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24/04/2024 | FRANCE | N°21/07180

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 24 avril 2024, 21/07180


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 24 AVRIL 2024



(n° 2024/ 90 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07180 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDPVT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris - RG n° 18/09467





APPELANT



Monsieur [H] [X]

[Adresse 4]

[

Localité 10]

né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 11]



représenté par Me Charlie DESCOINS, avocat au barreau de PARIS, toque : R099





INTIMÉS



Monsieur [N] , [H], [Y] [D]

Ch...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 24 AVRIL 2024

(n° 2024/ 90 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07180 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDPVT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris - RG n° 18/09467

APPELANT

Monsieur [H] [X]

[Adresse 4]

[Localité 10]

né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 11]

représenté par Me Charlie DESCOINS, avocat au barreau de PARIS, toque : R099

INTIMÉS

Monsieur [N] , [H], [Y] [D]

Chez Maitre Nathalie MULS BRUGNON

[Adresse 2]

[Localité 8]

né le [Date naissance 5] 1974 à [Localité 12]

représenté par Me Nathalie MULS-BRUGNON, avocat au barreau de PARIS

S.A. CNP ASSURANCES

[Adresse 6]

[Localité 9]

représentée par Me François COUILBAULT de la SELARL CABINET COUILBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1412

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme FAIVRE, Présidente de chambre

M. SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame POUPET

ARRÊT : Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Mme POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

[P] [C], née le [Date naissance 7] 1917, a souscrit, le 2 avril 2015, à l'âge de quatre-vint-dix-sept ans, un contrat d'assurance-vie «'Nuances 3D'» n° 656810238 20, par l'intermédiaire de la CAISSE D'ÉPARGNE, auprès de la SA CNP ASSURANCE, ci-après dénommée la CNP.

Elle a désigné comme bénéficiaire M. [N] [D], son petit-fils, à défaut Mme [T] [D], à défaut par parts égales [I] [D], [G] [D] et [A] [D].

[P] [C] a initialement versé une somme d'un montant brut de 100 euros. Puis, elle a versé, le 18 juillet 2015, une prime supplémentaire d'un montant brut de 5 000 euros et, le 4 décembre 2015, une prime supplémentaire d'un montant brut de 32 000 euros.

Le 18 juillet 2015, [P] [C] a également signé un avenant au contrat maintenant les bénéficiaires déjà désignés et y ajoutant « à défaut l'institut national de la santé et de la recherche médicale, à défaut mes héritiers ».

[P] [C] est décédée le [Date décès 3] 2018 en laissant à sa succession son fils, M. [H] [X] et sa fille Mme [M] [X] épouse [D].

Par acte d'huissier du 25 juillet 2018, M. [H] [X] a fait procéder à une saisie conservatoire entre les mains de la société CNP des sommes dont elle était redevable envers M. [N] [D] pour garantie du paiement de la somme de 42 000 euros.

Par acte d'huissier du 31 juillet 2018, il a dénoncé cette saisie conservatoire à M. [N] [D].

M. [X], considérant que les primes versées sur le contrat d'assurance-vie « Nuance 3D » étaient manifestement exagérées et qu'il était, en sa qualité d'héritier, en droit d'obtenir leur réintégration dans la succession, a, par actes d'huissier en date des 24 et 30 juillet 2018, fait assigner la société CNP et M. [N] [D] devant le tribunal de grande instance de Paris, à cette fin.

Par jugement du 16 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté M. [H] [X] de l'ensemble de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à dire que la société CNP ne pourra verser les capitaux au bénéficiaire, le cas échéant, que dans le respect des dispositions fiscales des articles 757 B I, 292 B II et 806 III du code général des impôts ;

- condamné M. [H] [X] à payer à M. [N] [D] la somme de 2 200 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné M. [H] [X] à payer à la société CNP la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné M. [H] [X] aux entiers dépens de l'instance ;

- dit que Maître Muls BRUGNON et Maître François COUILBAULT, avocats, pourront recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration électronique du 14 avril 2021, enregistrée au greffe le 20 avril suivant, M. [H] [X] a interjeté appel de ce jugement en mentionnant dans sa déclaration que l'appel tend à critiquer et infirmer le jugement entrepris en ses divers chefs expressément indiqués dans ladite déclaration.

