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21/03/2024 | FRANCE | N°22/13261

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 21 mars 2024, 22/13261


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 21 MARS 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13261 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGFRO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2021 - Tribunal de proximité de PALAISEAU - RG n° 11-18-000800





APPELANTS



Monsieur [L] [H]

né le 21 février 1958 à

[Localité 7] (92)

[Adresse 2]

[Localité 6]



représenté et assisté de Me Emmanuel GUYOT de la SELARL BONNA AUZAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0244





Monsieur [C] [...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13261 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGFRO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2021 - Tribunal de proximité de PALAISEAU - RG n° 11-18-000800

APPELANTS

Monsieur [L] [H]

né le 21 février 1958 à [Localité 7] (92)

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté et assisté de Me Emmanuel GUYOT de la SELARL BONNA AUZAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0244

Monsieur [C] [H]

né le 31 juillet 1962 à [Localité 8] (67)

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté et assisté de Me Emmanuel GUYOT de la SELARL BONNA AUZAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0244

INTIMÉE

CAMIF HABITAT, société par actions simplifiée représentée par son président domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 410 362 685 00035

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, ayant pour avocat plaidant Me Geoffrey DONAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1811

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Consiellère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon devis accepté le 27 février 2013, M. [L] [H] et M. [C] [H] ont conclu avec la société Camif Habitat un contrat portant sur la rénovation d'un immeuble pour un prix toutes taxes comprises de 83 206,77 euros.

La réception des travaux avec réserves est intervenue le 21 octobre 2014 et l'ensemble des réserves a été levé le 29 avril 2015.

Malgré délivrance d'une mise en demeure le 4 avril 2017, M. [L] [H] et M. [C] [H] n'ont pas réglé le solde de 6 290,55 euros restant dû après déduction d'une indemnité de retard de livraison.

Suivant actes délivrés les 17 et 19 octobre 2018, la société Camif Habitat a fait délivrer assignation à M. [L] [H] et M. [C] [H] devant le tribunal d'instance de Palaiseau, désormais chambre de proximité de Palaiseau du tribunal judiciaire d'Évry-Courcouronnes, aux fins de les voir condamner au paiement du solde du marché de travaux de 6 290,55 euros avec intérêts au taux de 1,5 fois le taux légal à compter du 4 avril 2017.

Par jugement contradictoire rendu le 14 décembre 2021 auquel il convient de se reporter, le tribunal a déclaré l'action de la société Camif Habitat recevable, condamné M. [L] [H] et M. [C] [H] à payer à cette société la somme de 6 262,81 euros ainsi que la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les a condamnés aux dépens et les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes.

Il a considéré que si les consorts [H] avaient agi en leurs noms personnels dans le contrat et non pour le compte de la société civile immobilière dont ils étaient tous deux associés, pour autant la facture avait été présentée et payée pour le compte de l'association La Maison Carrée dont ils étaient membres, de sorte que le contrat a bien été conclu à titre professionnel pour le compte d'une personne morale, excluant l'application de l'article L. 137-2 du code de la consommation prévoyant une prescription biennale et ce indépendamment du fait que la société civile immobilière en question n'était pas un professionnel de la construction. Il a donc rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Il a estimé que le solde du marché, hors pénalité de retard, s'élevait à la somme de 7 982,42 euros, que la livraison aurait dû intervenir le 20 août 2014 et qu'elle était intervenue le 21 octobre 2014, ce qui constituait un retard de soixante-deux jours calendaires correspondant à une indemnité d'un montant de 1 719,61 euros selon l'article 2.8 du contrat. Il a ainsi retenu que le solde des travaux pouvait être fixé à la somme de 6 262,81 euros et qu'il n'y avait pas lieu à une indemnité de retard entre le 29 avril 2015 et le 10 juin 2015. Il a assorti la condamnation des intérêts au taux contractuel de 1,5 fois le taux légal à compter du 4 avril 2017.

Par déclaration effectuée par voie électronique le 12 juillet 2022, M. [L] [H] et M. [C] [H] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions n° 2 remises par voie électronique le 27 novembre 2023, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau :

- à titre principal, de dire et juger que l'action en paiement est irrecevable comme prescrite,

- de dire et juger que le maître de l'ouvrage est créancier d'une somme de 5 602,59 euros au titre des pénalités de retard,

- d'ordonner, le cas échéant, la compensation entre le montant des pénalités de retard et le solde du marché,

