir que le montant des dépenses invoquées par les appelants n'est pas crédible pour une personne veuve âgée de 80 ans et pointant l'absence de tout élément de preuve versé aux débats par les appelants, ils contestent que les chèques remis à M. [M] [N] aient servi à le rembourser du règlement par ce dernier des salaires d'une auxiliaire de vie employée pour s'occuper de [O] [Z] veuve [N].
***
Il résulte de l'article 843 du code civil texte que les dons manuels sont rapportables, lesquels peuvent s'opérer par le truchement la remise de chèques et leurs encaissements par son bénéficiaire.
Il ne peut toutefois être déduit de la seule remise d'un chèque, simple moyen de paiement et de son encaissement qui n'établissent par eux-même que l'existence d'un transfert d'argent, l'existence d'une libéralité, laquelle ne se présume pas. Or, l'article 843 précité ne porte que sur le rapport des donations.
Certes, l'existence d'un lien de filiation et une proximité affective peuvent laisser supposer une intention libérale.
Pour autant, il ne résulte pas des éléments du dossier que [O] [Z] veuve [N] ait marqué une préférence particulière pour M. [M] [N] et qu'elle ait voulu spécialement le gratifier ; ainsi, les sommes qui lui ont été remises pour l'aider à financer l'acquisition qu'il a faite d'un bien immobilier lui ont été prêtées et non pas données.
Les montants des chèques suspectés d'avoir été l'instrument de dons manuels ne portent pas sur des chiffres ronds, allant même jusqu'à comprendre des centimes; ces montants correspondent ainsi davantage à des remboursements de dépenses qu'à des dons manuels qui par leur caractère libéral présentent aussi une valeur symbolique qui se traduit le plus souvent au travers de leur montant.
En l'espèce il résulte des mails échangés entre les enfants alors que leur mère était en fin de vie, qu'a été embauchée à temps plein une auxiliaire de vie dénommée [V], laquelle n'était pas déclarée ; parallèlement une autre personne dénommée [P] était amenée à s'occuper de [O] [Z] veuve [N]. Sur le mail du 30 janvier 2015 adressé par M. [M] [N] à sa s'ur [H], il est précisé que le salaire de l'auxiliaire de vie s'élèvera à la somme de 1 000 € par mois et que celle-ci ne sera pas déclarée.
Si les appelants ne versent pas de fiches de paye, il en est de même de la part des intimés qui ne contestent pas que ces deux personnes ont été employées pour prendre soin de leur mère, étant relevé que M. [G] [N] qui avait procuration sur les comptes bancaires de la défunte ne produit aucune pièce pour justifier du règlement des salaires de ces auxiliaires de vie.
Ce dernier n'a d'ailleurs du vivant de leur mère émis aucune contestation suite à l'encaissement par son frère des chèques émis par leur mère alors que du fait de sa procuration, l'encaissement de ces chèque a eu lieu au vu et su de celui-ci. Cette absence de réaction de la part des intimés qui soutiennent avoir eu des relations très fréquentes et étroites avec leur mère pour venir notamment régulièrement à son domicile, marque ainsi leur connaissance et leur assentiment à l'encaissement par M. [M] [N] des chèques remis par leur mère afin de le dédommager des dépenses effectuées par celui-ci pour le compte de leur mère.
L'existence d'une intention libérale de [O] [Z] veuve [N] ayant présidé à la remise par cette dernière à M. [M] [N] de ces chèques et des fonds correspondants n'étant pas rapportée, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le rapport à la succession de la somme de 36 996 €, M. [G] [N] et Mme [H] [N] se voient déboutés de leur demande à ce titre.
Demande de M. [M] [N] et Mme [A] [N] fondée sur la théorie d'un enrichissement sans cause
Le jugement a débouté M. [M] [N] et Mme [A] [N] de leur demandes respectives de créances portant sur les montants de 50 910,05 € pour le premier et de 115 500 € pour la seconde, fondées sur la théorie de l'enrichissement sans cause au titre de l'aide et de l'assistance qu'ils prétendent avoir apportées pendant les sept dernières années de vie de [O] [Z] veuve [N] et qui selon eux ont excédé les exigences de la piété filiale.
Pour se déterminer ainsi, le tribunal a considéré qu'une assistante familiale de grande qualité a entouré [O] [Z] veuve [N] pendant les sept années précédant son décès, que chacun des enfants a, par ailleurs, pris sa part de façon volontaire et non nécessaire puisqu'une présence à demeure avait été mise en place 24h/24, outre la venue quotidienne de professionnels de santé d'une part et qu'il n'était pas démontré que la succession aurait réalisé une économie en permettant à la défunte de rester chez elle, faute d'éléments probants pour le juger, tant des dépenses supportées que celles évitées d'autre part.