Par conclusions d'appelant notifiées par voie électronique le 9 juin 2021, M. [H] [X] demande à la cour, au visa des articles L. 132-12 et suivants du code des assurances et 1130 et suivants du code civil, de :

- RECEVOIR M. [H] [X] en son appel et le déclarer bien fondé ;

- INFIRMER le jugement rendu le 16 mars 2021 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- VALIDER la saisie conservatoire du contrat d'assurance-vie entre les mains de la CNP;

- ANNULER ledit contrat pour vice du consentement et ordonner le versement du capital entre les mains du notaire ;

Subsidiairement, vu le caractère exagéré des primes versées par [P] [C] ;

- CONSTATER qu'elles portent atteinte à la réserve, dans leur globalité ;

En conséquence,

- DIRE ET JUGER que l'ensemble des primes sera rapporté à l'actif successoral et que la CNP sera tenue de verser entre les mains du notaire le capital sur simple présentation d'un certificat de non-appel de la décision à intervenir ;

- CONDAMNER M. [N] [D] au paiement d'une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions n° 1 notifiées par voie électronique le 16 août 2021, la SA CNP ASSURANCES demande à la cour de :

- rejeter la demande de nullité du contrat souscrit par [P] [C] auprès de CNP ;

- dire si les primes versées dans son contrat par [P] [C] sont ou non manifestement exagérées et dans l'affirmative indiquer quelle est la partie manifestement exagérée ;

- dire que CNP ne pourra verser les capitaux au bénéficiaire, le cas échéant, que dans le respect des dispositions fiscales des articles 757 B I, 292 B II et 806 III du code général des impôts ;

- rejeter toutes autres demandes dirigées contre CNP ;

- condamner toutes parties perdantes à verser à la CNP une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner toutes parties perdantes aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François COUILBAULT, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions d'intimé n° 1 notifiées par voie électronique le 9 septembre 2021, M. [N] [D] demande à la cour, au visa des articles L. 132-12 et suivants du code des assurances, de :

-DÉCLARER M. [H] [X] mal fondé en son appel ;

En conséquence,

- CONFIRMER le jugement rendu le 16 mars 2021 en toutes ses dispositions ;

- REJETER la demande de nullité du contrat souscrit par [P] [C] le 2 avril 2015 ;

- REJETER la demande de rapport des primes versées par [P] [C] à l'actif successoral ;

- CONSTATER que M. [H] [X], sur lequel repose la charge de la preuve concernant le caractère prétendument exagéré des primes versées, ne remplit pas son obligation probatoire, et en tirer toutes conséquences de droit ;

- DÉBOUTER M. [H] [X] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- DONNER ACTE à M. [N] [D] de ce qu'il s'en remet à justice concernant les demandes de la CNP, afférents aux modalités de remise des fonds au bénéficiaire ;

Y ajoutant, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- CONDAMNER M. [H] [D] à régler à M. [N] [D] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

- CONDAMNER M. [H] [X] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître MULS BRUGNON, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appelant sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, faisant essentiellement valoir que :

- en l'espèce, l'assurance-vie objet du litige capte plus des deux tiers du patrimoine de la défunte ;

- la CAISSE D'ÉPARGNE a manifestement orientée [P] [C], à son âge, vers un produit inadapté qui n'avait pour seul but que de soustraire cette partie du capital dévolu aux deux héritiers réservataires ;

- la souscription de ce contrat ne présentait aucun intérêt pour la grand-mère de M. [D] ;

- il est parfaitement établi que [P] [C] a souffert d'un manque d'information.

