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26/03/2024 | FRANCE | N°23/08940

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 16, 26 mars 2024, 23/08940


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Chambre commerciale internationale

POLE 5 - CHAMBRE 16



ARRET DU 26 MARS 2024



RENVOI APRES CASSATION



(n° 35 /2024 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08940 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHUPG



Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après un arrêt de la cour de cassation prononcé le 13 avril 2023 (n°272 F-D) emportant cassation d'un arrêt rendu par la c

our d'appel de Paris (Pôle 5 chambre 16) le 11 avril 2022, sur recours en annulation d'une sentence arbitrale rendue le 23 juillet 2019.





DEMANDERESSE :



LES ETABLI...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

POLE 5 - CHAMBRE 16

ARRET DU 26 MARS 2024

RENVOI APRES CASSATION

(n° 35 /2024 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08940 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHUPG

Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après un arrêt de la cour de cassation prononcé le 13 avril 2023 (n°272 F-D) emportant cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (Pôle 5 chambre 16) le 11 avril 2022, sur recours en annulation d'une sentence arbitrale rendue le 23 juillet 2019.

DEMANDERESSE :

LES ETABLISSEMENTS [J]

société par actions simplifée,

immatriculée au RCS du PUY EN VELAY sous le numéro 327 284 113,

ayant son siège social : [Adresse 2],

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant : Me Isabelle MABRUT de la SELARL KAEPPELIN-MABRUT, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

DEFENDERESSE :

Société [V] & COMPAGNIE

société par actions simplifée,

immatriculée au RCS de ORLEANS sous le numéro 086 380 110,

ayant son siège social : [Adresse 1],

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Ayant pour avocat plaidant : Me Priscille PEDONE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0296

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Daniel BARLOW, Président de chambre

Mme Fabienne SCHALLER, Présidente de chambre

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par M. Daniel BARLOW dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

I/ FAITS ET PROCEDURE

1. La cour est saisie d'un recours en annulation contre une sentence arbitrale statuant sur la compétence et sur le fond, rendue à Paris le 23 juillet 2019 par la Chambre arbitrale internationale de Paris (ci-après « CAIP »), dans un litige opposant la société [V] & Cie, négociante en céréales, à la société Établissement [J], qui commercialise des légumes secs qu'elle vend sous sa marque.

2. Ces deux sociétés ont conclu, par l'intermédiaire de la société de courtage Comptoir Grainier de l'Ouest et du Centre, divers contrats se référant aux Règles et usages pour le commerce des légumes secs (RULEGS) et comportant une clause compromissoire en faveur de la CAIP.

3. Courant novembre 2017, leurs dirigeants se sont rencontrés et ont échangé des messages électroniques sur l'objet et la portée desquels les parties s'opposent, [V] & Cie soutenant qu'un accord est alors intervenu pour la vente de lentilles du Val-de-Loire de la récolte 2018, quand Établissement [J] considère que de simples négociations ont été engagées.

4. La société Établissement [J] a par la suite refusé la rédaction d'un contrat pour la vente de 360 tonnes de lentilles vertes du Val-de-Loire.

5. C'est dans ces circonstances que, le 12 février 2019, la société [V] & Cie a saisi la CAIP afin d'obtenir la condamnation de la société Établissement [J] à lui payer diverses indemnités.

6. Par une sentence du 23 juillet 2019, le tribunal arbitral a statué en ces termes :

« Le Tribunal arbitral statuant conformément au règlement d'arbitrage de la CHAMBRE ARBITRALE INTERNATIONALE DE PARIS, saisie pour organiser l'instance arbitrale nécessaire pour résoudre le litige opposant la société [V] à la société [J] au sujet de la vente de 360 tonnes de lentilles vertes Val de Loire-classique-récolte 2018 en vertu d'un contrat conclu le 30 novembre 2017 :

- se déclare compétent pour se prononcer sur le litige ;

- accueille la société [V] en sa demande ;

- constate le défaut de la société [J] à la date du 23 janvier 2019 ;

-condamne la société [J] à payer à la société [V] les sommes de :

