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29/06/2023 | FRANCE | N°20/17780

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 29 juin 2023, 20/17780


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 29 JUIN 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/17780 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYQA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 novembre 2020 - Juge des contentieux de la protection de MEAUX - RG n° 11-19-001350





APPELANTE



La société MY MONEY BANK anciennement

dénommée GE MONEY BANK, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 784 393 340 02091

[Adress...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 29 JUIN 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/17780 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYQA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 novembre 2020 - Juge des contentieux de la protection de MEAUX - RG n° 11-19-001350

APPELANTE

La société MY MONEY BANK anciennement dénommée GE MONEY BANK, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 784 393 340 02091

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentée par Me Vincent PERRAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0087

INTIMÉS

Madame [X] [B] épouse [F]

née le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 6] (ARGENTINE)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX

Monsieur [T] [F]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 7] (94)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Jean-Charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Ophanie KERLOC'H

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 4 décembre 2017, Mme [X] [B] épouse [F] et M. [T] [F] ont contracté auprès de la société My Money Bank, un crédit amortissable pour un montant total de 44 200,79 euros portant sur une opération de regroupement de crédits aux fins de rembourser deux crédits à la consommation et trois découverts de comptes bancaires, ainsi que le financement d'un besoin de trésorerie de 12 000 euros, les frais de dossier pour un montant de 663,01 euros et des honoraires de l'intermédiaire de crédit pour un montant de 1 670 euros. Ce crédit était remboursable en 62 mensualités de 689,42 euros (assurance de 114,2 euros comprise) puis 82 mensualités de 341,43 euros, moyennant un taux débiteur annuel fixe de 4,60 %.

Les mensualités étant impayées dès le mois de janvier 2018, la société My Money Bank a entendu se prévaloir de la déchéance du terme du contrat et a adressé aux emprunteurs une mise en demeure d'avoir à payer la somme de 8 919,41 euros au titre des échéances impayées, par lettres recommandées datées du 27 février 2019.

Par lettres recommandées datées des 27 et 28 mars 2019, elle a notifié à M. et Mme [F] la déchéance du terme du contrat de crédit.

Saisi le 29 août 2019 par la société My Money Bank d'une demande tendant principalement à la condamnation solidaire de M. et Mme [F] au paiement de la somme de 50 560,13 euros en exécution du contrat de crédit, le tribunal judiciaire de Meaux, par un jugement contradictoire rendu le 18 novembre 2020 auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré recevable l'action de la société My Money Bank,

- prononcé la nullité du contrat de prêt,

- condamné conjointement M. et Mme [F] à payer à la société My Money Bank la somme de 41 721,01 euros,

- dit que cette somme ne portera pas d'intérêts, même au taux légal,

- condamné la société My Money Bank à payer à M. et Mme [F] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société My Money Bank à verser à M. et Mme [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société My Money Bank aux dépens.

Le tribunal, après avoir examiné la recevabilité de la demande, a relevé, au visa des articles 1178 du code civil, L. 312-14 et L. 312-16 du code de la consommation, que la société My Money Bank ne démontrait pas avoir mis en garde les emprunteurs sur leur risque d'endettement excessif et que l'octroi de ce crédit avait porté leur endettement à 49,6 %. Il a donc prononcé la nullité du contrat au regard des capacités financières et de remboursement inadaptés de M. et Mme [F].

Écartant l'application de l'article 1231-6 du code civil, il a condamné M. et Mme [F] au paiement de la somme de 41 721,01 euros, sans intérêts même au taux légal.

Relevant que la banque a manqué à son devoir de mise en garde en n'exerçant pas son devoir préalable de renseignement, il a condamné celle-ci au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Enfin, au vu de la solution adoptée au litige, il a rejeté la demande reconventionnelle tendant à l'octroi de délai de paiement.

Par déclaration du 8 décembre 2020, la société My Money Bank a interjeté appel du jugement.

