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14/03/2024 | FRANCE | N°22/12489

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 14 mars 2024, 22/12489


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 14 MARS 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12489 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGC4Y



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 juin 2022 - Juge des contentieux de la protection de MELUN - RG n° 21/04653





APPELANTE



La société FRANFINANCE, société anonyme à

conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 719 807 406 00884

[Adresse 5]

[Localité 8]

...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 14 MARS 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12489 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGC4Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 juin 2022 - Juge des contentieux de la protection de MELUN - RG n° 21/04653

APPELANTE

La société FRANFINANCE, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 719 807 406 00884

[Adresse 5]

[Localité 8]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l'audience par Me Nathalie FEERTCHAK de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [X] [P]

né le [Date naissance 4] 1942

[Adresse 2]

[Localité 7]

représenté et assisté de Me Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1909

Madame [F] [R] épouse [P]

née le [Date naissance 3] 1942 à [Localité 10] (TOGO)

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée et assistée de Me Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1909

PARTIE INTERVENANTE

La société EBS BATIMENT, société par actions simplifiée à associé unique prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 819 020 538 00032

[Adresse 6]

[Localité 9]

représentée par Me Margaux KIRAT, avocat au barreau de PARIS

ayant pour avocat plaidant Me Joseph SUISSA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1795

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant offre préalable acceptée le 25 septembre 2019, la société Franfinance a consenti à M. [X] [P] et Mme [F] [R] épouse [P] un crédit affecté au financement d'une pompe à chaleur d'un montant de 11 000 euros remboursable par 36 mensualités de 326, 70 euros hors assurance au taux débiteur fixe de 3,44 % et au taux annuel effectif global de 3,50 %, la première mensualité étant due à compter du sixième mois suivant la conclusion du contrat.

Les fonds ont été débloqués le 14 novembre 2019.

Par courrier recommandé en date du 3 novembre 2020, la société Franfinance a mis en demeure les époux [P] de s'acquitter des échéances impayées.

Par acte d'huissier en date du 21 septembre 2021, la société Franfinance a fait assigner M. et Mme [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Melun aux fins de voir constater la déchéance du terme et les voir condamner au paiement de la somme de 11 507,68 euros majorée des intérêts au taux conventionnel au titre du solde du crédit et d'une indemnité de 8 % du capital restant dû.

Par jugement contradictoire en date du 17 juin 2022, le juge des contentieux de la protection a :

- débouté la société Franfinance de sa demande en paiement dirigée contre les époux [P] ;

- débouté la société Franfinance de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Franfinance aux dépens ;

- rappelé que l'exécution provisoire était de droit.

Après avoir vérifié la recevabilité de l'action au regard de la forclusion, le juge a retenu que les époux [P] n'étaient visiblement pas signataires du contrat de crédit.

La société Franfinance a interjeté appel de cette décision par déclaration électronique en date du 4 juillet 2022 et déposé ses premières conclusions le 4 octobre 2022.

La société Franfinance a assigné en intervention forcée la société EBS Bâtiment par acte en date du 2 novembre 2022 aux fins, dans l'hypothèse où la cour devait rejeter toutes ses demandes à l'encontre des consorts [P], de voir la société EBS Bâtiment condamnée à lui payer la somme de 11 000 euros correspondant au montant du capital emprunté, outre la somme de 1 761,20 euros au titre des intérêts perdus.

Aux termes de ses conclusions n° 2 déposées par RPVA le 27 avril 2023, la société Franfinance demande à la cour de :

- déclarer bien fondée l'intervention forcée à la présente instance de la société EBS Bâtiment ;

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Statuant sur les demandes des parties,

- dire et juger qu'il ressort suffisamment des éléments produits aux débats que les époux [P] ont souscrit le contrat de crédit sans qu'il soit nécessaire de procéder à la vérification d'écriture ; subsidiairement, procéder à la vérification de signature des époux [P] sur l'offre de crédit acceptée le 25 septembre 2019 et les déclarer signataires ; plus subsidiairement, constater l'existence d'un commencement de preuve par écrit corroboré faisant la preuve de l'existence du contrat de crédit ;

En tout état de cause,

- constater que la déchéance du terme a été prononcée ; subsidiairement, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l'emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit et fixer la date des effets de la résiliation au 25 novembre 2020 ;

En tout état de cause,

- condamner solidairement les époux [P] à lui payer la somme de 12 336,99 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 3,44 % l'an à compter du 26 novembre 2020 sur la somme de 11 491,45 euros en remboursement du crédit n° 10131166828 ;

A titre subsidiaire, si la Cour ne devait pas prononcer de condamnation sur le fondement contractuel,

- condamner in solidum les époux [P] à lui payer la somme de 11 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2019, date de déblocage des fonds, sur le fondement de la répétition de l'indu ;

Subsidiairement, si la cour devait rejeter toutes ses demandes,

- condamner la société EBS Bâtiment à lui payer la somme de 11 000 euros correspondant à la somme qui lui a été versée sur le fondement de la répétition de l'indu et à défaut sur le fondement de la responsabilité civile, ainsi que la somme de 1 761,20 euros au titre des intérêts perdus à titre de dommages et intérêts ; si la Cour devait faire droit à la demande formée à l'encontre des époux [P] sur le fondement de la répétition de l'indu et rejeter celle formée sur le fondement contractuel ; condamner la société EBS Bâtiment à lui payer la somme de 1 761,20 euros au titre des intérêts perdus à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum les époux [P] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum les époux [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la société Cloix & Mendès-Gil en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, elle soutient que la vérification d'écritures n'est pas nécessaire au vu des éléments produits aux débats dont il ressort que les époux [P] ont signé un bon de commande pour un solde de 21 000 euros, dont 9 953 euros ont fait l'objet d'une subvention ANAH et le reliquat à payer par un crédit affecté ; que les époux [P] ne peuvent soutenir avoir consenti au bon de commande, mais pas au contrat de crédit, alors que l'un supposait l'autre.

Elle souligne qu'ils ont reçu une installation parfaitement fonctionnelle dont ils ne contestent ni l'acquisition, ni le subventionnement à hauteur de 9 953 euros ; que M. [P] avait travaillé en tant que technicien de chauffage et ne pouvait donc ignorer le processus de financement de ce type d'installation, d'autant qu'il avait reçu entre ses mains la subvention d'EDF et un crédit d'impôt qu'il n'avait pas reversé au vendeur, ni au prêteur.

Si la cour devait procéder à la vérification d'écritures, la société Franfinance l'invite à constater que, si les signatures figurant sur l'offre de crédit présentent des différences avec celles figurant sur les pièces d'identité, comme l'a relevé le juge, elles sont en revanche ressemblantes à celles figurant sur les accusés de réception des mises en demeure qui leur ont été adressées, ce qui révèlerait que les signatures des époux [P] présentent des divergences selon les circonstances ou ne sont pas toujours strictement identiques. Elle ajoute que les signatures figurant sur l'offre de crédit sont également ressemblantes à celles figurant sur les documents signés dans le cadre de l'acquisition de la pompe à chaleur, qui ont été transmis par l'entreprise venderesse et que les époux [P] n'ont pas contesté avoir signés.

Elle invoque en tout état de cause un commencement de preuve par écrit et réclame en conséquence le paiement de la somme de 12 336,99 euros. Subsidiairement, elle se prévaut de la répétition de l'indu pour obtenir la restitution du capital versé des bénéficiaires des fonds. A défaut, elle fait la même demande à l'encontre de la société EBS Bâtiment.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 19 juillet 2023, la société EBS Bâtiment demande à la cour de :

- la déclarer bien fondée dans l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Melun du 17 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

Partant et statuant de nouveau,

A titre principal,

- condamner les époux [P] à payer à la société Franfinance la somme de 12 336,99 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 3,44 % l'an à compter du 26 novembre 2022, date de la déchéance du terme ;

- débouter les époux [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- débouter la société Franfinance de ses demandes formées à son encontre ;

A titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour confirmait le jugement dont appel,

- recevoir la société EBS Bâtiment en sa demande reconventionnelle ;

- condamner les époux [P] à lui payer la somme de 21 000 euros conformément au bon de commande signé le 25 septembre 2019 ;

En tout état de cause,

- les condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que les époux [P] ne peuvent soutenir avoir consenti au bon de commande sans avoir souscrit le contrat de crédit affecté ; qu'il ressort par ailleurs de leur plainte qu'ils n'ont pas payé l'installation comptant, alors que seulement deux modes de financement sont possibles pour ce type d'installation : le paiement comptant ou le crédit affecté.

Elle expose en outre qu'ils lui ont remis leurs avis d'imposition 2018 et 2019 afin qu'elle estime le montant des aides auxquelles ils auraient droit pour évaluer le montant du crédit qui serait nécessaire. M. [P] aurait par ailleurs signé l'attestation de livraison et la demande de financement le 5 novembre 2019, ainsi que le mandat de prélèvement SEPA.

Sur la vérification de signature, elle indique que les signatures contestées concordent avec les signatures apposées sur d'autres documents, et notamment la plainte déposée par M. [P], l'attestation de livraison et le mandat de prélèvement SEPA.

A titre reconventionnel, si la cour estimait que les signatures n'étaient pas les mêmes, elle demande la condamnation au paiement des époux [P] à la somme de 21 000 euros en contrepartie de la prestation réalisée. Elle souligne qu'ils ont perçu les aides d'Etat sans les lui reverser.

Les époux [P] ont constitué avocat le 20 octobre 2022, mais ne se sont pas acquittés de leur timbre fiscal.

Le 29 novembre 2022, le juge de la mise en état a rendu une ordonnance d'irrecevabilité à conclure pour les époux [P] à défaut de régularisation du timbre fiscal.

Les époux [P] ont régularisé une nouvelle constitution, se sont acquittés du droit de timbre le 31 janvier 2023 et ont conclu à la recevabilité de leurs écritures, au titre des droits de la défense et de la régularisation de leur constitution en raison du respect du délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant incident, la société EBS Bâtiment, en date du 27 janvier 2023.

Par ordonnance contradictoire en date du 9 mai 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'incident de M. et Mme [P] déposées les 1er février et 3 avril 2023, a constaté que les conclusions au fond remises par le conseil de M. et Mme [P] le 31 janvier 2023 sont irrecevables et a condamné M. et Mme [P] aux dépens de l'incident.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 novembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 30 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la signature du contrat de crédit par M. et Mme [P]

En application de l'article 1353 du code civil en sa version applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il incombe à chaque partie, par application de l'article 9 du code de procédure civile, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En application des articles L. 312-18 et suivants du code de la consommation, l'emprunteur n'est tenu qu'autant qu'il a accepté le contrat de crédit par écrit et ne s'est pas rétracté ensuite.

En l'espèce, le débat ne porte que sur l'engagement contractuel des époux [P] par leur signature sur le contrat de crédit : les époux [P] n'ont jamais contesté avoir signé le bon de commande pour l'installation d'une pompe à chaleur avec la société EBS Bâtiment, dont il convient de relever qu'il n'est versé aux débats par aucune des parties.

Il n'est dès lors pas possible de vérifier si ce bon de commande a été signé à la même date que le contrat de crédit.

Il est constant par ailleurs que le crédit Franfinance litigieux était destiné à financer l'achat d'une pompe à chaleur comme indiqué sur la première page et que l'intermédiaire de crédit était la société EBS Bâtiment comme indiqué sur la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées. Il n'est dès lors pas contestable que le crédit Franfinance numéro 101 3. 116. 6828 était affecté à l'achat d'une pompe à chaleur auprès de la société EBS bâtiment.

Les informations et coordonnées des emprunteurs, sur la première page du contrat de crédit correspondent par ailleurs aux autres éléments du dossier :

- l'adresse des époux [P], [Adresse 1], correspond à leur adresse,

- leurs date et lieu de naissance correspondent à ceux indiqués sur leur pièce d'identité,

- le numéro de téléphone portable mentionné comme étant celui de M. [P], correspond à celui indiqué sur sa facture orange en date du 30 août 2019,

- les justificatifs financiers, d'identité et de domicile des époux [P] fournis à la société Franfinance, n'ont jamais été contestés comme correspondant aux documents personnels des époux [P]

Par ailleurs, il doit être souligné que M. [P], lors de la demande de subvention auprès de l'agence nationale de l'habitat (ANAH) le 3 mars 2020, a précisé que le financement des travaux de 21 000 euros TTC se répartissait entre un prêt bancaire de 5 547 euros et une aide de l'ANAH de 9 953 euros outre une autre aide de 5 500 euros (dont l'origine n'est pas spécifiée sur ce document mais qui, selon la pièce "prime énergie EDF", correspond au montant de la prime EDF versée pour remplacement d'une chaudière au fioul).

M. [P] ne conteste pas avoir signé cette demande de subvention dont il reconnaît avoir bénéficié.

Il a également, lors de son dépôt de plainte à la brigade de gendarmerie de [Localité 11] le 18 juin 2020, précisé que le devis pour l'installation s'élevait à la somme de 21 000 euros et que l'aide de l'État s'élevait à 10 000 euros. Aux termes de cette plainte, il ne précise pas comment sera réglée la différence de 11 000 euros sachant qu'à aucun moment de la procédure les époux [P] n'ont indiqué avoir envisagé de régler au comptant cette somme de 11 000 euros.

La cour relève donc à ce stade qu'indépendamment des signatures du contrat de crédit, aucune argumentation plausible ne permet d'expliquer que la société de crédit se soit retrouvée avec des documents personnels aux époux [P], contemporains de la date de conclusion du bon de commande, destinés à la souscription d'un crédit dont le montant correspond justement à celui dû à la société EBS bâtiment.

S'agissant du débat sur les signatures apparaissant sur le contrat de crédit Franfinance, il n'a donné lieu à aucune expertise mais à une vérification d'écritures opérée par le juge le 7 décembre 2021, qui a entraîné la motivation, succinte, suivante : "en l'espèce les époux [P] contestent avoir signé l'offre de contrat de crédit. Les spécimens de signature qu'ils ont réalisés à l'audience - identiques à ceux figurant sur leurs pièces identité - correspondent manifestement pas aux signatures figurant sous leurs noms sur l'offre de crédit, la forme et le tracé étant sensiblement différents. Il en ressort qu'ils ne sont pas signataires de l'acte. La SA Franfinance sera dès lors déboutée de sa demande de paiement à leur encontre". Force est de relever que les spécimens d'écriture réalisés à l'audience en première instance ne sont pas produits à hauteur d'appel.

Sont versées aux dossiers des signatures de comparaison émanant des documents suivants :

- la copie de la carte d'identité de M. [P] et du passeport de Mme [P],

- les accusés de réception des lettres recommandées des 6 novembre 2020 adressées aux époux [P],

- les accusés de réception des lettres recommandées des 2 décembre 2020, adressées aux époux [P],

- le dépôt de plainte de M. [P] du 18 juin 2020,

- le mandat de prélèvement SEPA du 5 novembre 2019 signé par M. [P],

- l'attestation de livraison/ demande de financement du 5 novembre 2019,

- l'attestation de mise en déchetterie de la chaudière du 5 novembre 2019,

- le procès-verbal de réception de chantier, service de pose du 5 novembre 2019,

- l'enquête de satisfaction remplie par M. [P] le 5 novembre 2019.

Ces spécimens sont quasiment tous contemporains de la date de signature du contrat.

Le contrat dont les signatures sont contestées comporte la signature de M. [P] et celle de Mme [P] respectivement sous les mentions "emprunteur" et "co-emprunteur".

Il résulte de la comparaison entre les divers spécimens et les signatures contestées :

- que M. [P] signe de manière sensiblement différente : entre les accusés de réception des 6 novembre 2020, manifestement tous deux signés par le même scripteur, sa pièce d'identité et au bas de son dépôt de plainte à la gendarmerie, signatures émanant toutes de M. [P] et portant pourtant des dissemblances,

- une très grande ressemblance entre la signature de l'emprunteur sur le contrat et celle dont il n'est pas contesté qu'elle appartient à M. [P] sur le procès-verbal de réception de chantier,

- une très grande ressemblance entre la signature du co-emprunteur sur la fiche de dialogue accompagnant le contrat de crédit et sur la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées et celle des accusés de réception du 2 décembre 2020 manifestement tous deux signés du même scripteur, ressemblant à la signature de Mme [P] sur son passeport.

Ces éléments établissent suffisament que les signatures des emprunteur et co-emprunteur du contrat sont de la main de M. et Mme [P] sans qu'il soit nécessaire de procéder à une nouvelle vérification d'écritures.

Outre que le déblocage des fonds objets du crédit a bénéficié aux époux [P], il convient de souligner que l'ensemble des éléments relevés doit conduire à considérer que M. et Mme [P] se sont bien engagés contractuellement avec la société Franfinance le 25 septembre 2019 dans le cadre d'un crédit affecté en le signant.

Dès lors, le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions en rappelant que les époux [P] ont été bénéficiaires de l'installation de la pompe à chaleur financée en partie par le contrat Franfinance.

Sur les sommes dues

L'appelante produit à l'appui de sa demande l'offre de crédit dotée d'un bordereau de rétractation et d'une clause de déchéance du terme, son avenant, les mises en demeure des 3 novembre 2020 et 30 novembre 2020, la fiche de dialogue (ressources et charges), la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, la notice et les synthèses des garanties des contrats d'assurance signées, les éléments de solvabilité de l'emprunteur, le résultat de consultation du fichier des incidents de paiement, les tableaux d'amortissement, un historique, un décompte de créance.

Il est rappelé que M. et Mme [P] ont cessé de rembourser les échéances du crédit à compter de l'échéance d'octobre 2019, que malgré la mise en demeure préalable du 3 novembre 2020, ils n'ont pas régularisé dans le délai de 15 jours imparti et que la société Franfinance leur a alors adressé un courrier recommandé le 30 novembre 2020 prenant acte de la déchéance du terme du contrat et les mettant en demeure de régler l'intégralité des sommes dues soit la somme de 12 532,24 euros.

C'est donc de manière légitime que la société Franfinance se prévaut de l'exigibilité des sommes dues et de la déchéance du terme du contrat.

En application de l'article L. 312-39 du code de la consommation en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L'article D. 312-16 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance. Aucune autre pénalité notamment de retard ne peut être exigée par le prêteur.

La société Franfinance produit :

- le contrat de prêt qui comprend une clause de déchéance du terme,

- la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées,

- la fiche de solvabilité, la copie des pièces d'identité, des justificatifs de revenus et un justificatif de domicile,

- le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement,

- la notice d'assurance,

- l'historique de prêt,

- le tableau d'amortissement,

- la mise en demeure avant déchéance du terme du 3 novembre 2020 enjoignant à M. et Mme [P] de régler l'arriéré de 2 250,42 euros à peine de déchéance du terme et celle notifiant la déchéance du terme du 30 novembre 2020 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance.

Il en résulte qu'au jour de la déchéance du terme, laquelle a été régulièrement prononcée, la somme due était de 2 418,43 euros au titre des mensualités impayées et 9 073,02 euros au titre du capital restant dû soit une somme de 11 491,45 euros outre une somme de 16,23 euros au titre des intérêts échus au 26 novembre 2020.

Elle est en outre fondée à obtenir une indemnité de résiliation de 8 % laquelle, sollicitée à hauteur de 892,31 euros, apparaît excessive et doit être réduite à la somme de 200 euros et produire intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2020.

La cour condamne donc M. et Mme [P] à payer ces sommes à la société Franfinance.

Sur les autres demandes

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné la société Franfinance aux dépens et M. et Mme [P], succombants, doivent être condamnés in solidum aux dépens de première instance.

En considérations d'équité, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, le jugement sera confirmé en ce sens, comme à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Franfinance de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Dit que M. [X] [P] et Mme [F] [R] épouse [P] sont signataires du contrat conclu le 25 septembre 2019 avec la société Franfinance ;

Constate que la déchéance du terme pour le contrat conclu le 25 septembre 2019 par M. [X] [P] et Mme [F] [R] épouse [P] a été prononcée le 26 novembre 2020 ;

Condamne M. [X] [P] et Mme [F] [R] épouse [P] solidairement à payer à la société Franfinance les sommes de 11 491,55 euros au titre du solde du crédit avec intérêts au taux contractuel de 3,44 % à compter du 30 novembre 2020, de 16,23 euros au titre des intérêts échus au 26 novembre 2020 et de 200 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2020 ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [X] [P] et Mme [F] [R] épouse [P] aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/12489
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.12489 ?
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