La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2023 | FRANCE | N°21/13733

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 15 juin 2023, 21/13733


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 15 JUIN 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/13733 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDPC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 avril 2021 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-20-011861





APPELANTS



Madame [G] [S]

née le 15 mai 1968

à [Localité 5] (92)

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée et assistée de Me Aurélie GEOFFROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2171





Monsieur [O] [S]

né le 17 février 196...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/13733 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDPC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 avril 2021 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-20-011861

APPELANTS

Madame [G] [S]

née le 15 mai 1968 à [Localité 5] (92)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Aurélie GEOFFROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2171

Monsieur [O] [S]

né le 17 février 1968 à [Localité 6] (36)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté et assisté de Me Aurélie GEOFFROY, avocat au barreau de PARIS, toque : C2171

INTIMÉE

La société LA FONTAINE AUX CUISINES, SARL Unipersonnelle prise en la perosnne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 422 487 280 00014

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Nadia COUTANT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0288

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURA ND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 26 octobre 2019, Mme [G] [S] et M. [O] [S] ont signé un devis avec la société La Fontaine aux cuisines pour la vente et la pose d'une cuisine aménagée sur mesure dans leur appartement sis [Adresse 1] pour un prix total de 40 000 euros.

Il a été convenu que le prix serait payé en plusieurs versements : 14 000 euros à la commande, 24 000 euros à la livraison et 2 000 euros à la fin de la pose. M. et Mme [S] ont versé le premier acompte de 14 000 euros lors de la commande du 26 octobre 2019 mais n'ont procédé qu'à un règlement partiel de la seconde facture éditée après la livraison des éléments en versant 17 000 euros le 15 février 2020.

La société a procédé à la pose des éléments de la cuisine début février 2020.

Par courrier du 28 février 2020, ils ont dénoncé diverses malfaçons et manquements contractuels afin de justifier du non-paiement des factures.

Le cuisiniste a suspendu les opérations de finition dans l'attente du paiement du solde dû au titre de la seconde facture et du paiement de la dernière facture, réclamé à plusieurs reprises en vain.

De leur côté, M. et Mme [S] ont fait établir un constat d'huissier le 14 mai 2020.

Par courriel du 17 juillet 2020, la société a mis en demeure M. et Mme [S] de régler la somme de 9 000 euros correspondant au solde restant dû.

Saisi le 21 septembre 2020 par la société La Fontaine aux cuisines d'une demande tendant principalement à la condamnation des époux [S] au paiement de la somme de 9 000 euros augmentée des intérêts légaux et de la somme de 1 000 euros pour résistance abusive et mauvaise foi, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 28 avril 2021 auquel il convient de se reporter, a :

- condamné M. et Mme [S] à payer à la société La Fontaine aux cuisines la somme de 9 000 euros, avec intérêts au taux légal,

- condamné la société La Fontaine aux cuisines à payer à M. et Mme [S] la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'information et de conseil, avec intérêts au taux légal,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné M. et Mme [S] à payer à la société La Fontaine aux cuisines la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [S] aux entiers dépens.

Après avoir estimé que la photographie de la cuisine agencée réalisée en image de synthèse par le cuisiniste lors de la prise de commande était de nature à déterminer le consentement des clients si bien qu'elle avait bien un caractère contractuel car elle constituait avec le devis les éléments déterminants de la réalisation des étapes ultérieures de la relation commerciale et notamment le relevé de cotes ou la signature du bon de commande, la juridiction a considéré que le rendu final des éléments du placard de la cuisine, notamment leur hauteur, ne correspondait pas à l'accord des parties qui avaient prévu que les meubles iraient jusqu'au plafond et que la société avait ainsi failli à son obligation d'information et de conseil sur la difficulté liée à la création d'un faux plafond et qu'elle avait failli dans la réalisation de sa prestation.

S'agissant des malfaçons invoquées par M. et Mme [S] sur le placard de l'entrée, la juridiction a estimé que la preuve d'un manquement de la société n'était pas établie, l'examen du devis et des pièces contractuelles ne permettant pas de déterminer précisément la convention des parties sur ce point.

S'agissant des autres malfaçons invoquées, la juridiction a souligné que le cuisiniste avait sollicité des rendez-vous pour finir le chantier et résoudre les difficultés soulevées mais que M. et Mme [S] n'y avaient donné aucune suite et ne lui avaient pas adressé de mise en demeure d'y remédier dans un délai raisonnable si bien que la responsabilité du cuisiniste ne pouvait être engagée sur ces points.

