Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 03 AVRIL 2024
(n° 2024/ 86 , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20339 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWTG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 20/02396
APPELANTS
Monsieur [G] [M]
[Adresse 9]
[Localité 6] - UKRAINE
Né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 8] (RUSSIE)
De nationalité russe
Madame [V] [W] épouse [R]
[Adresse 11]
[Localité 6] - UKRAINE
Née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 13] (KAZAKHSTAN)
De nationalité ukrainienne
représentés par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441, plaidant par Me Louis HELFRE-JABOULAY, substituant Me Emmanuelle BOURETZ VIVIEN & ASSOCIÉS A.A.R.P.I., toque R 210
INTIMÉES
S.A. GENERALI IARD, représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 5]
[Localité 7]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 552 06 2 6 63
La société HO RE CI, exerçant sous le nom commercial Hôtel [12], société à responsabilité limitée au capital de 200.000,00 euros, représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 1]
Immatriculée au RCS de CARCASSONNE sous le numéro 532 662 145
représentées par Me Bénédicte ESQUELISSE de la SCP SOULIE COSTE-FLORET & AUTRES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267, plaidant par Me Jordan PEREAULT, SCP SOULIE COSTE FLORET, avocat au barreau de Paris, toque P 267
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme FAIVRE, Présidente de chambre
M. SENEL, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame POUPET
ARRÊT : Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 mars 2024 prorogé au 03 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par, Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Mme POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE :
Du 17 au 19 septembre 2017, M. [G] [M] et Mme [V] [W] épouse [R] (ci-après M. et Mme [M]) ont séjourné à l'hôtel [12] à [Localité 10] (Aude), exploité par la société Ho-Re-Ci, assurée auprès de la SA GENERALI IARD, ci-après dénommée GENERALI. Les époux [M] ont été installés, à leur demande, au rez-de-chaussée dans une suite avec terrasse.
Le 19 septembre 2017, vers 2h30 du matin, Mme [R] a signalé à la réception un vol venant de se produire dans leur chambre.
Le même jour, Mme [R] a déposé plainte pour vol au commissariat de police de [Localité 10]. Une enquête pénale a été diligentée puis classée sans suite (auteur inconnu).
Le 9 novembre 2017, M. et Mme [M] ont mis en demeure l'hôtel [12], par l'intermédiaire de leur avocat, de les indemniser du préjudice consécutif au vol.
Le 29 novembre 2017, GENERALI s'est opposée à cette demande.
PROCÉDURE
Par exploits d'huissier en date des 29 et 30 janvier 2020, M. et Mme [M] ont fait assigner la société Ho-Re-Ci et GENERALI devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement du 21 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
- Rejeté la demande, formée par M. [G] [M] et Mme [V] [W], de suppression de propos contenus dans les conclusions signifiées par les sociétés Ho-Re-Ci et GENERALI IARD';
- Débouté M. [G] [M] et Mme [V] [W], de leur demande de condamnation des sociétés Ho-Re-Ci et GENERALI IARD à les indemniser du vol allégué';
- Débouté M. [G] [M] et Mme [V] [W], de leur demande de condamnation des sociétés Ho-Re-Ci et GENERALI IARD à leur verser des dommages et intérêts pour résistance abusive';
- Condamné in solidum M. [G] [M] et Mme [V] [W], aux dépens';
- Condamné in solidum M. [G] [M] et Mme [V] [W], à verser aux sociétés Ho-Re-Ci et GENERALI IARD la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- Rappelé que le jugement est exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration électronique du 23 novembre 2021, enregistrée au greffe le 26 novembre 2021, M. [G] [M] et Mme [V] [W] ont interjeté appel.