Devant la cour, les appelants qui rappellent qu'une assistante de vie avait été effectivement engagée à temps plein, font valoir que l'état de [O] [Z] veuve [N] nécessitait une assistance 24 heures sur 24 que cet emploi même à temps plein ne permettait pas de couvrir totalement ; ainsi cette assistante de vie ne travaillait pas le week-end, ni le soir, ni les jours fériés. Ils précisent qu'ils assuraient également les tâches administratives, comptables, médicales et ménagères qui ne pouvaient pas être déléguées à l'auxiliaire de vie, que leur investissement personnel a évité d'avoir à recruter une seconde assistante de vie et qu'ainsi Mme [A] [N] dormait trois jours par semaine (du lundi soir au jeudi matin) au domicile de [O] [Z] veuve [N] et que M. [M] [N] était auprès de cette dernière le samedi et le dimanche matin, que Mme [A] [N] hébergeait [O] [Z] veuve [N] chez elle à [B] pendant les petites vacances scolaires ou pendant l'été lorsque ses frères et s'ur étaient en congé.
Il résulte de ces seules indications qu'en dehors des périodes de congés une personne autre que Mme [A] [N] assurait certaines des nuits puisque celle-ci n'en assurait que trois pendant la semaine du lundi au jeudi matin. Il n'échappe pas à la cour que le domicile de Mme [A] [N] à [B] était éloigné de son lieu de travail et que le fait pour cette dernière de passer ces nuits au domicile de sa mère présentait aussi un côté pratique sur le plan des trajets professionnels.
[O] [Z] veuve [N] pouvait visiblement être transportée en voiture puisqu'elle faisait des séjours chez sa fille à [B] ; M. [M] [N] qui se plaint que sa fille âgée de trois ans au moment du décès de [C] [N] a profondément souffert de ne pas voir son père le week-end, aurait eu apparemment la possibilité de faire venir sa mère chez lui ; il reconnaît lui-même qu'il ne passait pas le déjeuner du dimanche et l'après-midi chez sa mère. Par ailleurs, cet investissement résulte aussi d'un choix personnel de sa part et donc du propre arbitrage qu'il a fait entre les membres de sa famille.
Sans nier l'investissement personnel de M. [M] [N] et Mme [A] [N] que montrent les attestations mises aux débats, il n'est pas contesté que ces derniers ont continué à occuper leurs propres emplois ; ils ne fournissent aucun élément pour caractériser la répercussion qu'aurait eu sur leur carrière et leur rémunération, cet investissement personnel. Par ailleurs, devant la cour, la démonstration n'est toujours pas faite des économies dont aurait profité la succession de [O] [Z] veuve [N] du fait que cette dernière n'a pas été hébergée dans une maison de retraite, étant rappelé qu'une auxiliaire de vie prénommée [V] avait été embauchée à temps plein, qu'il a été recouru à une autre assistante de vie prénommée [P] en complément et que le maintien de [O] [Z] veuve [N] à son domicile dans le bien acquis par elle et son époux générait aussi des frais.
La théorie de l'enrichissement sans cause désormais codifiée aux articles 1303 et suivants du code civil dans un développement intitulé l'enrichissement injustifié suppose l'existence d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui et donc une corrélation entre l'enrichissement et l'appauvrissement.
L'appauvrissement de M. [M] [N] et Mme [A] [N] et l'enrichissement corrélatif de la succession de [O] [Z] veuve [N] n'étant pas établis, le jugement est confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande reconventionnelle au titre de créances fondées sur l'enrichissement sans cause.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.
Au vu de la solution apportée au litige, les parties voient certaines de leurs demandes accueillies et y échouent partiellement. Les dépens d'appel seront donc employés en frais privilégiés de partage.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.
Vu la répartition des dépens, il n'y a pas lieu de faire application au profit de l'une ou l'autre des parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et dans les limites de l'appel,
Déclare irrecevable l'irrecevabilité partielle soulevée par M. [M] [N] et Mme [A] [N] de l'appel incident portant sur le chef du jugement ayant dit partiellement prescrite la demande de M. [G] [N] et Mme [H] [N] en remboursement des prêts consentis à M. [M] [N] les 7 septembre et 22 octobre 2005 ;
Par relevé d'office, déclare irrecevable l'appel incident en ce qu'il porte sur le chef du jugement ayant dit partiellement prescrite la demande subsidiaire présentée par M. [G] [N] et Mme [H] [N] en remboursement de ces prêts ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à la somme de 45 333,48 € le montant de la créance de la succession de [O] [Z] veuve [N] au titre du solde de la somme prêtée à M. [M] [N] ;
Statuant à nouveau de ce chef, fixe à 45 142,98 € le montant de la créance de la succession de [O] [Z] veuve [N] au titre du solde de la somme prêtée à M. [M] [N] ;
Infirme le jugement en ce qu'il ordonné à M. [M] [N] de rapporter à la succession de [O] [Z] veuve [N] la somme de 36 996 € ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute M. [G] [N] et Mme [H] [N] de leur demande de rapport par M. [M] [N] de la somme de 36 996 € au titre de dons manuels ;
Confirme le jugement pour le surplus de ses chefs dévolus à la cour ;
Y ajoutant,
Déboute M. [M] [N], Mme [A] [N], M. [G] [N] et Mme [H] [N] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens seront employés en frais de partage.
Le Greffier, Le Président,