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21/03/2024 | FRANCE | N°22/13900

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 21 mars 2024, 22/13900


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 21 MARS 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13900 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHEY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 mars 2022 - Juge des contentieux de la protection de VILLEJUIF - RG n° 11-21-001902





APPELANTE



La société CREATIS, société anonyme

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représen...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13900 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHEY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 mars 2022 - Juge des contentieux de la protection de VILLEJUIF - RG n° 11-21-001902

APPELANTE

La société CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉE

Madame [R] [F]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Consiellère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant offre préalable émise le 19 novembre 2014 et signée le 5 décembre 2014, la société Creatis a consenti à Mme [R] [F] un prêt destiné à regrouper des crédits, d'un montant de 73 400 euros remboursable en 144 mensualités de 775,73 euros chacune hors assurance, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 7,53 %.

Aux termes d'un plan conventionnel arrêté par la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne rendu applicable à compter du 31 mai 2019, Mme [F] a bénéficié d'un moratoire d'une durée de 7 mois ainsi qu'un rééchelonnement du paiement de ses créances organisé en 70 mensualités de 883,67 euros chacune, incluant la créance détenue par la société Creatis.

Suivant jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villejuif du 23 décembre 2020 statuant sur la contestation de Mme [F] sur les mesures imposées par le commission le 10 mars 2020, le recours a été rejeté et un plan identique à celui élaboré le 10 mars 2020 a été adopté, à effet au mois de février 2021 avec des échéances mensuelles fixées à 544,36 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 juillet 2021, la société Creatis a mis en demeure Mme [F] de régler la somme de 3 708,18 euros au titre des échéances impayées dans un délai de quinze jours, faute de quoi la caducité de plein droit du plan de surendettement serait constatée et le dossier transmis au service contentieux.

Par acte d'huissier du 29 novembre 2021, la société Creatis a fait assigner Mme [F] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villejuif afin de la voir condamner à lui payer la somme de 65 141,46 euros au titre du prêt avec intérêts au taux contractuel de 7,53 % l'an à compter de la mise en demeure du 9 juillet 2021 ou, à titre subsidiaire, à compter de l'assignation.

Par jugement contradictoire du 31 mars 2022, le juge des contentieux de la protection a :

- déclaré la société Creatis recevable en ses demandes,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de crédit,

- dit que la société Creatis est déchue de son droit aux intérêts conventionnels,

- condamné Mme [F] à payer à la société Creatis la somme de 42 669,91 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et jusqu'à parfait paiement,

- débouté Mme [F] de sa demande en délais de paiement,

- débouté la société Creatis de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts,

- débouté la société Creatis de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné Mme [F] aux dépens.

Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande au regard du délai biennal de forclusion et pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, le juge a retenu que le document d'informations propre au regroupement de crédits ne comportait pas le montant des échéances des crédits repris au titre du regroupement, la durée prévue au contrat pour le remboursement de ce montant à la date de l'établissement du document et les frais de remboursement anticipé et que les documents produits à savoir la fiche de dialogue mentionnant les revenus et charges, le résultat de consultation du FICP, l'avis d'imposition, les quatre fiches de paie, les deux avis d'échéance outre une facture d'électricité étaient insuffisants pour rapporter la preuve que le prêteur avait effectivement procédé à la vérification de la solvabilité de Mme [F].

Pour déterminer le montant des sommes dues, il a déduit les sommes versées, soit 30 730,09 euros, du capital emprunté.

Il a ensuite rejeté la demande de délais de paiement de Mme [F] puisqu'elle ne justifiait pas de sa situation financière et avait formulé une proposition insuffisante pour permettre le paiement des sommes dues sur vingt-quatre mois.

Par déclaration enregistrée le 20 juillet 2022, la société Creatis a formé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 20 septembre 2022, elle demande à la cour :

- de la voir déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d'appel,

- d'infirmer le jugement en ses dispositions critiquées dans la déclaration d'appel et statuant à nouveau,

- de condamner Mme [F] à lui payer la somme de 65 141,46 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,53 % l'an à compter du jour de la mise en demeure du 9 juillet 2021,

- de condamner Mme [F] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour s'opposer à la déchéance de son droit aux intérêts contractuels, l'appelante soutient que le non-respect de l'article R. 313-13 du code de la consommation applicable au document d'informations propre au regroupement de crédits à la date du contrat, n'est pas sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts.

Pour justifier s'être renseignée sur la solvabilité de Mme [F], elle explique avoir sollicité sa carte d'identité, une attestation EDF justifiant de son domicile, son calendrier de paiement EDF, son avis d'échéance, son avis d'imposition 2014 sur les revenus de 2013 et ses bulletins de paie des mois de décembre 2013, de juillet 2014, d'août 2014 et de septembre 2014, soit plus de documents que ne le prévoit l'article D. 311-10-3 du code de la consommation, et avoir consulté le FICP.