En réplique, M. [N] [D] demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, soutenant notamment que :

- jusqu'à la communication des pièces complémentaires effectuées par M. [X] le 29 avril 2019, M. [N] [D] n'avait pas connaissance d'une saisie conservatoire pratiquée sur le contrat d'assurance-vie souscrit le 2 avril 2015 et il appartenait à M. [H] [X] de donner toute information à ce sujet ;

- par application des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances, le bénéficiaire qui n'est pas héritier, ce qui est le cas de M. [N] [D], ne peut être tenu du rapport à succession et ce, même si les primes ont été manifestement exagérées ; lorsque le bénéficiaire n'est pas héritier, dans l'hypothèse de primes manifestement exagérées, la partie des primes manifestement exagérées peut seulement être réduite en cas d'atteinte à la réserve légale ;

- en l'espèce, la cour constatera que M. [H] [X] ne donne aucun élément afin de permettre à celui-ci dans son pouvoir souverain d'appréciation de déterminer si les primes versées pouvaient être le cas échéant manifestement exagérée ;

- même si au moment de la souscription du contrat le 2 avril 2015, [P] [C] avait un âge certain, cette dernière a encore heureusement vécu trois années comme étant décédée le [Date décès 3] 2018 ;

- la souscription d'un tel produit n'était nullement inintéressant pour [P] [C] en ce sens qu'il comportait un rendement bien supérieur à un livret de caisse d'épargne et qu'il comportait, sans doute une faculté de rachat partiel, si besoin était, en sorte que M. [H] [X] ne peut utilement soutenir que les primes versées seraient manifestement exagérées ;

- M. [N] [D] s'en remet à justice quant aux demandes présentées à ce titre par la CNP, à savoir que le paiement des capitaux décès revenant au bénéficiaire ne pourra intervenir que conformément aux dispositions des articles 757 B et 806 III du code général des impôts.

En réplique, la SA CNP fait valoir que :

- les articles L. 132-12 et suivants du code des assurances ne prévoient en aucun cas la nullité du contrat qui devra donc être rejetée par la cour ;

- M. [H] [X] n'apporte aucunement la preuve que les primes versées auraient été manifestement exagérées ;

- si la cour considérait que les primes sont manifestement exagérées et s'il y a atteinte à la réserve légale, la partie des primes à réintégrer à la succession de Mme [C] serait versée au notaire en charge de sa succession ;

- le paiement des capitaux entre les mains des bénéficiaires ne peut être effectué que sur la production du certificat de paiement ou de non exigibilité des droits de mutation par décès, visant expressément les contrats concernés, délivré par la recette des impôts du lieu de succession ; le contrat souscrit par [P] [C] se trouve, pour les primes payées après soixante-dix ans, soumis aux dispositions de l'article 757 B du code général des impôts ; en conséquence et en tout état de cause il est demandé à la cour de dire que le paiement des capitaux décès revenant au bénéficiaire, le cas échéant, ne pourra intervenir que conformément aux dispositions des articles 757 B et 806 III du code général des impôts.

Sur ce,

1. Sur la demande de nullité du contrat d'assurance

Sur le droit applicable

Il résulte de l'article 2 du code civil que les contrats passés sous l'empire d'une loi ne peuvent recevoir aucune atteinte par l'effet d'une loi postérieure.

Le contrat ayant été souscrit par [P] [C] le 2 avril 2015, il ne peut être soumis aux articles 1130 et suivant du code civil dans leur version postérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 9 de celle-ci énonçant que « les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016 ». En outre, les articles 1130 et suivants, dans leur rédaction antérieure à cette ordonnance, ne concernent pas les vices du consentement.

Par conséquent, les articles 1130 et suivants du code civil, fût-ce dans leur version antérieure ou postérieure à l'ordonnance susnommée, ne sont pas applicables à l'espèce et l'appelant ne peut utilement les mobiliser pour demander la nullité du contrat.

Le tribunal a indirectement mais nécessairement jugé, à bon droit, que le contrat conclu par la défunte le 2 avril 2015 était soumis, s'agissant des vices du consentement, aux articles 1109 et suivants du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Sur les vices du consentement

Conformément à l'article 12 du code de procédure civile, en l'absence de toute précision dans les écritures sur le fondement de la demande, les juges du fond doivent examiner les faits, sous tous leurs aspects juridiques, conformément aux règles de droit qui leur sont applicables.

