COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 16
N° RG 23/11410 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CH354
Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle
Date de l'acte de saisine : 28 Juin 2023
Date de saisine : 11 Juillet 2023
Nature de l'affaire : Demande tendant à la communication des documents sociaux
Décision attaquée : Jugements de la 3ème chambre du tribunal de commerce de Paris rendus le 14 avril 2022 et le 16 mars 2023 sous le numéro de RG 2019052526
Dans l'affaire opposant :
- S.A.R.L. CHEYNE CAPITAL MANAGEMENT (UK) LLP de droit anglais, prise en la personne de son représentant légal,
Ayant pour avocat postulant : Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 - N° du dossier 2371706
Ayant pour avocat plaidant : Me Florian BOUAZIZ de la SAS BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : T12,
- S.A. DARIUS CAPITAL CONSEIL anciennement dénommée DARIUS CAPITAL PARTNERS, agissant par son directeur général,
Ayant pour avocat postulant : Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 - N° du dossier 2371706
Ayant pour avocat plaidant : Me Stéphane BENOUVILLE du LLP FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J007
- Monsieur [P] [F],
Ayant pour avocat postulant : Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075 - N° du dossier 20230647
Ayant pour avocat plaidant : Maître Anthony JUETTE, de la SELAS SYX AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
- Fédération FÉDÉRATION AGIRC-ARRCO agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice,
- Monsieur [U] [J],
Ayant pour avocat postulant : Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056 - N° du dossier 20230625
Ayant pour avocats plaidants : Me Olivier BERNARDI et Me Laura LAMBERTI, de L'AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL, avocats au barreau de PARIS
Demandeurs à l'incident et intimés
à
- Société BUCEPHALUS CAPITAL LIMITED société à responsabilité Limitée de droit anglais, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [B] [X] domicilié en cette qualité au siège,
Ayant pour avocat postulant : Me Emmanuel JARRY de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209 - N° du dossier EJ
Ayant pour avocats plaidants : Me Gilles William GOLDNADEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1773 et Me Gilles DE POIX, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1853
Défenderesse à l'incident et appelante
Daniel BARLOW, magistrat en charge de la mise en état,
Assisté de Najma EL FARISSI, greffière,
rend la présente :
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
(non numérotée , 8 pages)
I/ Faits et procédure
1. La cour est saisie de l'appel interjeté contre deux jugements rendus les 14 avril 2022 et 16 mars 2023 par le tribunal de commerce de Paris (3e chambre) dans un litige opposant la société de droit anglais Bucephalus Capital Limited (« Bucephalus ») à la Fédération Agirc-Arrco et M. [U] [J], à M. [P] [F], à la société de droit français Darius Capital Conseil (« Darius ») et à la société de droit anglais Cheyne Capital Management Llp (« Cheyne »).
2. Le jugement du 14 avril 2022 :
' Déboute Bucephalus de sa demande de production forcée i) de pièces relatives au FCP, Cheyne, Arrco et les 30 points de base et ii) des états financiers de la société Darius relatifs aux 40 points de base ;
' Ordonne à M. [P] [F] de produire une copie des deux courriels envoyés à lui par M. [O] [Y] le 29 mars 2016 à 21h56 et 08h00, ainsi qu'une copie du courriel envoyé par lui à M. [O] [Y] le même jour à 15h58 ['] ;
' Fixe un calendrier de procédure ;
' Réserve les dépens de l'incident ;
' Condamne Bucephalus à payer la somme de 10 000 euros à chacune de Darius et Cheyne au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Déboute Bucephalus et M. [F] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
3. Celui du 16 mars 2023 :
' Déboute la SA Darius Capital Partners de sa fin de non-recevoir ;
' Dit la SARL de droit anglais Bucephalus Capital Limited irrecevable en ses prétentions formulées à l'encontre de M. [U] [J] ;
' Met M. [U] [J] hors de cause ;
' Déboute la SARL de droit anglais Bucephalus Capital Limited de sa prétention à des dommages et intérêts au titre des gains manqués ;
' Déboute la SARL de droit anglais Bucephalus Capital Limited de sa prétention à des dommages et intérêts au titre de la perte de chance ;
' Condamne la SARL de droit anglais Bucephalus Capital Limited la somme de 50 000 euros à M. [U] [J], à titre de dommages et intérêts ;
' Déboute M. [P] [F] de sa demande en dommage et intérêts pour procédure abusive ;