Aucun avocat ne s'est constitué pour Mme [F] à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par acte du 19 septembre 2022 remis à personne physique.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 novembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience le 24 janvier 2024 puis mise en délibéré au 21 mars 2024 par mise à disposition au greffe.

A l'audience la cour ayant examiné les pièces a relevé que la FIPEN produite n'était pas signée. Elle a fait parvenir le 24 janvier 2024 au conseil de la banque par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque, souligné que l'intimé ne comparaissait pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 9 février 2024.

Le 8 février 2024, la banque a fait parvenir une note en délibéré aux termes de laquelle elle relève qu'il ne résulte pas de cet arrêt que la signature de la FIPEN soit érigée en obligation mais qu'il en résulte qu'en l'absence de signature, elle doit corroborer la mention et la production de la FIPEN par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Elle indique qu'elle verse aux débats une correspondance transmise à l'emprunteur en date du 19 novembre 2014 par laquelle elle lui a transmis la liasse contractuelle complète comportant le contrat ainsi que tous les éléments exigés par le code de la consommation, notamment un bordereau de rétractation, et surtout une FIPEN, que cette liasse contractuelle personnalisée comprend, d'une part, des documents "à conserver" et, d'autre part, des documents "à renvoyer" et que les documents qui sont conservés par l'emprunteur n'ont pas à être signés, que l'emprunteur a renvoyé l'exemplaire prêteur "à renvoyer" signé et qu'il en résulte qu'en date du 19 novembre 2014, elle a transmis, et donc remis un document complet, comportant notamment un bordereau de rétractation et une FIPEN et que si elle a reçu en retour l'exemplaire "à renvoyer" signé, cela signifie que l'emprunteur a bel et bien reçu l'intégralité du document, comprenant la FIPEN. Elle conclut donc à l'absence de déchéance du droit aux intérêts contractuels.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Au regard de la date de conclusion du contrat, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 mais antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016. Il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l'article L. 311-52 du code de la consommation, dans sa version alors applicable en la cause, les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En l'espèce, la recevabilité de l'action a été vérifiée par le premier juge qui a retenu un premier incident de paiement non régularisé au mois de mars 2021 et ceci n'est pas discuté à hauteur d'appel de sorte que le jugement, en ce qu'il a reçu la société Creatis en son action, doit être confirmé.

Si la société Creatis sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a ordonné la résiliation du contrat, elle ne développe aucun moyen en ce sens et ne conteste en réalité pas l'anéantissement du contrat prononcé par le premier juge. Il convient dès lors de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

- Sur le document d'informations propre au regroupement de crédits

Le premier juge a fondé la déchéance du droit aux intérêts de la société Creatis sur une violation des articles L. 312-14, R. 314-19 et R. 314-20 du code de la consommation en l'absence de mentions relatives au montant des échéances des crédits repris, à la durée prévue au contrat pour le remboursement de ce montant à la date d'établissement du document et aux frais de remboursement anticipé.

Ces dispositions en leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 n'étaient pas en application à la date de signature du contrat le 5 décembre 2014.

L'article L. 313-15 du code de la consommation en sa version en vigueur du 1er septembre 2010 au 1er juillet 2016 applicable au contrat, prévoit que lorsque les crédits mentionnés à l'article L. 311-2 font l'objet d'une opération de crédit destinée à les regrouper, le nouveau contrat de crédit est soumis au chapitre Ier du présent titre et un décret en Conseil d'État précise les modalités selon lesquelles les opérations de crédit mentionnées à cet article sont conclues, afin de garantir la bonne information de l'emprunteur.

Les dispositions décrétales d'application de ce texte et notamment les articles R. 313-12 et R. 313-13 du même code précisent qu'en cas de regroupement de crédits, le prêteur remet à l'emprunteur un document destiné à garantir sa bonne information, établi sur un support durable. Ces articles détaillent les mentions et informations devant y figurer, de manière claire et lisible en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit.

Le non-respect de ces dispositions n'est toutefois pas sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts contractuels. La société Creatis communique par ailleurs aux débats le document d'informations propre au regroupement de crédits remis à l'emprunteur et conforme aux dispositions de l'article R. 313-12 précité.

C'est donc à tort que le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels à ce titre.

- Sur la vérification de solvabilité

Le premier juge a également reproché au prêteur une vérification insuffisante de la solvabilité de l'emprunteur au regard des dispositions de l'article L. 312-16 du code de la consommation en ce qu'il aurait dû exiger des pièces justificatives complémentaires.

Il résulte de l'article L. 311-9 du code de la consommation en sa version applicable au contrat, qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Il consulte le fichier des incidents de remboursements des crédits aux particuliers.