Elle a finalement considéré que la cuisine avait été livrée et posée, que les finitions n'avaient pu être réalisées du fait de M. et Mme [S] si bien qu'ils devaient payer le prix convenu.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, la juridiction a relevé que la société ne justifiait pas d'un préjudice particulier autre que celui résultant du retard de paiement du devis et compensé par les intérêts légaux.

S'agissant de la demande reconventionnelle formée par M. et Mme [S] et consistant au paiement de la somme de 9 912 euros, la juridiction a estimé que faute de mise en demeure, la société n'avait pas été mise dans la situation de pouvoir exécuter sa prestation.

S'agissant enfin de la demande de dommages et intérêts relative au manquement à l'obligation d'information et de conseil de la société prestataire, la juridiction a évalué le préjudice essentiellement esthétique à la somme de 1 000 euros compte tenu de la qualité de standing de la prestation délivrée.

Par déclaration en date du 15 juillet 2021, M. et Mme [S] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 13 octobre 2021, les appelants demandent à la cour :

- de réformer le jugement en ce qu'il les a condamnés à payer à la société La Fontaine aux cuisines les sommes de 9 000 euros et de 800 euros et les a déboutés de leur demande reconventionnelle en paiement de la somme de 9 912 euros,

- et statuant de nouveau, de condamner la société La Fontaine aux cuisines à leur payer les sommes suivantes :

- 9 912 euros au titre des travaux de reprise et de réfection de la cuisine,

- 4 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 2 000 euros au titre du trop-perçu payé, en exécution du jugement entrepris,

- 6 422,61 euros au titre du remboursement du placard mis en 'uvre dans l'entrée, en lieu et place d'un dressing,

- 3 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant les frais du procès-verbal d'huissier.

Après avoir listé les défauts de leur cuisine et du placard de l'entrée, les appelants soutiennent que le cuisiniste a une obligation de résultat et qu'il a livré des travaux non conformes à ses obligations contractuelles et aux règles de l'art si bien que sa responsabilité contractuelle doit être engagée. Ils soulignent que le prix impliquait en outre un travail soigné et de qualité. Ils insistent sur le fait que les placards devaient être « toute hauteur », ce qui n'est pas le cas. Ils considèrent que leur perte de confiance en l'entreprise a justifié leur refus d'accéder à la demande d'intervention du cuisiniste et font valoir qu'ils n'ont été mis en demeure ni d'ouvrir leur porte pour permettre les travaux ni de payer le solde.

Ils considèrent en outre que la société prestataire a manqué à son obligation de conseil et d'information en ne leur mentionnant pas l'impossibilité de mettre en 'uvre un dressing dans l'entrée et en leur facturant 6 422,61 euros l'installation d'un placard qu'ils n'avaient pas commandé. Ils font en outre état d'un préjudice de 4 000 euros pour avoir été mal conseillés.

Reprenant les conditions de paiement telles que définies par le devis, les appelants estiment que le solde intégral n'était pas dû puisque 2 000 euros devaient être versés en « fin de chantier ». Ils en demandent donc le remboursement et soutiennent que les échanges qu'ils ont eus avec le cuisiniste valaient lettre de mise en demeure de leur part.

Ils fournissent un devis établi par une société tierce chiffrant les travaux de reprise à la somme de 9 912 euros et réclament le paiement de cette somme.

Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 13 janvier 2022, l'intimée demande à la cour :

- de débouter M. et Mme [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- de la dire recevable en son appel incident,

- de confirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés à lui payer les sommes de 9 000 euros et 800 euros et les a déboutés de leurs demandes,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. et Mme [S] la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts et l'a déboutée de ses demandes plus amples,

- en conséquence, statuant à nouveau, de condamner M. et Mme [S] à lui payer la somme de 2 000 euros pour procédure abusive et mauvaise foi et celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'intimée soutient avoir correctement exécuté le contrat, la cuisine ayant été intégralement livrée et posée et fait valoir que son obligation de résultat ne porte que sur la délivrance des éléments de cuisine et non sur la qualité des travaux ou la satisfaction du client qui sont subjectifs et non contractuels. Elle estime que les appelants ne peuvent légitimement invoquer des désordres qu'elle considère comme étant minimes s'agissant de réglages alors qu'ils lui ont refusé avec obstination l'accès sur place et n'ont pas procédé à une mise en demeure de procéder à leur reprise, si bien que l'absence de finitions leur est intégralement imputable.

