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22/06/2023 | FRANCE | N°20/09430

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 22 juin 2023, 20/09430


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 22 JUIN 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/09430 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCBL7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 juin 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-19-013668





APPELANTE



La société STANLEY SECURITY FRANCE, S.A.S.U représentée pa

r son président

N° SIRET : 789 367 174 00016

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Denis HUBERT de l'AARPI KADRAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0154



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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/09430 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCBL7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 juin 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-19-013668

APPELANTE

La société STANLEY SECURITY FRANCE, S.A.S.U représentée par son président

N° SIRET : 789 367 174 00016

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Denis HUBERT de l'AARPI KADRAN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0154

INTIMÉ

Monsieur [F], [J] [O]

N° SIRET : 305 659 153 00020

né le 11 octobre 1942 à [Localité 5] (64)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Ophanie KERLOC'H

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Stanley Security France a notamment pour activité la fourniture de prestations de télésurveillance et de sécurité.

M. [F] [O], entrepreneur individuel spécialisé dans la restauration de meubles, a souscrit le 14 janvier 2016 un contrat de location et d'abonnement de services n° 4050170 relatif à des prestations de télésurveillance pour une durée de 48 mois, jusqu'au 28 février 2020, renouvelable par tacite reconduction annuelle à défaut de résiliation par l'une des parties trois mois avant son expiration par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le montant de la redevance a été fixé à 47 euros HT à la date de signature du contrat puis à 50,83 euros HT.

M. [O] a cessé à compter du mois de mai 2017 de s'acquitter régulièrement des mensualités et ce malgré délivrance d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 31 décembre 2018.

Saisi le 17 octobre 2020 par la société Stanley Security France d'une demande tendant principalement à la condamnation de M. [O] au paiement d'une somme de 2 742,40 euros TTC au titre du règlement des factures, d'une indemnité légale forfaitaire et d'une majoration de 10 %, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 12 juin 2020 auquel il convient de se reporter, a :

- prononcé l'annulation du contrat pour dol sur le fondement de l'article 1137 du code civil,

- condamné la société Stanley Security France à rembourser à M. [O] la somme de 713,40 euros avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation, outre à lui payer la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le tribunal a principalement retenu que le contrat signé initialement était renouvelable tous les ans, que durant l'année 2016, un représentant de la société de télésurveillance a fait souscrire à M. [O] un nouveau contrat sans lui signaler expressément que la durée de ce nouveau contrat était de 48 mois. Il a considéré que compte tenu de l'âge et la santé de M. [O], à savoir 74 ans, sur le point de prendre sa retraite et atteint de problèmes de santé engendrant des pertes de mémoire, il convenait de dire qu'il avait été victime de dol c'est-à-dire d'une erreur provoquée par la dissimulation de la durée nouvelle de 48 mois au lieu de la durée contractuelle habituelle égale à une année.

Par une déclaration enregistrée le 15 juillet 2020, la société Stanley Security France a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 24 septembre 2020, l'appelante demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- de constater que la résiliation du contrat est intervenue de plein droit aux torts de M. [O],

- de le condamner à lui payer la somme de 2 742,40 euros TTC assortie des intérêts taux de trois fois le taux légal à compter du 31 décembre 2018,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts échus,

- de le condamner aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'à la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste avoir commis une quelconque réticence dolosive et indique que la durée du contrat est clairement indiquée dans les conditions particulières. Elle estime que si M. [O] produit des pièces médicales, il ne résulte absolument pas de celles-ci qu'il souffrait de quelconques troubles en 2016, qu'il n'a arrêté son activité qu'en 2017 comme cela ressort des attestations de ses clients et que le fait d'affirmer qu'il était dans l'incapacité de contracter ou même de travailler en 2016 est parfaitement faux puisqu'il poursuivait son activité. Elle estime que M. [O] ne rapporte pas la preuve qu'il l'a alertée sur son projet d'arrêt d'activité. Elle ajoute qu'en tout état de cause, si l'on devait considérer qu'elle n'a pas clairement informé l'intimé de la durée d'engagement, ce dernier ne rapporte pas la preuve que ladite durée était un élément déterminant pour lui et qu'il n'aurait pas contracté s'il avait eu connaissance du fait que l'engagement était de 4 ans. Elle conteste toute man'uvre dolosive non prouvée.

Elle sollicite le montant des échéances impayées pour 1 143,71 euros, l'indemnité légale forfaitaire pour frais de recouvrement (article L. 441-6 du code de commerce) soit 40 euros par facture payée en retard et émise à compter du 1er janvier 2013 soit 760 euros, les frais de résiliation calculés à compter de la mise en demeure, soit le 31 décembre 2018 (mensualités à échoir du 31 décembre 18 au 28 février 2020 soit 15 mensualités x 50,83 HT) soit 762,45 euros majorés de 10 % soit 838,69 euros.

Par des conclusions remises le 8 décembre 2020, M. [O] demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- de débouter la société Stanley Security France de l'intégralité de ses demandes,

- y ajoutant, de la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé rappelle qu'il bénéficiait d'un contrat de télésurveillance avec cette société depuis 1997, reconduit chaque année par tacite reconduction. Il explique qu'il était âgé de 74 ans en 2016, qu'il avait comme tout professionnel indépendant anticipé son départ à la retraite, qu'il comptait cesser son activité dans le courant de l'année 2017 comme il l'avait largement indiqué à ses clients et qu'il n'a jamais eu l'intention de contracter à nouveau pour une durée 5 fois supérieure aux contrats régulièrement souscrits antérieurement depuis 19 ans et ce moins d'un an avant son départ à la retraite. Il précise avoir dû faire face à plusieurs épisodes d'ictus amnésique et qu'il n'était plus en capacité ni de travailler ni de contracter.

