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27/06/2023 | FRANCE | N°22/02967

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 27 juin 2023, 22/02967


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 27 JUIN 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : JONCTION N° RG 22/02967 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFG6U qui a absorbé le numéro de RG : 22/03239)



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 janvier 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/38581





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Madame [O] [W] née le 1er décembre 1978 à [Localité 8] (République du Congo),

[Adresse 4]

[Localité 5]



représentée par Me Solange-Astrid MARLE, avocat au barr...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 27 JUIN 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : JONCTION N° RG 22/02967 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFG6U qui a absorbé le numéro de RG : 22/03239)

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 janvier 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/38581

APPELANTS ET INTIMES :

Madame [O] [W] née le 1er décembre 1978 à [Localité 8] (République du Congo),

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Solange-Astrid MARLE, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN388

Monsieur [Y] [L]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Solange-Astrid MARLE, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN388

INTIME et APPELANT :

Monsieur [D] [A] né le 27 décembre 1979 à [Localité 9] (Bouches-du-Rhône),

[Adresse 1]

[Localité 11]

représenté par Me Francine HAVET, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : D1250

assisté de Me Yohanna WEIZMANN, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : G242

PARTIE INTERVENANTE :

Madame [Z] [N] agissant en qualité d'administratrice ad'hoc aux fins de représenter l'enfant [P], [M] [A] né le 18/11/2016 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me Carole SULLI, avocat du barreau de PARIS, toque C2619

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2023, en chambre du conseil, les avocats des parties et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service civil

[Adresse 2]

[Localité 7]

représenté à l'audience par Madame Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Le 19 novembre 2016, l'enfant [P], [M] [A] a été inscrit sur les registres de l'état civil de la mairie de [Localité 11], comme étant né le 18 novembre 2016 d'[D], [S], [V] [A], né le 27 décembre 1979 à [Localité 9] (Bouches-du-Rhône), et de [O] [W], née le 1er décembre 1978 à [Localité 8] (République du Congo), qui l'ont reconnu le 23 juin 2016 devant l'officier d'état civil de [Localité 11].

Par acte d'huissier de justice en date du 2 octobre 2018, M. [Y], [H], [G] [L], né le 1er octobre 1965 à [Localité 12] (Québec, Canada), de nationalité française, et Mme [O] [W], de nationalité congolaise, agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de l'enfant mineur [P] [A], ont assigné M. [D] [A], de nationalité française, devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins de contester la paternité de ce dernier et d'établir la paternité de M. [Y] [L] à l'égard de l'enfant.

Par jugement mixte rendu le 15 octobre 2019, le tribunal a notamment :

- reçu Mme [Z] [N], ès qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant [P],

- déclaré Mme [O] [W] et M. [Y] [L] recevables en leur action en contestation de paternité de M. [D] [A] à l'égard de [P],

- déclaré M. [Y] [L] irrecevable en son action en établissement de paternité,

- dit Mme [Z] [N] et Mme [O] [W] recevables en leur action en établissement de paternité,

- ordonné une expertise comparative des empreintes génétiques de [P], M. [D] [A] et M. [Y] [L].

Le 16 novembre 2020, l'expert a déposé son rapport indiquant que la paternité de M. [D] [A] était exclue et que la probabilité de paternité de M. [Y] [L] à l'égard de [P] [A] est supérieure à 99,9999 %.

Par jugement rendu le 11 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

- Dit que M. [D], [S], [V] [A], né le 27 décembre 1979 à [Localité 9] (Bouches-du-Rhône), n'est pas le père de l'enfant [P], [M] [A], né le 18 novembre 2016 à [Localité 11] de [O] [W], née le 1er décembre 1978 à [Localité 8] (République du Congo) ;

- Annulé la reconnaissance effectuée le 23 juin 2016 par M. [D], [S], [V] [A], né le 27 décembre 1979 à [Localité 9] (Bouches-du-Rhône) devant l'officier d'état civil de [Localité 11] à l'égard de l'enfant à naître de Mme [O] [W], née le 1er décembre 1978 à [Localité 8] (République du Congo);

- Ordonné la mention de ces dispositions en marge de l'acte naissance de [P], [M] [A], né le 18 novembre 2016 à [Localité 11], dressé le 19 novembre 2016 à [Localité 11] sous le n°3089, et en marge de son acte de reconnaissance dressé par l'officier d'état civil de [Localité 11] le 23 juin 2016 ;

