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27/06/2023 | FRANCE | N°22/04135

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 27 juin 2023, 22/04135


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 27 JUIN 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04135 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFK34



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2022 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° RG 20/0432





APPELANTS



Madame [Y] [I] agissant en son nom propre et conj

ointement en tant que représentante légale de l'enfant [K] [I] née le 13 août 2010 à [Localité 6] ([Localité 6])



[Adresse 4] [Localité 10]

[Localité 10]



représentée par M...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 27 JUIN 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04135 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFK34

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2022 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° RG 20/0432

APPELANTS

Madame [Y] [I] agissant en son nom propre et conjointement en tant que représentante légale de l'enfant [K] [I] née le 13 août 2010 à [Localité 6] ([Localité 6])

[Adresse 4] [Localité 10]

[Localité 10]

représentée par Me Myriam HARIR, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [A] [H] agissant en son nom propre et conjointement en tant que représentante légale de l'enfant [K] [I] née le 13 août 2010 à [Localité 6] ([Localité 6])

[Adresse 4]

[Localité 10]

représenté par Me Myriam HARIR, avocat au barreau de PARIS

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté à l'audience par Madame Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mai 2023, en audience publique, l' avocat des appelants et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Mme [Y] [I], née le 25 août 1977 à [Localité 7] (Maroc), de nationalité marocaine, a souscrit le 17 juillet 2009 une déclaration de nationalité française devant le tribunal d'instance de Vanves (Hauts-de-Seine), sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, sous le n°2009DX013265, se prévalant de son mariage célébré le 16 juillet 2005 à [Localité 10] (Hauts-de-Seine) avec M. [V] [W] [U] [B], né le 26 février 1967 à [Localité 9] (Eure), de nationalité française.

Ladite déclaration a été enregistrée le 5 juillet 2010 sous le numéro 08985/10 (pièce n°1 du ministère public).

Le 13 août 2010 est née à [Localité 6] (Hauts-de-Seine) l'enfant [K] [I], fille de Mme [Y] [I] et de M. [A] [M] [F] [H], né le 24 février 1978 à [Localité 8] (Egypte), dont l'acte de naissance n°1136 a été dressé le 16 août 2010 sur déclaration du père (pièce n°43 des appelants et pièce n°7 du ministère public).

Par jugement du 7 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre a prononcé le divorce de Mme [Y] [I] et de M. [V] [B] (pièce n°3 du ministère public).

Le 8 mars 2014, Mme [Y] [I] et M. [A] [H] se sont mariés à [Localité 10], suivant acte de mariage n°9/2014 (pièce n°39 de l'appelante).

Par acte délivré le 6 mars 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris a assigné Mme [Y] [I] en son nom personnel et en qualité de représentante légale de l'enfant [K] [I], ainsi que M. [A] [H] en sa qualité de représentant légal de cette même enfant, devant ledit tribunal afin de voir annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité française susmentionnée et dire que Mme [Y] [I] et l'enfant [K] [I] ne sont pas françaises.

Par jugement rendu le 21 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

-dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

-annulé l'enregistrement intervenu le 5 juillet 2010 de la déclaration de nationalité française souscrite le 17 juillet 2009 (dossier n°2009DX013265), sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, par Mme [Y] [I], née le 25 août 1977 à [Localité 7] (Maroc), devant le tribunal d'instance de Vanves, et enregistrée sous le numéro 08985/10 par le ministre chargé des naturalisations ;

-jugé que Mme [Y] [I], née le 25 août 1977 à [Localité 7] (Maroc) n'est pas française ;

-jugé que l'enfant [K] [I], née le 13 août 2010 à [Localité 6] (Hauts-de-Seine), n'est pas française ;

-ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

-rejeté la demande des défendeurs au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné les défendeurs aux dépens.

