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02/04/2024 | FRANCE | N°23/07496

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 02 avril 2024, 23/07496


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 02 AVRIL 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07496 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHQEW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 janvier 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 21/06251





APPELANTE



Madame [E] [X] [R] née le 15 septembre 1985 à [L

ocalité 4] (Tunisie),

comparante



[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Danielle BABIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0256





INTIME



LE MINISTÈRE PUBLIC p...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 02 AVRIL 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/07496 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHQEW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 janvier 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 21/06251

APPELANTE

Madame [E] [X] [R] née le 15 septembre 1985 à [Localité 4] (Tunisie),

comparante

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Danielle BABIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0256

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté à l'audience par Madame Martine TRAPERO, avocat général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024, en audience publique, l' avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Mme Marie LAMBLING, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 19 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du ministère public, dit sans objet la demande de Mme [E] [X] relative à la recevabilité de son assignation, débouté Mme [E] [X] de sa demande tendant à voir dire qu'elle est de nationalité française, jugé que Mme [E] [X], née le 15 septembre 1985 à [Localité 4] (Tunisie), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, rejeté la demande de Mme [E] [X] tendant à voir ordonner l'exécution provisoire de la présente décision, rejeté la demande de Mme [E] [X] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné Mme [E] [X] aux dépens et rejeté tout autre demande ;

Vu la déclaration d'appel en date du 20 avril 2023 de Mme [E] [X];

Vu les dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 décembre 2023 par Mme [E] [X] qui demande à la cour de la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée, juger que les conditions de l'article 1043 du code de procédure civile ont été remplies, infirmer le jugement du 19 janvier 2023 en toutes ses dispositions, juger qu'elle est de nationalité française par filiation paternelle, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, condamner le Trésor public à lui payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamner le ministère public aux entiers dépens ;

Vu les conclusions notifiées le 30 janvier 2024 par le ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner Mme [E] [X] aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 30 janvier 2024 ;

Vu le bulletin adressé aux parties le 11 mars 2024 les invitant à produire la loi tunisienne dont elles se prévalent et à faire des observations avant le 18 mars 2024 sur :

- La loi applicable à l'établissement de la filiation paternelle de Mme [E] [X] ;

L'intéressée invoque « l'article 319 du code civil » alors que la filiation de l'intéressée, dont la mère est de nationalité tunisienne, devrait en application de l'article 311-14 du code civil être régie par la loi tunisienne et donc par le code du statut personnel;

-La loi applicable à la célébration des mariages en 1953 en Tunisie et l'application dans le temps de la loi 1957-3 du 1 août 1957 réglementant l'état civil selon la loi tunisienne ;

Vu la note en délibéré transmise le 8 mars 2024 au greffe par Mme [E] [X] qui fait valoir que :

-avant la promulgation de la loi n° 1957-3 du 1er août 1957, à la fin du protectorat français, les actes de mariages (jusqu'en 1929) transcrits sur les registres paroissiaux par les desservants du culte catholique de l'Archidiocèse de Carthage avaient la même valeur qu'un acte de l'état civil laïc, au regard du droit tunisien et du droit français ;

- Le décret beylical du 19 février 1953 autorise, pour l'avenir les mariages religieux entre non-tunisiens si la loi personnelle des deux époux admet cette forme ; il valide également ceux célébrés entre le 3 juillet 1941 et le 19 février 1953, toujours pour les seuls conjoints dont la loi personnelle admet cette forme.

-La loi Tunisienne n° 1957-3 du 1er août 1957 qui est venue réorganiser l'état civil a rendu obligatoire les mariages devant notaires pour les Musulmans, et leur inscription sur les registres de l'état civil laïc et n'a pas prévu de dispositions transitoires ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 27 avril 2023 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 18 du code civil, Mme [E] [X] revendique être française par filiation paternelle pour être née le 15 septembre 1985 à [Localité 4] (Tunisie) de M. [T] [X], en faisant valoir que ce dernier est français pour être issu de [B] [X], reconnu français par décret n°92-1456 du 9 octobre 1912.

En appel, elle soutient, à titre subsidiaire, être française par possession d'état sur le fondement de l'article 21-13 du code civil.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

Mme [E] [X] s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française le 1er avril 2020 par le directeur des services de greffe judiciaires du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France au motif que son acte de naissance et l'acte de mariage de ses parents n'étaient pas conformes à la législation tunisienne de sorte qu'ils n'étaient pas probants au sens de l'article 47 du code civil.

Pour rejeter la demande de Mme [E] [X], les premiers juges ont retenu, que faute de produire l'acte de naissance de [B] [X] et le décret l'ayant admis à jouir des droits de citoyens français, elle n'établissait pas que son père revendiqué était de nationalité française.

En appel, le ministère public ne conteste ni l'admission de [B] [X] à la qualité de citoyen français, ni la filiation de [T] [X], père de l'appelante, à l'égard de ce dernier.

