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06/07/2023 | FRANCE | N°20/00469

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 06 juillet 2023, 20/00469


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 06 JUILLET 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00469 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIRA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F16/07547





APPELANT



Monsieur [O] [T]

chez [S] [M] - [Adresse 1

]

[Localité 4]



Représenté par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615





INTIMÉE



SARL MAGNIFICENCE

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Bé...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 06 JUILLET 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00469 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIRA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F16/07547

APPELANT

Monsieur [O] [T]

chez [S] [M] - [Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

INTIMÉE

SARL MAGNIFICENCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Béryl BROWN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0821

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente de chambre

Madame Véronique BOST, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nicolette GUILLAUME, présidente pour Madame Nathalie FRENOY, présidente empêchée et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le contrat à durée indéterminée de Monsieur [O] [T], qui occupait un poste de chef d'équipe, a été transféré à la société Magnificence à compter du 1er avril 2016, avec reprise d'ancienneté au 24 août 2009.

Par lettre du 16 avril 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable.

Son licenciement pour faute grave lui a été notifié par courrier du 11 mai 2016.

Monsieur [T] a saisi le 29 juin 2016 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 6 décembre 2019, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a laissé les dépens à la charge du demandeur.

Par déclaration du 13 janvier 2020, Monsieur [T] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 14 mai 2020, Monsieur [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

par suite, statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Magnificence à régler à Monsieur [T] les sommes suivantes :

- indemnité compensatrice de préavis : 3 471,08 euros

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 347,10 euros

- indemnité légale de licenciement : 2 523,11 euros

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 826,48 euros

- dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire du contrat de travail : 2 000 euros

- article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros
- ordonner l'intérêt légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- condamner également aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 juillet 2020, la société Magnificence demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes,

y ajouter

- condamner Monsieur [T] à verser à la société Magnificence la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [T] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2023 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 23 mai 2023.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement adressée à Monsieur [T] fait état des motifs suivants, strictement reproduits:

'Il ressort des éléments que nous avons recueillis, tous convergents, que vous vous êtes rendu l'auteur le 15 avril dernier de faits inacceptables au plan social et humain.

Alors que vous êtes affecté sur le site KEOLIS CIF à [Localité 5] , vous vous êtes rendu l'auteur d'une agression à 22 heures 30 sur la personne de Monsieur [L] [P], salarié de l'entreprise, alors que ce dernier vous avait demandé de lui rendre les clefs d'un bureau logistique puisque vous deviez vous rendre sur une autre ligne de bus pour en faire le nettoyage.

Quelques instants plus tard alors que Monsieur [L] [P] exécutait normalement les tâches qui lui étaient imparties, vous vous en êtes pris à lui en l'attrapant violemment au niveau du cou par les vêtements, en exigeant de celui-ci qu'il vous rende les clefs données peu de temps auparavant.

Alors que Monsieur [L] [P] n'avait plus les clefs puisque les ayant déposées chez le régulateur du site, et vu la violence dont vous avez fait preuve, Monsieur [L] [P], effrayé, a dû se réfugier dans le bureau dudit régulateur et à nouveau vous vous en êtes pris à ce dernier, physiquement et verbalement, de manière extrêmement violente.

Il a fallu l'intervention d'un collègue, Monsieur [Y] pour que vous cessiez vos agissements inacceptables.

Ces scènes se sont accompagnées d'une chute du téléphone portable de Monsieur [L] [P] et de contacts physiques dont vous êtes le seul à l'initiative en collant votre front sur celui de Monsieur [L] [P], en le menaçant.

Ce type d'attitude est totalement incompatible avec une exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail.

Ce comportement est de nature à générer un climat de terreur absolument incompatible avec la sérénité qui doit présider à une relation de travail.

En effet, vous avez multiplié les provocations en incitant vos collègues de travail à désobéir systématiquement et de ne plus appliquer les instructions de leur nouvel employeur, refusant notamment de signer les avenants aux contrats de travail prévus par la Convention collective.

Vous avez refusé par ailleurs de dialoguer avec Madame [N] [C], responsable d'exploitation, exigeant de ne discuter qu'avec un homme, Monsieur [G] [D].

La discussion houleuse de votre fait, a perduré 3 heures 15, en montant les autres salariés de l'entreprise contre la hiérarchie et en incitant ces derniers à ne plus appliquer les instructions, en indiquant à Madame [N] [C] que celle-ci ' allait le regretter'...

L'ensemble de ces faits rend évidemment impossible la poursuite de votre contrat de travail, y compris durant le préavis.

C'est pourquoi, je vous notifie votre licenciement pour faute grave dès l'envoi du présent courrier'.

L'appelant, qui n'invoque plus la nullité de la rupture de son contrat de travail, soutient que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, qu'il a eu lieu à peine quinze jours après la reprise du chantier, que les faits d'agression qui lui sont reprochés ne sont pas prouvés, pas plus qu'un comportement inapproprié avec sa supérieure hiérarchique, qu'il n'y a aucun témoin et qu'il a continué à travailler pendant un mois aux côtés de son collègue, victime alléguée.