Le 18 février 2022 Mme [Y] [I] en son nom propre, ainsi que de Mme [Y] [I] et M. [A] [H] conjointement en tant que représentants légaux de l'enfant mineure [K] [I], ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 18 mai 2022, Mme [Y] [I] et M. [A] [H] demandent à la cour de déclarer recevable, fondée et justifiée l'action de Mme [I], d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, juger que Mme [I] est de nationalité française et que l'enfant [K] [I] l'est également, rejeter la demande d'annulation de l'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite par Mme [I], débouter le procureur de la République de l'ensemble de ses demandes, mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner le Trésor public aux dépens.

Par conclusions notifiées le 17 août 2022, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement de première instance en tout son dispositif, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner Mme [Y] [I] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023.

MOTIFS 

Sur les formalités de l'article 1043 ancien du code de procédure civile

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 ancien du code de procédure civile, dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 8 août 2022 par le ministère de la Justice.

Sur la condition de recevabilité prévue par l'article 26-4 du code civil

Devant la cour, les appelants font valoir que l'action en annulation d'enregistrement de la déclaration susmentionnée, engagée par le procureur de la République, est irrecevable dans la mesure où au jour de son exercice, le 6 mars 2020, la prescription était acquise conformément à l'article 26-4 du code civil, qui dispose notamment que le ministère public peut contester ledit enregistrement en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. Ce moyen a été soulevé devant les premiers juges qui n'ont pas statué dans le dispositif de la décision.

Les appelants soutiennent en effet, que le délai de prescription de cette action court à partir du moment où le procureur de la République a été mis en mesure de découvrir la fraude alléguée, soit en l'espèce à compter du moment où la mention du divorce de l'appelante et de M. [V] [B] a été apposée en marge de leur acte de mariage le 15 juin 2013, plus de six ans avant la saisine du tribunal, le procureur de la République ayant d'ailleurs eu deux occasions supplémentaires pour découvrir la fraude lors de la délivrance du certificat de nationalité obtenu par l'enfant [K] [I] le 25 mars 2011, au vu de la teneur dudit certificat, et enfin par la mention divorce susmentionnée en marge de l'acte de mariage de l'appelante avec M. [A] [H] dressé courant 2014.

Toutefois, ce moyen ne saurait prospérer.

En effet, comme le souligne le ministère public, le délai biennal prévu par l'article 26-4 du code civil court seulement à compter de l'information obtenue par le ministère public territorialement compétent, soit en l'espèce le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.

Or, ce dernier a eu connaissance des faits litigieux par un bordereau de transmission du dossier daté du 28 février 2020 adressé par la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la Justice (pièce n°4 du ministère public).

En conséquence le délai biennal précité a été respecté, dès lors que la saisine du tribunal judiciaire de Paris est intervenue par assignation délivrée seulement quelques jours plus tard, le 6 mars 2020.

Sur la nationalité de Mme [Y] [I]

Sur la charge de la preuve de la fraude ou du mensonge

En vertu de l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 ici applicable au regard de la date de la déclaration « L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.

Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France. En outre, le mariage célébré à l'étranger doit avoir fait l'objet d'une transcription préalable sur les registres de l'état civil français. Le conjoint étranger doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française.

La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations. »

En outre, comme déjà mentionné, en vertu de l'article 26-4 du code civil, dans ses deuxième et troisième alinéas « Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.

L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude. »

Toutefois, la présomption résultant de la cessation de la communauté de vie prévue par la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 26-4 ne saurait s'appliquer que dans les instances engagées dans les deux années de la date de l'enregistrement de la déclaration. Dans les instances engagées postérieurement, il appartient au ministère public de rapporter la preuve du mensonge ou de la fraude invoqué. Sous cette réserve, l'article 26-4, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, est conforme à la Constitution (Cons. const. 30 mars 2012, no 2012-227 QPC).