Comme en première instance, l'appelant invoque, dans ses conclusions, la nullité du contrat d'assurance pour vice du consentement, demande qu'il reprend dans le dispositif de ses écritures, sans pour autant indiquer quel vice fonde cette demande, nonobstant le visa erroné des articles 1130 et suivants du code civil.

La cour doit, en conséquence, examiner la demande au vu des éléments factuels qui lui sont soumis, dans tous leurs aspects juridiques.

L'article 1109 ancien du code civil prévoit qu'« il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ».

Pour justifier sa demande d'annulation du contrat d'assurance, l'appelant soutient que [P] [C] a souffert d'un manque d'information, en ce que l'intermédiaire d'assurance l'a orientée vers un produit inadapté à son âge.

Or, par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a jugé que M. [X] ne caractérise aucune erreur de [P] [C] ni manoeuvres ou violence de la CNP et n'en rapporte pas plus la preuve, ce qu'il ne fait pas davantage en cause d'appel.

Au surplus, à supposer établi un manquement à l'obligation d'information et de conseil, ce que démontre pas l'appelant, ce manquement ne peut nullement justifier la nullité du contrat d'assurance, sa sanction consistant seulement en l'allocation de dommages-intérêts au créancier de l'information et du conseil, ce que ne demande pas l'appelant.

En revanche, si les intimés rétorquent chacun, à bon droit, que les articles L. 132-12 et suivants du code des assurances ne peuvent justifier la nullité d'un contrat d'assurance-vie, c'est de manière erronée qu'ils soutiennent que M. [X] demande la nullité sur ces fondements, l'appelant visant, aux termes de ses dernières écritures, les articles 1130 et suivants du code civil.

En conséquence, M. [X] sera débouté de sa demande de nullité du contrat d'assurance-vie et le jugement sera confirmé sur ce point.

2. Sur la demande de réintégration des primes dans la succession

L'alinéa 2 de l'article L. 132-13 du code des assurances prévoit que les primes payées par le cocontractant de l'assureur ne sont soumises ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant, « à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ».

Le caractère manifestement exagéré d'une prime s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur, ainsi que de l'utilité du contrat pour celui-ci, en prenant en compte les circonstances et époques du paiement des primes, ainsi que leur importance.

Comme le tribunal l'a justement relevé, la preuve du caractère manifestement exagéré des primes incombe à M. [X].

Il n'est pas contesté que [P] [C] a versé :

- une somme de 100 euros le 2 avril 2015, lors de la souscription,

- une somme de 5 000 euros le 18 juillet 2015,

- une somme de 32 000 euros le 4 décembre 2015.

Le tribunal a exactement jugé que la prime versée lors de la souscription ne peut, eu égard à son montant, être considéré comme manifestement exagérée, le patrimoine de [P] [C] fût-il non établi.

Pour justifier du caractère manifestement exagéré des primes, l'appelant verse au débat :

- un avis d'impôt 2017 sur les revenus de 2016, dont il ressort une retraite d'un montant annuel de 17 021 euros,

- un bordereau de situation des comptes du 30 janvier 2018, indiquant un total des avoirs à la CAISSE D'ÉPARGNE de 19 333,87 euros,

- une fiche « Devoir de conseil » établie par la CAISSE d'ÉPARGNE le 2 avril 2015 indiquant que [P] [C] dispose de revenus annuels de 16 656 euros, de charges annuelles de 6 884 euros, d'une épargne personnelle de 20 euros au sein de cette banque et d'une de 15 000 euros au sein d'un autre établissement bancaire.

Cependant, comme le fait valoir M. [D], l'avis d'impôt sur les revenus de 2016 et le bordereau de situation de 2018 ne permettent nullement d'établir le patrimoine de [P] [C] lors des versements, dont le dernier est intervenu en 2015. Quant à la fiche « Devoir de conseil » datée du 2 avril 2015, elle ne permet pas non plus d'établir ce patrimoine au jour des deux derniers versements des 18 juillet et 4 décembre 2015, le patrimoine ayant pu substantiellement évoluer et, comme l'a jugé le tribunal, celui déclaré dans la fiche ne permettant pas à [P] [C] de faire un versement de 32 000 euros.