Par conclusions d'appelants n° 3 notifiées par voie électronique le 31 mai 2023, M. [G] [M] et Mme [V] [W] (ci-après M. et Mme [M]) demandent à la cour de :
- INFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 21 septembre 2021 en ce qu'il a :
* débouté Monsieur et Madame [M] de leur demande de condamnation des sociétés
HO-RE-CI et Generali Iard à les indemniser du vol commis le 19 septembre 2017,
* débouté Monsieur et Madame [M] de leur demande de condamnation des sociétés
HO-RE-CI et Generali Iard à leur verser des dommages et intérêts pour résistance abusive,
* condamné in solidum Monsieur et Madame [M] aux dépens,
* condamné in solidum Monsieur et Madame [M] à verser aux sociétés HO-RE-CI et GENERALI IARD la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et, statuant à nouveau,
- CONDAMNER in solidum la société HO-RE-CI et la société GENERALI IARD à payer à Monsieur et Madame [M] la somme de 54 010 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ;
- ORDONNER la capitalisation des intérêts par année entière en application de l'article 1343-1 du code civil ;
- CONDAMNER in solidum la société HO-RE-CI et la société GENERALI IARD à payer à Monsieur et Madame [M] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- DEBOUTER la société HO-RE-CI et la société GENERALI IARD de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER in solidum la société HO-RE-CI et la société GENERALI IARD à payer à Monsieur et Madame [M] la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum la société HO-RE-CI et la société GENERALI IARD aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître [C] [J], et ce dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions en défense n° 2 notifiées par voie électronique le 20 mars 2023, HO-RE-CI et GENERALI IARD demandent à la cour de :
À titre principal,
- CONFIRMER le jugement rendu en toutes ses dispositions ;
- DÉBOUTER les époux [M] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER les époux [M] à verser la somme de 5 000 euros aux sociétés GENERALI et HO-RE-CI au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens';
À titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement,
- JUGER que les époux [M] ont commis une faute exonératoire de responsabilité ;
- CONDAMNER les époux [M] à verser la somme de 5 000 euros aux sociétés GENERALI et HO-RE-CI au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens';
À titre très subsidiaire,
- LIMITER à la somme de 7 510 euros l'assiette de recours des époux [M] ;
- JUGER que la société HO-RE-CI conservera à sa charge la franchise de 305 euros ;
DÉBOUTER les époux [M] du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.'»
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 juin 2023.
Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I Sur la responsabilité de l'hôtelier
A l'appui de leur appel, M. et Mme [M] reconnaissent qu'il leur appartient de démontrer qu'ils ont introduit dans l'hôtel, les objets qui ont été volés mais que cette preuve peut être rapportée par tout moyen. En l'espèce, ils font valoir qu'ils rapportent la preuve que M. [M] portait la montre [S] [X] à son bras, dans l'hôtel. Concernant le vol, ils font valoir que s'agissant d'un fait matériel, il peut aussi être prouvé par tout moyen, que l'absence d'effraction n'est pas de nature à remettre en cause, la réalité du vol, qu'en l'espèce, ils disposent de suffisamment d'éléments pour rapporter la preuve du vol.
Ils estiment que l'hôtelier a commis une faute caractérisée en n'assurant pas la sécurité au sein de son établissement au regard de son standing (absence de système de sécurité dans les jardins de l'hôtel).
En tout état de cause, il ne peut leur être reproché aucune faute exonératoire de la responsabilité de l'hôtelier.
Concernant le montant du préjudice, M. et Mme [M] rapportent la preuve de la propriété et de la valeur de la montre [S] [X] d'un montant de 54 010 euros et déclarent limiter leur demande d'indemnisation à ce montant.
En réplique, la société HO-RE-CI et GENERALI font valoir que l'unique pièce attestant du vol est le dépôt de plainte de Mme [R], que cette preuve unilatérale est insuffisante à établir le vol. Selon, elles, M. et Mme [M] ne rapportent pas non plus la preuve de l'existence des biens volés, ni de leur propriété.
Elles estiment que si la responsabilité de l'hôtelier était retenue, il serait exonéré de sa responsabilité par la faute commise par M. et Mme [M], qu'en effet, ils disposaient d'un coffre-fort qu'ils n'ont pas utilisé, ils ont accepté une chambre au rez de chaussée et ont laissé leur porte fenêtre ouverte pendant la nuit.
