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05/07/2023 | FRANCE | N°20/08247

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 05 juillet 2023, 20/08247


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 05 JUILLET 2023



(n° 2023/ 117 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08247 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6I2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2017031321





APPELANTE



S.A. ALLIANZ IARD,

Société Anonyme au capital de 991 967 200 €, inscrite a

u RCS de Nanterre sous le n°542 110 291, dont le siège social est [Adresse 1], à [Localité 4], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit sièg...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 05 JUILLET 2023

(n° 2023/ 117 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08247 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6I2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2017031321

APPELANTE

S.A. ALLIANZ IARD,

Société Anonyme au capital de 991 967 200 €, inscrite au RCS de Nanterre sous le n°542 110 291, dont le siège social est [Adresse 1], à [Localité 4], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hélène FABRE de la SELARL FABRE-SAVARY-FABBRO, Société d'avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0124 et substituée par Me Cindy VERNIER, avocat au barreau de PARIS, P0124

INTIMÉE

S.A. PACIFICA, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

[Localité 2]

N° SIRET : 352 358 865

Représentée par Me Laure ANGRAND de la SARL MANDIN - ANGRAND AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435 et substituée par Me Eric MANDIN de la SARL MANDIN - ANGRAND AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : J046

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M Julien SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 juin 2023, prorogé au 05 juillet 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.

*******

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 29 septembre 2006, Madame [K] [H] a souscrit un contrat d'assurance habitation auprès de la compagnie AGF, devenue ALLIANZ IARD.

À la souscription du contrat, Madame [H] a déclaré être propriétaire d'un bien immobilier situé à Clamens (47) et défini comme résidence secondaire.

Elle a mis son bien à disposition de son fils en 2011 et de la compagne de celui -ci qui a souscrit une police d'assurance en qualité d'occupante à titre gratuit, auprès de PACIFICA, le 26 juillet 2013.

Au cours de la nuit du 5 au 6 août 2013, la maison a été détruite par un incendie.

Une expertise amiable au contradictoire des parties a été diligentée. ALLIANZ a réglé une indemnité d'assurance à son assurée et a exercé vainement son recours amiable contre PACIFICA.

PROCÉDURE

ALLIANZ a assigné PACIFICA par acte du 15 mai 2017 devant le tribunal de commerce de Paris.

Par décision du 5 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- Dit la SA ALLIANZ IARD recevable

- Débouté la SA ALLIANZ IARD de ses demandes

- Condamné la SA ALLIANZ IARD à payer à la SA PACIFICA une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SA ALLIANZ IARD aux dépens.

Par déclaration électronique du 30 juin 2020, enregistrée au greffe le 1er juillet 2020, la SA ALLIANZ IARD a interjeté appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 mars 2023, l'appelante ALLIANZ IARD demande à la cour :

« Vu les dispositions des articles L.121-12 et L.124-3 du code des assurances,

Vu les articles 1302 ancien et 1315 ancien du code civil,

Vu les articles 1875 du code civil et 1888 du même code ;

Vu les pièces produites aux débats,

Vu la jurisprudence citée,

- CONFIRMER le jugement rendu le 23 janvier 2020 par le tribunal de commerce de PARIS en ce qu'il a :

o jugé l'action engagée par la société ALLIANZ IARD à l'encontre de la société PACIFICA recevable ;

o jugé que Monsieur [P] [H] et Madame [C] [O] ont la qualité de tiers vis-à-vis du contrat souscrit par Madame [K] [H] auprès d'ALLIANZ IARD ;

- INFIRMER le jugement rendu le 23 janvier 2020 par le tribunal de commerce de PARIS en ce qu'il a :

o débouté ALLIANZ IARD de ses demandes ;

o condamné ALLIANZ IARD à verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- STATUER de nouveau :

o JUGER que Monsieur [P] [H] a la qualité d'assuré de PACIFICA au titre du contrat multirisques habitation principale souscrit par sa concubine Madame [O] pour assurer la maison de [Localité 5] où ils résidaient tous deux et avaient établi leur foyer ;

o JUGER qu'ALLIANZ IARD rapporte la preuve d'un prêt à usage conclu entre Madame [K] [H] et son fils Monsieur [P] [H] ;

o JUGER en conséquence que la responsabilité de Monsieur [P] [H] est engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1302 de l'ancien code civil ;

o JUGER que la société PACIFICA ne rapporte pas la preuve d'un cas fortuit ou de l'absence de faute de son assuré, Monsieur [H] ;

o CONDAMNER la société PACIFICA, en sa qualité d'assureur de Monsieur [H], à payer à la société ALLIANZ IARD :

