La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2024 | FRANCE | N°22/14810

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 28 mars 2024, 22/14810


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 28 MARS 2024



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14810 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJHC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 juin 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-22-001940





APPELANTE



LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, ancienne

ment dénommée la BANQUE POSTALE FINANCEMENT, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés è...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 28 MARS 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14810 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJHC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 juin 2022 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-22-001940

APPELANTE

LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, anciennement dénommée la BANQUE POSTALE FINANCEMENT, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 487 779 035 00046

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l'audience par Me Hinde FAJRI de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉE

Madame [J] [S]

née le [Date naissance 2] 1978 en GUINÉE

[Adresse 3]

[Localité 4]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Banque Postale Financement aux droits de laquelle vient la société Banque Postale Consumer Finance a émis une offre de crédit personnel d'un montant en capital de 10 000 euros remboursable en 60 mensualités de 188,29 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 4,50 %, le TAEG s'élevant à 5,02 %, soit une mensualité avec assurance de 199,46 euros, dont elle affirme qu'elle a été acceptée par Mme [J] [S] selon signature électronique du 16 décembre 2020.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Banque Postale Consumer Finance a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte en date du 10 mars 2022, la société Banque Postale Consumer Finance a fait assigner Mme [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 23 juin 2022, l'a déboutée de toutes ses demandes contre Mme [S] au titre du contrat de crédit du 16 décembre 2020 comme de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

Le premier juge a considéré que s'agissant d'un contrat signé par voie électronique, aucun élément de vérification de l'identité réelle de la cliente n'était apporté, que la copie de sa pièce d'identité n'était même pas produite et qu'il était impossible de savoir si une rencontre effective entre les parties avait eu lieu en magasin ou en agence.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 4 août 2022, la société Banque Postale Consumer Finance a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 9 novembre 2022, la société Banque Postale Consumer Finance demande à la cour d'annuler le jugement et à tout le moins de l'infirmer et statuant à nouveau de constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement de prononcer la résiliation du contrat au vu des manquements de l'emprunteur avec effets au 20 septembre 2021, de condamner Mme [S] à lui payer la somme de 11 086,83 euros en remboursement du crédit avec intérêts au taux contractuel de 4,50 % à compter du 21 septembre 2021, subsidiairement de la condamner à lui payer la somme de 9 776,93 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2020 sur le fondement de la répétition de l'indu et en tout état de cause, de la condamner à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de Selas Cloix & Mendes Gil.

L'appelante fait valoir sur le fondement des articles 287 et suivants du code civil, que le premier juge ne pouvait soulever d'office une contestation de signature non soulevée par l'emprunteur défaillant, sur la seule base de ce que l'offre de crédit avait fait l'objet d'une signature électronique et alors qu'il ressort que des prélèvements sont intervenus et que la débitrice n'a formé aucune contestation. Elle ajoute qu'il ne s'agit pas d'un moyen tiré du code de la consommation et requiert ainsi l'annulation du jugement.

A titre subsidiaire, elle invoque le caractère infondé de la remise en question de la signature électronique et rappelle que la signature électronique est parfaitement admise en tant que preuve selon les dispositions des articles 1366 et 1367 du code civil et qu'il s'agit d'ailleurs d'une preuve présumée. Elle indique qu'en l'absence de contestation, elle n'a pas à produire de pièce complémentaire visant à établir la fiabilité de la signature mais qu'elle communique aux débats les documents émis par DocuSign opérateur de signature, constitutifs du dossier de preuve à savoir le document de la société DocuSign explicitant les process utilisés et la liste des produits et services qualifiés faisant ressortir que pour certains produits la société Docu sign France figure sur la liste des produits et services qualifiés disposant d'une qualification de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information.

Elle souligne que Mme [S] était déjà cliente auprès d'elle, qu'elle a procédé à des vérifications de son identité à l'ouverture du compte conformément à l'article R. 312 -2 du code monétaire et financier et a connaissance de ses coordonnées téléphoniques et mails, que l'identification de Mme [S] n'est pas matière à suspicion étant rappelé que son adresse a été confirmée par les mises en demeure et procès-verbal de signification d'assignation.

