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04/04/2024 | FRANCE | N°22/14148

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 04 avril 2024, 22/14148


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 04 AVRIL 2024



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14148 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHXX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er avril 2022 - Tribunal de proximité de MONTREUIL SOUS BOIS - RG n° 11-22-000019





APPELANTE



La BNP PARIBAS, société anonyme prise en

la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 662 042 449 00014

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Nicole DELAY PEUCH, av...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14148 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHXX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er avril 2022 - Tribunal de proximité de MONTREUIL SOUS BOIS - RG n° 11-22-000019

APPELANTE

La BNP PARIBAS, société anonyme prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 662 042 449 00014

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS, toque : A0377 assistée de Me Guillaume METZ, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C 255

INTIMÉ

Monsieur [X] [S]

né le [Date naissance 3] 1983 à [Localité 7] (MALI)

[Adresse 5]

[Localité 6]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 17 décembre 2007, la société BNP Paribas a consenti à M. [X] [S] une convention d'ouverture de compte bancaire n° [XXXXXXXXXX01] avec une facilité de caisse d'un montant de 460 euros au taux nominal de 15,30 %.

Arguant de la clôture du compte et de l'exigibilité du solde comme de l'exigibilité d'un crédit de 13 000 euros qu'elle lui aurait consenti en octobre 2018, la société BNP Paribas a par acte du 6 janvier 2022, fait assigner M. [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montreuil-sous-Bois lequel, par jugement réputé contradictoire du 1er avril 2022, l'a déboutée de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Le premier juge a relevé que le contrat de crédit n'était pas versé aux débats et que les relevés du compte bancaire n'étaient produits qu'à compter du 13 septembre 2018 alors que le compte avait été ouvert le 17 décembre 2007.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 25 juillet 2022, la société BNP Paribas a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 14 octobre 2022, la société BNP Paribas demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- de réformer le jugement,

- de constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement de prononcer la résiliation judiciaire des contrats au vu des manquements de l'emprunteur à son obligation de rembourser et de condamner M. [S] à lui payer :

- la somme de 3 472,19 euros au titre du solde débiteur du compte-chèques n° [XXXXXXXXXX01], avec intérêts de droit à compter du 16 février 2021, date de la mise en demeure, et ce jusqu'à parfait paiement,

- la somme de 8 328,89 euros au titre du solde débiteur du crédit prêt personnel n° 61854018, avec intérêts au taux contractuel de 5,19 % l'an à compter du 16 février 2021, date de la mise en demeure, et ce jusqu'à parfait paiement,

- de condamner M. [S] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Elle fait principalement valoir qu'elle est dans l'impossibilité tant légale que matérielle de verser aux débats les relevés depuis l'ouverture du compte remontant à plus de dix années à la date de la délivrance de l'assignation et qu'elle les produit depuis le 13 septembre 2018 jusqu'à la clôture ce qui permet de vérifier l'absence d'incident de paiement depuis la mise à disposition du prêt le 12 octobre 2018 jusqu'au premier impayé non régularisé au titre de ce concours le 10 avril 2020.

S'agissant du crédit elle indique avoir perdu le contrat mais soutient que les pièces qu'elle produit sont de nature à rapporter la preuve de la réalité du versement du capital de 13 000 euros et qu'elle est bien fondée à réclamer le capital déduction faite des remboursements effectués jusqu'au 10 mars 2020 à hauteur de 4 671,11 euros soit la somme de 8 328,89 euros.

Aucun avocat ne s'est constitué pour M. [S] à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par acte du 18 octobre 2022 délivré selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience le 13 février 2024.

Au vu des pièces produites, la cour a relevé que l'examen des relevés de compte faisait apparaître que le découvert autorisé pourrait avoir été dépassé pendant plus de 3 mois et en particulier à partir du 7 février 2020 et a fait parvenir le 22 février 2024 au conseil de la banque par RPVA un avis mentionnant cette constatation par lequel elle a soulevé d'office en application des articles L. 311-3-4° devenu L.312-4-5°, L. 311-47 devenu L. 312-93 et L. 311-48 devenu L. 341-9 du code de la consommation la déchéance du droit aux intérêts et l' invitée à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts au plus tard le 21 mars 2024.

Le 13 mars 2024, le conseil de la banque a fait parvenir une note à la cour par laquelle il indique que la société BNP Paribas n'a effectivement pas proposé d'offre de crédit dans les 3 mois de la situation débitrice persistante du compte à compter du 7 février 2020, s'en rapporter en conséquence quant à une déchéance des frais et intérêts pratiqués au débit du compte à compter de cette date représentant la somme globale de 1 508,13 euros selon décompte qu'il a joint.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

1/ du solde du compte bancaire

Sur la forclusion

Il résulte de L. 311-52 repris dans l'article R. 312-35 du code de la consommation que les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En matière de solde débiteur d'un compte courant, cet événement est caractérisé par le dépassement, au sens du 11° (devenu 13°) de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai de 3 mois prévu à l'article L. 311-47 devenu L. 312-93. Le "dépassement" est le "découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l'emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l'autorisation de découvert convenue". Il est toutefois admis que le retour du compte à une position créditrice interrompt ce délai.

En application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

La société BNP Paribas produit les relevés de compte depuis le 13 septembre 2018 date à laquelle le compte était créditeur. Il est définitivement devenu débiteur le 7 février 2020 et ce dès cette date pour un montant supérieur à 400 euros et dès lors la banque qui a assigné le 6 janvier 2022 n'est pas forclose en son action et doit être déclarée recevable.

