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23/04/2024 | FRANCE | N°23/08603

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 23 avril 2024, 23/08603


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 23 AVRIL 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08603 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHTJD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 mars 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 22/02673





APPELANTE



Madame [V] [O] [Y] [R] née le 13 mai 1982 à [Locali

té 5] (Cameroun),



[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Francis TAGNE, avocat postulant du barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : 42

assistée de Me Hubert ZOUATCHAM, av...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 23 AVRIL 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08603 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHTJD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 mars 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 22/02673

APPELANTE

Madame [V] [O] [Y] [R] née le 13 mai 1982 à [Localité 5] (Cameroun),

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Francis TAGNE, avocat postulant du barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : 42

assistée de Me Hubert ZOUATCHAM, avocat plaidant du barreau de NICE

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE NATIONALITE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme Brigitte AUGIER de MOUSSAC, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 mars 2024, en audience publique, l' avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie LAMBLING, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Hélène FILLIOL, présidente de chambre

Madame Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Madame Marie LAMBLING, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire du 17 mars 2023 du tribunal judiciaire de Paris qui a jugé que le certificat de nationalité française, délivré le 24 décembre 1999, par le greffier en chef du tribunal d'instance de Saint-Denis à Mme [V] [Y] [R], se disant née le 13 mai 1982 à [Localité 5] (Cameroun), l'a été à tort, et n'a en conséquence aucune force probante, jugé que Mme [V] [Y] [R], se disant né le 13 mai 1982 à [Localité 5] (Cameroun) n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil, débouté cette dernière de sa demande au titre des frais irrépétible et l'a condamnée aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel du 10 mai 2023 de Mme [V] [O] [Y] [R] ;

Vu les conclusions notifiées par la voie électronique le 1er septembre 2023 par Mme [V] [O] [Y] [R] qui demande à la cour de juger que le tribunal judiciaire de Paris, statuant ultra petita, a violé les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile, infirmer le jugement du 17 mars 2023, juger que Mme [V] [O] [Y] [R] résidait avec son père au moment du décret de naturalisation française de ce dernier, qu'elle justifie d'un état civil stable, et d'un lien de filiation envers M. [D] [R] [E], qu'elle justifie d'une possession d'état de la qualité de français depuis plus de 30 ans, en conséquence juger qu'elle est française, ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil, condamner le ministère public à lui payer la somme de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les conclusions en date du 20 juillet 2023 dule ministère public qui demande à la cour de constater l'extranéité de l'intéressée, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et la condamner aux dépens ;

Vu la clôture prononcée le 9 janvier 2024 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 26 mai 2023 par le ministère de la Justice.

L'intéressée sollicite dans les motifs de ses conclusionsl'annulation du jugement au motif que le tribunal a statué ultra petita sans reprendre cette prétention dans le dispositif de ses écritures. En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande.

Invoquant l'article 18 du code civil, Mme [V] [O] [Y] [R] soutient qu'elle est française par filiation paternelle pour être née le 13 mai 1982 à [Localité 5] (Cameroun), de M. [D] [R] [E], né le 19 août 1949 à [Localité 7] (Cameroun) naturalisé français par décret du 6 mai 1992.

Le ministère public soutient que le certificat de nationalité française délivré à Mme [V] [O] [Y] [R] le 24 décembre 1999 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Saint-Denis l'a été à tort. La charge de la preuve pèse donc sur le ministère public, en application de l'article 30 du code civil.

Celui-ci produit en pièce n°4 l'acte de naissance non numéroté, qui ne mentionne pas le centre d'état civil ayant établi l'acte, dressé le 17 mars 1983, sur déclaration de M. le maire adjoint qui indique notamment que [V] [O] [Y] [R] est née le 13 mai 1982 à [Localité 5] (Cameroun), de [D] [R] [E], né le 19 août 1949 à [Localité 7] (Cameroun), employé et de [Z] [I] [M], née le 19 janvier 1962 à [Localité 5] (Cameroun), femme au foyer.

Il produit par ailleurs en pièce n°8 l'acte de naissance n°1682/82B extrait du registre de l'état civil de la commune de [Localité 5] qui comporte des mentions différentes de celles figurant dans l'acte non numéroté susvisé. En effet, il y est notamment indiqué d'une part, que le père exerce la profession d'homme d'affaires et que la mère est ménagère et d'autre part, que la déclaration de naissance a été effectuée par la polyclinique de [Localité 5].

Or, l'acte de naissance est un acte unique, conservé dans les registres des actes de naissance d'une année précise et détenu par un seul centre d'état civil de sorte que les copies de cet acte doivent comporter les mêmes références et le même contenu.

Le ministère public établit ainsi que l'acte de naissance de Mme [V] [O] [Y] [R], produit au soutien de sa demande de certificat de nationalité française, n'est ni fiable ni probant au sens de l'article 47 du code civil, qui dispose que 'tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française »'.

Mme [V] [O] [Y] [R] admet elle-même que son acte de naissance n° 1682/82B n'est pas probant puisqu'elle indique dans ses conclusions (p. 11 et 12) qu'elle ne pouvait légitimement connaitre que son acte de naissance n'était pas conforme aux dispositions légales et qu'elle a saisi par requête du 4 septembre 2019 le président du tribunal de première instance de Douala qui a prononcé le 30 janvier 2020 un jugement, dont elle se prévaut devant cette cour, qui ordonne à l'officier d'état civil de la mairie de [Localité 5] la reconstitution de son acte de naissance.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a dit que le certificat de nationalité française délivré à Mme [V] [O] [Y] [R] l'avait été à tort.