' la somme de 392.459,11 euros sauf à parfaire avec intérêts de droit à compter l'assignation du 15 mai 2017 valant mise en demeure ;

o FAIRE APPLICATION de l'article 1154 du code civil ;

o CONDAMNER la société PACIFICA à payer à la société ALLIANZ IARD une somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

o La CONDAMNER en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL FABRE & ASSOCIEES, avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; »

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2023, l'intimée PACIFICA, demande à la cour :

« Vu les articles 426, 1242, 1302 dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, 1875 du code civil,

Vu l'article L.121-12 du code des assurances,

- Recevoir la compagnie PACIFICA en ses conclusions et l'y dire bien fondée.

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 janvier 2020 en ce qu'il a dit la SA ALLIANZ IARD recevable.

Statuant de nouveau,

- Déclarer irrecevable l'action de la compagnie ALLIANZ IARD ou à défaut mal fondée aux motifs que :

' ALLIANZ IARD ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un paiement effectif entre les mains de son assuré en exécution de la police d'assurance ;

' [C] [O] revêt la qualité d'assuré au sens de la police souscrite par Madame [K] [H] auprès de la compagnie ALLIANZ IARD ;

' [C] [O] n'a pas la qualité de tiers à l'égard de la compagnie ALLIANZ ;

' La compagnie ALLIANZ IARD ne dispose d'aucune action subrogatoire à l'égard de [C] [O] et partant de la compagnie PACIFICA.

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 janvier 2020.

A titre subsidiaire,

Statuant de nouveau,

- Débouter ALLIANZ IARD de l'ensemble de ses demandes puisqu'il n'existe aucune convention unissant Madame [K] [H] et Madame [C] [O].

- Débouter la société ALLIANZ IARD de l'ensemble de ses demandes puisqu'elle n'établit aucune faute de Madame [C] [O] à l'origine de l'incendie survenu le 6 août 2013 et que sa responsabilité ne peut donc être retenue.

- Débouter la société ALLIANZ IARD au titre de la responsabilité de Monsieur [P] [H] au motif que celle-ci n'établit ni sa qualité d'assuré au sens du contrat souscrit auprès de la compagnie PACIFICA, ni l'existence d'une convention l'unissant à Madame [K] [H], ni une faute de sa part qui serait à l'origine du fait accidentel.

À titre infiniment subsidiaire,

Vu les articles 1353, 1875 et 1880 du code civil,

Vu l'arrêt rendu par la 1ère chambre Civile de la Cour de cassation le 20 mai 2020 (n°19-10.559) ;

- JUGER que [C] [O] n'avait pas l'usage exclusif de l'immeuble de [K] [H] sis à [Localité 5] sur la commune de [Localité 6] ;

- ÉCARTER en conséquence la présomption de responsabilité de l'emprunteur ;

- DÉBOUTER en conséquence la société ALLIANZ IARD de l'ensemble de ses demandes, faute pour elle de démontrer l'existence d'une faute de [C] [O] à l'origine des dommages.

En tout état de cause,

- Condamner la société ALLIANZ IARD à payer à la société PACIFICA la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société ALLIANZ IARD aux entiers dépens. »

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mars 2023.

Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

I Sur la recevabilité

1) Sur la subrogation

A l'appui de son appel incident, PACIFICA rappelle que ALLIANZ exerce son action sur le fondement de la subrogation mais ne justifie pas du paiement de l'indemnité à son assurée Mme [H].

En réplique, ALLIANZ fait valoir qu'elle rapporte la preuve du versement effectif en 2016 et 2018 des sommes objet de la subrogation, à Mme [H]', en exécution du contrat d'assurance.

Sur ce,

Vu l'article L.121-12 du code des assurances,

Au vu des pièces communiquées par ALLIANZ :

la police d'assurance composée des conditions particulières souscrites par Mme [H] le 29 septembre 2006 et des conditions générales (dispositions générales AGF Habitation ref. Com08809); la police d'assurance prévoit que la garantie Incendie a été souscrite ; (pièces 3 et 4 - ALLIANZ) les copies d'écran retraçant les trois transferts financiers de ALLIANZ vers le compte bancaire de Mme [H] dont les références sont mentionnées et qui correspondent pour les deux derniers aux références du relevé d'identité bancaire émis par la banque BNP ; ces copies d'écran précisent chacune, le montant transféré et la référence du virement ou la date de débit en banque : 262 522,02 euros ; 35 546,76 euros ; 69 344,13 euros ; ( pièces 25 à 28 - ALLIANZ) il ressort que ALLIANZ a versé à son assurée, Mme [H] la somme totale de 367 412,91 euros.

