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22/06/2023 | FRANCE | N°20/10963

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 22 juin 2023, 20/10963


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 22 JUIN 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10963 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFD2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 mai 2020 - Tribunal de proximité de SUCY EN BRIE - RG n° 11-19-000768





APPELANT



Monsieur [P] [G]

[Adresse 2]

[Localité

5]



représenté et assisté de Me Mathieu REBBOAH, avocat au barreau de PARIS, toque : E1740





INTIMÉE



La société VEOLIA EAU D'ILE DE FRANCE, SNC prise en la personne de son représenta...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10963 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFD2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 mai 2020 - Tribunal de proximité de SUCY EN BRIE - RG n° 11-19-000768

APPELANT

Monsieur [P] [G]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté et assisté de Me Mathieu REBBOAH, avocat au barreau de PARIS, toque : E1740

INTIMÉE

La société VEOLIA EAU D'ILE DE FRANCE, SNC prise en la personne de son représentant légal audit siège domicilié

N° SIRET : 524 334 943 00502

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Ophanie KERLOC'H

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [P] [G] propriétaire d'un pavillon sis [Adresse 3] à [Localité 6] (94) de 2007 à 2017, était abonné pour son approvisionnement d'eau auprès de la société Veolia.

Entre le 1er octobre 2014 et le 24 octobre 2017, la société Veolia a émis plusieurs factures concernant le compteur D13MA280264 pour une consommation d'eau jusqu'à un index 224 au 5 octobre 2016 lequel n'a plus bougé ensuite, les factures suivantes faisant apparaître une consommation nulle.

Le 26 janvier 2018, elle a émis une facture prenant en compte une consommation de 1 618 m³ correspondant à la différence entre un index 224 et un index 1 842 relevé le 24 octobre 2018 par un technicien et portant sur une somme de 8 279,38 euros correspondant à une consommation de 1 618 m³.

Par courrier du 30 janvier 2018, M. [G] a contesté être redevable de cette somme et a soutenu que le bien n'avait pas été habité de juin 2015 à août 2017 puis ayant été vendu le 11 août 2017.

Par courrier du 12 septembre 2018, la société Veolia a maintenu sa demande en indiquant que le compteur avait été remplacé le 24 octobre 2017 et que l'index avait été relevé à cette occasion.

Par acte du 18 avril 2019, la société Veolia a fait assigner M. [G] devant le tribunal de proximité de Sucy-en-Brie lequel, par jugement réputé contradictoire du 14 mai 2020, l'a condamné à payer à la société Veolia la somme de 8 279,38 euros correspondant aux consommations jusqu'à la date de résiliation du contrat avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation outre une somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Le tribunal a considéré que la société Veolia qui produisait les factures, la fiche d'intervention du technicien du 24 octobre 2017 relevant l'index 1 842 et ne signalant aucune anomalie sur l'installation et les échanges de courriers des parties justifiait du bien-fondé de sa demande et qu'il appartenait au défendeur de rapporter toute preuve contraire mais qu'étant absent, il ne le faisait pas.

Par déclaration faite par voie électronique le 27 juillet 2020, M. [G] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 octobre 2020, il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau de rejeter toutes les demandes de la société Veolia,

- à titre reconventionnel, de dire que la société Veolia ne l'a pas informé de l'augmentation anormale de sa consommation d'eau, qu'elle a commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles et de la condamner à lui payer une somme de 8 279,38 euros correspondant au préjudice moral et financier subi,

- à titre subsidiaire, de dire qu'il n'est redevable que des consommations d'eau pour la période allant du 4 au 24 octobre 2017, de fixer sa consommation moyenne trimestrielle d'eau à 16,25 m³ et à 64,90 euros et de le condamner à payer la seule somme de 14,37 euros au titre de la consommation d'eau pour la période allant du 4 au 24 octobre 2017,

- en tout état de cause, de condamner la société Veolia à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.

Il fait valoir que c'est à la société Veolia qu'il appartient de prouver qu'il a bien consommé 1 618 m³ pour la période du 4 au 24 octobre 2017 ce qu'elle ne fait pas, que la confrontation des deux factures successives montre que la facturation est erratique, que les factures à zéro montrent qu'il n'habitait plus là que la facturation fait état d'une consommation totalement anormale sur 20 jours.

