La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2024 | FRANCE | N°22/12660

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 14 mars 2024, 22/12660


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 14 MARS 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12660 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDOJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 janvier 2022 - Juge des contentieux de la protection de NOGENT SUR MARNE - RG n° 11-20-000481





APPELANTE



La société BNP PARIBAS, soci

été anonyme prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 662 042 449 00014

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me St...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 14 MARS 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12660 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDOJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 janvier 2022 - Juge des contentieux de la protection de NOGENT SUR MARNE - RG n° 11-20-000481

APPELANTE

La société BNP PARIBAS, société anonyme prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 662 042 449 00014

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Stéphanie ARFEUILLERE de la SELARL CREMER & ARFEUILLERE, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉE

Madame [V] [W]

née le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 6] (60)

[Adresse 1]

[Localité 5]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [V] [W] a ouvert un compte bancaire portant les références 0127772-05 dans les livres de la société BNP Paribas en son agence Paris Alésia le 27 septembre 2013.

Par acte sous seing privé du 6 décembre 2016, la société BNP Paribas a consenti à Mme [W] un prêt d'un montant de 75 000 euros remboursable au taux fixe de 2,90 % l'an en 108 mensualités de 808,59 euros chacune assurance comprise.

À compter de janvier 2019, les prélèvements des échéances de remboursement du crédit ont été rejetées en raison du fonctionnement du compte en débit permanent.

Le 11 février 2019, la banque a avisé Mme [W] de ce que son compte présentait un solde débiteur de 6 124,49 euros, et l'a enjoint de le régulariser sous 60 jours à défaut de quoi il serait clos.

Après mise en demeure infructueuse du 12 avril 2019, la société BNP Paribas a prononcé l'exigibilité anticipée du prêt personnel puis a procédé à la clôture du compte le 15 mai 2019.

Par acte d'huissier de justice délivré le 17 juin 2020, la société BNP Paribas a fait assigner Mme [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Nogent-sur-Marne aux fins de la voir condamner à lui payer les sommes de 5 223,53 euros au titre du solde débiteur du compte à vue avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2020, de 61 375,47 euros avec intérêts au taux conventionnel de 2,90 % l'an à partir du 15 mai 2019 et jusqu'à parfait paiement au titre du prêt personnel et de 4 746,86 euros au titre de l'indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au titre également du prêt personnel.

Par jugement contradictoire du 28 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection a :

- déclaré irrecevable l'action en paiement du contrat de crédit en raison de la forclusion prévue à l'article R. 312-35 du code de la consommation ;

- rappelé qu'en application de la forclusion, Mme [W] ne peut être contrainte à payer à la société BNP Paribas la moindre somme au titre du prêt ;

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société BNP Paribas au titre du solde débiteur du compte chèque n° 0127772-05 ouvert dans les livres de la banque ;

- écarté l'application des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier ;

- condamné Mme [W] à payer à la société BNP Paribas la somme de 1 975,13 euros au titre du solde débiteur du compte ;

- dit que cette somme ne portera pas intérêts au taux légal ;

- dit que les parties conserveront la charge des dépens qu'elle ont dû exposer ;

- débouté la société BNP Paribas de ses demandes formées du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

Le juge des contentieux de la protection a indiqué que la société BNP Paribas avait accordé à Mme [W] un découvert tacite sur le compte de dépôt ouvert au sein de son établissement. Il a estimé que le prêteur ne pouvait facturer des frais, intérêts et commissions sur le compte bancaire de Mme [W] puisqu'il ne produisait pas aux débats la convention d'ouverture du compte de dépôt, de sorte qu'il était impossible de démontrer que la cliente avait accepté les tarifs et les modalités de facturation des frais bancaires et qu'il n'existait aucune stipulation écrite du taux d'intérêt applicable en cas de découvert.

Il a ensuite relevé que, pour assurer l'effectivité de la sanction, il fallait écarter l'application des dispositions relatives à la majoration de plein droit du taux légal de 5 points.