Ces éléments de preuve établissent un paiement effectif de ladite somme à Mme [H]. ALLIANZ est, dès lors, subrogée à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de son assurée contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage.

La fin de non-recevoir soulevée par PACIFICA au titre de la subrogation est donc rejetée.

2) Sur la qualité de tiers ou d'assuré de M. [H] et Mme [O]

A l'appui de son appel incident, PACIFICA rappelle que la subrogation n'est possible que contre les tiers. Elle fait valoir que ALLIANZ garantit la responsabilité civile de toute personne vivant au foyer assuré. M. [H] qui est le fils de Mme [H] et qui vit au foyer de cette dernière a la qualité d'assuré de ALLIANZ. Dès lors, si la cour décidait qu'il est aussi assuré de PACIFICA, ALLIANZ n'est pas recevable à former un recours contre son propre assuré. Elle ajoute que ALLIANZ n'est pas non plus recevable à former un recours à l'égard de Mme [O] dès lors que cette dernière vivant habituellement au foyer de Mme [H], est l'assurée de ALLIANZ'; en tout état de cause, elle estime que Mme [O] en qualité de compagne de M. [H] qui est le fils de Mme [H], bénéficie aussi à ce titre de la qualité d'assurée de ALLIANZ.

En réplique, ALLIANZ fait valoir qu'elle a intérêt à agir contre PACIFICA car M. [H] et Mme [O] qui avaient souscrit une police d'assurance auprès de PACIFICA pour la maison dans laquelle ils vivaient ensemble, ne peuvent être considérés comme vivant au foyer de Mme [H] et sont donc des tiers à la police souscrite par Mme [H]. ALLIANZ explique que le foyer de Mme [H] est situé chez sa soeur à [Localité 7] et qu'elle avait assuré la maison sinistrée dont elle est propriétaire, en tant que résidence secondaire depuis 2004.

Sur ce,

Vu l'article L. 121-12 alinéa 3 du code des assurances ;

En application de cette disposition, l'assureur n'a aucun recours contre les enfants et généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l'assuré.

En l'espèce, il convient de rechercher si M. [H] fils de Mme [H] et sa compagne, Mme [O], vivaient habituellement au foyer de Mme [H].

Il ressort des pièces communiquées que les conditions générales de la police ALLIANZ définissent la résidence secondaire comme étant «'toute habitation qui n'est pas considérée comme une résidence principale ; la résidence principale est définie comme le lieu du domicile habituel (lieu du rattachement fiscal).'»

En l'espèce, il est établi par la police d'assurances souscrite par Mme [H] auprès de ALLIANZ que la maison sinistrée était déclarée en tant que résidence secondaire.

Il ressort du procès-verbal de constatation établi contradictoirement par les experts amiables de ALLIANZ et de PACIFIA en présence du frère de Mme [H] et de Mme [O], que Mme [H] est propriétaire de la maison sinistrée qui appartenait à la famille depuis plusieurs générations et que la maison était occupée par le fils de Mme [H], âgé de 49 ans, et sa compagne Mme [O] qui y vivait depuis février 2011. (pièce 7 - ALLIANZ).

Il ressort de la lecture des procès-verbaux de l'enquête de gendarmerie menée à compter de l'incendie que M. [H] occupait la maison sinistrée avec sa compagne Mme [O]. Un procès-verbal retrace l'audition de la soeur de Mme [H] qui a déclaré que cette dernière vivait à son domicile ( [Localité 7] selon l'adresse déclarée par la soeur de Mme [H] dans les mentions d'identité) en raison de problèmes de santé et qu'elle ne peut se déplacer, qu''elle-même «' n'a pas voulu l'informer de la situation pour ne pas l'inquiéter davantage» ; que son neveu M. [H] vit dans la maison incendiée depuis l'âge de 18 ans, entre-temps il est parti de cette maison et est revenu y vivre depuis 2 ou 3 ans. ['] Il vivait dans la maison avec ses compagnes, mais je ne peux vous en dire plus.'['] nous n'avons plus de contact avec mon neveu depuis environ 2 ans, ni ma soeur ni moi. »; dans le procès-verbal d'audition de M. [H], celui-ci déclare «'c'est ma mère qui assure cette maison. Il s'agissait de mon domicile et de celui de ma compagne. Nous n'avons donc plus de domicile actuellement. Je vais aller chez ma mère à [Localité 7], en attendant la suite.'». Il est mentionné au titre de l'identité de M. [H] que son adresse est «'[Localité 6]'». Les enquêteurs de la gendarmerie ont aussi entendu Mme [O] qui a déclaré avoir emménagé avec M. [H]. (pièce 8 - ALLIANZ)

