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19/03/2024 | FRANCE | N°22/09674

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 19 mars 2024, 22/09674


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 19 MARS 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09674 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF23D



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 mars 2022 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/06068





APPELANTE



Madame [V] [A] [X] née le 20 février 1986 à [Locali

té 8] (Cameroun) agissant en qualité de répresentante légale de son enfant [R] [Z] [E] née le 16 septembre 2014 à [Localité 7] au Cameroun



CCAC de [Localité 4]

[Adresse 10]

[Lo...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 19 MARS 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09674 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF23D

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 mars 2022 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/06068

APPELANTE

Madame [V] [A] [X] née le 20 février 1986 à [Localité 8] (Cameroun) agissant en qualité de répresentante légale de son enfant [R] [Z] [E] née le 16 septembre 2014 à [Localité 7] au Cameroun

CCAC de [Localité 4]

[Adresse 10]

[Localité 4]

représentée par Me RICHARD substituant Me Laurence ROQUES de l'AARPI R2 LIBERTES AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 344

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2022/010488 du 15/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Madame Brigitte AUGIER de MOUSSAC, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 février 2024, en audience publique, l' avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie LAMBLING, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Mme Marie LAMBLING, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire du 16 mars 2022 du tribunal judiciaire de Paris qui a jugé irrecevable la copie originale de l'acte de naissance de [R] [Z] [E] délivrée le 21 décembre 2021 figurant au dossier de plaidoirie sous le numéro 3, dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, débouté Mme [V] [A] [X], en sa qualité de représentante légale de l'enfant [R] [Z] [E], de l'ensemble de ses demandes, jugé que [R] [Z] [E], dit née le 16 septembre 2014 à [Localité 7] (Cameroun), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, condamné Mme [V] [A] [X], en sa qualité de représentante légale de l'enfant [R] [Z] [E], aux dépens, qui seront recouvrés dans les conditions propres à l'aide juridictionnelle ;

Vu la déclaration d'appel du 17 mai 2022 de Mme [V] [A] [X], ès qualités de représentante légale de l'enfant [R] [Z] [E];

Vu les dernières conclusions notifiées le 19 décembre 2023 par Mme [V] [A] [X] qui demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 16 mars 2022 dire et juger que l'enfant [R] [Z] [E] est française, en vertu des dispositions de l'article 18 du code civil, comme née d'un père français, ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil et condamner l'État aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 4 septembre 2023 par le ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement de première instance en tout son dispositif, juger que l'enfant [R] [Z] [E], dite née le 16 septembre 2014 à [Localité 7] (Cameroun), n'est pas de nationalité française, débouter Mme [V] [A] [X], en sa qualité de représentante légale de l'enfant mineure [R] [Z] [E], de l'ensemble de ses demandes, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, condamner Mme [V] [A] [X], en sa qualité de représentante légale de l'enfant mineure [R] [Z] [E], aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 30 janvier 2024 ;

MOTIFS

Sur le respect des formalités prévues par l'article 1040 du code de procédure civile

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1040 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 8 août 2023 par le ministère de la Justice.

Sur la charge et l'objet de la preuve

Invoquant l'article 18 du code civil, Mme [V] [A] [X] soutient que [R] [Z] [E], qu'elle dit née le 16 septembre 2014 à [Localité 7] (Cameroun), est française par filiation paternelle, pour être l'enfant de M. [U] [L], né le 11 juillet 1974 à [Localité 7], lequel est français pour avoir souscrit une déclaration acquisitive de nationalité française le 16 décembre 2005 devant le juge d'instance d'[Localité 6] (Seine-Saint-Denis).

L'enfant [R] [Z] [E] n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité, s'en étant vu refuser la délivrance par le greffier en chef du tribunal d'instance de Villejuif (Val-de-Marne) le 20 mars 2017.

La nationalité française de M. [U] [L] au jour de la naissance de l'enfant n'est pas contestée.