' Déboute la SA Darius Capital Partners de sa demande en dommage et intérêts pour procédure abusive ;
' Déboute la société de droit anglais Cheyne Capital Management Llp de sa demande en dommage et intérêts pour procédure abusive ;
' Déboute la Fédération Agirc-Arrco, fédération d'institutions de retraite complémentaire régie par le code de la sécurité sociale de sa demande en dommage et intérêts pour procédure abusive ;
' Condamne la SARL de droit anglais Bucephalus Capital Limited aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de dont ceux à recouvrer par la greffe, liquidés, à la somme de 223,62 Euros, dont 36,84 euros de TVA ;
' Condamne la SARL de droit anglais Bucephalus Capital Limited à payer à la SA Darius Capital Partners la somme de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamne la SARL de droit anglais Bucephalus Capital Limited à payer à la société de droit anglais Cheyne Capital Management la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamne la SARL de droit anglais Bucephalus Capital Limited à payer in solidum à Fédération AGIRC-ARCCO, fédération d'institutions de retraites complémentaire régie par le code de la sécurité sociale et M. [U] [J] la somme de 188 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamne la SARL de droit anglais Bucephalus Capital Limited à payer à M. [P] [F] la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.
4. Bucephalus a interjeté appel de ces décisions par déclaration du 28 juin 2023.
5. Par ordonnance du 29 novembre 2023, la déléguée du premier président de la cour d'appel de Paris a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par cette société et l'a condamnée à payer à chacun des intimés la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
6. Par conclusions d'incident des 22 décembre 2023, 10 janvier 2024, 25 janvier 2024 et 26 février 2024, les sociétés Cheyne et Darius, M. [F], la Fédération Agirc-Arrco et M. [J] ont saisi le magistrat chargé de la mise en état de demandes de radiation du rôle des affaires en cours de l'appel formé par Bucephalus pour défaut d'inexécution des jugements attaqués.
7. L'incident a été appelé à l'audience du 14 mars 2024 au cours de laquelle les conseils des parties ont été entendus.
II/ Prétentions des parties
8. Dans ses conclusions d'incident afin de radiation notifiées par voie électronique les 22 décembre 2023, la société Cheyne Capital Management demande au conseiller de la mise en état, au visa de l'appel interjeté par la socie'te' SARL Bucephalus Capital Limited, de l'article 526 du code de proce'dure civile dans sa version en vigueur jusqu'au 31 de'cembre 2019, des jugements rendus par le tribunal de commerce de Paris les 14 avril 2022 et 16 mars 2023, et de l'ordonnance du premier pre'sident du 29 novembre 2023, de bien vouloir :
- CONSTATER que les jugements rendus par le tribunal de commerce de Paris les 14 avril 2022 et 16 mars 2023 n'ont pas e'te' exe'cute's ;
En conse'quence,
- ORDONNER la radiation de l'appel du rôle de la cour ;
- CONDAMNER la SARL Bucephalus Capital Limited a' verser a' la socie'te' Cheyne Capital Management (UK) LLP la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de proce'dure civile ;
- CONDAMNER la SARL Bucephalus Capital Limited aux entiers de'pens ;
- JUGER que les de'pens d'appel pourront être recouvre's directement par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, conforme'ment aux dispositions de l'article 699 du Code de proce'dure civile.
9. Dans ses conclusions d'incident de radiation d'appel pour défaut d'exécution, notifiées par voie électronique les 10 janvier 2024, la société Darius Capital Conseil demande au conseiller de la mise en état, au visa de l'appel interjete' par la socie'te' SARL Bucephalus Capital Limited, des articles 514, 526, 544, 545 et 687-2 du code de proce'dure civile, de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, et notamment ses articles 3 et 10, des jugements rendus par le tribunal de commerce de Paris les 14 avril 2022 et 16 mars 2023, de la signification des jugements intervenue le 18 avril 2023, de bien vouloir :
- ORDONNER la radiation de l'appel forme' par la socie'te' Bucephalus Capital Limited a' l'encontre des jugements du tribunal de commerce de Paris en date des 14 avril 2022 et 16 mars 2023 du ro'le de la cour ;
- CONDAMNER la socie'te' Bucephalus Capital Limited a' payer a' la socie'te' Darius Capital Conseil la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile ;
- CONDAMNER Bucephalus aux entiers dépens.