Aux termes de conclusions n° 3 remises le 3 mars 2023, l'appelante demande à la cour :

- de réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- à titre principal, de condamner solidairement M. et Mme [F] à lui payer la somme de 50 560,13 euros outre les intérêts au taux contractuel de 4,6 % l'an à compter du 28 mars 2019 et jusqu'à parfait paiement,

- de débouter M. et Mme [F] de l'ensemble de leurs demandes,

- subsidiairement, de réduire à de plus justes proportions l'indemnité sollicitée au titre de la perte de chance,

- en tout état de cause, de condamner in solidum M. et Mme [F] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens lesquels seront recouvrés par Me Vincent Perraut conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'appelant conteste toute faute dans l'octroi du crédit et indique avoir mis en garde les emprunteurs sur les conditions de leur engagement notamment en leur remettant des documents les informant des risques du crédit et ajoute qu'ils disposaient de revenus et d'un patrimoine immobilier ne présentant pas de risque d'endettement excessif.

Elle sollicite sur le fondement de l'article L. 312-1 du code de la consommation, le paiement de la somme de 50 560,13 euros outre les intérêts au taux contractuel de 4,6 % l'an à compter du 28 mars 2019.

Subsidiairement, au visa de l'article L. 341-27 du code de la consommation elle soutient que la sanction du défaut de vérification de la solvabilité ou du manquement au devoir de mise en garde n'est pas la nullité du contrat mais uniquement la déchéance du droit aux intérêts.

Elle fait valoir que M. et Mme [F] ne démontrent nullement leur préjudice de perte de chance et sollicite la réduction de l'indemnité à de plus justes proportions.

Elle indique avoir régulièrement consulté le FICP et s'oppose à la demande de déchéance du droit aux intérêts.

Enfin, estimant que M. et Mme [F] ne démontrent pas comment ils pourront s'acquitter des sommes dues, elle s'oppose à l'octroi de délais de paiement.

Aux termes de conclusions n° 3 remises le 10 mars 2023, les intimés demandent à la cour :

- de dire la société My Money Bank mal fondée en son appel et l'en débouter,

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité les dommages et intérêts à la somme de 40 000 euros,

- de condamner la société My Money Bank à leur payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de ne pas contracter,

- subsidiairement, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts au visa de l'article L. 311-9 du code de la consommation,

- de leur accorder les plus larges délais de paiement afin de s'acquitter de leur dette,

- en tout état de cause, de condamner la société My Money Bank à leur payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société My Money Bank aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de Me Jean-Charles Negrevergne, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Les intimés au visa des articles L. 312-16 du code de la consommation et 1178 du code civil soutiennent que la banque a manqué son obligation précontractuelle de vérification de la solvabilité et de l'endettement excessif en octroyant un nouveau prêt alors que leur taux d'endettement était de plus de 50 %. Ils ajoutent que l'opération consistait non pas en un simple regroupement de crédits mais également en l'octroi d'un nouveau prêt de 12 000 euros.

Indiquant faire l'objet d'un interdit bancaire, les intimés sollicitent la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de ne pas contracter afin de réparer leur préjudice.

Subsidiairement, visant l'article L. 311-9 et L. 311-48 du code de la consommation ils font valoir que la banque ne démontre pas avoir régulièrement consulté le FICP et sollicitent en conséquence qu'elle soit déchue de son droit aux intérêts.

Enfin, ils sollicitent l'application des délais de l'article 1343-5 du code civil afin d'apurer les sommes qui seraient mises à leur charge.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 17 mai 2023

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le contrat litigieux ayant été conclu le 4 décembre 2017, le premier juge a à juste titre fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Vérifiée par le premier juge, la recevabilité de l'action en paiement du prêteur n'est pas contestée.

Sur la demande de nullité du contrat

Les intimés sollicitent, au visa des articles L. 312-16 du code de la consommation et 1178 du code civil la nullité du prêt pour manquement au devoir de mise en garde, faisant valoir que ce manquement entache nécessairement le contrat dans sa validité.

Pour prononcer la nullité du contrat, le premier juge a relevé les manquements de la banque à ses obligations d'informations précontractuelles, de vérification de la solvabilité et d'alerte sur un risque d'endettement excessif.

Néanmoins, les articles L. 312-14, L. 312-16 et L. 341-2 sanctionnent ces manquements d'une déchéance du droit aux intérêts. La banque n'encourt aucune nullité de ce chef, ces obligations ne constituant pas une condition de validité du contrat.