A défaut, elle indique que ces pièces constituent des commencements de preuve par écrit, qui sont corroborés par les autres éléments de preuve produits aux débats, notamment les chèques déposés sur son compte, les paiements par virements bancaires ou par prélèvements et le paiement des mensualités de crédit.

Elle estime que sa créance est bien fondée à hauteur de 11 086,83 euros comprenant capital, mensualités, intérêts et indemnité et indique que si la cour devait estimer que la preuve du contrat de prêt n'est pas rapportée, elle serait bien fondée à solliciter la condamnation de l'emprunteur au paiement de la somme de 9 776,93 euros en restitution d'une somme perçue indûment (somme versée 10 000 euros à déduire paiements effectués pour 223,07 euros).

Aucun avocat ne s'est constitué pour Mme [S] à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 11 octobre 2022 remis à étude et les conclusions ont été signifiées par acte du 14 novembre 2022 délivré à étude.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 novembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 6 février 2024.

Par message RPVA adressé au conseil de l'appelante le 6 février 2024, la cour a constaté que la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées (FIPEN) produite n'était ni signée ni paraphée de la part de l'emprunteur intimé qui ne comparaissait pas. Elle a rappelé que par un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre civile de la cour de cassation a considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance figurant au contrat et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque de sorte que la cour a invité l'appelante à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard avant le 1er mars 2024.

Suivant note en délibéré déposée par RPVA le 1er mars 2024, le conseil de l'appelante demande de voir écarter la sanction de déchéance du droit aux intérêts s'agissant de la preuve de la remise de la FIPEN. Il soutient que conformément aux règles de preuve telles qu'elles résultent du code civil, l'exigence d'un document émanant du débiteur n'est requise qu'en matière de preuve des actes juridiques par l'article 1362 du code civil, que s'agissant de la preuve des faits juridiques, l'article 1358 du code civil rappelle que hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen de sorte que exiger de l'établissement de crédit qu'il rapporte la preuve d'un document qu'il a la charge d'émettre en application de la réglementation, et donc qui émane nécessairement de lui, par la production d'un document qui émane également du débiteur, est un non-sens juridique. Il relève qu'exiger l'apposition de la signature du document pour rapporter la preuve de sa remise risque de générer la confusion dans l'esprit du consommateur dans certains cas, notamment s'agissant de la remise du bordereau de rétractation, que l'apposition de la signature de l'emprunteur sur le document ne confère, en outre, pas à la production un caractère plus probant que celui résultant de la signature sous la clause de reconnaissance corroborée par la production d'une copie du document.

Il ajoute que l'emprunteur conserve la faculté de rapporter la preuve contraire que le document qui lui a été remis n'est pas celui que le prêteur a produit, en produisant le cas échéant l'exemplaire qui lui a été remis et que présumer que l'exemplaire produit par le prêteur ne correspondrait pas à celui qui a été remis à l'emprunteur conduit à présumer d'une fraude, alors que la fraude ne se présume pas et ne saurait être justifiée par les règles de preuve, telles qu'elles ressortent de l'application du code civil.

Il estime que l'arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation du 7 juin 2023, qui apparaît en contradiction avec la position clairement établie jusqu'à présent et avec la réglementation applicable, ne pourra être analysé que comme un arrêt d'espèce, voire comme un égarement isolé, ce d'autant plus que la question des règles applicables en matière de charge de la preuve de la remise d'un document excède le seul cadre d'application de la remise de la FIPEN.

Subsidiairement, si la cour d'appel devait juger qu'il convient désormais de considérer que la preuve ne peut être rapportée que par la production d'une FIPEN signée par l'emprunteur, il soutient qu'elle ne pourrait alors faire application de cette nouvelle position que pour les offres de crédit émises postérieurement à cette nouvelle règle.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 16 décembre 2020 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur l'annulation du jugement

L'appelante soutient que si le juge peut soulever d'office tout moyen résultant de l'application des dispositions du code de la consommation comme l'y autorisent les dispositions de l'article R. 632-1 du code de la consommation, il ne peut en revanche soulever d'office tout moyen que le débiteur pourrait soulever et qui ne relève pas du strict champ d'application des dispositions du code de la consommation. Elle indique que le juge ne pouvait donc présupposer un fait qui n'est pas allégué par le défendeur non comparant, à savoir que celui-ci ne serait pas signataire de l'offre de crédit.