Mme [V] [O] [Y] [R] se prévaut ainsi de ce jugement n° 96/L du 30 janvier 2020, d'un certificat de non appel du 11 mars 2020, de son acte de naissance reconstitué n° 2020/LT1601/N/412 dressé le 22 avril 2020 en exécution dudit jugement et de la copie de l'acte de naissance établi par le service central de l'état civil de [Localité 6] le 30 juin 2020, produits en pièces n°14, 15, 16 et 3, pour soutenir qu'elle dispose désormais d'un état civil certain.

En premier lieu, comme le souligne le ministère public, c'est à tort que le jugement a retenu que l'état civil de Mme [V] [O] [Y] est certain au motif que son acte de naissance dressé au Cameroun a été transcrit sur les registres français de l'état civil alors que la circonstance que cet acte a été transcrit par le service central de l'état civil de [Localité 6] n'a pas eu pour effet de rendre inopérantes les dispositions de l'article 47 du code civil, selon lesquelles « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ». En effet, la valeur probante de cette transcription est subordonnée à celle de l'acte étranger à partir duquel la transcription a été effectuée.

Toutefois, en second lieu, s'agissant de la contrariété du jugement à la conception française de l'ordre public international invoquée par le ministère public, ce dernier ne peut valablement soutenir que le jugement étranger du 30 janvier 2020 ne respecte pas le principe de la contradiction au motif que la requête de l'intéressée du 4 septembre 2020 n'a pas été communiquée au ministère public camerounais en violation de l'article 24 de la l'ordonnance camerounaise n°2 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil qui prévoit notamment que le tribunal saisi d'une demande de reconstitution d'acte d'état civil « doit préalablement à toute décision communiquer la requête au parquet » alors que la lecture du jugement et du plumitif produits en pièces n°14 et 18 par l'appelante établit que la décision a été rendue par le tribunal au vu des réquisitions du ministère public. Le procureur général ne peut pas plus valablement soutenir que le jugement a été mis à exécution alors qu'il n'était pas passé en force de chose jugée au motif que le délai d'appel de trois mois prévu par l'article 192 du code de procédure civile camerounais n'était pas expiré à la date d'établissement le 22 avril 2020 de l'acte de naissance reconstitué alors que les dispositions de l'article 29 du décret n°69-DF-544 du 19 décembre 1969 fixant l'organisation judiciaire et la procédure devant les juridictions traditionnelles au Cameroun applicable en l'espèce, le jugement ayant été rendu par le tribunal de première instance de Douala Bonanio section de droit local traditionnel, fixe à un mois le délai d'appel.

L'acte de naissance reconstitué n° 2020/LT1601/N/412 dressé le 22 avril 2020 est donc fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil, puisqu'il a été dressé en application d'un jugement conforme à l'ordre public international français.

L'intéressée justifie donc d'un état civil certain.

Comme relevé par le jugement, par des dispositions non critiquées par les parties, Mme [V] [O] [Y] [R] qui a été légitimée par le mariage de ses parents en date du 22 octobre 1982 alors qu'elle était mineure, justifie d'une filiation certaine à l'égard de M. [D] [R] [E].

Pour juger que l'intéressée n'a pas la nationalité française, le tribunal, reprenant l'argumentation développée par le ministère public, a retenu, au visa de l'article 84 du code de la nationalité française dans sa version issue de la loi du 9 janvier 1973, que le nom de l'intéressée ne figure pas sur le décret de naturalisation alors que [D] [R] [E] a précisé au moment de sa demande de naturalisation être le père de 4 enfants mineurs, sans mentionner [V] [O] [Y] [R] et que celle-ci ne justifie pas au surplus avoir eu la même résidence habituelle que celle de son père.

En cause d'appel, le ministère public ne discute pas la nationalité française de M. [D] [R] [E] mais revenant sur son argumentation développée en première instance fait valoir que l'article 84 du code de la nationalité française dans sa version issue de la loi du 9 janvier 1973 n'exige pas que le nom de l'enfant soit mentionné dans le décret de naturalisation, ni que l'enfant ait la même résidence que ce parent pour pouvoir bénéficier de l'effet collectif attaché au décret de naturalisation.

En effet, en application de l'article 84 précité dans sa version issue de la loi du 10 janvier 1973 la naturalisation du parent bénéficie de plein droit à ses enfants mineurs dès lors que la filiation a été établie durant la minorité de l'enfant et avant l'acquisition de la nationalité par le parent devenu français, ce qui est le cas en l'espèce, sans qu'il soit nécessaire que le nom de l'enfant soit mentionné dans le décret de naturalisation ou que l'enfant ait la même résidence que ce parent.

Il s'ensuit que Mme [V] [O] [Y] [R] est française.

Le jugement est donc infirmé.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [V] [O] [Y] [R] les frais irrépétibles non compris dans les dépens.

Les dépens seront pris en charge par le Trésor public.

PAR CES MOTIFS

Dit que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré et que la procédure est régulière,

Confirme le jugement en ses dispositions relatives au certificat de nationalité française,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit que Mme [V] [O] [Y] [R] née le 13 mai 1982 à [Localité 5] (Cameroun) est française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne le Trésor public à payer à Mme [V] [O] [Y] [R] la somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le Trésor public aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 23/08603
Date de la décision : 23/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-23;23.08603 ?
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