Partant le jugement est infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de prêt et condamné les emprunteurs à rembourser une somme de 41 721,01 euros. Les intimés sont déboutés de leur demande de nullité, non fondée.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Les articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de la consommation disposent que le prêteur est déchu du droit aux intérêts, lorsqu'il ne satisfait pas aux conditions d'informations précontractuelles prévues par les articles énumérés et contenues dans le code de la consommation.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations.

Selon l'article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.

Il résulte de ce texte que la consultation du fichier doit être réalisée avant l'octroi du crédit.

La consultation de ce fichier s'opère selon les modalités prévues à l'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010 visé par l'article L. 333-5 du code de la consommation précitée qui dispose :

« Modalités de justification des consultations et conservation des données.

I- En application de l'article L. 333-5 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu'ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l'article 1er doivent, dans les cas de consultations aux fins mentionnées au I de l'article 2, conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable. (') Constitue un support durable tout instrument permettant aux établissements et organismes mentionnés à l'article 1er de stocker les informations constitutives de ces preuves, d'une manière telle que ces informations puissent être consultées ultérieurement pendant une période adaptée à leur finalité et reproduites à l'identique.

II- Le cas échéant, le résultat des consultations effectuées aux fins mentionnées au II de l'article 2 est conservé dans les conditions décrites ci-dessus ».

Il résulte de ce qui précède que le prêteur a l'obligation de conserver la preuve de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat sur un support durable, la consultation devant être réalisée avant toute décision effective d'octroyer un crédit.

La société My Money Bank communique aux débats deux attestations établies par ses soins le 15 novembre 2017 à 11h26.35 aux termes desquelles elle indique avoir effectué une consultation du FICP dans le cadre de l'octroi d'un crédit à M. et Mme [F], demande à laquelle il a été répondu : Aucun dossier sous la clé BDF : 231075CABRE et 130376GOUDO.

En l'espèce, rien ne permet de mettre en doute les justificatifs émis par le logiciel informatique de la société My Money Bank pour attester de sa consultation du fichier avant le déblocage des fonds intervenu le 12 décembre 2017. Aucune déchéance du droit aux intérêts n'est donc encourue à ce titre.

La société My Money Bank verse également aux débats le contrat de regroupement de crédits acceptée le 4 décembre 2017, la fiche d'informations précontractuelles, la fiche regroupement de crédits, la fiche dialogue, la notice d'assurance, les justificatifs de domicile et de revenus et la lettre d'information annuelle 2018 du capital restant dû.

Elle n'encourt par conséquent aucune déchéance du droit aux intérêts.

Sur la mise en cause de la responsabilité de la société My Money Bank au regard du devoir de mise en garde

Il est admis que le banquier est tenu à l'égard de ses clients profanes d'un devoir de mise en garde, en cas de risque d'endettement excessif de l'emprunteur. Ce devoir oblige le banquier, avant d'apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client et à l'alerter des risques d'endettement excessif résultant du crédit sollicité.

Le devoir de mise en garde n'existe donc qu'à l'égard de l'emprunteur profane et n'existe qu'en cas de risque d'endettement excessif.

Il appartient aux emprunteurs de rapporter la preuve qu'ils doivent être considérés comme profanes et qu'à l'époque de la souscription du crédit litigieux, leur situation financière imposait l'accomplissement par la banque de son devoir de mise en garde.

Le prêteur est en droit de se fier aux informations qui lui sont communiquées par le client lequel doit faire preuve de loyauté et ne pas communiquer de renseignements erronés ou dissimuler des informations à l'établissement de crédit tentant d'apprécier la viabilité du concours financier, sous peine de ne pouvoir invoquer un manquement au devoir de mise en garde.

En l'espèce, la société My Money Bank produit aux débats la fiche dialogue signée par M. et Mme [F].

Il est indiqué sur cette fiche paraphée par les emprunteurs que le couple est marié avec deux enfants mineurs, madame est sans emploi et monsieur, manipulateur en radiologie et perçoit 4 295,11 euros. Le couple déclare une somme globale de 4 644,97 euros de revenus et des mensualités de 1 616,05 euros au titre de deux crédits immobiliers. La fiche mentionne les deux crédits regroupés ainsi que les trois soldes débiteurs de compte.

Il en résulte que la banque était donc tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard des époux [F].