Il appartient donc à l'appelante d'apporter la preuve de l'établissement de la filiation de l'enfant à l'égard de M. [U] [L] durant sa minorité , et de son identité au moyen d'actes d'état civil fiables et probants au sens de l'article 47 du code civil selon lequel « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française'.

Sur l'état civil de l'enfant [R] [Z] [E]

Pour débouter Mme [V] [A] [X] de sa demande, le premier juge a retenu qu'il n'était pas justifié de la fiabilité de l'état civil de l'enfant [R] [Z], faute notamment de production, en original, d'un acte de naissance probant.

En cause d'appel, Mme [V] [A] [X] verse désormais notamment l'original (pièce n°3) d'une copie de l'acte de naissance n°4250/2014/R/051 de [R] [Z] [E], indiquant que celle-ci est née le 16 septembre 2014 à [Localité 7] de [A] [X] [V], née à [Localité 8] le 20 février 1986, domiciliée à [Localité 7], ménagère, de nationalité camerounaise, l'acte ayant été dressé le 13 octobre 2014, sur déclaration de naissance du centre de santé [9] de [Localité 7] par [Y] [I] [P], 4ème adjoint au maire.

Contrairement à ce qu'affirme le ministère public, ce document respecte les exigences posées par l'article 22 de la convention de coopération en matière de justice franco-camerounaise signée le 21 février 1974 en son 2°, en vertu duquel les expédition des actes de l'état civil camerounais sont admises sur le territoire français sans légalisation à la condition qu'ils soient « revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et s'il s'agit d'expéditions, être certifiés conformes à l'original par ladite autorité. En tout état de cause, ils sont établis matériellement de manière à faire apparaître leur authenticité » (pièce n°1 du ministère public).

En effet, il n'existe aucune confusion entre l'officier de l'état civil ayant délivré la copie, qui se nomme [N] [T], et l'officier d'état civil ayant dressé l'acte, [Y] [I] [P], le simple fait que la signature ainsi que le nom et prénom de [N] [T] apparaissent en bas à droite de la page en correspondance de la mention « signature de l'officier de l'état civil » et à côté du sceau rond de la commune d'arrondissement de [Localité 7] 3ème alors que l'indication « pour copie certifiée conforme à l'original, [Localité 7] 21 déc. 2021-l'officier d'état civil » est placée au centre du document ne permettant pas de remettre en cause l'identité de l'officier d'état civil ayant délivré la copie conforme.

C'est encore vainement que le ministère public se prévaut, de l'absence de force probante de l'acte au sens de l'article 47 du code civil, pour avoir été dressé en méconnaissance de la législation camerounaise en matière d'état civil applicable à l'acte, en ce qu'il mentionne que la déclaration de la naissance de l'enfant a été effectuée par le centre de santé [9] de [Localité 7].

Comme l'indique en effet à juste titre l'appelante, l'ordonnance n°81-02 du 29 juin 1981 (pièce n°19 de l'appelante) relative à l'état civil camerounais a été modifiée par la loi du 6 mai 2011.

Elle dispose, en son nouvel article 31, que « (1) Lorsque l'enfant est né dans un établissement hospitalier, le chef dudit établissement ou à défaut, le médecin ou toute personne qui a assisté la mère, est tenu de déclarer la naissance de l'enfant dans les trente jours suivant l'accouchement. (2) Si la naissance n'a pas été déclarée dans les délais par les personnes visées à l'alinéa 1 ci-dessus, les parents de l'enfant disposent d'un délai supplémentaire de soixante jours pour faire la déclaration auprès de l'officier d'état civil du lieu de naissance.».