S'agissant de la faute reprochée à l'hôtelier, ils font valoir qu'il n'est pas établi un défaut de vigilance de l'hôtel et qu'il n' y a pas de problématique sécuritaire depuis 2015 dans cet hôtel.
Sur la propriété de la montre, les photos ne permettent pas de reconnaître sa marque, le certificat d'authenticité ne porte aucun nom d'acquéreur et le certificat d'acquisition ne correspond pas à la montre déclarée volée.
Sur ce,
Vu les articles 1952 et 1953 du code civil,
Ces dispositions instaurent une responsabilité de plein droit de l'hôtelier, sans qu'il soit nécessaire de prouver sa faute. Mais il appartient au client de rapporter la preuve du dépôt hôtelier, de démontrer que l'objet déposé a été volé par les préposés de l'hôtel ou des tiers allant et venant dans l'hôtel, enfin d'établir l'étendue du dommage subi, en prouvant la propriété et la valeur de l'objet volé.
1) Sur la preuve du dépôt et du vol
En l'espèce, pour justifier que M. et Mme [M] avaient emporté à l'hôtel la montre dont ils demandent l'indemnisation, M. et Mme [M] ont communiqué à la direction de l'hôtel leurs photos de vacances ainsi qu'une photo détaillée de la montre [S] [X] destinée aux assurances. Ces photos transmises aux enquêteurs de police chargés de l'enquête menée à la suite de la plainte pour vol déposée par Mme [R], ont été annexées au rapport d'enquête.
Dans ce rapport ( page 29), les enquêteurs ont relevé que sur l'un des clichés, ils aperçoivent deux hommes assis autour d'une table dans le salon bibliothèque «' que nous identifions comme le salon de l'hôtel [12]. Il semble que l'homme de droite porte au poignet une montre semblable à celle apparaissant sur la photographie laissée par les victimes.'»
Il ressort aussi de ce rapport d'enquête qu'un autre cliché montre le même homme assis à une table de restaurant, avec la même montre au poignet droit.
Cette montre est constituée d'un large cadran rond à fond blanc qui s'attache au poignet avec un bracelet en cuir. Elle a un aspect analogue à celle figurant sur le cliché destiné aux assurances.
Ces photographies qui présentent M. [M] au sein de l'hôtel avec une montre analogue à la montre [S] [X] suffisent à établir que M. [M] avait apporté à l'hôtel une montre [S] [X], justifiant ainsi du dépôt hôtelier.
S'agissant du vol, il ressort du rapport d'enquête de police (pièce 15 - M. et Mme [M]) que le veilleur de nuit, entendu par les enquêteurs, leur a déclaré qu'au moment du vol, il exerçait cette fonction, que lorsqu'il a reçu un coup de téléphone de la chambre 116 (occupée par M. et Mme [M]), il devait être minuit passé, son interlocuteur lui disait en anglais qu'ils venaient d'être cambriolés dans leur chambre, que le couple est arrivé immédiatement après à la réception, qu'ils lui ont demandé de voir par où étaient passés le ou les cambrioleurs, qu'il a compris que les auteurs étaient passés par la porte fenêtre. Il ajoute que «'la porte fenêtre donne dans les jardins qui eux-même donnent sur une rue piétonne. Les jardins sont bordés d'un muret qui est facilement franchissable.'» Il continue en déclarant que «'nous sommes sortis en compagnie du client par la porte principale, il m'a mené derrière l'hôtel dans la rue qui longe les jardins pour me montrer un sac en plastique qu'il désigne comme appartenant à l'auteur des faits. Je crois deviner un sac de supermarché bleu et rouge. A côté du sac se trouvaient une paire de chemises. Pour moi, il n'y avait rien de valeur. Je n'ai pas touché le sac.'» Question : «'Où trouvez-vous le sac exactement ''» réponse «' Dans la rue au pied du mur qui longe le jardin.'» Question: «'Le client reconnaît-il des effets lui appartenant ''» Réponse: «' Il n'en a pas parlé.'» ['] En quelle langue avez-vous communiqué ' Réponse: «'En anglais. Je le parle de par mon métier et le client le parlait bien aussi. Une troisième personne est intervenue, je pense que c'est l'amie qui elle faisait la traduction russe français. L'épouse du client ne parlait pas anglais'. Question «' Dans quel état se trouvaient les clients ' «' Réponse «' Lui était plus énervé que stressé, elle semblait en plus choquée.'» Question «' Vous ont-ils demandé de changer de chambre ou leur avez-vous proposé ''» Réponse: «' Le problème qui se posait c'est qu'il n'y avait plus de chambre équivalente ou au dessus car ils occupaient une suite. La dame était pour changer de chambre mais lui non.'» ['] Question: «' Avez-vous de la vidéo surveillance qui donne sur le jardin'' Réponse' 'Non' ».