Il appartient donc à Mme [E] [X] d'apporter la preuve d'un lien de filiation légalement établi à l'égard de [T] [X] durant sa minorité et de son identité au moyen d'actes d'état civil fiables et probants au sens de l'article 47 du code civil selon lequel « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française'.

Pour justifier de son état civil, Mme [E] [X] produit :

- un « extrait des registres de l'état civil, naissance (version française) » n°7019 de l'année 1985 de [Localité 4], certifié conforme à l'original le 31 mars 2021 indiquant qu'elle est née le 15 septembre 1985 à [Localité 4], de [X] [T] [F] [B] et de [Y] [A] [Z] [G] [F] [J] [F] [C], de nationalité tunisienne, l'acte ayant été dressé le 21 septembre 1985 sur déclaration de l'hôpital ;

- l'acte de naissance transcrit sur les registres consulaires français à [Localité 4] le 20 juin 1986 sur la production d'une expédition de l'acte original n°7019, indiquant que le 15 septembre 1985 est née [E] de [T] [X], né à [Localité 4] (Tunisie) le 11 septembre 1926 et de [A] [Y], son épouse, la naissance ayant été déclarée par l'employé de l'hôpital le 21 septembre 1985.

Le ministère public considère que l'acte de naissance de Mme [E] [X] n'est pas probant au sens de l'article 47 au motif qu'il n'est pas conforme à l'article 26 de la loi n°1957-3 tunisienne du 1er août 1957 réglementant l'état civil, qui énonce que l'acte de naissance énonce les dates et lieux de naissance, profession, et nationalité des père et mère.

Mais, Mme [E] [X] produit également les actes de naissance tunisiens de ses parents, l'acte de naissance de [T] [X], dressé sur les registres coloniaux le 13 septembre 1926, ainsi que le livret de famille français délivré à ses parents par le consulat de France à [Localité 4], portant également la transcription de sa naissance. Or, dans l'acte de naissance tunisien de l'appelante, les noms des parents mentionnés « [X] [T] [F] [B] » » et « [Y] [A] [Z] [G] [F] [J] [F] [C] » indiquent la filiation des parents, « [F] [B] », voulant dire « fils de [B] » et « [Z] [G] [F] [J] [F] AMAR », voulant dire « fille de [G] [Y] fils de [J] fils de [I] » et permettent ainsi d'identifier les parents de l'intéressée, les actes de naissances de ces derniers mentionnant bien ces filiations. Ainsi, en l'espèce, l'absence des mentions des dates et lieux de naissance des parents de l'intéressé, alors qu'aucune fraude n'est alléguée par le ministère public, n'ôte pas à l'acte sa force probante.

Pour justifier de sa filiation paternelle, établie conformément à la loi tunisienne en application de l'article 311-14 du code civil, Mme [E] [X] se prévaut du mariage de ses parents. A cet égard, elle produit la transcription, effectuée le 15 mai 1986 par le consul général de France à [Localité 4], sur la production d'une expédition de l'acte original et de l'acte de naissance de l'époux, de l'acte de mariage de [T] [H], né le 11 septembre 1926 à [Localité 4] domicilié [Adresse 3], fils de [B] [H] et de [V] [S] et de [A] dite [O] [U], fille de [P] [U], le mariage ayant été célébré le 8 mars 1953 à [Localité 4], par [B] [D] et [W] et [N] [M], notaires, l'acte ayant été enregistré le 5 septembre 1961 à [Localité 4] sous le numéro 618, page 194.

Si le ministère public considère que l'acte de mariage des parents de Mme [E] [X] n'est pas probant dès lors qu'il a été dressé 8 ans après la célébration du mariage, en violation des articles 31 et 33 de la loi n°1957-3 du 1er août 1957 réglementant l'état civil, il ressort de cette loi qu'aucune disposition transitoire n'est prévue pour les mariages célébrés avant sa promulgation, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'appliquer de façon rétroactive au mariage des parents de l'intéressée, célébré devant deux notaires comme la loi l'y autorisait. Dès lors, l'appelante rapporte la preuve du mariage de ses parents avant sa naissance et donc de sa filiation à l'égard de M. [T] [X], français comme né de [B] [X], reconnu français par décret n°92-1456 du 9 octobre 1912. Mme [E] [X] est donc de nationalité française. Le jugement est infirmé.

Les dépens sont laissés à la charge du Trésor public. En équité, l'appelante ayant produit des pièces indispensables au succès de ses prétentions en appel, il y a lieu de rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit que la formalité prévue à l'article 1040 a été respectée et que la procédure est recevable,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [E] [X], née le 15 septembre 1985 à [Localité 4] (Tunisie), est de nationalité française,

Rejette la demande Mme [E] [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le Trésor public aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 23/07496
Date de la décision : 02/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-02;23.07496 ?
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