10. Dans ses conclusions d'incident aux fins de radiation notifiées par voie électronique les 22 janvier 2024, la Fédération Agirc-Arrco et M. [J] demandent au conseiller de la mise en état, au visa de l'appel interjete' par la socie'te' SARL Bucephalus Capital Limited, de l'article 526 du code de proce'dure civile dans sa version en vigueur le 7 juin 2019, des jugements rendus par le tribunal de commerce de Paris les 14 avril 2022 et 16 mars 2023, et de l'ordonnance du premier pre'sident du 29 novembre 2023, de bien vouloir :
- CONSTATER que Bucephalus n'a pas exe'cute' le jugement du 16 mars 2023 rendu par le Tribunal de commerce de Paris a' son encontre ;
- CONSTATER que Bucephalus n'a pas exe'cute' l'ordonnance du 29 mars 2023 rendue par le Premier Pre'sident de la Cour d'appel de Paris a' son encontre ;
En conse'quence :
- RADIER du rôle de l'affaire actuellement pendante devant la Cour d'appel de Paris, Po'le 5 ' Chambre 16 et enregistre'e sous le n° RG 23/11410 ;
- JUGER que l'affaire ne pourra être re'tablie que sur justification, par Bucephalus, du paiement effectif des condamnations prononce'es a' son encontre ;
En tout e'tat de cause :
- CONDAMNER la socie'te' Bucephalus a' verser a' l'Agirc-Arrco la somme de 10 000 euros et a' verser a' Monsieur [J] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile ;
- CONDAMNER la socie'te' Bucephalus aux entiers de'pens dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats en la personne de Maître Audrey Schwab, conforme'ment aux dispositions de l'article 699 du code de proce'dure civile.
11. Dans ses conclusions de procédure aux fins de radiation du rôle de l'appel notifiées par voie électronique les 25 janvier 2024, M. [F] demande au conseiller de la mise en état, au visa de l'article 526 du code de proce'dure civile dans sa version en vigueur au jour de l'assignation, de la jurisprudence et des pièces versées aux débats, de bien vouloir :
- CONSTATER que la socie'te' Bucephalus n'exe'cute pas le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 16 mars 2023 le condamnant a' payer a' Monsieur [F] la somme de 100.000 € au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile ;
En conséquence,
- ORDONNER la radiation du rôle de l'appel inscrit par la socie'te' Bucephalus ;
- CONDAMNER la société Bucephalus à verser à Monsieur [F] la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER la société Bucephalus aux entiers dépends de l'incident.
12. Dans ses conclusions en réponse sur incident notifiées par voie électronique le 8 mars 2024, Bucephalus demande au conseiller de la mise en état, au visa de l'article 526 du code de procédure civile dans sa version antérieure au 31 décembre 2019, des jugements rendus les 14 avril 2022 et 16 mars 2023, des présentes conclusions et des pièces produites par les parties, de bien vouloir :
- JUGER que le jugement en date du 14 avril 2022 est dépourvu de l'exécution provisoire ;
- JUGER que demandeurs ne sont pas en mesure de justifier avoir fait signifier les jugements dont appel ;
- JUGER qu'en tout état de cause, la société Bucephalus Capital Limited est dans l'impossibilité d'exécuter les décisions dont appel ;
- JUGER qu'en l'espèce, la radiation constituerait une entrave disproportionnée au droit à un double degré de juridiction ;
En conséquence :
- JUGER mal fondées les demandes de la société Darius Capital Partners SA, de la société Cheyne Capital Management, de Monsieur [F], de Monsieur [J], et de l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés ;
- DÉBOUTER la société Darius Capital Partners SA, de la société Cheyne Capital Management, de Monsieur [F], de Monsieur [J], et de l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés de l'ensemble de leurs demandes, fins et pre'tentions a' l'encontre de la socie'te' Bucephalus Capital Limited ;
Subsidiairement, dans l'hypothe'se ou' le conseiller de la mise en e'tat ferait droit a' la demande de radiation du rôle de l'appel du jugement du 16 mars 2023 pour de'faut d'exe'cution :
- ORDONNER la disjonction de cette proce'dure d'appel avec la proce'dure d'appel du jugement du 14 avril 2022 ;
En tout état de cause :
- CONDAMNER la socie'te' Darius Capital Partners SA, de la société Cheyne Capital Management, de Monsieur [F], de Monsieur [J], et de l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés a' payer chacun a' la socie'te' Bucephalus Capital Limited la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile,
- CONDAMNER la socie'te' Darius Capital Partners SA, de la société Cheyne Capital Management, de Monsieur [F], de Monsieur [J], et de l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés aux entiers de'pens.