En l'espèce, c'est donc par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, que le tribunal a retenu que le ministère public ne peut pas se prévaloir de la présomption de fraude découlant de la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement, dès lors que l'assignation a été délivrée par le ministère public le 6 mars 2020 soit plus de deux ans après l'enregistrement de la déclaration de nationalité française de Mme [Y] [I] intervenu le 5 juillet 2010 (pièce n°1 du ministère public).

Il en résulte que la charge de la preuve de la fraude ou du mensonge incombe au ministère public.

Sur l'existence d'une fraude ou d'un mensonge

Moyens des parties

Le ministère public fait valoir que la communauté de vie affective entre Mme [Y] [I] et M. [V] [B] avait cessé le 17 juillet 2009, jour de la déclaration acquisitive de nationalité de la première, de sorte qu'en attestant de la poursuite de cette communauté devant les autorités chargées de recevoir sa déclaration, Mme [Y] [I] a proféré un mensonge.

Il soutient que la cessation de la communauté de vie résulterait notamment du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre qui a prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal entre Mme [Y] [I] et M. [V] [B] le 7 janvier 2013, cette décision ayant indiqué sur la base des déclarations des époux que ceux-ci étaient séparés depuis le 31 août 2008, si bien que le juge a fixé les effets du divorce à cette date.

Il ajoute que, serait-il avéré que plusieurs documents administratifs mentionnaient encore une adresse commune à Mme [Y] [I] et M. [V] [B] jusqu'en 2011, cette circonstance pourrait au mieux justifier d'une simple cohabitation ou une communauté de vie matérielle, mais qu'elle ne saurait suffire pour caractériser une communauté de vie affective dans le couple.

Il affirme en outre que la poursuite d'une communauté de vie affective entre Mme [Y] [I] et M. [V] [B] est d'ailleurs incompatible avec la naissance de l'enfant [K] le 13 août 2010, celle-ci étant née de la relation adultère nouée par Mme [Y] [I] avec M. [A] [H].

Enfin, il argue qu'au vu du jour de la naissance de l'enfant, sa conception date de novembre 2009, seulement quatre mois après la souscription de déclaration de nationalité et avant l'enregistrement de celle-ci, Mme [Y] [I] ayant alors sciemment dissimulé l'existence de sa grossesse jusqu'à l'enregistrement qui aurait ainsi été obtenu par fraude.

Les appelants soutiennent que la communauté de vie matérielle et affective de Mme [Y] [I] avec M. [V] [B] n'a cessé que pendant l'année 2011 et que M. [B] a conservé sa domiciliation à l'adresse du domicile conjugal jusqu'en 2012.

Ils font valoir à ce titre que si le divorce indique que les époux ont cessé de cohabiter à compter de l'année 2008, c'est en raison du fait que M. [B], saisonnier en montagne, s'est absenté régulièrement du domicile conjugal à compter de 2008, mais uniquement pour des raisons professionnelles, sans que la communauté de vie entre les époux n'ait cessé.

Ils prétendent que la poursuite de cette communauté de vie, attestée par l'enquête de police mise en 'uvre aux fins de l'acquisition de nationalité par mariage, est confirmée par les nombreuses factures, avis d'imposition communs et quittances de loyer adressés aux deux époux à leur domicile commun, ainsi que par les courriers envoyés à M. [B] à cette même adresse.

Quant au divorce, les appelants font valoir que la requête visant à voir dissoudre le lien matrimonial n'a été introduite que le 23 mai 2011, et que l'assignation en divorce datant du 12 juillet 2012 indique que les époux étaient à cet instant séparés depuis seulement deux ans, soit depuis 2010, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de grande instance de Nanterre.

Ils affirment en dernier lieu que la grossesse de Mme [Y] [I] est postérieure à la date de souscription de la déclaration de nationalité, à laquelle la communauté de vie doit être appréciée, et que si l'infidélité dont elle résulte est constitutive d'une violation grave des devoirs des époux, elle n'est pas en tant que telle exclusive de plein droit de la communauté affective et matérielle de Mme [Y] [I] avec M. [B].