L'ensemble de ces éléments met en évidence que M. [H] avait fixé son domicile depuis plusieurs années dans la maison sinistrée de [Localité 6] et qu'il y vivait à l'époque du sinistre avec Mme [O] qui était sa compagne.

Il est aussi établi que Mme [H] ne vivait pas de manière habituelle dans la maison sinistrée, que M. [H] avait 49 ans au moment des faits, qu'il a déclaré au service d'enquête de gendarmerie avoir souscrit une assurance auprès d'un autre assureur que ALLIANZ, qui n'avait pas pour objet la maison sinistrée.

Ces éléments mettent ainsi en évidence que le lieu où M. [H] avait établi son lieu de vie avec les personnes vivant en intimité avec lui n'était pas situé au lieu où vivaient sa mère et sa tante.

Il se déduit donc que M. [H] et sa compagne Mme [O] ne vivaient habituellement pas au foyer de Mme [H].

Dès lors, la cour considère que dans la mesure où M. l et sa compagne Mme [O] ne bénéficient pas de l'immunité prévue à l'article L. 121-12 alinéa 3 susvisé, ALLIANZ dispose d'un recours à leur égard .

Elle est donc recevable à agir à l'égard de PACIFICA assureur de Mme [O].

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré ALLIANZ recevable.

II Sur le bien-fondé du recours de ALLIANZ à l'égard de PACIFICA

A l'appui de son appel, ALLIANZ fait valoir que l'immeuble sinistré a été mis à disposition de M. [H] par sa mère dans le cadre d'un prêt à usage, qu'il est donc présumé responsable de la perte de ce bien sauf preuve d'un cas fortuit ou d'une absence de faute. Elle estime aussi qu'il a la qualité d'assuré de PACIFICA dans la mesure où il est le concubin de Mme [O] souscriptrice du contrat conclu avec PACIFICA. Dans ces conditions, elle demande que PACIFICA soit condamnée à lui rembourser les sommes qu'elle a versées à son assurée au titre du sinistre.

En réplique, PACIFICA fait valoir que ni la preuve d'un prêt à usage entre M. [H] et sa mère, ni celle d'un concubinage avec Mme [O], ne sont rapportés. S'agissant du concubinage, elle estime que les critères de notoriété et de stabilité ne sont pas rapportées. Elle ajoute qu'il n'a pas non plus été déclaré par Mme [O], sur la confirmation d'adhésion.

Sur ce,

Vu l'article 515-8 du code civil,

Vu les articles 1302 ancien, 1875 et 1880 du code civil,

Il ressort de la police d'assurance souscrite par Mme [O] auprès de PACIFICA qu'elle est constituée de:

- un projet de demande d'adhésion à un contrat d'assurance Habitation que PACIFICA intitule dans ses pièces conditions particulières, signé par Mme [O] dans lequel elle déclare que la maison sinistrée est son domicile principal et qu'elle a deux enfants scolarisés garantis en responsabilité civile, que ses besoins sont «'bénéficier d'une indemnisation sans application de vétusté'[...]» ; (pièce 10 ' PACIFICA)

- les conditions générales prévoient au titre de la garantie Incendie, la garantie des conséquences de l'incendie ; dans les «'Mots-clés'», il est stipulé sous le terme «' Vous'»: pour toutes les garanties:1. l'assuré, c'est-à-dire le souscripteur du contrat et son conjoint ou concubin, non séparés,[...] 3. toute personne habitant habituellement à l'adresse du risque assuré figurant sur votre confirmation d'adhésion.'»

En application de l'article 515-8 du code civil, «'le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple.'»

En l'espèce, il ressort des procès-verbaux de gendarmerie communiqués, que dans ses déclarations aux enquêteurs, M. [H] a déclaré au titre de sa situation de famille, être en concubinage et que Mme [O] était sa compagne.

Quant à Mme [O], elle a déclaré être célibataire et vivre depuis environ 2 ans avec M. [H].