Il prétend que le commercial de la société n'a obtenu son consentement que par le mensonge en lui vantant le changement du matériel, qu'il n'a pas attiré expressément son attention sur une qualité essentielle du contrat avec augmentation par 5 de la durée du contrat. Il prétend également que contrairement à ce qu'indique l'appelante dans ses écritures d'appel, la durée déterminée de 48 mois ne figure nullement dans un encadré au-dessus de sa signature mais dans les conditions particulières, en très petits caractères, en haut de la page et qu'il résulte d'une simple comparaison de son écriture que ce n'est pas lui qui a rédigé les mentions manuscrites du contrat. Il soutient n'avoir jamais eu l'intention initiale de modifier le contrat en cours qui lui convenait parfaitement et que ce n'est que par suite d'un démarchage dans ses locaux et la promesse d'un matériel nouveau que ce contrat a été signé et s'est substitué à l'ancien.

A titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement, il se prévaut de l'article 1104 du code civil pour affirmer qu'il résulte des circonstances de conclusion du nouveau contrat conclu le 14 janvier 2016, que celui-ci n'a pas été négocié de bonne foi faute pour le démarcheur d'avoir attiré son attention sur la nouvelle durée d'engagement qui était pour la première fois depuis plus de 20 années non pas d'une durée d'un an mais de 4 ans. Il invoque une résolution du contrat aux torts de la société Stanley Security France conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil.

S'agissant de l'indemnité légale forfaitaire issue des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce, il fait observer qu'elle a été introduite le 1er janvier 2013 et que pour que cette disposition soit applicable, il doit obligatoirement en être fait mention dans les conditions générales de vente, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il demande une diminution de la clause pénale à partir du moment où l'obligation a été partiellement exécutée.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience le 10 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'annulation du contrat pour vice du consentement

Au vu de la date du contrat, il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats. Il convient donc d'appliquer les dispositions des articles 1109, 1110 et 1116 du code civil dans leur rédaction applicable à la date du contrat et non celles de l'article 1137 du même code.

Aux termes des articles 1109 et 1110 du code civil, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur la substance de la chose qui en est l'objet.

Selon l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

La copie du contrat dont se prévaut la société Stanley Security France, signé par M. [O] le 14 janvier 2016 en tant qu'entrepreneur individuel et pour les besoins de son activité professionnelle, comporte quatre pages uniquement en recto, de conditions particulières pré-imprimées avec des options cochées ou complétées manuscritement ainsi que dix pages en recto uniquement de conditions générales de vente et de services. Le fait que les mentions manuscrites aient été apposées par le démarcheur de l'entreprise n'est pas en soit critiquable puisqu'il appartient à la société prestataire de fournir à son client une offre de contrat complète avant de recueillir son consentement. La cour constate que les caractères d'imprimerie du contrat sont parfaitement lisibles de même que les mentions portées manuscritement, et notamment la durée de l'engagement de 48 mois qui figure en dernière page des conditions particulières en haut de la page. L'article 14.1 des conditions générales de vente précise que le contrat se renouvellera par tacite reconduction annuelle, à défaut de résiliation par l'une des parties, trois mois avant son expiration par lettre recommandée avec accusé de réception. Une mention en début de contrat précise qu'il s'agit de substituer ces nouvelles dispositions au contrat existant entre les parties.

M. [O] fait état de man'uvres dolosives du démarcheur de la société Stanley Security France, de mensonges de sa part pour lui faire souscrire un contrat d'une durée de 48 mois au lieu du contrat habituel d'une année conclue depuis 1997 et de ne pas avoir attiré son attention sur la nouvelle durée du contrat alors qu'il envisageait de prendre sa retraite dans l'année qui suivait.

Il ne produit aucun élément suffisamment probant visant à étayer ces allégations.

Cependant, M. [O] produit aux débats deux attestations de clients de son entreprise qui indiquent que celui-ci leur avait fait part en 2016 qu'il entendait bientôt mettre un terme à son activité débutée le 14 juin 1974, en raison de problèmes de santé et il justifie avoir été radié du répertoire des métiers au 30 avril 2017. Il communique également un certificat médical de son cardiologue du 26 novembre 2019 attestant de ce qu'il présente un ictus amnésique depuis plusieurs années, que le bilan cardiaque et vasculaire est satisfaisant mais qu'il présente des troubles mnésiques avec inconstance des réponses données au médecin.

Il est acquis que M. [O] bénéficiait d'un contrat de télésurveillance depuis le 30 décembre 1997 pour son entreprise, d'une durée de une année renouvelable chaque année par tacite reconduction, et que la durée du contrat présentait pour lui un caractère déterminant dans la mesure où il avait annoncé dès 2016 son intention de cesser son activité prochainement, cette volonté étant crédible au regard de l'âge de l'intéressé (74 ans) et des problèmes de santé rencontrés. C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que M. [O] avait commis une erreur sur la durée d'engagement de 48 mois au lieu de la durée contractuelle habituelle depuis 19 ans, égale à une année.

Le jugement ayant prononcé l'annulation du contrat doit donc être confirmé en toutes ses dispositions sauf à préciser que l'annulation est fondée sur l'erreur et en ce qu'il a ordonné la restitution à M. [O] des sommes versées au titre du contrat.

La société Stanley Security France qui succombe en cause d'appel supportera les dépens et doit être condamnée à verser la somme de 1 800 euros à M. [O] par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le surplus des demandes des parties est rejeté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement sauf à préciser que le contrat est annulé pour erreur ;

Y ajoutant,

Condamne la société Stanley Security France aux dépens de l'appel ;

Condamne la société Stanley Security France à payer à M. [F] [O] la somme de 1 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/09430
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;20.09430 ?
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