Concernant la hauteur des éléments de cuisine, elle soutient que la hauteur des éléments de cuisine correspond au devis signé par les parties et qu'elle n'est pas responsable s'ils n'atteignent pas le plafond, en rappelant que la pièce a été rénovée par une société étrangère entre la prise de cote et la pose et que ce n'est pas elle qui a posé le faux plafond. Elle conteste en outre que M. et Mme [S] aient demandé que les meubles atteignent le plafond puisque la hauteur de celui-ci fini n'était pas connue et se prévaut du dessin de synthèse qui montre un espace entre le haut des meubles et plafond. Elle conteste avoir manqué à son obligation de conseil. Elle souligne avoir proposé de reprendre l'espace entre les meubles et le faux plafond en installant une plinthe sur le haut des meubles pour satisfaire ses clients mais qu'ils n'ont pas donné suite.

Concernant le placard de l'entrée, elle estime qu'aucune commande de dressing n'apparaît dans le devis, que les dimensions de l'entrée ne pouvaient manifestement pas permettre de prévoir un tel dressing et que l'existence d'une telle obligation n'est pas rapportée par les appelants qui demandent une somme excessive et non justifiée pour son remboursement. Par ailleurs, l'intimée soutient avoir proposé de reprendre l'espace entre les meubles et le plafond en installant une plinthe mais que cette proposition, qu'elle maintient, était restée sans retour. Elle souligne la mauvaise foi des appelants et dénonce le fait qu'ils cherchent à lui faire payer une partie de la cuisine.

Enfin, elle fait valoir que les appelants formulent trois demandes nouvelles en cause d'appel à savoir le remboursement au titre de l'installation d'un placard en lieu et place d'un dressing, sa condamnation au titre d'un prétendu trop perçu et la fixation d'une date de réception judiciaire de la cuisine et indique qu'elles doivent être déclarées irrecevables. Subsidiairement elle conclut au débouté de ces demandes et conteste que le placard ait été facturé 6 422,61 euros qui correspond au montant de 30 éléments de cuisine. Elle conteste également devoir une somme de 2 000 euros qui correspond aux travaux de finition qu'elle a plusieurs fois proposé de réaliser.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023. L'affaire a été appelée à l'audience le 18 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire de rappeler que la cour n'a à se prononcer que sur les prétentions figurant au dispositif et que la société La Fontaine aux cuisines qui développe des moyens d'irrecevabilité ne les reprend pas dans son dispositif.

Sur les demandes de M. et Mme [S]

M. et Mme [S] soutiennent que le contrat conclu n'a pas été correctement exécuté par la société La Fontaine aux cuisines si bien qu'ils ne peuvent être condamnés au paiement du solde restant dû et que cette dernière leur doit en outre des travaux de reprise, ce que celle-ci conteste.

Il résulte des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et qu'ils doivent s'exécuter de bonne foi. Les articles 1217 et suivants permettent à la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement de refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave, suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle, cette suspension devant être notifiée dans les meilleurs délais, qu'après mise en demeure, le créancier de l'obligation peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l'obligation, et qu'en cas d'exécution imparfaite de la prestation, il peut aussi, après mise en demeure et s'il n'a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d'en réduire de manière proportionnelle le prix.

Il résulte des pièces produites que le devis signé par les parties qui comporte 12 pages portait sur la fourniture et la pose d'une cuisine Arredo 3 sur mesure constituée :

- de mobilier comprenant 12 éléments bas, 8 éléments hauts, 3 colonnes, avec des ajustements en largeur et profondeurs, des tiroirs, des fileurs, des panneaux d'habillage, représentant une valeur de 19 202,71 et 6 422,61 euros TTC après remise spécifique de 20 %, aucun prix unitaire des éléments du mobilier n'étant précisé au devis,

- de plusieurs plans de travail, représentant une valeur de 9 480 euros HT après remise spécifique de 20 % aucun prix unitaire de chacun des plans de travail n'étant précisé au devis,

- de sanitaires (évier et mitigeur) représentant une valeur de 806,40 euros HT après remise spécifique de 20 %,

- d'électroménager représentant une valeur de 5 398,40 euros HT après remise spécifique de 20 %,

soit un total de 41 310,13 euros auquel le cuisiniste a appliqué une nouvelle remise de 18,06 % avant de facturer une livraison pour 2 640 euros et une pose pour 3 410 euros et les éco-participations soit un total final de 40 000 euros TTC.