' 64 440 € au titre de la différence de prix,

' 2729 € au titre des frais de stockage,

- dit que ces deux sommes seront assorties des intérêts de droit à compter du jour du défaut,

' 2500 € à titre de dommages-intérêts pour trouble commercial,

' 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- met à la charge de la société [J] la totalité des frais d'arbitrage et les dépens, en ce inclus les frais d'exécution de la sentence arbitrale à venir ;

- assortit sa sentence de l'exécution provisoire ;

- rejette toute demande supplémentaire faite par l'une ou l'autre des deux parties. »

7. Saisie par la société Établissement [J] d'un recours en annulation, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 11 janvier 2022, annulé cette sentence arbitrale en considérant notamment que « la société [V] ne peut pas opposer à [J] l'existence d'une clause compromissoire qui s'imposerait eu égard à leurs habituelles contractuelles passées, alors que la preuve d'un contrat n'est pas rapportée ».

8. Par arrêt du 13 avril 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt en toutes ses dispositions au motif que :

« en faisant dépendre l'existence de la clause compromissoire de la seule formation du contrat principal litigieux sans rechercher, indépendamment de la formation de celui-ci, si la société Établissement [J], qui avait exécuté antérieurement plusieurs contrats conclus par écrits entre les mêmes parties selon un modèle-type stipulant une clause compromissoire avec une référence aux règles et usages pour le commerce des légumes secs (RULEGS), n'avait pas consenti à soumettre leur différend à un tribunal arbitral, la cour d'appel, n'a pas donné de base légale à sa décision. »

9. La société Établissement [J] a saisi la cour d'appel de Paris, désignée cour de renvoi, par déclaration du 11 mai 2023.

10. À l'issue de l'instruction, la clôture a été prononcé le 9 janvier 2024 et l'affaire appelée à l'audience de plaidoirie le 29 janvier 2024.

II/ PRETENTIONS DES PARTIES

11. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 décembre 2023, la société Établissement [J] demande à la cour de bien vouloir :

- JUGER que la Chambre Arbitrale Internationale de PARIS n'avait pas compétence pour statuer sur le litige des parties, aucune référence à son intervention en cas de litige ne figurant dans les échanges intervenus entre elles,

En conséquence,

- ANNULER purement et simplement la sentence arbitrale rendue sous l'égide de la Chambre arbitrale internationale de PARIS le 23 juillet 2019, par le tribunal arbitral compose' de Monsieur [L] [W], président, Monsieur [G] [U], arbitre, et Monsieur [K] [M], arbitre,

Et statuant a' nouveau,

- CONSTATER qu'aucun accord ferme et définitif n'est intervenu entre les parties sur la vente de lentilles Val de Loire récolte 2018,

- JUGER en conséquence, qu'il n'existait pas de contrat de vente pouvant recevoir application,

- REJETER toutes les demandes, fins et prétentions de la société' [V],

Et Subsidiairement,

Si par impossible la Cour considérait qu'un accord est intervenu entre les parties,

- JUGER que le préjudice de la société [V] doit être évalué en application du cours moyen de vente de la lentille verte de France année 2018,

- REJETER toutes demandes autres, plus amples ou contraires de la société [V]

- CONDAMNER la société [V] a' verser a' la société [J], la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- CONDAMNER la société [V] aux entiers dépens d'instance et d'arbitrage. ».

12. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 novembre 2023, la société [V] & Cie demande à la cour de bien vouloir :

À titre principal,

- REJETER le recours en annulation forme' par [J] a' l'encontre de la Sentence arbitrale rendue a' Paris le 23 juillet 2019 sous dans la procédure CAIP comme étant irrecevable et infondé ;

- CONFERER l'exequatur a' cette sentence compte tenu du rejet du recours en annulation contre la Sentence arbitrale rendue a' Paris le 23 juillet 2019 dans la procédure CAIP ;

À titre subsidiaire, si la Sentence arbitrale devait être annulée,

- CONFIRMER la vente parfaite de lentilles vertes par mail de l'acheteur lui-même du 30 novembre 2017,

