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21/03/2024 | FRANCE | N°22/13947

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 21 mars 2024, 22/13947


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 21 MARS 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13947 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHJT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 juin 2022 - Juge des contentieux de la protection de MELUN - RG n° 22/01187





APPELANTE



La société SOGEFINANCEMENT, société par actio

ns simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Local...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13947 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHJT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 juin 2022 - Juge des contentieux de la protection de MELUN - RG n° 22/01187

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉ

Monsieur [W] [U]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 1er février 2019, la société Sogefinancement a consenti à M. [W] [U] un crédit personnel d'un montant en capital de 25 000 euros remboursable en 48 mensualités de 584,04 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 5,73 %, le TAEG s'élevant à 5,96 %, soit une mensualité avec assurance de 621,54 euros.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Sogefinancement a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte du 24 février 2022, la société Sogefinancement a fait assigner M. [U] devant le juge des contentieux de la protection du judiciaire de Melun en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 2 juin 2022, a déclaré la société Sogefinancement recevable en son action, a constaté l'acquisition de la déchéance du terme du contrat, débouté la banque de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande au regard de la forclusion et la régularité de la déchéance du terme, le premier juge a retenu que le tableau d'amortissement produit mentionnait une première échéance au 20 mars 2018 soit avant même que le contrat ait été conclu et que dès lors la banque ne justifiait pas du bien-fondé de sa demande.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 21 juillet 2022, la société Sogefinancement a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 21 octobre 2022, la société Sogefinancement demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,

- de constater qu'elle produit le tableau d'amortissement concordant avec les conditions de remboursement stipulées à l'offre de crédit et l'historique de compte,

- de constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l'emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit et fixer la date des effets de la résiliation au 30 août 2021,

- en tout état de cause, de condamner M. [U] à lui payer la somme de 16 903,23 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 5,73 % l'an à compter du 30 août 2021 sur la somme de 15 641,20 euros et au taux légal pour le surplus en remboursement du crédit n° 37199137466,

- en tout état de cause de condamner M. [U] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil.

Elle fait valoir qu'elle produit en cause d'appel le tableau d'amortissement concordant avec les conditions de remboursement prévues dans l'offre et l'historique du compte, de sorte que la cour est en mesure de vérifier que le montant du capital restant dû à la date de déchéance du terme est bien celui figurant dans son décompte de créance et relève qu'elle a produit tous les éléments demandés.

Aucun avocat ne s'est constitué pour M. [U] à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 27 septembre 2022 délivré selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile et les conclusions par acte du 8 novembre 2022 délivré selon les mêmes modalités.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience le 23 janvier 2024.

A l'audience la cour ayant examiné les pièces a relevé que la FIPEN produite n'était pas signée. Elle a fait parvenir le 23 janvier 2024 au conseil de la banque par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque, souligné que l'intimé ne comparaissait pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 1er mars 2024.

Le 26 janvier 2024, la banque a fait parvenir une note en délibéré aux termes de laquelle elle fait valoir :

- qu'aucun texte ne prévoit que la FIPEN soit signée et que sa seule obligation consiste à remettre cette fiche d'informations,

- que jusqu'à l'arrêt du 7 juin 2023 visé dans l'avis, la Cour de cassation admettait que la remise d'un document constituant un fait juridique, il pouvait être prouvé par tous moyens et notamment par une clause de reconnaissance, et qu'il en était déduit, de manière constante, que la clause combinée à la production de la copie du document permettait à l'établissement de crédit de rapporter la preuve de la remise du document sans qu'il soit nécessaire que ledit document soit signé par l'emprunteur,

- que l'exigence d'un document émanant du débiteur n'est requise qu'en matière de preuve des actes juridiques par l'article 1362 du code civil,

- que l'apposition de la signature de l'emprunteur sur le document ne confère, en outre, pas à la production un caractère plus probant que celui résultant de la signature sous la clause de reconnaissance corroborée par la production d'une copie du document,

- que la FIPEN soit ou non signée laisse à l'emprunteur la faculté de rapporter la preuve contraire que le document qui lui a été remis n'est pas celui que le prêteur a produit, en produisant le cas échéant l'exemplaire qui lui a été remis,