La société Magnificence invoque des faits fautifs graves et fait valoir plusieurs attestations au soutien des reproches de violences physiques et verbales envers un chef d'équipe, Monsieur [P], d'une insubordination ( puisque le salarié a refusé notamment de signer son avenant sans motif légitime), et de discrimination envers Madame [C] à raison de son sexe.

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, parmi les documents versés aux débats par la société employeur, ont la qualité d'attestations au sens de l'article 202 du code de procédure civile, celles de Madame [C], de Monsieur [G], -les pièces 2 et 4 émanant de Messieurs [P] et [R] n'étant pas accompagnées de la pièce d'identité de leur auteur -, ainsi que celle de Monsieur [Y], comportant - plus bas que l'emplacement dédié- une signature ressemblant à celle figurant sur son titre de séjour.

Il convient de relever que, face aux contestations écrites du salarié et à ses conclusions de dénégation, la société Magnificence ne fournit pas d'éléments tirés de la vidéo-surveillance relativement à l'agression alléguée, ni d'explications sur sa carence à ce sujet. Il n'est nullement justifié du bris ou du choc du téléphone du salarié [P], ni d'éléments relatifs à des incitations données par Monsieur [T] à ses collègues en vue qu'ils désobéissent aux intructions du nouvel employeur, ni du 'climat de terreur' évoqué dans la lettre de licenciement.

Il résulte en revanche des éléments produits d'une part, que des propos menaçants ont été proférés par Monsieur [T], refusant le dialogue avec Madame [C], responsable d'exploitation lors de leur première rencontre, et d'autre part, qu'une ' dispute verbale' de l'appelant avec un autre salarié - non dénommé dans l'attestation- a donné lieu à l'intervention de Monsieur [Y], lequel a contesté être l'auteur du témoignage à son nom produit par l'intéressé et portant un simple paraphe.

Cependant, alors que la société intimée ne justifie pas d'une nouvelle insubordination avec la responsable d'exploitation, ni avoir mis à pied à titre conservatoire le salarié (malgré une demande de production de ce justificatif en cours de délibéré ) et que l'intéressé affirme avoir travaillé avec Monsieur [P] pendant un mois après les faits reprochés, ces derniers, inscrits dans le contexte d'un transfert du contrat de travail en sa qualité de chef d'équipe et de changement de directives ainsi que de ligne de bus, ne revêtent pas le caractère de gravité requis pour légitimer le licenciement décidé.

Il en va de même de l'avenant de transfert du contrat de travail, qui certes n'a pas été signé par l'appelant, mais pour lequel l'employeur, qui l'avait réclamé signé ' dans les plus brefs délais', sans autre précision dans son courrier du 26 mars 2016, ne démontre qu'une nouvelle demande plus précise, datée du 12 avril 2016, soit très peu avant l'altercation, sans prouver la résistance effective de l'intéressé à ce titre.

En l'état de la brièveté de la relation de travail avec la société Magnificence et de l'absence d'antécédents disciplinaires, il y a lieu de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le doute devant profiter au salarié.

Tenant compte de l'âge de l'intéressé (48 ans) au moment de la rupture, de son ancienneté (remontant au 24 août 2009), de son salaire moyen mensuel brut, de l'absence de justification de sa situation après la rupture, il y a lieu de lui allouer la somme de 12 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et de licenciement doivent être accueillies, à hauteur des montants réclamés, non strictement contestés.

Sur la rupture brutale et vexatoire :

L'appelant soutient avoir été victime d'un licenciement extrêmement brutal, initié à peine

quinze jours après la reprise du chantier par la société intimée, intervenue le 1er avril 2016.

La société intimé conclut au rejet de la demande, le licenciement pour faute grave étant parfaitement justifié.

Toute demande d'indemnisation suppose, pour être accueillie, la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux.

En l'espèce, comme l'a relevé le jugement de première instance, les circonstances entourant le licenciement ne caractérisent pas un comportement fautif de l'employeur et à défaut de démontrer un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail -d'ores et déjà réparé-, le salarié doit être débouté de sa demande d'indemnisation.

Sur le remboursement des indemnités de chômage:

Les dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d'espèce, le licenciement de Monsieur [T] étant sans cause réelle et sérieuse, d'ordonner le remboursement par la société Magnificence des indemnités chômage perçues par l'intéressé, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Le présent arrêt devra, pour assurer son effectivité, être porté à la connaissance de Pôle Emploi, conformément aux dispositions de l'article R 1235-2 alinéas 2 et 3 du code du travail.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.

L'équité commande d'infirmer le jugement de première instance relativement aux frais irréptibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile également en cause d'appel et d'allouer à ce titre la somme de 2 000 € à Monsieur [T].

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles de la société Magnificence,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT le licenciement de Monsieur [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Magnificence à payer à Monsieur [O] [T] les sommes de

- 3 471,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 347,10 € au titre des congés payés y afférents,

- 2 523,11 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 12 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE le remboursement par la société Magnificence aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à Monsieur [T] dans la limite de trois mois,

ORDONNE l'envoi par le greffe d'une copie certifiée conforme du présent arrêt, par lettre simple, à la Direction Générale de Pôle Emploi,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE la société Magnificence aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER P/ LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 20/00469
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;20.00469 ?
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