S'agissant de la vérification de la capacité d'emprunt, la société My Money Bank communique également différents documents remis par les emprunteurs au moment de la souscription du prêt, à savoir deux relevés du compte joint attestant de soldes débiteurs (- 1 998,49 euros au 21 septembre 2017 et - 1 533,65 euros au 21 octobre 2017), une fiche dépouillement du compte joint, trois relevés du compte au nom de M. [F], débiteur de 177 euros au 31 octobre 2017 avec une fiche dépouillement concernant ce compte, leurs avis d'imposition 2017 (revenus et taxe foncière), les bulletins de paie de monsieur (août-septembre-octobre 2017 et décembre 2016), un relevé de la CAF et le contrat de bail concernant un appartement leur appartenant loué à compter d'avril 2017 au prix de 378 euros.

Il résulte de ce qui précède, qu'avant l'octroi du prêt, les époux [F] devaient rembourser une somme de 2 112,19 euros, soit un taux d'endettement de 45 %, outre qu'ils avaient trois comptes débiteurs à hauteur d'une somme globale de 3 310 euros.

Il n'est pas contestable que si l'emprunt n'avait pas été souscrit, les époux [F] seraient demeurés débiteurs de deux crédits à la consommation et de trois découverts bancaires, dans une proportion de 32 200,79 euros.

Le crédit de regroupement accordé leur a permis de rembourser ces dettes mais a également aggravé leur endettement puisqu'un crédit de 12 000 euros leur a été accordé afin de financer leur besoin de trésorerie.

Il doit être relevé que si le crédit de restructuration tend par essence à reprendre le passif des débiteurs en le rééchelonnant, l'ajout d'un nouveau crédit pour répondre à un besoin de trésorerie a eu nécessairement pour conséquence d'aggraver leur endettement.

Ce faisant, leurs mensualités de remboursement sont passées à 2 305,47 euros, augmentant leur taux d'endettement à 49,6 %. Leur charge de l'emprunt excède donc largement le tiers des revenus du couple existant au moment de l'octroi du crédit le rendant disproportionné par rapport à leurs facultés contributives.

Il convient de souligner que les époux [F] n'ont pas été en mesure de régler une seule mensualité de ce nouvel emprunt et que le premier incident de paiement non régularisé remonte au 5 janvier 2018.

Dès lors, il doit être jugé que la société My Money Bank ne justifie pas avoir vérifié de manière suffisante les capacités financières des co-emprunteurs.

À cet égard, l'établissement de la fiche d'informations précontractuelles, la fiche dialogue et la fiche concrétisant le devoir d'explication ne comportent que des dispositions générales et ne suffisent pas à rapporter la preuve de l'effectivité de son obligation de mise en garde au vu des circonstances particulières de l'endettement souscrit.

En l'espèce, la banque aurait dû les alerter sur le risque d'endettement excessif et sur le montant plus élevé de la mensualité.

Il résulte de ce qui précède que, s'agissant d'emprunteurs non avertis, au vu du faible niveau de revenus du couple dont l'un est sans emploi et de leur endettement supérieur à 49 %, la société My Money Bank a manqué à son devoir de mise en garde et aurait dû alerter les intimés sur le caractère disproportionné du crédit, sur le montant beaucoup plus élevé de la mensualité et leur risque d'endettement excessif, ce dont elle ne justifie pas.

Si l'appelante invoque l'existence d'un patrimoine immobilier constitué de deux biens évalués à 100 000 euros et 240 000 euros, force est de constater qu'elle se prévaut d'éléments contenus dans la synthèse émise par la commission de surendettement le 21 novembre 2019, soit postérieurement à l'octroi du prêt. Elle ne justifie pas d'un examen plus approfondi relatif à l'évaluation réelle de ce patrimoine.

Bien qu'elle s'en défende, il y a lieu de distinguer lorsque les biens immobiliers font l'objet de crédits immobiliers toujours en cours, comme c'est le cas en l'espèce. Les intimés précisent avoir acheté leur domicile familial en janvier 2017, soit onze mois avant la signature du crédit litigieux.

Ainsi, le prêt aurait dû être octroyé au regard des capacités de remboursement du couple et non d'un patrimoine récemment acquis et financé à l'aide d'emprunts immobiliers.