- que l'arrêt du 7 juin 2023 apparaît en contradiction avec une position jusqu'alors clairement établie, qu'il ne peut qu'être analysé qu'en un arrêt d'espèce voire d'égarement isolé et ne saurait être suivi, étant rappelé que la loi a une valeur normative supérieure et que jusqu'alors la présente cour statuait différemment,

- que changer de jurisprudence conduirait à heurter gravement le principe de sécurité juridique et que cette règle ne peut au mieux valoir que pour l'avenir et ne saurait être appliquée rétroactivement car la banque n'était pas en mesure de prévoir cette exigence nouvelle,

- qu'il y a donc lieu de ne pas prononcer de déchéance du droit aux intérêts de ce chef.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 1er février 2019 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

La recevabilité de l'action de la société Sogefinancement au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, n'est pas remise en cause à hauteur d'appel. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Il résulte de l'article L. 312-12du code de la consommation que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Cette fiche d'informations précontractuelles -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 341-1), étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'informations et de remise de cette FIPEN.

A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'informations précontractuelles normalisées européennes, n'est qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il a toutefois été jugé qu'un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l'offre de prêt pour apporter la preuve de l'effectivité de la remise. (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).

Dès lors, la production de la FIPEN remplie par le prêteur ne saurait suffire à corroborer cette clause à la différence du bordereau de rétractation qui doit être remis vierge, car ce qui doit être prouvé d'emblée par le prêteur est la remise effective à M. [U] non représenté en appel de la FIPEN personnalisée.

Il doit dès lors être considéré que la société Sogefinancement qui ne produit que le contrat comportant une clause de reconnaissance et une FIPEN remplie mais non signée par M. [U] ne rapporte pas suffisamment la preuve d'avoir respecté l'obligation qui lui incombe, sans qu'elle puisse valablement opposer que la signature de cette pièce n'est pas exigée par les textes ou que le fait que l'appréciation des éléments de preuve apportés ait pu être différente est de nature à heurter un principe de sécurité juridique.

La déchéance du droit aux intérêts contractuels doit donc être prononcée.

Sur la déchéance du terme et les sommes dues

La régularité de la déchéance du terme constatée par le premier juge n'est pas remise en cause d'appel.

La société Sogefinancement produit en sus de l'offre de contrat de crédit l'historique de prêt, le tableau d'amortissement correspondant au contrat, les mises en demeure et un décompte de créance.

Aux termes de l'article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il y a donc lieu de déduire de la totalité des sommes empruntées soit 25 000 euros la totalité des sommes payées soit 13 169,73 euros.

Le jugement déféré doit donc être infirmé.

La limitation légale de la créance du préteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l'article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation. La société Sogefinancement doit donc être déboutée sur ce point.

Sur les intérêts au taux légal, la majoration des intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l'espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d'intérêt annuel fixe de 5,73 %.

Dès lors, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal ne sont pas significativement supérieurs à ce taux conventionnel mais le seraient si ce taux devait être majoré de cinq points. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de dire qu'il ne sera pas fait application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier. La somme restant due en capital au titre de ce crédit portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer effectuée simultanément au prononcé de la déchéance du terme soit le 7 septembre 2021 sans majoration de retard.

La cour condamne donc M. [U] à payer la somme de 11 830,27 euros à la société Sogefinancement avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2021.

Sur les autres demandes

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné la société Sogefinancement aux dépens de première instance mais confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Sogefinancement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. M. [U] qui succombe doit être condamné aux dépens de première instance. En revanche rien ne justifie de le condamner aux dépens d'appel, alors que n'ayant jamais été représenté ni en première instance, ni en appel, il n'a jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l'a fait. La société Sogefinancement conservera donc la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré la société Sogefinancement recevable en son action, a constaté l'acquisition de déchéance du terme du contrat et a rejeté la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels ;

Condamne M. [W] [U] à payer à la société Sogefinancement la somme de 11 830,27 euros à la société Sogefinancement avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2021 ;

Ecarte la majoration de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

Condamne M. [W] [U] aux dépens de première instance ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Sogefinancement ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/13947
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.13947 ?
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