- Dit que M. [Y], [H], [G] [L], né le 1er octobre 1965 à [Localité 12] (Québec, Canada) est le père de l'enfant [P], [M] [A], né le 18 novembre 2016 à [Localité 11] de [O] [W], née le 1er décembre 1978 à [Localité 8] (République du Congo) ;

- Dit que l'enfant portera désormais le nom "[W] [L]" ;

- Ordonné la mention de ces dispositions en marge de l'acte naissance de [P], [M] [A], né le 18 novembre 2016 à [Localité 11], dressé le 19 novembre 2016 à [Localité 11] sous le n°3089 ;

- Dit que M. [Y] [L] et Mme [O] [W] exerceront conjointement l'autorité parentale sur l'enfant [P] ;

- Dit que M. [D] [A] disposera d'un droit de visite et d'hébergement organisé comme suit :

+ En période scolaire : la deuxième fin de semaine de chaque mois, et le cas échéant la 5ème fin de semaine de chaque mois, du vendredi soir, sortie de classe, au lundi matin, retour à l'école ;

+ Durant les périodes de petites vacances scolaires de Noël et de Pâques, la première moitié des vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires ;

+ Durant les périodes de grandes vacances scolaires, la première semaine des vacances scolaires les années paires et la première semaine de la deuxième moitié de ces vacances les années impaires ;

À charge pour lui de venir chercher l'enfant ou de faire venir le chercher par un tiers de confiance ainsi que de le ramener ou de le faire ramener par un tiers de confiance à l'école ou au domicile des parents pendant les vacances scolaires ;

- Condamné Mme [O] [W] à payer à M. [D] [A] la somme de 5.000 (cinq mille) euros en réparation de son préjudice moral ;

- Débouté les parties pour le surplus de leurs demandes ;

- Dit que Mme [O] [W] et M. [Y] [L] conserveront la charge des dépens, comprenant les frais de l'expertise judiciaire et ceux liés à la désignation de l'administrateur ad hoc pour l'enfant ;

- Débouté M. [D] [A] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 7 février 2022, Mme [O] [W] et M. [Y] [L] ont interjeté appel du jugement rendu le 11 janvier 2022 en ce qu'il a accordé un droit de visite à M. [D] [A] (RG 22/02967).

Par ordonnance de jonction en date du 10 mars 2022, le magistrat chargé de la mise en état a joint les procédures inscrites au rôle sous les numéros 22/02967, N° RG 22/02968 et N° RG 22/03729 sous le numéro 22/02967.

Le 9 février 2022, M. [D] [A] a également interjeté appel du jugement rendu le 11 janvier 2022 en ce qu'il a organisé son droit de visite selon certaines modalités, condamné Mme [O] [W] à lui verser 5000 euros à titre de dommages-intérêts et débouté de ses autres demandes (RG 22/03239).

Par dernières conclusions notifiées le 3 mai 2022 (RG 22/02967) et le 5 août 2022 (RG 22/03239), Mme [O] [W] et M. [Y] [L] demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 11 janvier 2022 en ce qu'il a accordé un droit de visite et d'hébergement à M. [A],

Statuant à nouveau,

- Rejeter toute demande de droit de visite et d'hébergement sur l'enfant [P],

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 11 janvier 2022 pour le surplus.

Par conclusions notifiées le 25 juillet 2022 (RG 22/02967) et le 1er août 2022 (RG 22/03239), M. [A] demande à la cour de :

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit que M. [D] [A] disposera d'un droit de visite et d'hébergement organisé comme suit :

+ En période scolaire : la deuxième fin de semaine de chaque mois, et le cas échéant la 5ème fin de semaine de chaque mois, du vendredi soir, sortie de classe, au lundi matin, retour à l'école ;

+ Durant les périodes de petites vacances scolaires de Noël et de Pâques, la première moitié des vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires ;

+ Durant les périodes de grandes vacances scolaires, la première semaine des vacances scolaires les années paires et la première semaine de la deuxième moitié de ces vacances les années impaires ;

À charge pour lui de venir chercher l'enfant ou de faire venir le chercher par un tiers de confiance ainsi que de le ramener ou de le faire ramener par un tiers de confiance à l'école ou au domicile des parents pendant les vacances scolaires ;