Au surplus, M. [X] ne fournit aucune information sur l'étendue de la réserve héréditaire, alors que, comme le rappelle à juste titre M. [D], lorsqu'une prime est manifestement exagérée, seul est applicable la réduction pour atteinte à la réserve si le bénéficiaire n'est pas héritier, celui-ci ne pouvant être tenu au rapport à succession dès lors que ce rapport est uniquement dû par le cohéritier à son cohéritier conformément à l'article 857 du code civil.

En conséquence, M. [X] sera débouté de sa demande de réintégration des primes dans la succession et le jugement sera confirmé sur ce point.

3. Sur la demande de validation de la saisie conservatoire

M. [X] demande à la cour de valider la saisie conservatoire du contrat d'assurance-vie qu'il a pratiqué entre les mains de la CNP.

En première instance, le tribunal a débouté M. [X] de cette demande en raison du rejet des demandes de nullité et de réintégration des primes dans l'actif successoral.

Du fait de la confirmation du jugement sur ces deux rejets, la cour ne peut que, pour les mêmes motifs que ceux développés par le tribunal, rejeter la demande de M. [X] de validation de la saisie conservatoire.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

4. Sur la demande de la CNP de voir dire qu'elle ne pourra verser le capital que dans le respect des dispositions fiscales

La CNP demande à la cour, comme elle l'a fait devant le tribunal, de dire qu'elle « ne pourra verser les capitaux au bénéficiaire, le cas échéant, que dans le respect des dispositions fiscales des articles 757 B I, 292 B II et 806 III du code général des impôts », demande sur laquelle M. [D] s'en rapporte à justice.

Le tribunal a refusé de faire droit à cette demande, considérant qu'il s'agit seulement d'une demande visant à dire que la loi doit être appliquée.

Toutefois, outre que la cour estime que la demande constitue une prétention, celle-ci est contestée en cause d'appel, le fait, pour une partie, de s'en rapporter à justice sur le mérite d'une demande impliquant de sa part, non un acquiescement à cette demande, mais la contestation de celle-ci.

L'article 757 B I du code général des impôts prévoit que « les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l'assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l'assuré à concurrence de la fraction des primes versées après l'âge de soixante-dix ans ».

L'article 292 B II de l'annexe II du code général des impôts énonce que « les assureurs ne peuvent se libérer des sommes, rentes ou émoluments quelconques dus au titre des contrats mentionnés à l'article 292 A que dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas du III de l'article 806 du code général des impôts ».

[P] [C] ayant souscrit le contrat à l'âge de quatre-vint-dix-sept ans, l'intégralité des primes qu'elle a versées se trouve soumis à ces dispositions de nature fiscale.

En conséquence, la cour fera droit à la demande de la CNP de dire que le paiement des capitaux ne pourra intervenir que dans le respect des articles 757 B I, 292 B II et 806 III du code général des impôts. Le jugement sera infirmé sur ce point.

5. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement, qui a condamné M. [X] aux dépens et à payer à M. [D] la somme de 2 200 euros et à la CNP la somme de 1 500 euros au titre de frais irrépétibles, sera confirmé.

En cause d'appel, M. [X], qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel et à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera fixée, en équité, à la somme de 2 000 euros à l'égard de M. [D] et une somme de 1 500 euros à l'égard de la CNP.

M. [X] sera débouté de sa demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions contestées en appel, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à dire que la société CNP ASSURANCES ne pourra verser les capitaux au bénéficiaire, le cas échéant, que dans le respect des dispositions fiscales des articles 757 B I, 292 B II et 806 III du code général des impôts ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que le versement des capitaux par la SA CNP ASSURANCES ne pourra intervenir que dans le respect des articles 757 B I, 292 B II et 806 III du code général des impôts ;

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [X] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [H] [X] à payer à M. [N] [D] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [H] [X] à payer à la SA CNP ASSURANCES la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [H] [X] de sa demande formée de ce chef.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 21/07180
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;21.07180 ?
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