L'article L. 311-10 du même code dispose quant à lui que lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d'une technique de communication à distance, une fiche d'informations distincte de la fiche d'informations précontractuelles est fournie par le prêteur ou par l'intermédiaire de crédit à l'emprunteur. Cette fiche, établie par écrit ou sur un autre support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier. Ladite fiche est signée ou son contenu confirmé par voie électronique par l'emprunteur et contribue à l'évaluation de sa solvabilité par le prêteur. Les informations figurant dans la fiche doivent faire l'objet d'une déclaration certifiant sur l'honneur leur exactitude. Cette fiche est conservée par le prêteur pendant toute la durée du prêt. Si le montant du crédit accordé est supérieur à 3 000 euros, la fiche doit être corroborée par des pièces justificatives telles que prévues par décret à savoir un justificatif de domicile, un justificatif de revenus, un justificatif d'identité à jour au moment de l'établissement de la fiche de dialogue.

Le non-respect de ces dispositions est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels aux termes de l'article L. 311-48 du même code.

En l'espèce, il est constant que le contrat a été conclu dans l'agence du prêteur de sorte que seules les dispositions de l'article L. 311-9 sont applicables et qu'elles n'imposent pas au prêteur de corroborer les éléments déclarés par des pièces justificatives.

La société Creatis communique la fiche de dialogue remplie et signée par Mme [F] mentionnant les informations sur sa situation personnelle et financière ainsi que le justificatif de consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers antérieur au déblocage des fonds et ne portant pas d'inscription.

Il résulte de la fiche de dialogue que la candidate à l'emprunt a déclaré être en contrat à durée indéterminée et gagner 3 242,53 euros de revenus mensuels et a évalué ses charges à la somme mensuelle de 644,82 euros comprenant son loyer et le paiement de ses impôts.

La société Creatis lui a également réclamé différentes pièces justificatives à savoir copie de sa carte d'identité, une attestation EDF justifiant de son domicile, un calendrier de paiement EDF, un avis d'échéance de loyer, un avis d'imposition 2014 sur les revenus de 2013 et ses bulletins de paie du mois de décembre 2013 et des mois de juillet, août et septembre 2014.

Les revenus déclarés outre les charges sont corroborés et sont cohérents avec le paiement de mensualités de crédit de l'ordre de 775,73 euros par mois après regroupement des crédits, sachant que Mme [F] réglait la somme mensuelle de 1 106,74 euros avant regroupement.

Le prêteur justifie ainsi suffisamment de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur et c'est à tort que le premier juge a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts de la société Creatis sur ce fondement.

- Sur la remise d'une fiche d'informations précontractuelles

Il résulte de l'article L. 311-6 du code de la consommation applicable au cas d'espèce que, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Cette fiche d'informations précontractuelles -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 311-48 devenu L. 341-1), étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'informations et de remise de cette FIPEN.

A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'informations précontractuelles normalisées européennes, n'est qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il a toutefois été jugé qu'un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l'offre de prêt pour apporter la preuve de l'effectivité de la remise. (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).

La société Creatis produit en cours de délibéré divers documents qu'elle a adressés à Mme [F] le 19 novembre 2024 soit 19 pages mais sans numérotation particulière, ces documents portant tous la référence du contrat 28065000010726 qui est celui qui a été signé par Mme [F]. Un premier document explique le "mode d'emploi" du dossier de crédit et indique ce qui doit être renvoyé, puis un courrier spécialement adressé à l'emprunteur, et enfin les documents suivants :

- l'offre de contrat datée et signée,

- une attestation d'informations quant à l'adhésion aux garanties d'assurance,

- la FIPEN remplie, sur laquelle figure la numérotation 1/4,

- le document d'informations spécifique au regroupement de crédits,

- la fiche de dialogue,

- un mandat de prélèvement rempli avec les éléments fournis par Mme [F].

La liasse produite n'est pas numérotée et il n'est nullement distingué entre l'exemplaire "à conserver" et celui "à renvoyer" de sorte qu'il est impossible à partir des éléments produits en cours de délibéré de dire que Mme [F] a bien eu remise effective de la FIPEN.

La déchéance du droit aux intérêts est donc encourue à ce titre. La cour constate que la notice d'informations relative à l'assurance n'est pas produite, ce qui constitue un autre motif de déchéance du droit aux intérêts.

Sur le montant des sommes dues

Aux termes de l'article L. 311-48 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [F] à payer à la société Creatis la somme de 42 669,91 euros, correspondant au capital emprunté moins les sommes versées pour 30 730,09 euros. Il convient également de confirmer le rejet de la capitalisation des intérêts, ce point n'étant pas contesté.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l'espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d'intérêts annuel fixe de 7,53 %. Dès lors, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal apparaissent significativement inférieurs à celui résultant du taux contractuel sauf en cas de majoration de cinq points. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de n'écarter que l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier. Il y a donc de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la condamnation porterait intérêts au taux légal à compter du jugement et jusqu'à parfait paiement.

Le rejet de la demande de délais de paiement n'est pas contesté.

Sur les autres demandes

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné Mme [F] aux dépens de première instance et a rejeté la demande de la société Creatis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure La société Creatis qui succombe conservera la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Écarte la majoration de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Creatis ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/13900
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.13900 ?
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