- Condamné Mme [O] [W] à payer à M. [D] [A] la somme de 5 000 (cinq mille) euros en réparation de son préjudice moral ;

- Débouté les parties pour le surplus de leurs demandes ;

- Débouté M. [D] [A] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

- Avant dire droit, ordonner une mesure d'expertise médico-psychologique;

- Désigner tel expert inscrit sur la liste établie par la cour d'appel de Paris qui lui plaira pour y procéder avec pour mission :

° De rencontrer les parties à l'instance et d'entendre [P], de recueillir des informations circonstanciées notamment sur les aspects psychologiques de la famille, les répercussions psychologiques sur [P],

° Faire toute proposition sur les modalités du maintien du lien avec M. [A] et des modalités de fixation de résidence alternée ou de droit de visite et d'hébergement,

- Juger que l'expert devra déposer son rapport dans un délai de trois mois à compter de la consignation,

Sous réserve des conclusions du rapport d'expertise, juger que M. [A], sauf meilleur accord, bénéficiera d'un droit de visite qui s'exercera selon les modalités suivantes

A titre principal, ordonner le maintien de la résidence alternée telle que prévue dans la convention fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale :

+ Durant les périodes scolaires, les semaines paires calendaires du mercredi sortie de classe au lundi matin rentrée de classe ;

+ Durant les périodes de grandes vacances scolaires, la première quinzaine des mois de juillet et août les années paires, et la seconde quinzaine des mois de juillet et août les années impaires ;

+ Durant les périodes de petites vacances scolaires, la première moitié des vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires ;

Il reviendra au père de venir chercher l'enfant ou de faire venir le chercher par un tiers de confiance ainsi que de le ramener ou de le faire ramener par un tiers de confiance à l'école ou au domicile de la mère pendant les vacances scolaires.

Par dérogation à l'organisation ci-dessus convenue :

Chacun des parents accueillera l'enfant le jour de la fête des mères de la fête des pères, de 10 heures à 19 heures pour la fête qui le concerne ;

L'enfant passera le jour de son anniversaire avec sa mère les années paires et avec son père les années impaires.

- Fixer la prise en charge par moitié des frais relatifs à la scolarité de l'enfant sous réserve d'un accord entre les parties sur les établissements fréquentés par [P].

- Chaque partie prendra à sa charge les frais afférents à sa période d'hébergement

À titre subsidiaire, fixer la résidence de [P] au domicile maternel et mettre en place un droit de visite et d'hébergement au profit de Monsieur [A] tel qu'il suit:

+ En période scolaire : les fins de semaine paires du vendredi soir, sortie de classe, au lundi matin ;

+ Durant les périodes de petites vacances scolaires, la première moitié des vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires ;

+ Durant les périodes de petites vacances scolaires, la première moitié des vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires ;

- Fixer la prise en charge par moitié des frais relatifs à la scolarité de l'enfant sous réserve d'un accord entre les parties sur les établissements fréquentés par [P] :

Chaque partie prendra à sa charge les frais afférents à sa période d'hébergement ;

À titre infiniment subsidiaire, fixer la résidence de [P] au domicile maternel et mettre en place un droit de visite et d'hébergement au profit de M. [A] tel qu'il suit:

+ En période scolaire : la deuxième fin de semaine de chaque mois, du vendredi soir, sortie de classe, au lundi matin, retour à l'école ;

+ Durant les périodes de petites vacances scolaires de Noël et de Pâques, la première moitié des vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires ;

+ Durant les périodes de grandes vacances scolaires, les deux premières semaines des vacances scolaires les années paires et les deux premières semaines de la deuxième moitié de ces vacances les années impaires ; à charge pour lui de venir chercher l'enfant ou de faire venir le chercher par un tiers de confiance ainsi que de le ramener ou de le faire ramener par un tiers de confiance à l'école ou au domicile des parents pendant les vacances scolaires ;

En tout état de cause :

- Débouter Mme [W] et M. [L] de toutes leurs demandes fins et conclusions contraires aux présentes ;

- Condamner Mme [W] à verser à M. [A] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Condamner les intimés au paiement de la somme de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens d'instance ;

- Réserver les dépens ;

Par conclusions notifiées le 31 juillet 2022 (RG 22/02967), Mme [Z] [N] demande à la cour de :

- Déclarer Mme [Z] [N], ès qualités d'administrateur ad hoc de [P] [W] [L], recevable en ses présentes écritures ;

- Statuer ce que de droit au regard de l'intérêt supérieur de [P] [W] [L] concernant la demande d'expertise médico-psychologique sollicitée par M. [A] avant dire droit, constatant que Mme [N] ès qualités d'administrateur ad hoc de [P] [W] [L] n'y est pas opposée ;

- Statuer ce que de droit sur les dépens.