Sur la déchéance du droit aux intérêts et les sommes dues

Le compte de M. [S] est bien resté débiteur plus de 3 mois au-delà de l'autorisation de découvert à compter du 7 février 2020.

Or il résulte de l'article L. 311-3-4° devenu L. 312-4-5° du code de la consommation, que les opérations de crédit comportant un délai de remboursement dépassant trois mois sont soumises aux dispositions du chapitre 1er du titre 1er du livre III du code de la consommation, relatif au crédit à la consommation.

L'article L. 311-47 devenu L. 312-93 du code de la consommation impose au prêteur, lorsque le dépassement se prolonge au-delà de trois mois, de proposer sans délai à l'emprunteur un autre type d'opération de crédit et ce à peine de déchéance du droit aux intérêts et des frais de toute nature applicables au titre du dépassement (article L. 311-48 devenu L. 341-9).

En l'espèce, le découvert a duré plus de 3 mois et même si le dépassement est minime, ces dispositions trouvent à s'appliquer et il n'est pas justifié de ce qu'elles ont été respectées. Dès lors la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée et le prêteur ne peut réclamer à l'emprunteur les sommes correspondant aux intérêts et frais de toute nature.

Ceux-ci se sont élevés à 1 508,13 euros depuis cette période et dès lors la société BNP Paribas qui a vainement mis en demeure M. [S] de régulariser par lettre recommandée du 8 décembre 2020 puis a clôturé le compte par lettre du 16 février 2021 apparaît fondée à prétendre au paiement de la seule somme de 1 964,06 euros (3 472,19 - 1 508,13). Il y a donc lieu de condamner M. [S] à payer cette somme à la société BNP Paribas, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté toute demande de ce chef.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

Compte tenu du taux légal actuel, il convient d'écarter l'application de ces articles et de prévoir que la somme due ne produira aucun intérêt ni contractuel ni légal.

2/ le contrat de crédit

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

La société BNP Paribas ne produit pas le contrat de crédit qu'elle indique avoir perdu. Elle verse aux débats les relevés du compte bancaire sur lequel elle a versé la somme de 13 000 euros le 11 octobre 2018, et qui montrent le prélèvement le 12 chaque mois des mensualités de 389,92 euros, le tableau d'amortissement, l'historique de prêt, la consultation du FICP le 5 octobre 2018 dans le cadre de l'octroi d'un crédit et les lettres de mise en demeure.

Ces éléments démontrent suffisamment qu'elle a versé cette somme à M. [S].

Il résulte de l'examen du compte bancaire que M. [S] a cessé de régler toute mensualité à compter du 10 avril 2020. La banque qui a assigné le 6 janvier 2022 apparaît recevable en application de l'article R. 312-35 du code de la consommation.

Elle ne peut prétendre au bénéfice d'une clause résolutoire contractuelle faute de produire le contrat mais peut solliciter en application de l'article 1228 du code civil, la résolution du contrat.

En l'espèce, en mettant M. [S] en demeure de régulariser par lettre du 17 juin 2020, en réclamant le remboursement par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 février 2021 et en assignant M. [S] le 06 janvier 2022 en paiement du solde du prêt après déchéance du terme, la banque a manifesté clairement sa volonté de ne pas poursuivre le contrat alors que celui-ci n'était pas arrivé à son terme juridique.

Les pièces du dossier établissent que M. [S] a définitivement cessé de s'acquitter du remboursement des mensualités à compter du 10 avril 2020 mettant ainsi en échec le paiement de son crédit. Dès lors son inexécution est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat.

La banque qui ne justifie pas d'un contrat répondant aux prescriptions d'ordre public du code de la consommation ni même d'un taux contractuel convenu entre les parties puisqu'elle ne le produit pas ne peut prétendre qu'au paiement du capital soit 13 000 euros déduction faite des versements opérés soit jusqu'au 10 mars 2020 la somme de 4 671,11 euros. Il y a donc lieu de faire droit à sa demande en paiement de la somme de 8 328,89 euros, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté toute demande de ce chef.

Elle ne peut prétendre aux intérêts contractuels faute de produire le contrat.

Les intérêts au taux légal ne peuvent pas non plus lui être accordés car ils sont susceptibles d'être supérieurs au taux contractuel. Cette somme ne produira donc intérêt ni au taux légal ni au taux contractuel, l'application des articles 1153 devenu 1231-6 du code civil, et L. 313-3 du code monétaire et financier étant également écartés.

Sur les autres demandes

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné la société BNP Paribas aux dépens mais confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et M. [S] qui succombe doit supporter les dépens de première instance. En revanche rien ne justifie de le condamner aux dépens d'appel, alors que n'ayant jamais été représenté ni en première instance, ni en appel, il n'a jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l'a fait. La société BNP Paribas conservera donc la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société BNP Paribas recevable en ses demandes ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts pour le compte bancaire ;

Rejette la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de crédit mais en prononce la résiliation ;

Condamne M. [X] [S] à payer à la société BNP Paribas les sommes de :

- 1 964,06 euros au titre du solde du compte bancaire,

- 8 328,89 euros au titre du solde du prêt ;

Ecarte l'application des articles 1153 devenu 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier et dit que ces sommes ne produiront aucun intérêt ;

Condamne M. [X] [S] aux dépens de première instance ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société BNP Paribas ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/14148
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;22.14148 ?
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