- CONDAMNER la société [J], au titre la violation de ses obligations contractuelles, a' verser a' la société [V] la somme de 60 soit la différence de prix entre ce qui avait été convenu et ce qui a pu être vendu par la suite du seul fait de Monsieur [V] ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER la société [J] a' verser a' la société [V] la somme de 17 201,00 euros au titre des frais de stockage ;

- MAJORER la somme au principal au titre de la majoration bimensuelle de 1.50€/T à compter du 1er octobre 2018 ainsi que des intérêts moratoires capitalisés ;

- CONDAMNER la société [J] a' verser la somme de 30.000 et intérêts compte tenu du trouble commercial cause' a' la société [V] et des sommes engagées en arbitrage et dans le cadre du premier recours ;

- CONDAMNER la société [J] a' payer a' la société [V] la somme de 20.000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société [J] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Baechlin Moisan Associés, suivant les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. »

III/ MOTIFS DE LA DECISION

A. Sur l'annulation de la sentence

13. La société Établissement [J] fait grief au tribunal arbitral de s'être à tort déclaré compétent, alors que :

- bien que les sociétés soient, l'une comme l'autre, commerçantes de légumes secs, les RULEGS ne s'appliquent pas à toutes les relations qu'elles pourraient avoir, ces règles n'ayant vocation à régir un contrat que lorsque les parties s'y sont expressément référées ;

- selon les articles 1142 et 1143 du code de procédure civile, la compétence du tribunal arbitral est subordonnée à l'existence d'un écrit ayant une valeur contractuelle et faisant référence soit à l'arbitrage, soit aux RULEGS ;

- contrairement à ce que soutient [V] & Cie et à ce qu'a retenu la Cour de cassation, la clause compromissoire ne peut se déduire des contrats antérieurs qui, ayant été passés par l'intermédiaire d'un courtier, ont été conclus selon des modalités différentes ;

- ces contrats étaient tous écrits et comportaient une clause compromissoire, un mail ne constituant pas le mode habituel de conclusion des contrats par les parties ;

- il ne peut ainsi être déduit des contrats antérieurs leur volonté de faire application d'une clause compromissoire, parallélisme des formes oblige ;

- [V] & Cie n'a jamais rapporté la preuve qu'il y ait eu une référence aux RULEGS ou à la compétence de la CAIP au stade des négociations du contrat litigieux ;

- les deux sociétés n'entretenaient pas de relations commerciales suivies depuis 13 ans, aucun partenariat n'existant entre elles ;

- il n'existait pas en l'espèce de conditions générales, l'absence de démonstration d'un écrit par [V] & Cie ne pouvant être suppléé par l'allégation d'usages de la profession.

14. La société [V] & Cie conclut à la compétence du tribunal arbitral en faisant valoir que :

- l'existence d'une clause d'arbitrage peut être prouvée indépendamment de la formation du contrat principal sur le fondement des articles 1143 et 1147 du code de procédure civile, l'arrêt de la Cour de cassation confirmant le principe d'indépendance antérieurement consacré par la jurisprudence ;

- si, en matière d'arbitrage interne, la convention d'arbitrage est écrite, à peine de nullité, elle peut résulter d'un simple échange d'écrits ou d'un document auquel il est fait référence dans la convention principale, selon les termes de l'article 1443 du code de procédure civile ;

- la clause compromissoire par référence écrite à un document qui la contient est valable dès lors qu'il est possible de démontrer que la partie à laquelle elle est opposée en a eu connaissance et qu'elle a accepté cette référence ;

- l'acceptation peut être tacite et déduite de l'ancienneté des relations entre les parties ;

- il en va ainsi lorsqu'il existe une certaine régularité des relations dans le temps et une succession de contrats similaires caractérisant un courant d'affaires, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un partenariat ;

- en l'espèce, les pièces versées produites établissent la volonté commune et pérenne des parties de soumettre leurs accords à des règles identiques et prouvent l'existence d'un courant d'affaires sur plusieurs années, les 17 contrats conclus entre 2011 à 2018 prévoyant tous une même clause compromissoire et un même renvoi aux règles RULEGS ;

- les parties discutaient et choisissaient chaque année de solliciter l'avis du courtier lorsque sa présence était nécessaire, le courtier n'intervenait que pour transformer le contrat en document comptable ;

- le choix de la loi applicable et l'insertion de la clause compromissoire n'ont jamais été remis en question, les accords étant constants sur ces points.