Contrairement aux allégations des intimées qui déclarent que les appelants ne justifient de la matérialité du vol que par le dépôt de plainte fait au commissariat le matin des faits, il ressort des déclarations du veilleur de nuit qu'il a été contacté après minuit par les occupants de la chambre 116 qui étaient M. et Mme [M], pour un vol qui venait de se produire dans leur chambre.
En outre, il déclare avoir accompagné M. [M] dans la rue bordant le jardin de l'hôtel et avoir vu un sac en plastique au pied du mur qui longe ce jardin et des chemises à côté de ce sac et qu'il n'y avait rien de valeur à ses yeux.
Ces constatations correspondent à la plainte déposée dans la matinée des faits, au commissariat par Mme [R] qui a déclaré que «'l'auteur a laissé en chemin un sac plastique contenant une bouteille de vin et un boîtier d'appareil photo qui nous appartenait'».
En outre, la découverte de ce sac en plastique au pied du mur du jardin de l'hôtel correspond à la description du mode opératoire de l'auteur faite par Mme [R], à savoir qu'il serait passé par le jardin de l'hôtel puis rentré dans la chambre donnant sur la terrasse et serait reparti par le même chemin pour regagner la rue par le mur dont le veilleur dit qu'il est facilement franchissable comme l'a aussi constaté l'officier de police judiciaire dans sa synthèse d'enquête et ce, sans que ce cheminement ait pu être visionné par la caméra de vidéosurveillance de l'hôtel, puisqu'il n'y en a pas, selon le veilleur de nuit, fait qui n'est pas contesté par la direction de l'hôtel.
Enfin, il n'est pas contesté qu'il n'y a pas eu d'effraction pour entrer dans la chambre de M. et Mme [M] ; or, l'entrée dans la chambre se fait soit par l'intérieur de l'hôtel, soit par le jardin. En l'absence d'effraction, l'entrée par l'intérieur de l'hôtel suppose d'ouvrir la porte de la chambre par une carte magnétique ; or, il a été établi qu'à l'heure du vol, elle n'avait pas été actionnée. (pièce 8 M. et Mme [M]). Il s'en déduit que l'entrée et la sortie de l'auteur n'ont pu se faire que par la porte fenêtre donnant sur le jardin.
L'ensemble de ces faits constituent un faisceau d'indices graves, précis et concordants qui permet d'établir la réalité du vol déclaré par M. et Mme [M].
Le dépôt hôtelier par M. et Mme [M] et la matérialité du vol dans la chambre d'hôtel étant établis, il en résulte que la responsabilité de l'hôtelier est engagée à leur égard.
En conséquence, il y a lieu de dire que la société HO-RE-CI est responsable du vol commis à l'égard de M. et Mme [M] pendant la nuit du 18 au 19 septembre 2018, par un tiers allant et venant dans l'hôtel.
2) Sur la faute de M. et Mme [M]
GENERALI et la société HO-RE-CI soutiennent que la société HO-RE-CI serait exonérée de sa responsabilité par la faute commise par M. et Mme [M].
Ils font valoir à ce titre que M. et Mme [M] ont demandé à changer de chambre qui était en étage pour occuper une chambre en rez de terrasse, qu'ils n'ont pas verrouillé le loquet fermant la porte fenêtre et qu'ils n'ont pas utilisé le coffre-fort mis à leur disposition.