Réponse de la Cour

La communauté de vie exigée par l'article 21-2 du code civil, obligation découlant du mariage, doit être tant affective que matérielle. La communauté de vie affective définie par l'article 212 du code civil, emporte respect, fidélité, secours et assistance.

En l'espèce, le jugement du 7 janvier 2013 qui a prononcé le divorce entre Mme [Y] [I] et M. [V] [B] pour altération définitive du lien conjugal, dont le ministère public verse une copie en sa pièce n°3, énonce que «['] il ressort de l'attestation de M. [V] [B] du 1er juin 2012 produite par son épouse que les époux se sont séparés depuis plus de deux ans à compter de l'assignation en divorce et que la communauté de vie a cessé entre les époux » (p. 2 du jugement), pour ensuite indiquer que «Mme [Y] [I] épouse [B] demande que le jugement de divorce prenne effet, dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens à la date d'août 2008, date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Il est établi par l'attestation de l'époux susmentionnée que les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer pendant l'été 2008 ».

Il en résulte que devant le juge du divorce, Mme [Y] [I] a soutenu que tant la cohabitation que la collaboration entre elle et M. [V] [B] a cessé en 2008, soit antérieurement à la date de souscription de sa déclaration de nationalité française du 17 juillet 2009, produisant une attestation par laquelle son époux, non comparant à la procédure, confirmait par écrit ses affirmations.

Or, dans la présente procédure, les appelants font valoir à la page 6 de leurs conclusions que « l'assignation en divorce en date du 12 juillet 2012 [qui] indique que Madame [I] et Monsieur [B] sont séparés depuis deux ans, soit 2010 et non 2008 », soutenant donc que dans son assignation devant le juge aux affaires familiales, Mme [Y] [I] aurait situé la séparation au cours de l'année 2010.

Au soutien de cette affirmation ils versent en pièce n°7 la première page de la citation à comparaître devant le juge aux affaires familiales qui avait été destinée à M. [B] avec la requête en divorce, accompagnée en pièce n°6 d'une lettre datée du 14 mai 2020 émanant du conseil de Mme [Y] [I] dans le cadre de la procédure de divorce, Me [P] [R], qui atteste avoir fait délivrer la citation le 3 février 2012 et que sa cliente avait précisé à l'époque que « son mari était parti du domicile conjugal depuis un an sans donner signe de vie ».

Enfin, dans leurs mêmes conclusions, les appelants affirment, à l'instar de ce qu'ils avaient fait devant le tribunal, que la communauté de vie entre Mme [Y] [I] et M. [V] [B] a perduré jusqu'en 2011.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que lors de l'assignation en divorce, puis devant le juge aux affaires familiales et enfin dans la présente procédure, Mme [Y] [I] a changé de position au moins trois fois sur la date de sa séparation avec M. [V] [B].

C'est donc à juste titre que le premier juge a relevé que les déclarations de Mme [Y] [I] ont subi des fluctuations sur ce point au gré des différentes procédures judiciaires.

En outre, les affirmations de Mme [I] quant à la poursuite de la vie commune entre elle et M. [B] jusqu'en 2011 sont contredites par la chronologie des faits et notamment par la naissance, le 13 août 2010, de l'enfant [K] [I], dont le père est M. [A] [H], que Mme [Y] [I] a par la suite épousé suite à son divorce de M. [B].

Comme le souligne le ministère public, les pièces n°8 à n°37 des appelants, consistant en des factures et quittances de loyer adressées aux deux époux entre 2007 et 2010, des courriers provenant de l'administration fiscale ainsi que des avis d'imposition relatifs à l'impôt sur le revenu (jusqu'à l'année 2010 pour les revenus de 2009) et à la taxe d'habitation pour l'année 2009, également envoyés à Mme [Y] [I] et à M. [B] à leurs adresses successives du [Adresse 1] et du [Adresse 2] à [Localité 10], ainsi qu'une série de missives transmises à M. [V] [B] à cette même adresse entre l'année 2007 et l'année 2010, relatent uniquement des informations sur la domiciliation postale et les dépenses du couple, et sont inopérantes à faire état d'une communauté de vie affective entre les deux époux au jour de la souscription de la déclaration de nationalité.