Il rappelle qu'en application des dispositions de l'article L. 2224-12-4 III bis du code général des collectivités territoriales, le fournisseur d'eau qui constate une consommation anormale d'eau qui correspond au double du volume d'eau moyen consommé lors des 3 dernières années, doit informer son client, au plus tard lors de l'envoi de la facture d'eau et fait valoir que la société Veolia ne l'a pas informé de cette augmentation brutale et importante et s'est contentée de lui envoyer la facture. Il souligne que cette augmentation aurait dû l'alerter et l'obliger à procéder à des vérifications quant au fonctionnement du compteur d'eau dans la mesure où il était passé d'une consommation d'eau de 0 m3 au cours de l'année précédente à une consommation de 1 168 m³ sur une période de 20 jours (du 4 au 24 octobre 2017) et qu'en ne le faisant pas elle a commis une grave faute engageant sa responsabilité contractuelle. Il estime son préjudice à la somme de 8 279,38 euros qui lui a été injustement réclamée.

Il ajoute que si le compteur fonctionnait normalement et si seul le module de transmission du comptage d'eau était défaillant, rien n'explique le changement du compteur intervenu à l'initiative de la société Veolia qui a outre procédé à sa destruction, empêchant ainsi toute vérification de son fonctionnement. Il souligne que la preuve du dysfonctionnement résulte de l'importance même de la prétendue consommation relevée à rapprocher des volumes relevés de 195m3 entre le 1er octobre 2014 et le 4 octobre 2017 représentant une consommation moyenne de 16,25 m³ par trimestre.

Il fait encore valoir que les réclamations de la société Veolia sont incohérentes, le montant de la facture du 26 janvier 2018 étant supérieur à celle du 5 janvier 2018 alors même qu'elle concerne une période plus courte. Il souligne qu'en outre il existe une différence entre les deux factures quant au volume d'eau prétendument consommé puisque la facture du 5 janvier 2018 fait mention d'un volume de 1 637 m3 alors que celle du 26 janvier 2018 fait état quant à elle de 1 618 m³.

Il explique l'absence de consommation par son absence des lieux depuis juin 2015 et ce jusqu'à la vente du 20 août 2017 et soutient avoir déménagé à [Localité 7].

A titre subsidiaire, il soutient qu'il ne peut lui être réclamé plus que la consommation moyenne de 16,25 m³ par trimestre soit 0,71 euros par jour et se fonde sur les données du site internet de la société Veolia qui mentionne un prix moyen de l'eau à 3,98 euros le m³.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 31 décembre 2020, la société Veolia demande à la cour de déclarer M. [G] mal fondé en son appel, de l'en débouter, de confirmer le jugement et de condamner M. [G] à lui payer 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la somme de 8 279,38 euros correspond non à la consommation du 4 au 24 octobre 2017 mais à la période allant du 1er octobre 2014 au 24 octobre 2017, telle qu'elle a été relevée au compteur.

Elle soutient que c'est le module de télé-relevé qui sert à la transmission automatique des relevés d'index qui est tombé en panne en octobre 2016, ce qui a généré des factures sans consommation correspondant uniquement aux frais d'abonnement, affirme que le compteur lui-même n'a jamais cessé de fonctionner ce qui résulte du compte-rendu du technicien et souligne que M. [P] [G] ne justifie aucunement avoir quitté les lieux et laissé un pavillon vide. Elle soutient que les quantités consommées déterminées par les index d'un compteur bénéficient d'une présomption d'exactitude et que c'est à l'abonné, s'il conteste ces quantités, de renverser cette présomption. Elle précise qu'il est impossible de ne changer que le module de télé-relevé ce qui explique qu'elle a dû changer le compteur.