S'agissant du prêt, il a fixé la première échéance impayée non régularisée au 4 juin 2018 et a considéré que l'action en paiement de la société BNP Paribas était irrecevable pour avoir été introduite plus de deux ans après cet incident.

Par déclaration du 6 juillet 2022, la société BNP Paribas a formé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions du 3 octobre 2022, la société BNP Paribas demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel à l'encontre du jugement du 28 janvier 2022,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en paiement du contrat de crédit en raison de la forclusion prévue à l'article R. 312-35 du code de la consommation, a rappelé qu'en application de la forclusion, Mme [W] ne peut être contrainte à lui payer la moindre somme au titre du prêt, l'a déboutée de ses demandes formées du chef de l'article 700 du code de procédure civile et a dit que les parties conserveront la charge des dépens qu'elle ont dû exposer,

- statuant à nouveau, de déclarer recevable comme non atteinte par la forclusion son action en paiement au titre du contrat de prêt personnel,

- à titre principal,

- de déclarer acquise la déchéance du terme prononcée le 15 mai 2019,

- subsidiairement,

- d'ordonner la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de Mme [W] en raison de son manquement à son obligation de règlement des échéances du prêt à bonne date,

- en conséquence, de la condamner au paiement des sommes suivantes au titre du prêt personnel :

- 61 375,47 euros à parfaire des intérêts au taux conventionnel de 2,90 % l'an à compter du 15 mai 2019, date de la déchéance du terme, et ce, jusqu'à parfait paiement,

- 4 746,86 euros au titre de l'indemnité de résiliation laquelle portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance,

- de la condamner en outre au paiement de la somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance,

- en tout état de cause, de condamner Mme [W] au paiement de la somme de 1 500 euros en cause d'appel par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel dont distraction au profit de son avocat par application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'appelante soutient que son action en paiement au titre du prêt personnel est recevable pour avoir été engagée dans le délai de deux ans à compter du premier incident non régularisé devant être fixé au 4 juillet 2018.

Elle fait valoir que la déchéance du terme doit être déclarée acquise dès lors qu'elle a régulièrement mis en demeure Mme [W] de régulariser les impayés et l'a informée qu'en l'absence de régularisation dans le délai imparti, elle serait en droit de se prévaloir de la clause de déchéance du terme prévue au contrat de prêt.

Aucun avocat ne s'est constitué pour Mme [W] à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 28 septembre 2022 remis à personne physique et les conclusions par acte du 4 octobre 2022 remis à étude.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience le 17 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel de la société BNP Paribas est limité aux chefs de jugement concernant le prêt personnel, quant au sort des dépens et frais irrépétibles. Il ne concerne pas les condamnations relatives au solde débiteur de compte.

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Le contrat ayant été conclu le 6 décembre 2016, c'est à juste titre que le premier juge a fait application des dispositions du code de la consommation dans leur version postérieure à l'entrée en vigueur au 1er juillet 2016 de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Sur la recevabilité de l'action au regard du délai de forclusion

Conformément à l'article R. 312-35 du code de la consommation, dans sa version applicable en la cause, les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

En l'espèce, il résulte de l'historique de prêt et des relevés de compte pour la période du 6 novembre 2016 au 6 mai 2019 tels que produits par la banque, que contrairement à ce qu'indique le premier juge, l'échéance du mois de juin 2017 a bien été prélevée le 6 juin 2017 puis :

- que les échéances de juillet, août et septembre 2017 ont été prélevées à leur échéance,

- que les échéances d'octobre 2017 à janvier 2018 n'ont pas été honorées car le compte présentait en permanence un solde débiteur,

- que le solde est revenu en position créditrice en février 2018 pour des sommes très importantes de sorte qu'il doit être considéré que le paiement des mensualités des mois de février 2018, mars 2018, avril 2018 et mai 2018 a permis de régulariser les mensualités impayées des mois d'octobre 2017 à janvier 2018,

- que le règlement de juin 2018 a permis de régler l'échéance de février 2018, le règlement de juillet 2018, celle de mars 2018, que le règlement d'août 2018 a permis de régler la mensualité d'avril 2018, que le règlement de septembre 2018 a permis de régler l'échéance de mai 2018, que le règlement d'octobre 2018 a permis d'honorer la mensualité de juin 2018.