Selon les articles 4 et 5 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

Selon l'article 12 du même code, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

En application de l'article 472 du même code, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

En l'espèce, le premier juge a constaté l'absence de comparution du défendeur et a visé les dispositions de l'article 472 du code de procédure civile.

Considérant qu'il n'était pas produit de pièces propres à justifier que Mme [S] avait bien signé le document par voie électronique, il a estimé que la société Banque Postale Consumer Finance ne justifiait pas d'une signature électronique sécurisée du contrat obtenue dans les conditions du décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 et n'apportait ainsi pas suffisamment la preuve de la conclusion d'un contrat avec Mme [S].

Ce faisant, il ne résulte pas de ces énonciations que le premier juge ait entendu opérer d'office une vérification de signature dans les termes de l'article 287 du code de procédure civile alors qu'il entre dans son office, particulièrement en l'absence de comparution du défendeur à une action en paiement, de vérifier que les conditions d'application des textes invoqués sont remplies et que les pièces produites sont suffisantes à fonder une condamnation, la signature d'un contrat fût-elle électronique, faisant partie intégrante des éléments soumis aux débats. C'est donc en procédant à une analyse des pièces soumises aux débats que le premier juge a rejeté la demande en paiement, sans excéder ses pouvoirs.

Le moyen tendant à l'annulation du jugement est donc infondé.

Sur la preuve de l'obligation

En application de l'article 1353 du code civil en sa version applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il incombe à chaque partie, par application de l'article 9 du code de procédure civile, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, l'appelante produit aux débats au soutien de ses prétentions, l'offre de crédit établie au nom de Mme [S] acceptée électroniquement, un dossier de recueil de signature électronique comprenant une attestation de signature électronique de la société DocuSign avec un fichier de preuve, la chronologie de la transaction, le descriptif explicitant la politique de signature et de gestion de preuve, la liste des produits et services qualifiés, une copie de la pièce d'identité de Mme [S], la fiche de dialogue (ressources et charges), la fiche de conseil en assurance et la notice d'informations relative à l'assurance, la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, le résultat de consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le tableau d'amortissement du prêt, l'historique du prêt et un décompte de créance.

L'article 1366 du code civil dispose que : "L'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'état l'intégrité".

L'article 1367 alinéa 2 du même code dispose que "lorsqu'elle est électronique, la signature consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garanti, dans des conditions fixées par décret en conseil d'État".

L'article premier du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017, relatif à la signature électronique, énonce que la fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en 'uvre une signature électronique qualifiée, et que constitue "une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement dont il s'agit et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié, répondant aux exigences de l'article 29 du règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement".

Il en résulte suffisamment que dans le cadre de la transaction 2XLBPF1-SERVID01-50562470794-20201216144916-ZN5A82Q8NMWWSR18, Mme [S] a apposé sa signature électronique le 16 décembre 2020 à compter de 14:49:34 CET sur l'offre de crédit. Le numéro du crédit apparaît en en-tête à droite sur le contrat de crédit à savoir le 50562470794 correspondant à la troisième partie de l'identification de la transaction. Il existe donc bien un lien entre le fichier de preuve et le contrat signé électroniquement. Mme [S] est identifiée par son mail [...]. Aucun élément ne vient contredire la présomption de fiabilité du procédé de recueil de signature électronique utilisé telle que prévue au décret susvisé pris pour l'application de l'article 1367 du code civil.

L'historique de compte communiqué atteste du déblocage des fonds au profit de Mme [S] le 30 décembre 2020, puis du prélèvement du montant des échéances du crédit à compter du mois de février 2021 et seulement pour cette mensualité.

L'ensemble de ces éléments établit suffisamment l'obligation dont se prévaut l'appelante à l'appui de son action en paiement. C'est donc à tort que le premier juge a rejeté l'intégralité des demandes de la société Banque Postale consumer finance. Partant le jugement doit être infirmé.