Par ordonnances du conseiller de la mise en état en date du 10 janvier 2023, la clôture a été prononcée dans chacun des dossiers.

MOTIFS

Sur la jonction

Aux termes de l'article 367 du code civil, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

M. [D] [A] d'une part, et Mme [O] [W] et M. [Y] [L] d'autre part, ont interjeté appel du même jugement.

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient en conséquence d'ordonner la jonction des deux procédures sous le numéro RG 22/02967. La cour retiendra les conclusions des parties les plus récentes.

Sur la demande avant-dire droit d'expertise

Moyens des parties

M. [D] [A] considère que [P] est perturbé par les propos de Mme [O] [W] selon lesquels il ne le rencontrera plus, cette dernière cherchant à l'effacer de la vie de l'enfant. Il rappelle que Mme [O] [W] a indiqué à [P] que M. [Y] [L] était son père, sans concertation, le plaçant dans une situation d'incompréhension. Il soutient que [P] doit pouvoir être entendu afin de comprendre les places occupées par M. [Y] [L] et lui-même, que [P] est placé au c'ur d'une bataille dans laquelle Mme [O] [W] ne semble pas prendre en considération l'intérêt de son fils. Il fait valoir que [P] est très inquiet et perturbé par cette situation.

Mme [O] [W] et M. [Y] [L] considèrent que c'est le déni dont M. [D] [A] fait preuve face à la remise en cause de sa paternité qui attise le conflit, que M. [D] [A] a d'ailleurs refusé jusqu'en juillet 2021 de leur remettre le passeport de l'enfant, les empêchant de voyager avec l'enfant afin de rendre visite à leurs familles, qu'il s'est présenté au moins jusqu'en mars 2022 comme le père de l'enfant vis-à-vis de tiers, et demande encore à l'enfant de l'appeler « Papa » créant ainsi une situation de confusion chez ce dernier. Ils soutiennent que [P] va bien, et que la demande de M. [D] [A] d'ordonner une expertise a pour objectif de répondre à ses propres angoisses.

Mme [N] estime qu'au regard des positionnements opposés entre d'une part, Mme [O] [W] et M. [Y] [L] et d'autre part, M. [D] [A], et afin d'éviter toute difficulté ultérieure, il pourrait être utile qu'une mesure d'expertise soit diligentée, afin d'éclairer au mieux la Cour sur le nécessaire maintien ou non des relations entre [P] et M. [D] [A]. Elle souligne qu'il est important que la décision à intervenir ne place pas l'enfant dans un quelconque conflit de loyauté, qui pourrait être néfaste à sa construction.

Réponse de la cour

[P] est désormais âgé de 6 ans et demi. En novembre 2020, lorsque le rapport d'expertise génétique a établi que M. [D] [A] n'était pas son père, il était âgé de 4 ans.

Il n'est pas contesté qu'il vit avec Mme [O] [W] au domicile de M. [Y] [L] depuis le 1er décembre 2017, ces derniers s'étant mariés le 20 juin 2020 à [Localité 10].

Ainsi, depuis 2 ans et demi, [P] vit au côté de sa mère et de M. [Y] [L] dont la paternité a été démontrée par l'expertise puis établie par jugement du 11 janvier 2022.

Mme [O] [W] et M. [Y] [L] produisent plusieurs attestations des filles de ce dernier ainsi que de parents de camarades de [P] témoignant de son intégration au sein de leur famille, de la place prise par M. [Y] [L] et relatant les activités effectuées par [P] avec ses parents et ses camarades.

Pour justifier sa demande d'expertise, M. [D] [A] produit notamment une attestation de sa tante et de son frère qui relatent les propos de [P] en juin 2020 qui évoquait « la disparition de M. [D] [A] » et en janvier 2022 sur le risque de ne plus les voir.