SUR CE :

15. L'article 1492, 1°, du code de procédure civile ouvre le recours en annulation lorsque le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent.

16. Selon les dispositions combinées des articles 1443 et 1447 du même code, la convention d'arbitrage doit, à peine de nullité, être écrite. Elle peut résulter d'un échange d'écrits ou d'un document auquel il est fait référence dans la convention principale. Elle est indépendante du contrat auquel elle se rapporte et n'est pas affectée par l'inefficacité de celui-ci.

17. Il résulte en l'espèce des débats et des pièces versées au dossier que les sociétés Établissement [J] et [V] & Cie ont entretenu des relations commerciales régulières entre 2011 et 2018, qui se sont notamment concrétisées par la conclusion de 17 contrats-types passés par l'intermédiaire du courtier Comptoir Grainier de l'Ouest et du Centre, pour la ventre de lentilles. Chacune de ces conventions prévoit l'application des RULEGS et comporte une clause compromissoire en faveur de la CAIP, formulée en termes identiques.

18. En novembre 2017, ces deux sociétés ont, par l'intermédiaire de leurs dirigeants respectifs, engagé des discussions au sujet de la mise en place de filières pour la vente de lentilles sans pesticides. Par courriel du 30 novembre 2017, Mme [J] adressait à M. [V] un résumé de leur entretien téléphonique du même jour. Ce message comporte quatre items : les premier, deuxième et quatrième portent sur la mise en place de filières, qui envisagent successivement : une « Filière : Lentilles VERTES rec. 2018 », une « Filière : Lentilles BLONDES rec. 2018 » et une « Filière FLAGEOLETS VERTS » ; le troisième énonce : « -Contrat Lentilles Vertes Val de Loire -classique- récolte 2018 : 360 T (12 camions x 30T) à mettre en place via [N] à 640€ ».

19. Cette dernière formulation, qui précise les termes d'une convention spécifique, diffère de celles employée pour la mise en place des filières. La référence qu'elle contient à un « contrat classique » renvoie sans ambiguïté aux formes passées des relations commerciales entre les deux sociétés, soit la rédaction de contrats-types comportant tous une référence au RULEGS et une clause compromissoire en faveur de la CAIP, la cour relevant que les parties s'accordent à identifier « [N] » comme la représentante de leur courtier habituel et que la société Établissement [J] ne démontre pas, ni même ne soutient, avoir jamais passé une convention avec la société [V] & Cie, directement ou par l'intermédiaire d'un courtier, qui ne contiendrait pas une telle clause compromissoire.

20. Il apparaît ainsi qu'indépendamment du contrat dont la formation est contestée, l'échange intervenu entre les parties comporte une référence à la clause compromissoire, faite à l'initiative de la société Établissement [J], qui ne démontre pas avoir envisagé une autre forme de convention qu'un « contrat classique », cette formule, dont elle ne pouvait méconnaître le sens et la portée, impliquant le recours à une clause compromissoire en faveur de la CAIP. En quoi, le consentement de cette société à l'arbitrage est établi.

21. C'est dès lors à juste titre que le tribunal arbitral s'est déclaré compétent pour connaître du différend opposant les parties. La demande d'annulation formée par la société Établissement [J] sera en conséquence rejetée comme infondée, les demandes subsidiaires portant sur le fond de l'affaire devenant sans objet.