Concernant le changement, de chambre, il ne peut être reproché à des clients d'un hôtel de prestige de vouloir occuper en fin d'été une chambre en rez-de-chaussée donnant sur une terrasse. En revanche, il appartient à l'hôtelier d'y assurer une sécurité équivalente à celle des chambres situées aux étages supérieurs, en mettant en place un dispositif de surveillance des accès pour éviter les intrusions.
Concernant le verrouillage de la porte fenêtre, il ressort du procès-verbal d'huissier susvisé que la serrure de la porte fenêtre de la chambre est «'équipée d'un loquet qui permet de la verrouiller. Lorsque ce loquet est fermé, il est impossible d'ouvrir la porte de l'extérieur.'» (procès-verbal page 15). La cour constate sur les photographies du procès-verbal que la porte côté intérieur est équipée d'un loquet et côté extérieur, qu'elle porte une poignée et une serrure. (procès-verbal page 17)
Lors de son dépôt de plainte, Mme [R] a déclaré «' la fenêtre se ferme avec un loquet et je suis persuadée que je l'avais mis ».
Le personnel de l'hôtel qui a accès aux chambres a déclaré aux enquêteurs qu'il fermait systématiquement le loquet après leur passage.
L'enquêteur qui a manipulé la porte lors des constatations sur place le 20 septembre 2017, a déclaré que «'son verrouillage était parfois difficile et aléatoire et qu'il était très probable que les victimes aient cru que cette dernière était bien verrouillée lorsqu'elle se sont mises au lit pour la nuit alors qu'elle ne l'était pas.'» (dans le rapport d'enquête de police : rapport d'intervention technique)
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il est nécessaire de fermer le loquet de l'intérieur pour que la porte fenêtre soit verrouillée.
Mais dans la mesure où le verrouillage était difficile et aléatoire, sans que l'hôtelier tout en déclarant le contraire dans ses conclusions, n'en justifie, il s'en déduit que dans la nuit du 18 au 19 septembre, M. et Mme [M] ont pu pensé involontairement que la porte était verrouillée alors qu'en réalité elle ne l'était pas.
Il ne peut donc leur être reproché une faute à ce titre.
S'agissant du coffre-fort non utilisé, il ne peut être reproché à des clients d'un hôtel de ne pas déposer dans le coffre-fort un objet tel qu'une montre portée couramment dans la journée par son propriétaire. En outre, dans un hôtel de prestige, les clients ont l'habitude de porter sur eux des bijoux de valeur.
En l'espèce, il a été constaté précédemment que M. [M] portait habituellement la montre [S] [X] qui a été dérobée.
Aucune faute ne peut donc être reprochée à M. et Mme [M] au titre du coffre-fort.
En définitive, il résulte de l'ensemble de ces éléments, que les fautes reprochées par la société HO-RE-CI et GENERALI ne sont pas établies.
En conséquence, en l'absence de faute des victimes, il n'y a pas lieu d'exonérer la société HO-RE-CI de sa responsabilité.
3) Sur le montant du préjudice
En application de l'article 1953 alinéa 3 du code civil, le montant des dommage-intérêts est limité à 100 fois le prix de location de la chambre par jour, sauf preuve d'une faute de l'hôtelier dont résulterait le préjudice.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le prix de la chambre par journée est de 639 euros, soit un plafond de préjudice de 63 900 euros.
Dans la mesure où M. et Mme [M] font valoir en appel un préjudice de 54 010 euros inférieur au montant du plafond, la question de la caractérisation de la faute de l'hôtelier devient sans intérêt et ne sera donc pas examinée.
Pour justifier de la propriété de la montre [S] [X] et de sa valeur, M. et Mme [M] communiquent:
- le certificat d'origine au nom de [S] [X] établi le 14 août 2003 par l'horloger joaillier à l'enseigne A l'Emeraude situé à Lausanne (Suisse) qui porte sur la montre de référence 3940J-014
- l'estimation en vue d'assurance établie par cet horloger joaillier le 7 juin 2018 à destination de M. [M] demeurant en Russie, atteste que la montre référence 3940J-014 a été achetée chez lui le 14 août 2003 et que sa valeur de remplacement s'élève à CHF 49 800 soit 54 010 euros. L'attestation contient une représentation photographiée de la montre.