III/ Motifs de la décision
13. Pour conclure à la radiation de l'appel interjeté par Bucephalus, les demandeurs à l'incident font en substance valoir que :
- Bucephalus n'a pas exécuté les jugements frappés d'appel, faute de s'être acquitté des condamnations pécuniaires qu'ils comportent ;
- l'appelante ne justifie pas être dans l'impossibilité de procéder à cette exécution, pas plus qu'elle n'établit les conséquences manifestement excessives qu'entraînerait pour elle cette exécution ;
- saisi d'une demande de suspension de l'exécution provisoire, le premier président de la cour d'appel a relevé l'absence de démonstration de telles conséquences ;
- Bucephalus bénéficie du soutien financier de son actionnaire, qui lui a notamment permis de conduire les procédures judiciaires qu'elle a engagé.
14. Darius ajoute que :
- les jugements frappés d'appels sont assortis de l'exécution provisoire ;
- ils ont été signifiés à Bucephalus dans les conditions prévues par la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 ;
- le jugement avant dire droit du 14 avril 2022 est par nature assorti de l'exécution provisoire ;
- la radiation de l'appel portant sur le jugement au fond doit s'étendre au jugement avant dire droit pour la bonne administration de la justice.
15. En réponse, la société Bucephalus soutient que :
- le jugement du 14 avril 2022 est dépourvu de l'exécution provisoire, faute d'entrer dans le champ de l'article 514 du code de procédure civile, pris dans sa version applicable au litige ;
- il ne peut donc faire l'objet d'une radiation au visa de l'article 526 du même code, l'intérêt d'une bonne administration de la justice ne commandant pas une telle mesure ;
- ce même article, qui interdit en cas de radiation l'examen des appels principaux, incidents ou provoqués, ne peut recevoir application en vertu de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme ;
- les demandeurs ne sont pas en mesure de justifier la signification des jugements entrepris ;
- Bucephalus est incontestablement dans l'impossibilité d'exécuter les décisions frappées d'appel, ainsi qu'il résulte de ses comptes sociaux et des positions mêmes des intimés qui invoquent sont impécuniosité ;
- elle ne peut recourir à un financement extérieur, faute de disposer d'actifs lui permettant de les solliciter, les financeurs extérieurs ne supportant pas les condamnations à des frais de procédure et ne pouvant s'engager dans une procédure dans laquelle des jugements défavorables ont été rendus en première instance ;
- Bucephalus étant une société à responsabilité limitée, les intimés ne sauraient exiger que son actionnaire contribue aux dettes ;
- prononcer la radiation du rôle serait contraire à l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme.
16. En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour le détail des moyens développés par les parties.
SUR CE :
17. Conformément à l'article 526 du code de procédure civile pris dans sa rédaction applicable au litige, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.
18. En considération des buts légitimes que poursuivent ces dispositions, leur mise en 'uvre doit être regardée comme conforme à l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'appréciation des conséquences manifestement excessives ou de l'impossibilité d'exécuter fondant la radiation ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel.
19. Le prononcé de la radiation, qui constitue une simple faculté pour le juge, ne peut par ailleurs méconnaître les impératifs liés à la bonne administration de la justice.