- de débouter la société Camif Habitat de toutes ses demandes et de la condamner à leur verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils exposent que la SCI Le Canal 67120 est une société civile immobilière dont le siège est [Localité 9] (67) immatriculée en avril 2012, que son capital social est détenu exclusivement par cinq membres de la famille [H], que ses co-gérants sont [L] et [C], que son objet social inclut notamment la gestion d'un bien immobilier familial situé à [Localité 9] composé de deux bâtiments distincts communément désignés comme étant l'un le "Château" et l'autre le "Chalet". Ils précisent également que l'intention des associés était de conserver pour leur usage personnel le château et d'aménager le chalet afin d'y accueillir des artistes dans le cadre d'une future association à but non lucratif, laquelle sera finalement constituée en décembre 2014 sous la dénomination "La Maison Carrée". Ils précisent qu'en 2013, la société civile immobilière a décidé d'entreprendre des travaux sur ces deux bâtiments, lesquels ont été confiés à la société Camif en vertu de deux contrats distincts, le premier conclu avec la SCI concernait le gros-'uvre des deux bâtiments (chauffage, isolation, couverture...) et le second concernait des travaux d'aménagement (hors gros-'uvre) du chalet lesquels ont en revanche fait l'objet d'un devis désignant M. [L] [H] et M. [C] [H] en qualité de maîtres d'ouvrage et mentionnant leur adresse personnelle respective.

Ils expliquent avoir du mal à comprendre la motivation retenue par le tribunal en ce qu'il est patent qu'ils n'agissaient pas à des fins professionnelles au sens du code de la consommation, l'un exerçant le métier de professeur d'arts plastiques et l'autre de cadre commercial, et que l'association "La Maison Carrée" n'a été créée qu'en 2014 soit plus d'un an et neuf mois après la signature du contrat. Ils ajoutent que les sommes payées l'ont été à titre personnel et constituent encore à ce jour une créance des consorts [H] sur l'association, que la créance a été inscrite au crédit de leur compte courant dans l'association. Ils estiment que la société poursuivante est soumise à la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation en rappelant que depuis un arrêt du 19 mai 2021, la Cour de cassation retient désormais que le point de départ du délai de prescription pour l'action en paiement de factures formée contre un consommateur est fixé à partir de la date de connaissance par le titulaire du droit des faits lui permettant d'agir, soit la date de l'achèvement des prestations.

Ils retiennent comme point de départ du délai de prescription de l'action le 10 juin 2015 (date de levée des réserves) et au plus tard 8 février 2016 (fin du délai de paiement du maître de l'ouvrage) et soutiennent que l'action était prescrite depuis le 11 juin 2017 et au plus tard 9 février 2018. Ils expliquent que les deux factures de travaux datées du 21 octobre 2016, déduction faite d'une facture d'avoir n° 160004009 du même jour, correspondent en réalité à un décompte général définitif notifié au maître de l'ouvrage le 16 octobre 2015, que ce décompte a été refusé le 8 décembre 2015 au vu des pénalités de retard dues, que la société Camif n'a pas contesté ce décompte dans le délai de 30 jours prévu par la norme AFNOR P.03.001 relative aux marchés privés de travaux du bâtiment, qu'il est constant selon eux que, lorsque ce délai est expiré, le compte est définitivement arrêté et le maître de l'ouvrage doit s'acquitter des sommes qui découlent du décompte notifié dans un délai de 30 jours et donc, en l'espèce décompte notifié par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur le 8 décembre 2015, fin du délai de réponse de 30 jours de l'entrepreneur le 8 janvier 2016 et fin du délai de paiement du maître de l'ouvrage le 8 février 2016.

Ils font ensuite valoir que les demandes du constructeur en paiement du solde du marché sont mal fondées et qu'il est lui-même débiteur de pénalités de retard prévues au contrat de la date contractuelle de livraison jusqu'à celle de la réception avec réserves, soit du 20 août au 21 octobre 2014, ce qui représente 62 jours, mais également de la date de fin du délai de 90 jours jusqu'à celle de la levée effective des réserves, soit du 21 janvier au 10 juin 2015, ce qui représente 140 jours.

Par ses dernières conclusions numéro 4 déposées le 6 décembre 2023, la société Camif Habitat demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 14 décembre 2021,

- y ajoutant et corrigeant l'erreur matérielle relative aux pénalités de retard, d'assortir la condamnation au paiement de la somme de 6 290,55 euros TTC d'une pénalité de retard au taux de 1,5 fois le taux d'intérêt légal, ceci, à compter du 4 avril 2017,

- de condamner les consorts [H] à lui payer la somme supplémentaire de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel que son avocat sera autorisé à recouvrer, pour ceux le concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'intimée indique que si le tribunal a fait droit à la demande au titre des pénalités de retard, il a oublié de reprendre ce chef de condamnation dans le dispositif de sorte qu'elle demande la réparation de cet oubli.