B. Sur les demandes accessoires de la société [V] & Cie

22. La société [V] & Cie sollicite, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, la condamnation de la société Établissement [J] à l'indemniser « en tout état de cause » des frais engagés post-arbitrage du fait de sa résistance abusive. Elle demande à ce titre l'indemnisation des frais de stockage de la marchandise dans l'attente de la réalisation de vente, ainsi que des dommages et intérêts correspondant, d'une part, à un préjudice moral et d'image lié à la nécessité d'avoir eu à trouver un repreneur hors saison pour les lentilles invendues, qui a été à l'origine d'un trouble commercial et, d'autre part, à la nécessité d'avoir eu à supporter une procédure longue et coûteuse génératrice de coûts non couverts par ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le dispositif de ses conclusions comporte en outre une demande de majoration de la somme obtenue au principal.

23. La société Établissement [J] conclut au rejet de ces demandes en invoquant, en substance, leur absence de justificatifs.

SUR CE :

24. En vertu de l'article 1493 du code de procédure civile, lorsque la juridiction annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond dans les limites de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties.

25. Cette disposition limite l'évocation du fond de l'affaire devant la cour d'appel aux hypothèses d'annulation de la sentence.

26. En l'espèce, la sentence querellée a condamné la société Établissement [J] à indemniser la société [V] & Cie pour défaut dans la réalisation de la vente de lentilles litigieuse. Cette condamnation est assortie d'une indemnisation au titre des frais de stockage ainsi que d'une indemnité pour trouble commercial.

27. Les demandes accessoires formées par la société [V] & Cie en vue d'obtenir une indemnisation supplémentaire pour le stockage de la marchandise et pour trouble commercial, qui sont fondées sur l'article 1231-1 du code civil relatif à la réparation du préjudice résultant de l'inexécution du contrat, se rattachent au fond de l'affaire dont la cour ne saurait connaître dès lors que la demande d'annulation de la sentence est rejetée, étant relevé que, si cette société invoque un préjudice postérieur à la sentence, qu'elle impute à la société Établissement [J], elle ne rapporte nullement la preuve d'une faute de cette société qui soit distincte de celle débattue devant le tribunal arbitral.

28. Relève également du fond de l'affaire la demande de « majoration de la somme au principal », qui n'est au demeurant soutenue par aucun moyen.

29. La cour dira en conséquence n'y avoir lieu à statuer sur ces prétentions.

30. La demande indemnitaire portant sur les dépenses liées à la conduite de la procédure relève quant à elle des frais irrépétibles, en ce compris la part relative aux frais engagés à l'occasion de la première instance d'appel, qui sera prise en considération à ce titre.

31. La cour relève pour le surplus que la société [V] & Cie ne fournit aucun justificatif des sommes qu'elle réclame, notamment pour ce qui regarde le temps passé par ses salariés pour les besoins de cette procédure, et qu'aucun élément ne permet de conclure au caractère abusif du recours exercé par la société Etablissement [J], en l'absence de toute démonstration de l'existence d'un abus dans l'exercice de son droit d'agir en justice.

32. Les demandes correspondantes seront en conséquence rejetées.

C. Sur les frais et dépens

33. La société Établissement [J], qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens, la demande qu'elle forme au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant rejetée.

34. Elle sera condamnée à payer à la société [V] & Cie la somme de 10 000 euros sur le fondement du même article.

IV/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour :

1) Rejette le recours en annulation formé par la société Établissement [J] contre la sentence arbitrale rendue à Paris le 23 juillet 2019 par la Chambre arbitrale internationale de Paris dans l'affaire enregistrée sous la référence N° 3828 ;

2) Confère l'exequatur à cette sentence ;

3) Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes subsidiaires des parties ;

4) Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes accessoires de la société [V] & Cie relatives aux frais de stockage de la marchandise, à la majoration de la somme au principal et des intérêts capitalisés, et au trouble commercial ;

5) Les rejette pour le surplus ;

6) Condamne la société Établissement [J] à payer à la société [V] & Cie la somme de dix-mille euros (10 000,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

7) Condamne la société Établissement [J] aux dépens, la SCP Baechlin Moisan Associés pouvant recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 16
Numéro d'arrêt : 23/08940
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;23.08940 ?
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