Par ailleurs, elles sont insuffisantes à établir une conservation effective de la communauté de vie matérielle entre les époux jusqu'en 2011. Elles ne font en effet que démontrer que M. [V] [B] n'a pas modifié son adresse postale avant l'année 2011 et que les époux ont continué d'apparaître ensemble comme débiteurs des impôts et de certaines dépenses liées à l'habitation aux yeux de l'administration, mais ne sont pas de nature à faire état d'une réelle cohabitation ni d'une répartition véritable des charges du ménage entre les deux.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la date de cessation de la communauté de vie affective et matérielle entre les époux est celle fixée par le jugement de divorce, soit le 31 août 2008, sur la base des allégations de Mme [Y] [I], corroborées par les déclarations écrites de son époux qu'elle a elle-même produites devant le juge.

Il en résulte comme l'a énoncé le tribunal, que lorsqu'elle a souscrit la déclaration de nationalité française, et signé l'attestation de communauté de vie le 17 juillet 2009 (pièce n°1du ministère public), en invoquant son mariage et sa communauté de vie matérielle et affective avec M. [V] [B], Mme [Y] [I] était séparée de ce dernier.

Elle a donc souscrit la déclaration de nationalité française par fraude, ou à tout le moins mensonge, en invoquant son mariage avec M. [V] [B] pour la fonder sur l'article 21-2 du code civil.

Il y a donc lieu d'annuler l'enregistrement de ladite déclaration.

Mme [Y] [I] n'invoquant sa nationalité française à aucun autre titre, il convient de constater son extranéité.

Sur la nationalité française de l'enfant [K] [I]

L'enfant [K] [I] est titulaire d'un certificat de nationalité française n°CNF47/2011 délivré le 25 mars 2011 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Vanves (Hauts-de-France), dont les appelants fournissent une copie (pièce n°38).

Ledit certificat indique que l'enfant, née le 13 août 2010 à [Localité 6] (Hauts-de-Seine) est française en application de l'article 18 du code civil, sa filiation étant notamment établie à l'égard de Mme [Y] [I], elle-même française en vertu d'une déclaration d'acquisition de la nationalité française souscrite le 17 juillet 2009 au sens de l'article 21-2 du code civil.

Le ministère public qui soutient que ce certificat de nationalité française a été délivré à tort à l'enfant doit en apporter la preuve en application de l'article 30 du code civil.

En vertu de l'article 18 du code civil, applicable à l'intéressée au vu de sa date de naissance, est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français.

En l'espèce, le certificat de nationalité française susmentionné a été délivré à l'enfant [K] [I] au vu de la nationalité française acquise par sa mère, Mme [Y] [I], en vertu de l'article 21-2 du code civil.

C'est donc par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le premier juge a retenu que, Mme [Y] [I] n'étant pas française, le certificat délivré à son enfant [K] [I] en vertu de l'article 18 du code civil l'a été à tort.

Conformément à l'article 30 du code civil, il appartient donc aux appelants de démontrer que l'enfant [K] [I] est française.

Or, ces derniers ne revendiquent la nationalité française de l'enfant à aucun autre titre.

Il y a donc lieu de constater l'extranéité de l'enfant [K] [I].

Les dépens seront supportés par Mme [Y] [I] et M. [A] [H], qui succombent à l'instance.

La demande formée par les appelants au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Déclare l'action du ministère public recevable,

Confirme le jugement,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Rejette la demande formée par Mme [Y] [I] et M. [A] [H] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Y] [I] et M. [A] [H] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/04135
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;22.04135 ?
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