Elle fait valoir que son action en paiement est recevable car la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil et de l'article L. 110-4 du code du commerce doit être retenue dans la mesure où les défendeurs n'apportent pas la preuve que le contrat de rénovation qu'ils ont conclu ait été souscrit à des fins étrangères à leur activité professionnelle puisque le marché de travaux porte sur un bien appartenant en propre et exclusivement à une SCI dont ils sont associés majoritaires, exploitée dans le cadre d'un bail commercial souscrit par cette SCI. Elle précise qu'une SCI ne peut bénéficier des dispositions protectrices de l'article L. 218-2 du code de la consommation.

Elle ajoute que son action en paiement n'est pas prescrite quand bien même la prescription abrégée de deux ans prévue par les dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation serait applicable car elle courre au jour de l'établissement de la facture, soit le 21 octobre 2016.

La société soutient encore que la norme Afnor NP P 03-001 ne s'applique pas car les parties ne l'ont pas expressément intégrée dans le champ contractuel.

Elle indique que les consorts [H] restent lui devoir la somme de 6 290,55 euros après déduction d'une indemnité de retard de 1 691,87 euros et qu'aucune indemnité pour le retard dans la levée des réserves n'a été convenue.

La société Camif Habitat souligne enfin que les consorts [H] sont tenus aux intérêts de retard correspondant à 1,5 fois le taux d'intérêt légal sur les sommes non réglées.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 24 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'application des dispositions de l'article 463 du code de procédure civile

L'article 463 du code de procédure civile permet à une juridiction ayant omis de statuer sur un chef de demande, sur simple requête de l'une des parties ou sur requête commune, de compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir s'il y a lieu le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. La requête doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée.

Dans son jugement rendu le 14 décembre 2021, la chambre de proximité de Palaiseau du tribunal judiciaire d'Évry-Courcouronnes a omis de rependre dans le dispositif que la condamnation était assortie des intérêts au taux de 1,5 fois le taux légal à compter du 4 avril 2017.

Il convient de réparer l'omission dans les termes du dispositif.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Le contrat ayant été signé le 27 février 2013, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Les appelants soutiennent que doit s'appliquer la prescription biennale de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, alors que la société intimée soutient que la prescription quinquennale des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce doit recevoir application, le contrat ayant été souscrit à titre professionnel. Elle soutient que quand bien même la prescription biennale serait applicable, elle n'a pas joué.

Les dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation en leur version applicable du 19 juin 2008 au 1er juillet 2016 prévoient que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Il appartient aux consorts [H] qui prétendent au bénéfice de ces dispositions de prouver leur qualité de consommateurs.

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation reprenant le libellé de l'article 2 de la directive n° 83/UE du 25 octobre 2011, a introduit un article préliminaire au code de la consommation, ayant vocation à régir l'ensemble du droit de la consommation, lequel définit le consommateur comme "toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale" et le non-professionnel comme "toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelle".

Le devis validé le 27 février 2013 a été établi entre M. [C] [H] et M. [L] [H] et la société Camif Habitat en qualité de maître d''uvre, relativement à un chantier situé à [Localité 9]. Un avenant a été signé uniquement par M. [C] [H] le 21 octobre 2014. Le montant des travaux s'élevait à 79 063 euros TTC. Les conditions particulières du contrat ont été signées le 27 février 2013 uniquement par M. [C] [H] en sa qualité de maître d'ouvrage. Le document relatif à la souscription de l'assurance dommages ouvrage a été validé le 25 juillet 2012 par "Monsieur [C] [H], SCI LE CANAL 67120". C'est M. [C] [H], en sa qualité de maître d'ouvrage, qui a certifié avoir eu pleinement connaissance des conditions générales du contrat qui lui ont été remises. Enfin, la décision d'ouverture du chantier a été établie aux deux noms en leur qualité de maîtres d'ouvrage le 25 août 2013.

Il n'est pas contesté qu'aucun des consorts [H] n'exerce à titre personnel une activité commerciale, industrielle, artisanale ou encore agricole. L'immeuble objet du contrat litigieux a été apporté à une société civile immobilière, la SCI Le Canal 67120 créée suivant acte notarié du 19 décembre 2011, Messieurs [C] et [L] [H] faisant partie des cinq gérants associés de cette structure purement familiale. L'objet social de cette société tel que décrit à l'acte constitutif et repris à l'extrait k bis communiqué est le suivant "acquisition par voie d'achat ou d'apport, propriété, mise en valeur, transformation, aménagement, administration, gestion et location de tous biens immobiliers".