Elle ajoute qu'il importe peu qu'elle ait émis une première facture de 8 260,90 euros le 5 janvier 2018, qui a été remplacée après annulation par une nouvelle facture en date du 26 janvier 2018 de 8 279,38 euros correspondant à un réajustement du volume consommé du fait de l'arrêt du contrat au 24 octobre 2017 alors que la facture du 5 janvier 2018 couvrait la consommation jusqu'au 4 janvier 2018 suite à l'arrivée d'un nouvel occupant. Elle précise qu'elle ne connaissait pas la nouvelle adresse de M. [G] et qu'elle a donc régularisé le 26 janvier 2018.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 9 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'examen des factures montre que le coût réclamé par la société Veolia à M. [P] [G] concerne le compteur D13MA280264 passé d'un index 29 le 2 avril 2015 à un index 224 le 5 octobre 2016, qui n'a plus bougé ensuite, les factures suivantes faisant apparaître une consommation nulle jusqu'à une première facture du 5 janvier 2018 émise à hauteur de 8 260,90 euros en raison d'un index passé de 224 à 1 842 le 24 octobre 2017 correspondant donc à une consommation de 1 618 m³ pour ce compteur outre la consommation d'un nouveau compteur posé à cette date n° I17KAD08134 et ce jusqu'au 4 janvier 2018 pour 19m3.

Le 26 janvier 2017, la société Veolia a émis une seconde facture qui est la seule dont elle demande le remboursement pour un montant supérieur à la précédente alors qu'elle ne prenait en compte que la seule consommation de 1 618 m3 du compteur D13MA280264.

Elle explique l'écart important entre les index 224 au 5 octobre 2016 et 1 842 le 24 octobre 2017 par une panne du module de télé-relevé. Elle produit une fiche d'intervention qui mentionne curieusement que le nouvel occupant demande le « remplacement du compteur non équipé de TLR », le motif de remplacement noté par le technicien étant un « déploiement Téléo ». Le technicien ne fait pas mention d'une panne de module et considère qu'il n'y a pas d'anomalie. Ceci est donc contraire à la version de la société Veolia qui soutient qu'il existait une anomalie sur le module de télé-relevé. Le compteur a été changé et n'a pas été conservé ce qui interdit toute vérification.

Suivre l'argumentation de la société Veolia reviendrait à considérer :

- qu'entre le 5 octobre 2016 date jusqu'à laquelle l'index augmentait régulièrement et avait atteint un index de 229 et le 24 octobre 2017, date à laquelle il avait atteint un index de 1 842, M. [G] aurait consommé 1 618 m³ en à peine plus d'un an soit une moyenne de 134,84 m3 par mois,

- alors qu'entre le 2 avril 2015 et le 5 octobre 2016, il a effectivement consommé 195 m³ en 19 mois (index 224 ' index 29) soit 10,27 m³ par mois, ce qui rapporté à une année fait 123,24 m³, ce qui correspond très exactement à la consommation moyenne de 120 m³ annuels telle que mentionnée sur le site de la société Veolia.

Même à supposer que M. [P] [G] ait fait construire une piscine de 5 x10 m d'une profondeur de 2 m et l'ait remplie, ce remplissage n'aurait entraîné qu'une consommation de 100 m³ !

Si la société Veolia ne pouvait prévenir M. [P] [G] avant que de voir le nouvel index, il reste que son attention aurait dû être attirée par le caractère absolument exorbitant d'une telle consommation et en rechercher les causes ce qu'elle n'a manifestement pas fait. Elle a détruit le compteur et ne fournit aucune explication plausible à une telle consommation. Ainsi elle ne peut se prévaloir de la présomption d'exactitude des relevés d'index et ne peut donc prétendre au paiement de la facture et le jugement doit être infirmé sur ce point.

De son côté, M. [G] ne démontre pas que le logement n'était pas habité. Il y a donc lieu de considérer qu'il a bien consommé de l'eau et que sa consommation a été stable.

Sur la période du 5 octobre 2016 au 24 octobre 2017, il a donc consommé 123,24 m³ ce qui n'est contesté par personne. Il y a donc lieu de considérer que sa consommation pour la période suivante qui représente une même durée a été équivalente. La facture du 26 janvier 2018 fait ressortir le prix du m³ d'eau toutes redevances et taxes incluses à 8 279,38 / 1'618 = 5,117 euros. Il y a donc lieu de condamner M. [P] [G] à payer à la société Veolia la somme de 123,24 x 5,117 = 630,32 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 18 avril 2019.

La contestation de M. [G] étant fondée, il convient d'infirmer le jugement en ce qui concerne les dépens et la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société Veolia doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 1 000 euros à M. [G] en remboursement de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infime le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne M. [P] [G] à payer à la société Veolia la somme de 630,32 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 18 avril 2019 ;

Condamne la société Veolia à payer à M. [P] [G] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Veolia aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Rejette toute autre demande.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/10963
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;20.10963 ?
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