Sur la recevabilité de l'action au regard du délai de forclusion

L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est caractérisé notamment par le premier incident de paiement non régularisé.

En application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

En l'espèce, l'historique de prêt atteste de ce que les échéances sont demeurées impayées à compter de mars 2021. L'assignation ayant été délivrée le 10 mars 2022, soit dans les deux années suivant le premier impayé, l'action de la société Banque Postale Consumer Finance doit être déclarée recevable.

Sur les sommes dues

La société Banque Postale Consumer Finance produit en sus des documents déjà énoncés dont l'offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, le tableau d'amortissement, la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, la fiche de dialogue revenus et charges, le mandat de prélèvement SEPA, le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement avant la date de déblocage des fonds, la notice d'assurance, la mise en demeure avant déchéance du terme du 6 août 2021 enjoignant à Mme [S] de régler l'arriéré de 1 085,78 euros sous 15 jours à peine de déchéance du terme et celle notifiant la déchéance du terme du 12 octobre 2021 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance.

Il en résulte que la société Banque Postale Consumer Finance se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues.

Il résulte de l'article L. 312-12 du code de la consommation applicable au cas d'espèce que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Cette fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts par l'article L. 341-1 du même code, étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'informations.

A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnait avoir reçu la fiche d'informations précontractuelles normalisées européennes, n'est qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il a toutefois été jugé qu'un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l'offre de prêt pour apporter la preuve de l'effectivité de la remise (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).

Dès lors, la production de la FIPEN remplie par le prêteur ne saurait suffire à corroborer la clause type sur la remise, car ce qui doit être prouvé d'emblée par le prêteur est la remise effective à Mme [S], non représentée en appel, de la FIPEN personnalisée.

Il doit dès lors être considéré que la société Banque Postale Consumer Finance qui ne produit que le contrat comportant une clause de reconnaissance, une FIPEN remplie mais non signée par Mme [S], à l'exception de toute autre pièce, ne rapporte pas suffisamment la preuve d'avoir respecté l'obligation qui lui incombe, sans qu'elle puisse valablement opposer que la signature de cette pièce n'est pas exigée par les textes ou que le fait que l'appréciation des éléments de preuve apportés ait pu être différente dans le passé est de nature à heurter un principe de sécurité juridique.

Il s'ensuit que la société Banque Postale Consumer Finance ne rapportant pas la preuve d'avoir respecté l'obligation d'informations, la déchéance du droit aux intérêts est encourue de ce seul fait.

Il y a donc lieu de déduire de la totalité des sommes empruntées soit 10 000 euros la totalité des sommes payées soit 223,07 euros. Il n'y a pas lieu de réintégrer les mensualités d'assurance faute de justification du mandat de l'assureur.

La limitation légale de la créance du préteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l'article L. 311-24 devenu L 312-39 du code de la consommation.

Sur les intérêts au taux légal, la majoration des intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l'espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d'intérêt annuel fixe de 4,50 %. Dès lors, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal même sans majoration de cinq points apparaissent supérieurs à celui résultant du taux conventionnel. Il convient en conséquence de dire que la condamnation ne portera pas d'intérêts, même au taux légal.

La cour condamne Mme [S] à payer cette somme de 9 776,93 euros sans intérêts à la société Banque Postale consumer Finance.

Sur les autres demandes

Le jugement qui a condamné la société Banque Postale Consumer Finance aux dépens de première instance doit être infirmé sur ce point et Mme [S] doit être condamnée aux dépens de première instance.

En revanche, rien ne justifie de la condamner aux dépens d'appel, alors qu'elle n'était ni comparante ni représentée et n'avait fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le juge à statuer comme il l'a fait. La société Banque Postale Consumer Finance conservera donc la charge de ses dépens d'appel ainsi que de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement déféré ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la Banque Postale Consumer Finance de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société Banque Postale Consumer Finance recevable en sa demande ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels ;

Condamne Mme [J] [S] à payer à la société Banque Postale Consumer Finance la somme de 9 776,93 euros sans intérêts ;

Condamne Mme [J] [S] aux dépens de première instance et la société Banque Postale Consumer Finance aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/14810
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;22.14810 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award