20. La preuve de l'existence des conséquences manifestement excessives ou de l'impossibilité d'exécuter incombe à l'appelant.
21. Il est en l'espèce constant que Bucephalus n'a exécuté aucune des condamnations pécuniaires mises à sa charge par les décisions frappées d'appel.
22. Contrairement à ce qu'elle soutient, cette société ne démontre pas être dans l'impossibilité d'exécuter ces condamnations. S'il résulte en effet des extraits de comptes versés aux débats que le montant de ses actifs s'élève à 2 £ depuis plusieurs années, rien ne permet de déduire qu'elle se trouverait dans l'incapacité de recourir à des financements extérieurs pour les besoins de la présente procédure alors même que :
- elle n'établit pas avoir tenté une quelconque démarche en ce sens ;
- elle a jusqu'à présent été en mesure de mobiliser des moyens lui permettant de soutenir ses demandes en justice, y compris par le financement de mesures d'expertises coûteuses ;
- il n'est pas contesté que son actionnaire dispose de moyens financiers importants ;
- la forme sociale de cette société ne saurait constituer un motif légitime d'inexécution des condamnations mises à sa charge en ce qu'elle n'interdit pas à son actionnaire de contribuer, directement ou indirectement, aux actions nécessaires à la préservation de ses droits.
23. L'appelante ne démontre pas davantage, ni même n'allègue, que l'exécution de ces condamnations entraînerait des conséquences manifestement excessives.
24. La radiation de l'affaire pour inexécution ne peut toutefois être prononcée que dans la mesure où les décisions frappées d'appel présentent un caractère exécutoire.
25. La présente instance ayant été introduite avant le 1er janvier 2020, le caractère exécutoire des décisions dont s'agit doit être apprécié à l'aune des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile pris dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, en vertu de laquelle :
« L'exécution provisoire ne peut pas être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n'est pour les décisions qui en bénéficient de plein droit.
Sont notamment exécutoires de droit à titre provisoire les ordonnances de référé, les décisions qui prescrivent des mesures provisoires pour le cours de l'instance, celles qui ordonnent des mesures conservatoires ainsi que les ordonnances du juge de la mise en état qui accordent une provision au créancier. »
26. Il apparaît sur ce point que si le jugement du 16 mars 2023 est expressément assorti de l'exécution provisoire, tel n'est pas le cas du jugement avant dire droit du 14 avril 2022, qui ne peut être regardé comme bénéficiant de l'exécution provisoire de droit dès lors, d'une part, que le refus d'une demande de communication de pièces ne relève pas, par nature, du régime de l'exécution provisoire et, d'autre part, que cette décision comporte des condamnations pécuniaires dont rien ne justifie le caractère exécutoire.
27. En quoi, l'appel formé contre ce jugement ne peut faire l'objet d'une radiation pour inexécution.
28. Or, au regard de la nature de ces deux décisions et des liens qui les unissent, il n'apparaît pas d'une bonne administration de la justice de disjoindre les appels les concernant. Une telle mesure conduirait en effet la cour à ne statuer que sur des demandes de communication de pièces, sans connaître du fond de l'affaire qui justifie ces demandes, sauf à en être saisie ultérieurement, en cas d'exécution ultérieure du jugement du 16 mars 2023 dans les limites de la péremption, ce qui conduirait à dissocier le traitement des deux appels au mépris du principe de proportionnalité procédurale.
29. Il y a lieu, dans ces circonstances, de rejeter les demandes de radiation formées par les intimés.
30. En considération de ce qui précède, les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées dans leur intégralité, chacune supportant les dépens exposés pour les besoins du présent incident.
IV/ Dispositif
Par ces motifs, le magistrat chargé de la mise en état :
1) Déboute les intimés de leur demande de radiation ;
2) Déboute l'ensemble des parties des demandes qu'elles forment au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
3) Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens par elle exposée pour les besoins du présent incident.
Ordonnance rendue par Daniel BARLOW, magistrat en charge de la mise en état assisté de Najma EL FARISSI, greffière présente lors du prononcé de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Paris, le 04 Avril 2024
La greffière, Le magistrat en charge de la mise en état,
Copie au dossier
Copie aux avocats