Les intimées contestent la valeur probante du certificat d'authenticité qui ne mentionne pas le nom du propriétaire.
Toutefois, il ressort de l'estimation que ladite montre a été acquise le jour où a été établi le certificat d'authenticité, qu'elle précise les mêmes caractéristiques concernant la montre que le certificat d'authenticité et qu'elle est adressée à M. [M] en vue d'une «'estimation pour l'assurance'».
Ces éléments sont suffisamment précis et concordants pour établir la preuve que M. [M] a acquis la propriété de cette montre.
Au vu de la photographie de la montre qui figure sur l'estimation, il s'avère qu'elle ressemble à celle que M. [M] portait sur la photographie prise à l'hôtel.
Bien que la référence de montre communiquée aux enquêteurs de police le jour des faits par Mme [R] soit différente de celle vendue le 14 août 2003, cette erreur commise par une personne qui n'est pas une professionnelle de l'horlogerie, ne remet cependant pas en cause que M. [M] est propriétaire d'une montre [S] [X] qu'il portait à l'hôtel.
L'ensemble de ces éléments suffit à justifier du préjudice de 54 010 euros résultant du vol dont M. et Mme [M] demandent l'indemnisation.
En conséquence, il y a lieu de condamner la société HO-RE-CI à payer à M. et Mme [M] ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation du 28 janvier 2020 valant mise en demeure, intérêts capitalisés dans les conditions de l'article 1343 du code civil, conformément à la demande des appelants.
Generali assureur de la société HO-RE-CI, mise en cause au titre de l'action directe par
M. et Mme [M], ne conteste pas devoir sa garantie.
Elle sera donc condamner ès qualités d'assureur, à payer à M. et Mme [M] la somme de 54 010 euros.
Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
II Sur la résistance abusive
L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation qu'en cas de faute susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur.
Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre de la société HO-RE-CI et GENERALI une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit de se défendre en justice.
Il ne sera ainsi pas fait droit aux demandes de dommages-intérêts formées à ce titre par M. et Mme [M].
III Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. et Mme [M] demandent l'infirmation du jugement concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile. Il sera fait droit à leur demande. Les dispositions du jugement relatives au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles et aux dépens sont infirmées.
La société HO-RE-CI et GENERALI sont condamnés aux dépens de première instance et à payer à M. et Mme [M] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Parties perdantes en appel, la société HO-RE-CI et GENERALI sont condamnés aux dépens d'appel et à payer à M. et Mme [M], en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 7 000 euros au titre de l'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
dans les limites de l'appel,
L'infirme en ce qu'il a :
débouté M. et Mme [M] de leur demande de condamnation de la société HO-RE-CI et de GENERALI à les indemniser du vol allégué et à leur verser des dommage-intérêts pour résistance abusive ;
condamné M. et Mme [M] aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Dit que la société HO-RE-CI est responsable du vol commis à l'égard de M. et Mme [M] pendant la nuit du 18 au 19 septembre 2018, par un tiers allant et venant dans l'hôtel ;
Dit que M. et Mme [M] n'ont pas commis de faute exonératoire de la responsabilité de la société HO-RE-CI ;
Condamne la société HO-RE-CI et GENERALI ès qualités d'assureur de la société HO-RE-CI, à payer à M. et Mme [M] la somme de 54 010 euros en réparation de leur préjudice ;
Dit que cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2020;
Dit que les intérêts pourront être capitalisés par année entière en application de l'article 1343-1 du code civil ;
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par M. et Mme [M] au titre de la résistance abusive ;
Condamne la société HO-RE-CI et GENERALI aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société HO-RE-CI et GENERALI à payer à M. et Mme [M] la somme de 3 000 euros en première instance et 7 000 euros en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société HO-RE-CI et GENERALI de leur demande formée de ce chef.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE