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14/03/2024 | FRANCE | N°22/05509

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 14 mars 2024, 22/05509


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 14 MARS 2024



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05509 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPAZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 décembre 2021 - Tribunal de proximité d'AULNAY SOUS BOIS - RG n° 11-20-000178





APPELANTS



Monsieur [T] [S]

né le [Date naissa

nce 4] 1955 à [Localité 8] (92)

[Adresse 3]

[Localité 5]



représenté par Me Harry BENSIMON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524



Madame [M] [S]

née le [Date naissance 2] 19...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 14 MARS 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05509 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPAZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 décembre 2021 - Tribunal de proximité d'AULNAY SOUS BOIS - RG n° 11-20-000178

APPELANTS

Monsieur [T] [S]

né le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 8] (92)

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Harry BENSIMON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524

Madame [M] [S]

née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 5] (77)

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Harry BENSIMON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524

INTIMÉES

La société CA CONSUMER FINANCE, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 542 097 522 03309

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 6]

représentée par Me Serena ASSERAF, avocat au barreau de PARIS, toque : B0489

La société CAP SOLEIL, SASU prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 793 988 361 00051

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Yoni MARCIANO, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : P0316

Caducité partielle par ordonnance en date du 30 août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant bon de commande en date du 19 février 2018, M. [T] [S] et Mme [M] [S] ont acheté à la société SASU Cap Soleil CSE une installation photovoltaïque pour un montant de 24 400 euros, financée par un prêt d'un même montant souscrit le 1er mars 2018 avec la société CA Consumer Finance (Sofinco).

Par contrat en date du 19 février 2018, la société Sofinco a consenti à M. et Mme [S] un crédit affecté d'un montant de 24 400 euros moyennant le paiement de 186 mensualités de 206,80 euros avec un taux débiteur fixe de 5,708 % et un TEG de 5,850 %.

Une attestation de conformité a été signée par la société Cap Soleil le 23 mars 2018.

Le raccordement au réseau Enedis a eu lieu le 18 mai 2018.

Par actes extrajudiciaires en date des 20 et 22 janvier 2020, les époux [S] ont fait assigner les sociétés SASU Cap Soleil CSE et CA Consumer Finance devant le juge en charge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Aulnay-sous-Bois, aux fins de voir prononcer la nullité du contrat principal et du contrat de crédit affecté, d'ordonner la remise en état de leur toiture et de voir condamner les deux sociétés au paiement de diverses sommes.

Par jugement contradictoire en date du 22 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection a :

- débouté les époux [S] de toutes leurs demandes ;

- dit que les époux [S] restent tenus par les termes du contrat de prêt conclu le 1er mars 2018 avec la société CA Consumer Finance ;

- condamné M. [T] [S] à payer à la société SASU Cap Soleil CSE la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les époux [S] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum les époux [S] aux dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

Sur la demande en nullité du contrat de vente, le juge a relevé que les requérants se prévalaient de l'omission dans le bon de commande de plusieurs mentions obligatoires, sanctionnée par une nullité relative mais qu'ils avaient confirmé tacitement le contrat en réceptionnant sans réserve l'installation le 19 mars 2018, en signant l'attestation de conformité remise par le consuel le 23 mars 2018, en réglant une facture reprenant le détail des éléments composant le kit photovoltaïque et une facture relative au raccordement de l'installation et de la mise en service de l'installation le 24 juillet 2018.

Il a retenu également que les échéances du prêt étaient acquittées, que l'installation était utilisée et que l'absence alléguée de contrat de rachat d'électricité avec EDF n'était pas démontrée être en lien avec les irrégularités du bon de commande.

Il a estimé que le dol allégué par les demandeurs n'était pas prouvé, que ces derniers ne justifiaient pas en quoi les informations prétendument omises auraient été déterminantes de leur consentement. Il a par ailleurs indiqué que le rendement et la rentabilité de l'installation ne faisaient pas partie des caractéristiques essentielles du bien vendu au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation à moins d'être entrés dans le champs contractuel.

Sur la demande de résolution du contrat de vente, le premier juge a relevé que l'installation avait été mise en service et fonctionnait, que les acheteurs ne démontraient pas que l'attestation sur l'honneur de l'installateur nécessaire à la conclusion d'un contrat de rachat d'électricité avec EDF ne leur avait pas été fournie, ni qu'une telle inexécution, à la supposer établie, était suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat.

Sur la responsabilité de la banque et la demande de résolution du contrat de crédit, il a rappelé que la banque ne pouvait se voir reprocher un défaut de vérification du bon de commande dès lors que les éventuelles causes de nullité avaient été confirmées par les acheteurs. Sur le défaut de vérification de l'obtention de l'accord en mairie, il a relevé que les conditions générales de vente ne comprenaient aucune disposition concernant la réalisation de démarches administratives et ne faisait ainsi pas partie de la prestation.

Il a retenu qu'il ressortait des éléments produits que les requérants avaient reconnu être informés qu'ils demeuraient en zone classée "Bâtiments de France" et avaient signé une décharge de responsabilité quant aux conséquences éventuelles d'un avis non conforme de l'architecte des Bâtiments de France, que l'arrêté refusant l'autorisation préalable de travaux déposée en mairie par M. [S] faisait précisément état de l'avis non conforme de l'architecte des Bâtiments de France.

Sur la libération anticipée des fonds, le juge a retenu qu'il résultait des pièces versées aux débats que le déblocage des fonds avait eu lieu le 18 juin 2018, soit postérieurement aux opérations d'installation et de raccordement et que les époux [S] ne démontraient pas que la mise en service ait eu lieu un mois plus tard.

Sur le prétendu manquement de la banque à son devoir de mise en garde, il a relevé que la société CA Consumer Finance justifiait d'une fiche de dialogue signée par les emprunteurs qui ne laissait pas apparaître de risque d'endettement excessif eu égard aux ressources et charges déclarées comparées aux mensualités de l'emprunt. Il en a déduit que la banque n'était pas tenue à un devoir de mise en garde. Enfin, il a relevé que les demandeurs ne justifiaient d'aucun préjudice.

Les époux [S] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration électronique en date du 15 mars 2022 et ont déposé leurs premières conclusions le 14 juin 2022.

Par ordonnance en date du 30 août 2022, le conseiller en charge de la mise en état de la cour d'appel de Paris a prononcé la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de la société SASU Cap Soleil CSE.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives, déposées par voie électronique le 23 octobre 2023, les époux [S] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

- déclarer que le contrat conclu avec la société Cap Soleil est nul car contrevenant aux dispositions édictées par le code de la consommation ;

- déclarer qu'ils n'ont pas couvert les nullités entachant le contrat de vente par leur exécution volontaire ;

Au surplus,

- déclarer que la société CA Consumer Finance a commis des fautes personnelles en laissant prospérer l'activité de la société Cap Soleil par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements de cette dernière qu'elle ne pouvait ignorer, en accordant des financements inappropriés s'agissant de travaux construction, en manquant à ses obligations d'information et de conseil à leur égard, en délivrant les fonds à la société Cap Soleil sans s'assurer de l'achèvement des travaux ;

- déclarer que les fautes commises par la société CA Consumer Finance leur ont causé un préjudice ;

En conséquence,

- prononcer la nullité du contrat de vente les liant à la Société Cap Soleil ;

- prononcer la nullité du contrat de crédit affecté les liant à la société CA Consumer Finance ;

- déclarer que la société CA Consumer Finance ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard des emprunteurs ;

- ordonner le remboursement des sommes versées à la société CA Consumer Finance au jour du jugement à intervenir, outre celles à venir, soit la somme de 46 008 euros, sauf à parfaire ;

- condamner la société CA Consumer Finance à payer :

- 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée ;

- condamner la société CA Consumer Finance à leur verser la somme de :

- 8 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance ;

- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

- déclarer qu'en toutes hypothèses, la société CA Consumer Finance ne pourra se faire restituer les fonds auprès d'eux mais devra nécessairement récupérer les sommes auprès de la société Cap Soleil, seule bénéficiaire des fonds débloqués eu égard au mécanisme de l'opération commerciale litigieuse ;

- condamner la société CA Consumer Finance au paiement des entiers dépens outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société CA Consumer Finance, dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l'huissier par application des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 relatif au tarif des huissiers, en application de l'article R. 631-4 du code de la consommation.

Au soutien de leur demande de nullité du contrat de vente, le couple [S] relève plusieurs manquements : absence d'indication dans le bon de commande des prix unitaires, de la marque et du modèle des panneaux et de l'onduleur, de leur poids et de leur surface, d'un calendrier de l'exécution des obligations, des modalités de paiement, de la date de livraison, du nom du démarcheur, d'indications relatives aux pièces détachées, de la possibilité de recourir à un médiateur à la consommation, et enfin, en l'absence de formulaire de rétractation.

Les époux [S] réfutent par ailleurs avoir jamais confirmé tacitement les causes de nullité du contrat de vente dès lors qu'ils n'avaient pas connaissance des vices qui l'affectaient, la seule reproduction des dispositions du code de la consommation dans le bon de commande ne suffisant pas à leur en donner connaissance et que le seul fait de laisser la prestation s'exécuter ne suffit pas à caractériser l'intention de confirmer les causes de nullité.

Ils demandent en conséquence, la nullité subséquente du contrat de crédit affecté sur le fondement de l'indivisibilité contractuelle et, à défaut, sur le fondement de la connivence au dol.

Ils font grief à la banque d'avoir financé un contrat de vente avant expiration du délai laissé à la municipalité pour s'opposer aux travaux, alors qu'il s'agissait d'une cause suspensive du contrat et d'avoir manqué à son obligation de vérification de la régularité de l'acte financé. Ils lui reprochent également de ne pas s'être assurée de l'obtention d'une autorisation municipale ni de l'exécution intégrale de la prestation promise avant de libérer les fonds.

Ils lui reprochent encore d'avoir manqué à ses obligations de mise en garde et de conseil en acceptant de financer une opération ruineuse alors que les revenus des emprunteurs ne leur permettaient pas d'en assumer les mensualités. Ils soulignent que la cause exclusive de leur engagement résidait dans la rentabilité illusoire de l'installation.

Ils indiquent que ces fautes leur ont causé plusieurs préjudices, consistant en un préjudice financier, étant précisé qu'aucun contrat de rachat d'électricité n'a été signé avec EDF, un trouble de jouissance, un préjudice moral et un préjudice lié aux frais de remise en l'état de la toiture.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, déposées par voie électronique le 30 septembre 2022, la société CA Consumer Finance demande à la cour de :

- débouter les époux [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement rendu par le juge en charge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Aulnay-sous-Bois le 22 décembre 2021 en toutes ses dispositions ;

A titre infiniment subsidiaire, et pour le cas où la cour viendrait à prononcer la résolution ou l'annulation du contrat de vente avec la société Cap Soleil et par voie de conséquence la résolution ou l'annulation du contrat de prêt :

- condamner solidairement les époux [S] à lui payer la somme de 15 507,60 euros à parfaire, et arrêté à l'échéance du mois d'août 2022 inclus, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement intervenu et jusqu'au parfait paiement ;

En tout état de cause,

- condamner solidairement les époux [S] aux dépens ;

- condamner solidairement les époux [S] à lui payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que, compte tenu de l'avis de caducité rendu sur la déclaration d'appel des époux [S] à l'égard de la société Cap Soleil, ces derniers ne sont plus recevables à demander ni la nullité ni la résolution du contrat de vente reconnu régulier en première instance, et corrélativement, la nullité ou la résolution de son contrat de crédit affecté sur le fondement de l'indivisibilité contractuelle ; que pour ce seul motif, les époux [S] devront être déboutés de l'intégralité de leurs demandes.

A titre subsidiaire, elle rappelle que la sanction de l'absence de mentions obligatoires doit s'apprécier de façon restrictive et qu'il convient de distinguer entre l'absence de mention et son imprécision ; qu'en dehors du strict champ d'application de la nullité, il est nécessaire d'apporter la preuve d'un dol ; que les époux [S] n'apportent pas cette preuve, ni celle d'un préjudice. Elle souligne qu'ils ont accepté la livraison de l'installation sans réserve et l'ont utilisée pendant de nombreuses années. Elle estime que les époux [S] vont au-delà des exigences posées par l'article L. 111-1 du code de la consommation en faisant grief au bon de commande de ne pas mentionner la marque et la performance énergétique des panneaux qui ne feraient pas partie des caractéristiques essentielles.

S'agissant des modalités de paiement, elle indique que seule la mention du prix global est exigée et que les acheteurs ont, en tout état de cause, régularisé en même temps le contrat d'achat des panneaux et le contrat de crédit, de sorte qu'ils ont bien eu connaissance des modalités de financement de l'installation. Elle fait valoir en outre la confirmation de l'acte par les époux [S], qui ont réceptionné l'installation sans réserve, ordonné le versement des fonds, remboursé les échéances du prêt et utilisé le matériel pendant plusieurs années.

Elle ajoute que le dol n'est pas prouvé. Elle considère qu'il ne lui appartenait pas de vérifier la régularité du bon de commande en tant que tiers au contrat, qui n'était de surcroît pas en possession de celui-ci, aucun texte n'obligeant la société venderesse à le lui transmettre ; qu'elle n'avait pas la compétence pour apprécier des conditions de validité sujettes à interprétation ; que seule l'absence de détection d'une anomalie grossière aurait pu lui être reprochée. Elle fait valoir que les époux [S] ont largement eu le temps de dénoncer le contrat de vente entre l'ordre de versement des fonds le 19 mars 2018 et leur versement effectif le 18 juin 2018. Elle précise qu'elle s'est assurée de la parfaite exécution des travaux par la société Cap Soleil, les fonds n'ayant été débloqués qu'après le raccordement de l'installation au réseau.

Elle soutient que le bon de commande tel que produit pas les époux [S] est en l'occurrence illisible, de sorte qu'il n'est pas possible d'en vérifier la régularité ; qu'il n'est produit que le recto de ce bon de commande, que la marque et les caractéristiques techniques des panneaux et de l'onduleur sont clairement mentionnées dans la facture qu'elle produit.

Elle conteste avoir participé à un quelconque dol, dès lors qu'aucun dol n'est prouvé à l'encontre de la société Cap Soleil, et qu'en tout état de cause, elle avait pour sa part, pris toutes les précautions nécessaires pour s'assurer de l'exécution intégrale de la prestation avant délivrance des fonds ; qu'elle n'avait donc aucune raison d'imaginer la moindre difficulté dans ce dossier, d'autant que les époux [S] n'ont pas fait valoir le moindre grief avant leur assignation.

Elle expose avoir consenti le crédit au vu de la fiche de dialogue remplie par les époux [S] et avoir différé le remboursement des échéances au mois de décembre 2018, ce qui laissait largement le temps aux acheteurs d'élever une éventuelle contestation ; qu'ils ont remboursé les échéances de ce prêt et ne peuvent donc aujourd'hui se prévaloir de leur propre turpitude. Elle rappelle qu'elle est fondée à se fier aux informations déclarées par les emprunteurs dans la fiche de dialogue et qu'en l'espèce, leur taux d'endettement ne dépassait pas ce qui est usuellement admis, à savoir, un taux d'endettement de 33 %.

Elle produit enfin toutes les pièces destinées à prouver qu'elle n'a pas délivré prématurément les fonds, à savoir : le récépissé de dépôt de la déclaration préalable auprès de la mairie, l'attestation de conformité du consuel, la preuve du raccordement effectué par ENEDIS, ainsi que le procès-verbal de réception de travaux et la demande de financement signée des emprunteurs. Elle ajoute que les époux [S] n'apportent nullement la preuve d'une exécution incomplète.

Elle demande à titre subsidiaire le paiement du capital prêté, déduction faite des mensualités déjà payées par l'effet des restitutions en cas de nullité ou résolution des contrats litigieux. Elle conclut enfin au débouté des époux [S] de leurs demandes de dommages et intérêts, en l'absence de preuve d'une faute commise par elle et de motivation sur le principe et le quantum des préjudices allégués.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 novembre 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 30 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate :

- que le contrat de vente conclu le 19 février 2018 entre M. et Mme [S] et la société Cap soleil est soumis aux dispositions des articles L. 221-5 suivants du code de la consommation dans leur version postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile,

- que le contrat de crédit affecté conclu le 19 février 2018 entre M. et Mme [S] et la société CA Consumer Finance est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,

- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version postérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la recevabilité des demandes à l'égard de la société SASU Cap soleil CSE

En application de l'article 911 du code de procédure civile, le conseiller en charge de la mise en état a prononcé le 30 août 2022 la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de la SASU Cap Soleil CSE entraînant dès lors l'extinction de l'instance à l'égard de la société Cap Soleil.

Cette ordonnance étant devenue définitive en ce qui concerne cette partie, aucune demande n'est plus recevable à son encontre.

Par conséquent, le jugement de première instance présente un caractère définitif en ce qui concerne toutes les demandes relatives à la SASU Cap soleil CSE alors que le contrat la liant aux époux [S] n'est pas annulé.

Par application de l'article L. 312-55 du code de la consommation, est également irrecevable la demande tenant à voir déclarer nul le contrat de crédit.

Sont en revanche recevables les demandes visant à mettre en cause la responsabilité de la banque.

Sur la responsabilité de la société CA Consumer Finance

M. et Mme [S] invoquent des fautes personnelles de la banque devant la priver de son droit à restitution du capital emprunté et entraîner l'allocation de dommages et intérêts dans la mesure où elle a selon eux violé son obligation de vérifier la régularité du bon de commande avant le déblocage des fonds et où elle a versé les fonds au vendeur sans s'assurer de l'exécution complète de la prestation jusqu'au raccordement et de l'obtention de l'accord de la mairie.

Les motifs qui précèdent rendent sans fondement le moyen devant entraîner la privation de capital, dès lors que le bon de commande n'est pas annulé.

Sera donc examinée la demande de dommages et intérêts.

1) Les manquements de la banque dans la libération des fonds

En application de l'article L. 312-48 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er juillet 2016, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, les obligations prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d'interruption de celle-ci.

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.

En revanche, il n'appartient pas au prêteur de s'assurer par lui-même de l'exécution des prestations et il ne saurait être garant de l'exécution du contrat principal.

Il est rappelé que la société CA Consumer Finance a procédé au déblocage des fonds entre les mains du vendeur le 18 juin 2018 au vu d'une attestation de livraison et d'installation de panneaux photovoltaïques signée sans réserve par M. [S] le 19 mars 2018 et au vu du document rempli et signé le même jour par M. [S] demandant à la banque de verser les fonds directement entre les mains du vendeur en raison de la livraison du bien et de l'exécution complète de la prestation "à son entière satisfaction".

Ces deux documents ne sont pas pré-remplis puisque M. [S] a complété manuscritement les données y figurant (nom et coordonnées des clients, l'état des réserves, date et lieu de signature, bien ou service financé, numéro agrément du vendeur, date de l'offre de contrat, date de livraison ou d'exécution, montant du bien financé). Ils permettent d'identifier sans ambiguïté l'opération financée et d'attester de la livraison et de la pose de l'équipement photovoltaïque à la charge de la société venderesse. Ils présument suffisamment de l'exécution des prestations à la charge de la venderesse et il ne saurait être reproché à la société CA Consumer Finance de ne pas avoir procédé à des vérifications complémentaires qu'elle n'était pas tenue d'opérer quant aux éventuelles autorisations administratives délivrées par des tiers comme la mairie ou quant à la réalité du raccordement au réseau électrique relevant également de la compétence d'une entreprise tierce. Contrairement à ce qui est soutenu, la banque n'a pas débloqué les fonds avant même de s'assurer que le consuel avait validé la conformité de l'installation puisque le déblocage des fonds était effectif au 18 juin 2018 alors que le consuel a émis son visa le 12 avril 2018 selon le document intitulé "position de compte au 23/01/2020" (pièce n° 12) et l'attestation de conformité (pièce n° 3). Au surplus, la banque a apposé un tampon sur l'offre de contrat de crédit affecté en original portant la mention "dossier contrôlé avant financement le 18 juin 2018 [I] [D]".

Aucun manquement ne peut donc être reproché à la banque.

2) Les manquements de la banque à son devoir de mise en garde

S'agissant du devoir de mise en garde par rapport au risque d'endettement généré par le crédit contracté au regard des capacités financières des emprunteurs, il est admis qu'en l'absence de risque d'endettement, relativement à des emprunteurs non avertis, le banquier n'a pas de devoir de mise en garde.

La cour relève à titre liminaire que les époux [S] énoncent des généralités sur les manquements au devoir de mise en garde de leur banque mais aucune observation en lien avec leur cas particulier.

En l'espèce, M. et Mme [S] ont rempli une fiche de dialogue le 1er mars 2018 avant de souscrire le contrat, faisant apparaître leur situation financière de la manière suivante :

- revenus du couple de 3 514 euros par mois (2 258+1 256)

- propriétaires de leur logement

- crédit à la consommation de 150 euros par mois.

De ces éléments, aucun risque d'endettement excessif ne ressort. La société de crédit n'avait donc pas à mettre en garde le couple sur les risques de l'opération financée.

La banque n'avait pas plus l'obligation de se renseigner sur les chances de remboursement du prêt et ce d'autant que les époux [S] n'ont pas eu de difficultés à rembourser les échéances pendant plus d'un an.

Enfin, en l'absence de tout dol démontré selon la décision rendue en première instance, il ne peut être reproché à la banque d'avoir "laissé prospérer l'activité de la venderesse par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements qu'elle ne pouvait prétendre ignorer".

Aucune faute ne peut donc être reprochée au prêteur sur ces deux fondements, étant précisé que M. et Mme [S] ne font pas la démonstration d'un préjudice en lien avec la libération du capital de 24 400 euros ou d'un défaut par la banque dans son devoir de mise en garde.

Le préjudice financier et le préjudice moral allégués ne sont pas suffisamment caractérisés.

Il résulte de ce qui précède que la décision querellée doit être confirmée en ce qu'elle a débouté M. et Mme [S] de leurs demandes indemnitaires.

Sur les autres demandes

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance doivent être confirmées. M. et Mme [S] qui succombent sont tenus in solidum aux dépens d'appel. Ils sont condamnés également in solidum sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la société CA Consumer Finance une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties sont déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Déclare irrecevables les demandes formées à l'encontre de la société SASU Cap soleil CSE, les demandes à l'égard de la société CA Consumer Finance en annulation du contrat de crédit, de remboursement de la somme de 46 008 euros, de versement d'une somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de restitution des fonds par la banque auprès du vendeur ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. et Mme [T] et [M] [S] de l'intégralité de leurs demandes ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires ;

Condamne M. et Mme [T] et [M] [S] in solidum aux dépens d'appel ;

Condamne M. et Mme [T] et [M] [S] in solidum à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/05509
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.05509 ?
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