Par ailleurs, alors que l'article 34 de ladite ordonnance, énonçant les mentions qui doivent figurer sur les actes de naissance dressés dans l'État camerounais, prescrivait, dans sa version originale, telle que visée par le ministère public, qu'outre les noms, prénoms, âge, domicile et résidence du père et de la mère, les actes de naissance mentionnent « éventuellement les noms, prénoms, âge, domicile et résidence des témoins », la référence aux témoins a été supprimée de la rédaction issue de la réforme de 2011, l'article disposant désormais que « L'acte de naissance comporte les mentions ci-après : le nom du centre d'état civil principal ou secondaire et, le cas échéant, celui du centre d'état civil principal de rattachement ; les noms, prénoms et sexe ainsi que les date et lieu de naissance de l'enfant ; les noms, prénoms, âge, nationalité, profession, domicile ou résidence du père et de la mère de l'enfant ; les noms, prénoms et les signatures de l'officier et du secrétaire d'état civil ; la date d'établissement de l'acte. »

Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'affirme le ministère public, la nouvelle version de l'article 34 de l'ordonnance de 1981, applicable à l'acte en question établi en 2014, n'exige pas la mention de l'identité du déclarant, étant au surplus précisé que le chef de l'établissement hospitalier est tenu en application de l'article 31 de déclarer la naissance de l'enfant.

Enfin, aucune conséquence ne saurait être tirée quant à la validité de l'acte de la circonstance qu'un officier de l'état civil camerounais a, dans une attestation d'existence à la souche de l'acte de naissance de l'enfant, évoqué la paternité de M. [U] [L], sans que l'acte de naissance ne mentionne cette filiation, dès lors que l'officier de l'état civil s'est borné à attester de la preuve de l'existence de l'acte en lui-même mais non de ses mentions.

Dès lors, l'acte de naissance de l'enfant, qui satisfait aux exigences de la loi camerounaise, est probant au sens de l'article 47 du code civil français.

Sur le lien de filiation de l'enfant à l'égard de [U] [L]

Afin de rapporter la preuve du lien de filiation de son enfant à l'égard de M. [U] [L], l'appelante verse aux débats en sa pièce n°5 la copie intégrale délivrée par la mairie d'[Localité 5] (Val-de-Marne) le 17 janvier 2020 d'un acte de reconnaissance n°78 selon laquelle [U] [L], né le 11 juillet 1974 à [Localité 7], chef d'équipe, domicilié au [Adresse 2] (Seine-Saint-Denis) a, le 15 décembre 2015 à 10 heures et 27 minutes, déclaré reconnaitre l'enfant [R] [Z] [E], née le 16 septembre 2014 à [Localité 7] de [V] [A] [X], devant [M] [H], adjoint administratif, officier d'état civil par délégation du maire d'[Localité 5].

Si le ministère public fait valoir que cette reconnaissance n'a pas été transcrite sur l'acte de naissance camerounais comme le prescrit l'article 19 de l'ordonnance n°81-02 du 29 juin 1981, modifiée par la loi du 6 mai 2011, de sorte qu'elle ne saurait produire d'effet en France en matière de nationalité, la cour rappelle qu'en vertu de l'article 311-17 du code civil « La reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant. »

Or, en l'espèce, il n'est ni allégué ni démontré que la reconnaissance de paternité souscrite par M. [U] [L] n'a pas été faite conformément à la loi française, laquelle n'exige en outre pas, pour faire produire effet à la reconnaissance, notamment en matière de nationalité, qu'elle ait été transcrite en marge de l'acte de naissance de l'enfant.

Il s'ensuit que [R] [Z] [E] qui dispose d'une filiation paternelle établie, du temps de sa minorité, à l'égard de M. [U] [L], de nationalité française, est française.

Le jugement qui a constaté son extranéité est infirmé.

Les dépens seront supportés par le Trésor public.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1040 du code de procédure civile a été délivré ;

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Juge que l'enfant [R] [Z] [E], née le 16 septembre 2014 à [Localité 7] (Cameroun), est française ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Condamne le Trésor public aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/09674
Date de la décision : 19/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-19;22.09674 ?
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