Quand bien même les appelants auraient agi pour le compte de la société civile immobilière, ce qui ne figure pas expressément au contrat, aucun élément ne permet de dire que celle-ci ait agi à des fins professionnelles, s'agissant d'une structure purement familiale ayant pour objet la valorisation d'un immeuble familial.

Le fait que, postérieurement aux travaux, une association dénommée La Maison Carrée ayant pour vocation de faire connaître l'histoire du canal de [Localité 9] avec gestion de gîtes et de résidences d'artistes ait été constituée le 10 décembre 2014 et ait ensuite bénéficié d'un contrat de bail dans l'immeuble le 1er décembre 2015, est sans incidence et ne démontre pas plus l'objectif professionnel de l'action.

M. [L] [H] et M. [C] [H] sont membres fondateurs de cette association composée de huit membres et il ressort des statuts de cette structure et de l'annexe que la somme de 83 035 euros a été payée par eux personnellement au titre de la facture de la société Camif Habitat et la créance correspondante portée au crédit de leur compte courant dans les comptes de l'association et leur sera remboursée en cas de dissolution de l'association.

Il résulte de ce qui précède que les consorts [H] ont régularisé le marché à des fins étrangères à une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale de sorte que les dispositions invoquées doivent recevoir application.

Il est désormais admis par la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 19 mai 2021, n° 20-12.520) que l'action en paiement de factures formée contre un professionnel, soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce ou contre un consommateur, soumise à la prescription biennale de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation se prescrit, hormis les cas où le contrat ou la loi en dispose autrement, à compter de la date de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d'agir, laquelle peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations, cette circonstance rendant exigible la créance du professionnel. Cette nouvelle position est d'application immédiate et contrairement à ce qu'indique la société Camif Habitat, ce n'est donc plus la date d'établissement de la facture qui constitue le point de départ du délai de prescription biennale.

En l'espèce, les travaux ont été réceptionnés selon procès-verbal du 21 octobre 2014, des réserves ayant été émises et énumérées par constat d'huissier de justice établi le même jour. Les réserves ont été levées le 29 avril 2015 selon procès-verbal dressé contradictoirement le 10 juin 2015. C'est donc le 21 octobre 2014 qui constitue le point de départ du délai biennal ou à tout le moins le 10 juin 2015 date de levée des réserves. Si l'on retient cette dernière date, la société Camif Habitat aurait dû agir avant le 10 juin 2017, ce qu'elle n'a pas fait puisque son assignation remonte aux 17 et 19 octobre 2018.

Si l'exigibilité de la créance peut être fixée, par la loi ou le contrat, à une autre date que celle de la réalisation des travaux, la cour constate que les parties n'ont pas fait entrer dans le champ contractuel la norme NF P 03-001 relative aux marchés privés de travaux du bâtiment qui fixe l'exigibilité de la créance à l'issue de la procédure de vérification des comptes.

Il n'est fait état d'aucune cause de suspension ou d'interruption du délai de prescription.

L'action est donc atteinte par la prescription.

Partant, le jugement doit être infirmé et la société Camif Habitat déclarée irrecevable en toutes ses demandes.

Les appelants indiquent dans leurs écritures que si par extraordinaire la cour estimait que l'action en paiement de la société Camif Habitat était recevable en dépit de la prescription encourue, elle ne pourrait que juger que les demandes de cette entreprise sont mal fondées, elle-même étant débitrice de pénalités de retard prévues au contrat à hauteur d'une somme de 5 602,59 euros.

Cette demande s'analyse en une demande purement subsidiaire qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner, la demande principale étant déclarée irrecevable.

Sur les autres demandes

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont infirmées.

La société Camif Habitat qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel. Il apparaît équitable de voir chacune des parties conserver la charge de se frais irrépétibles.

Les parties sont déboutées de toute demande plus ample ou contraire.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire en premier ressort,

Vu l'article 463 du code de procédure civile,

Déclare recevable la demande tendant à réparer l'erreur affectant le jugement ;

Constate l'erreur affectant ladite décision et la réparant ;

Statuant à nouveau et complétant le jugement rendu le 14 décembre 2021 par le tribunal de proximité de Palaiseau sous le numéro RG 11-18-000800,

Dit que le dispositif de la décision sera complété ainsi : "Dit que la condamnation est augmentée des intérêts au taux de 1,5 fois le taux légal à compter du 4 avril 2017" ;

Ordonne la mention de la présente décision rectificative en marge du jugement rectifié ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau ;

Déclare la société Camif Habitat irrecevable en ses demandes ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/13261
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.13261 ?
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