Si les propos relatés par la famille de M. [D] [A] témoignent des questionnements de [P] sur les conséquences de son changement de filiation paternelle, ils ne peuvent suffire à établir un mal être profond et justifier une expertise médico-psychologique.

Au contraire, il ressort du mail adressé par M. [D] [A] aux familles de l'école en mars 2022, deux mois après la décision ayant annulé sa filiation à l'égard de [P], qu'il se présentait encore comme son père, subissant l'attitude de « la mère de mon fils [qui] exige que [P] coupe définitivement les liens avec moi et ma famille ». Ces propos traduisent son refus d'abandonner sa place de père et risquent d'alimenter le conflit et les difficultés éventuelles de l'enfant à se positionner entre lui et ses parents.

Mme [O] [W] et M. [Y] [L] produisent par ailleurs une attestation du 26 avril 2022, de Mme [O] [B], psychologue, qui atteste avoir reçu [P] à la demande de ses parents en entretiens psychologiques et que « des consultations parents-enfants avec l'ensemble des adultes du système familial actuel de [P] pourraient être indiquées dans des espaces d'entretiens différenciés ».

Enfin, il convient de relever que M. [D] [A] qui sollicite l'expertise n'a produit aucune pièce récente permettant à la cour d'apprécier l'évolution de [P] depuis la décision de première instance et la réalité des allégations sur le conflit de loyauté qu'il avait déjà soulevé devant les premiers juges.

En conséquence, dès lors qu'il n'est pas démontré que [P] rencontre des difficultés particulières à la suite du jugement anéantissant la filiation de M. [D] [A] et établissant celle de M. [Y] [L], le jugement qui a rejeté la demande d'expertise médico-psychologique est confirmé.

Sur les droits de visite et d'hébergement de M. [D] [A]

Moyens des parties

Mme [O] [W] et M. [Y] [L] soutiennent que M. [D] [A] a un comportement préjudiciable pour [P] en refusant de respecter leur place de parents légaux et en se présentant encore comme son père en privé et publiquement. Ils estiment à cet égard qu'il existe un risque non négligeable qu'il se permette de prendre seul des décisions relatives à la santé ou la sécurité de l'enfant sans les en avertir.

Ils font valoir que le maintien d'un droit de visite et d'hébergement au profit de M. [D] [A] risque d'avoir un impact négatif à moyen et long terme sur l'épanouissement de [P], l'empêchant de vivre dans la vérité de son identité.

Ils concluent qu'en application des dispositions de l'article 3§1 de la convention relative aux droits de l'enfant, aucun droit de visite et d'hébergement ne doit être accordé à M. [D] [A].

Pour sa part, M. [D] [A] allègue qu'au regard de l'article 371-4 alinéa 2 du code civil et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 12 nov. 2020, req. n°19511/16), le maintien des liens entre [P] et lui doit être préservé au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, dès lors que des « liens affectifs durables ont été noués » (Cass. Civ 1ère, 24 juin 2020, pourvoi n°19-15.198).

Il indique qu'il a toujours cru être le père biologique de [P], que le spermogramme versé aux débats démontre qu'il avait la possibilité de concevoir un enfant, que c'est dans le dessein d'augmenter ses chances de conception qu'il a subi une opération, qu'il a eu des relations sexuelles avec Mme [O] [W] dans les semaines suivant l'opération et que [P] est un enfant qui était désiré dans le cadre d'un véritable projet commun.

Il rappelle qu'après la séparation du couple fin 2017, [P] a résidé exclusivement chez lui plus d'un mois du 13 avril au 13 mai 2018, car Mme [O] [W] était partie à l'étranger avec M. [Y] [L], que [P] a grandi avec une figure paternelle unique, qu'il l'appelle « papa » depuis presque 6 ans, et que [P] a non seulement créé et maintenu des liens affectifs durables avec lui mais également avec sa famille, qu'il a toujours pourvu à l'éducation et à l'entretien de [P] et qu'il serait donc impensable de réduire à un week-end par mois, ses rencontres, au regard de l'intérêt de l'enfant.

Il affirme qu'il est dans l'intérêt supérieur de [P] de maintenir cet équilibre afin que ce dernier ne se retrouve pas privé brutalement de celui qu'il considère comme son père et qui à présent demeure un lien affectif nécessaire, fort et structurant.