Les échéances n'ont pu ensuite être prélevées en raison de la persistance d'un solde débiteur sur le compte. Ainsi, comme le soutient l'appelante, le premier incident de paiement non régularisé peut être fixé au 4 juillet 2018 et elle est recevable en son action comme ayant agi dans un délai de deux années par assignation du 17 juin 2020.

Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé de la demande en paiement

À l'appui de sa demande, l'appelante produit aux débats l'offre de contrat dotée d'un bordereau de rétractation, les fiches de dialogue (revenus et charges) et d'informations précontractuelles européennes normalisées signées et paraphées, la souscription d'une assurance et sa notice, le justificatif de la consultation du fichier des incidents de remboursement de crédits aux particuliers avant déblocage des fonds, le tableau d'amortissement du prêt, un historique du prêt et un décompte de créance.

L'appelante justifie de l'envoi à Mme [W] le 12 avril 2019 d'un courrier recommandé avec avis de réception de mise en demeure exigeant le règlement sous quinze jours de la somme de 1 617,18 euros au titre des impayés sous peine pour la banque de se prévaloir de l'exigibilité anticipée du crédit. A défaut de régularisation, la banque justifie de l'envoi d'un courrier recommandé avec avis de réception le 15 mai 2019 prenant acte de la déchéance du terme du contrat et demandant le règlement sous quinze jours de la somme totale de 59 335,69 euros.

C'est donc de manière légitime que la société BNP Paribas se prévaut de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues.

En application de l'article L. 312-39 du code de la consommation dans sa version applicable au litige eu égard à la date de conclusion du contrat, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

Au vu des pièces justificatives produites, la créance de l'appelante s'établit de la façon suivante :

- échéances impayées : 3 234,36 euros

- capital restant dû à la date de déchéance du terme du contrat : 56 740,50 euros

- versements à déduire : 1 194,58 euros

soit la somme totale de 58 780,28 euros.

Mme [W] est en conséquence condamnée au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux contractuel de 2,9 % l'an à compter du 15 mai 2019.

L'appelante sollicite en outre la somme de 4 746,86 euros au titre de l'indemnité de résiliation.

Selon l'article D. 312-16 du code de la consommation, lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Il s'infère de cette disposition que la notion de capital restant dû fait référence au capital rendu exigible par l'effet de la déchéance du terme.

La somme demandée semble excessive au regard du préjudice subi par le prêteur et sera réduite à 80 euros, somme à laquelle est condamnée Mme [W] augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2019.

Il n'y a pas lieu de statuer sur l'application des dispositions des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier puisque la sanction de déchéance du droit aux intérêts n'est pas prononcée.

Sur les autres demandes

Mme [W] qui succombe supportera les dépens de première instance, le jugement étant infirmé sur ce point. Il est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche rien ne justifie de condamner Mme [W] aux dépens d'appel, alors qu'elle n'avait fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l'a fait. La société BNP Paribas conservera donc la charge des dépens d'appel et il apparaît équitable de laisser supporter à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

Le surplus des demandes est rejeté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en paiement du prêt personnel, a rappelé qu'en application de la forclusion, Mme [W] ne peut être contrainte à lui payer la moindre somme au titre du prêt, quant aux sort des dépens ;

Le confirme en ce qu'il a débouté la société BNP Paribas de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau dans les limites de l'appel, et y ajoutant,

Déclare la société BNP Paribas recevable en son action s'agissant du prêt personnel ;

Condamne Mme [V] [W] à payer à la société BNP Paribas une somme de 58 780,28 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 2,9 % l'an à compter du 15 mai 2019 et la somme de 80 euros à titre d'indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter de cette même date ;

Rejette le surplus des demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [V] [W] dépens de première instance et la société BNP Paribas aux dépens de l'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/12660
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.12660 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award