La soeur de Mme [H] a déclaré qu'elle ne connaissait pas Mme [O] et que M. [H] a eu plusieurs compagnes dans sa vie et vivait avec elles dans la maison sinistrée.

Il ressort de ces éléments, que la notoriété du concubinage allégué par ALLIANZ, n'est pas établie; en effet, la tante de M. [H] chez qui vivait Mme [H], membre de la proche famille de M. [H], ne connaissait pas Mme [O], le fait qu'elle ait su que son neveu avait des compagnes, n'est pas suffisant pour établir un concubinage qui suppose une relation stable hors mariage, connue des tiers.

M. [H] ne peut ainsi avoir la qualité de concubin de Mme [O] au jour du sinistre.

En revanche, il a été établi que M. [H] vivait habituellement à l'adresse du risque assuré.PACIFICA fait valoir que la mention «'figurant sur votre confirmation d'adhésion'» concerne M. [H].

Or la cour constate en premier lieu que PACIFICA ne communique pas le certificat d'adhésion, en deuxième lieu, que les enfants déclarés par Mme [O] sur le projet de demande d'adhésion l'ont été au titre d'enfants scolarisés garanties en responsabilité civile et en troisième lieu, que dans l'expression « toute personne habitant habituellement à l'adresse du risque assuré figurant sur votre confirmation d'adhésion.'», les termes «' figurant sur votre confirmation d'adhésion'» qui ne sont pas séparés par la conjonction de coordination «'et'» des termes «'l'adresse du risque assuré'» se rapportent à ce membre de phrase et non aux termes du début de la phrase «'la personne habitant habituellement à l'adresse du risque assuré'». '

Il en résulte que M. [H] qui vivait habituellement à l'adresse du risque assuré par Mme [O], au jour du sinistre, est garanti par PACIFICA pour toutes les garanties, donc pour la garantie Incendie.

Concernant le prêt à usage, PACIFICA reconnaît que M. [H] avait l'usage de la maison prêtée par Mme [H] depuis de nombreuses années.

Il est constant qu'en application de l'article 1880 du code civil, en cas de perte d'une chose ayant fait l'objet d'un prêt à usage, l'emprunteur peut s'exonérer en rapportant la preuve de l'absence de faute de sa part ou d'un cas fortuit.

En l'occurrence, il ressort des procès-verbaux de gendarmerie, que les différents experts sont en désaccord sur la cause volontaire ou accidentelle de l'incendie.

A défaut d'autre élément, Pacifica ne démontre ni que M. [H] n'a pas commis de faute, ni que l'incendie résulterait d'un cas fortuit.

Il en résulte qu'en application de l'article 1880 du code civil, M. [H] en qualité d'emprunteur de la maison de sa mère, Mme [H], est responsable de la perte de cette maison du fait de l'incendie.

Dès lors que PACIFICA garantit M. [H] qui vivait habituellement à l'adresse du risque assuré par Mme [O], au jour du sinistre, elle doit indemniser ALLIANZ subrogée dans les droits de Mme [H] pour la somme de 367 412,91 euros.

ALLIANZ sollicite aussi la condamnation de PACIFICA au paiement de la somme de 25 046,20 euros au titre contractuel de l'indemnisation de la vétusté à hauteur de 25% sur l'immobilier.

Toutefois, elle agit au titre de la subrogation dans les sommes effectivement versées à son assurée et non au titre de l'action directe.

Elle n'est donc pas fondée à demander le remboursement de cette somme à PACIFICA.

Pour l'ensemble de ces motifs, il y a lieu de condamner PACIFICA à payer à ALLIANZ la somme de 367 412,91 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 15 mai 2017 valant mise en demeure avec application de l'article 1154 du code civil.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté ALLIANZ de sa demande au titre de la somme de 367 412,91 euros.

III Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la présente décision, il convient d'infirmer la condamnation de ALLIANZ aux dépens de première instance et au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles. PACIFICA sera condamnée aux dépens de première instance. Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

En appel, partie perdante, PACIFICA sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à ALLIANZ, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant en dernier ressort, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté ALLIANZ de sa demande au titre de la somme de 367 412,91 euros et en ce qu' il a condamné aux dépens de première instance et au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles;

Statuant à nouveau,

Condamne PACIFICA à payer à ALLIANZ la somme de 367 412,91 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 15 mai 2017 avec application de l'article 1154 du code civil ;

Condamne PACIFICA aux dépens de première instance ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Condamne'PACIFICA aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne'PACIFICA à payer à ALLIANZ la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 20/08247
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;20.08247 ?
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