Il y a lieu de retenir que le préjudice subi par les emprunteurs doit être réparé par l'allocation d'une somme de 12 516,73 euros correspondant à la différence entre le coût total du crédit (54 193,11) et le crédit accordé diminué des frais (44 200,79 ' 2 524,38).

Partant, le jugement étant infirmé et la société My Money Bank est condamnée à payer aux intimés la somme de 12 516,73 euros à titre de dommages intérêts.

Sur la demande en paiement

L'appelante produit également à l'appui de sa demande les deux mises en demeure préalables du 27 février 2019, deux mise en demeure après déchéance du terme du 27 mars 2019, le tableau d'amortissement, l'historique du prêt et un décompte de créance. L'historique montre que les emprunteurs n'ont réglé qu'une somme totale de 1 800 euros entre août 2018 et août 2019.

C'est donc de manière légitime que la société My Money Bank se prévaut de l'exigibilité des sommes dues.

En application de l'article L. 311-24 (devenu L. 312-39), en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date de règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, et sans préjudice des dispositions des articles 1152 et 1231 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L'article D. 311-6 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance.

En conséquence, au vu du tableau d'amortissement, la créance de l'appelante s'établit comme suit :

- mensualités échues impayées : 8 481,31 euros

- capital restant dû à la date de déchéance du terme du contrat : 37 959,07 euros

- intérêts : 105,25 euros

soit une somme totale de 46 545,63 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,60 % à compter du 28 mars 2019 sur la somme de 46 440,38 euros, au taux légal pour le surplus.

Il est également réclamé une somme de 3 048,71 euros au titre de la clause pénale contractuelle de 8 % qui est conforme aux articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation. Cette clause pénale est susceptible d'être modérée par le juge, en application de l'article 1152 du code civil, si elle est manifestement excessive. Il apparaît en l'espèce que cette clause, calculée sur une assiette erronée, apparaît manifestement excessive au regard du préjudice réellement subi par l'appelante qui a déjà cumulé des indemnités à l'occasion du regroupement de crédits. Il convient d'y faire droit dans la seule limite de la somme de 50 euros.

Sur la demande reconventionnelle de délais de paiement

Les intimés réclament de larges délais de paiement mais il ressort du dossier que les intimés n'ont réglé qu'une somme totale de 1 800 euros et qu'en l'absence de tout versement depuis août 2018, ils ont d'ores et déjà bénéficié d'un large délai de fait.

Le jugement est par conséquent confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de dommages intérêts pour perte d'une chance

Dans leurs écritures, les intimés soutiennent que la faute de la banque s'analyse comme la perte de chance de ne pas souscrire un prêt qui a rendu encore plus précaire leur situation financière. Ils estiment qu'ils ont été contraints de déposer un dossier de surendettement qui préconise la vente de leur domicile familial alors qu'avant ce prêt ils étaient à jour de leurs échéances et qu'ils sont désormais interdits bancaires. Ils réclament une somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts.

Il doit être relevé qu'au moment de l'octroi du prêt, les emprunteurs étaient endettés à hauteur de 29 676,41 euros au titre de deux crédits à la consommation et de trois découverts bancaires et qu'ils supportaient également les mensualités de leurs deux emprunts immobiliers, d'un montant mensuel total de 1 616,05 euros. Bien qu'ils s'en défendent, leur situation était déjà obérée et les intimés ne rapportent pas la preuve d'un préjudice autre que celui déjà indemnisé.

Ils sont par conséquent déboutés de leur demande reconventionnelle.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les époux [F], parties perdantes, supporteront les entiers dépens de l'instance.

Au regard de la situation de surendettement, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande en paiement et en ce qu'il a rejeté la demande de délais ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant de nouveau dans cette limite,

Condamne solidairement M. [T] [F] et Mme [X] [O] [B] épouse [F] à payer à la société My Money Bank la somme de 46 595,63 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,60 % à compter du 28 mars 2019 sur la somme de 46 440,38 euros et au taux légal pour le surplus ;

Condamne la société My Money Bank à payer à M. [T] [F] et Mme [X] [O] [B] épouse [F] la somme de 12 516,73 euros à titre de dommages-intérêts ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum [T] [F] et Mme [X] [O] [B] épouse [F] aux entiers dépens de l'instance ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/17780
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;20.17780 ?
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