Ce devis, qui reprend les références des articles commandés, fait suite à la production d'un schéma en 3D présentant un visuel de la cuisine et il est évident que ce visuel qui comprend la disposition des meubles et l'agencement général de la cuisine a été un élément du consentement des clients, nonobstant la mention « non contractuel ».

Il est constant que la totalité de la cuisine a été livrée et posée. M. et Mme [S] font état de diverses malfaçons et non façons, d'une absence de vestiaire dans l'entrée et d'une hauteur de meubles non contractuelle. Ils réclament une somme de 9 912 euros au titre des travaux de reprise tout en contestant devoir le solde de la facture de 9 000 euros. Ils reprochent en outre sur ces deux points au cuisiniste un manquement à son devoir de conseil et réclament 4 000 euros de ce chef. Ils demandent également le remboursement du placard de l'entrée à hauteur de 6 422,61 euros.

S'agissant du placard de l'entrée, il n'est pas contesté qu'il ne fait pas la profondeur d'un dressing. Pour autant il ne résulte d'aucun élément qu'il a été prévu au moment de la signature du devis entre les parties la pose d'un placard permettant de l'utiliser comme dressing ou vestiaire c'est-à-dire présentant une profondeur suffisante pour y suspendre des cintres sur une barre transversale. L'huissier qui a établi un constat n'a pas mesuré la profondeur du meuble en question et le devis ne comprend que 3 colonnes, une pour les fours de 60 cm de largeur sur une profondeur de 56 cm, une de 34 cm de largeur sur une profondeur de 42 cm après recoupe et une autre de 90 cm de largeur sur une profondeur de 42 cm après recoupe ce qui ne correspond en tout état de cause pas à une profondeur de dressing. Aucune tringle n'est listée dans le devis. Dès lors il ne peut être reproché au cuisiniste de ne pas avoir posé un placard dressing ou vestiaire dans l'entrée et de ne pas avoir respecté ce qui était contractuellement prévu. Il ne peut pas non plus lui être reproché d'avoir manqué à son devoir de conseil sur ce point dès lors qu'il ne résulte d'aucune pièce qu'il ait conseillé un placard qui n'était pas approprié à l'espace restreint disponible. M. et Mme [S] doivent donc être déboutés de toutes leurs demandes concernant ce placard, étant au surplus observé que la somme de 6 442,61 euros qu'ils réclamaient de ce chef correspond à 30 éléments au nombre desquels des panneaux mais aussi des casseroliers, des meubles hauts, des éléments d'angle, des spots, des colonnes, si bien qu'ils ne peuvent sérieusement soutenir qu'il s'agissait du prix d'un placard.

S'agissant de la hauteur des meubles, et même si le schéma en 3D montre un espace entre le haut des meubles et le plafond, la société La Fontaine aux cuisines a admis dans un courrier « en réponse à la lettre recommandée reçue le 28 février 2020 par mail » qu'il avait été convenu entre les parties que les meubles hauts « iraient jusqu'au plafond », mais elle fait valoir à sa décharge que les entrepreneurs qui ont effectué les travaux de faux plafond dans la cuisine n'ont pas respecté ses plans.

Il résulte des pièces produites que les meubles hauts en question constituent la partie centrale au fond de la cuisine abritant la colonne four et la partie froid au-dessus d'un réfrigérateur de type « américain ».