Il fait en outre valoir la convention signée, puis homologuée le 24 juin 2019 lui garantissant un droit de visite et d'hébergement.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 337 du code civil, lorsqu'il accueille l'action en contestation, le tribunal peut, dans l'intérêt de l'enfant, fixer les modalités des relations de celui-ci avec la personne qui l'élevait.

C'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu, pour fixer un droit de visite et d'hébergement au profit de M. [D] [A] que ce dernier s'était investi dans la vie de [P] dès sa naissance en tant que père, que [P] avait été considéré comme son fils et s'était intégré à sa famille, qu'à la suite de la séparation de M. [D] [A] et Mme [O] [W], [P] avait été élevé par ces derniers, alternant entre leurs domiciles, et que M. [D] [A] et Mme [O] [W] avaient signé le 18 mars 2019 une convention relative aux modalités d'exercice de l'autorité parentale et ce alors même que la procédure en contestation de paternité était déjà engagée.

Si dans un premier temps, M. [D] [A] et Mme [O] [W], malgré leur séparation puis en dépit de la procédure en contestation de paternité ont trouvé un accord afin de maintenir des liens entre [P] et M. [D] [A], leur position sont désormais antagonistes, M. [D] [A] sollicitant une résidence alternée à l'image de celle qui avait été organisée par la convention parentale et Mme [O] [W] la suppression de tout droit de visite et d'hébergement au profit de M. [D] [A]. Ces demandes qui traduisent pour M. [D] [A] sa volonté de se positionner comme père de l'enfant et pour Mme [O] [W] sa volonté d'effacer le passé ne tiennent pas compte de l'intérêt supérieur de [P]. Ce dernier, doit tout à la fois pouvoir s'inscrire dans sa nouvelle filiation et la nouvelle famille crée par Mme [O] [W] avec M. [Y] [L], et maintenir un lien avec M. [D] [A] qui a été sa première figure paternelle.

Les pièces produites par les parties, si elles révèlent l'existence de tensions entre M. [D] [A] et Mme [O] [W] notamment au cours du premier trimestre 2022, à la suite de la décision des premiers juges, ne démontrent pas que les modalités prévues par ces derniers ne conviennent pas à [P] et sont contraires à son intérêt. Il convient par conséquent de maintenir les modalités de rencontre entre [P] et M. [D] [A], étant rappelé que ce dernier n'exerce pas l'autorité parentale sur l'enfant et ne peut en conséquence interférer sur les décisions prises par Mme [O] [W] et M. [Y] [L] à cet égard.

Le jugement est confirmé sur les modalités de droit de visite et d'hébergement de M. [D] [A].

Sur la demande de dommages-intérêts

Moyens des parties

M. [D] [A] sollicite la somme de 20000 euros à titre de dommages-intérêts en alléguant que Mme [O] [W] était parfaitement au courant de la réelle filiation de [P] et a délibérément choisi de procéder à une fausse inscription sur les actes d'état civil et de lui cacher la réalité. Il fait valoir un préjudice moral important lié à la perte de sa paternité.

Mme [O] [W] et M. [Y] [L] concluent au rejet de la demande de M. [D] [A], rappelant que Mme [O] [W] ayant entretenu une relation avec M. [Y] [L] alors qu'elle était encore en couple avec M. [D] [A], a eu un doute sur l'identité du père, mais a ensuite souhaité faire établir la vérité lorsqu'elle s'est séparée de M. [D] [A] et s'est installée avec M. [Y] [L].

Réponse de la cour

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

M. [Y] [L] et Mme [O] [W] n'ont pas interjeté appel du jugement en ce qu'il les a condamnés à verser à M. [D] [A] la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral.

C'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que pendant près de deux ans à compter de sa grossesse, Mme [O] [W] a laissé croire à M. [D] [A] qu'il était le père de [P] et que l'anéantissement de la paternité de M. [D] [A] qui s'était investi dans son rôle de père lui causait un préjudice affectif qu'il convenait d'indemniser à hauteur de 5000 euros.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Les dépens sont partagés par moitié.

Compte tenu de la nature du litige qui oppose les parties, en équité, il n'y a pas lieu d'allouer à M. [D] [A] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des procédures pour être suivies sous le numéro RG 22/02967,

Confirme le jugement,

Déboute M. [D] [A] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [D] [A] d'une part, et Mme [O] [W] et M. [Y] [L] d'autre part, aux dépens par moitié.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/02967
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;22.02967 ?
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