Le cuisiniste ne justifie toutefois pas avoir transmis de plan aux entrepreneurs ni d'instructions à M. et Mme [S] sur la hauteur que devait atteindre le faux plafond ou sur la hauteur du faux plafond qui avait été prise en compte pour la commande de la cuisine, faux plafond dont l'existence est patente sur les photographies prises par le cuisiniste lors de ses propres travaux de pose. Il se borne à verser aux débats un dessin non contractuel mentionnant une hauteur sous plafond de 3 m et des meubles d'une hauteur totale de 2,91 m et qui fait apparaître un espace de 9 cm entre le haut de ces meubles et le plafond et une cote « 58 » qui n'est pas expliquée alors même qu'il admet qu'il était convenu que les meubles devaient aller jusqu'au plafond. Il ne justifie pas davantage avoir cherché à expliciter ce que M. et Mme [S], profanes en matière d'agencement de cuisine, entendaient exactement par-là, s'il devait s'agir d'une retombée du plafond, d'un fileur, solution que le cuisiniste a proposée par la suite, ou d'un meuble dont la structure elle-même touchait le plafond, ce qui pouvait d'une part présenter une impossibilité de montage ou être de nature à entraver le fonctionnement des portes. Il n'a donc pas respecté ce qui avait été contractuellement prévu et il est justifié par la production d'un devis que la lisse haute ou fileur représente un coût de 480 euros TTC qu'il doit donc être condamné à payer puisque cet élément n'a pas été fourni par ses soins. En revanche M. et Mme [S] ne peuvent prétendre au coût de la pose puisque celle-ci aurait pu être faite par la société La Fontaine aux cuisines s'ils avaient accepté. Cette dernière a en outre manqué à son devoir de conseil ce qui doit être réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné la société La Fontaine aux cuisines à payer à M. et Mme [S] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de conseil.

S'agissant des autres diverses malfaçons et défauts, M. et Mme [S] se plaignent en se fondant sur un constat d'huissier du 14 mai 2020 :

- de placards avec des étagères non modifiables car livrées sans taquets qui ne sont donc pas adaptables ni modulables,

- de la présence de traces de frottement inesthétiques sur les arêtes inférieures des portes de placard,

- de l'affaissement de l'étagère du placard situé en dessous de l'évier

- de frottement des tiroirs sur le mur à leur ouverture avec présence de traces sur ledit mur, compte tenu du frottement,

- de l'impossibilité d'ouvrir le tiroir situé en-dessous du lave-vaisselle,

- de présence de traces disgracieuses au niveau des arêtes des portes de placard situées en partie supérieure des éléments électroménagers,

- de l'absence de fermeture automatique du placard, qui doit être accompagné avec la main,

- d'un frottement avec le mur dudit placard situé sur la droite,

- de la présence d'un trou dans la hotte aspirante et absence de grille de protection,

- de l'absence de ralentisseurs sur la porte du placard situé au-dessus des plaques vitrocéramiques.

En réplique, le cuisiniste soutient que ces défauts sont liés au fait qu'il n'a pas pu procéder aux opérations de finition en raison, d'une part, de l'arrêt des paiements des factures dues par les clients et d'autre part, de son impossibilité de se rendre sur les lieux afin de procéder à ces opérations.

La cour observe que les désordres dénoncés relèvent des finitions (réglages et ajustements des portes et des tiroirs, absence de taquets, manque de ralentisseurs et de systèmes de fermeture automatique, absence de grille de protection '). Le cuisiniste a dans un premier temps délibérément choisi de ne pas procéder aux réglages du fait du non-paiement de la dernière facture, s'exposant ainsi à l'apparition des traces de frottement constatés par l'huissier. Par la suite il a, à plusieurs reprises et avant même le constat d'huissier, proposé aux clients d'intervenir dans leur cuisine afin de procéder aux finitions. En effet, dans un mail en date du 5 mars 2020, il écrit à M. et Mme [S] « Nous vous proposons un RDV chez vous semaine prochaine afin de solutionner l'affaire à l'amiable. Nous attendons donc une date de votre part rapidement ». Dans un mail du 12 mars 2020, il réitère cette proposition en écrivant « Nous attendons donc un mail afin que vous nous donniez une date », après avoir énoncé « si vous ne trouvez pas un créneau pour que l'on se rencontre, je serai dans l'obligation de faire constater par un huissier ». Dans leurs écritures, M. et Mme [S] reconnaissent n'avoir pas donné suite à ces propositions et avoir refusé l'intervention de la société La Fontaine aux cuisines. Après avoir volontairement suspendu à ses risques des réglages pouvant entraîner des dommages, la société La Fontaine aux cuisines a donc été mise dans l'impossibilité d'y procéder et les désordres allégués par M. et Mme [S] sont ainsi pour moitié imputables à leur refus de laisser le cuisiniste intervenir dans leur cuisine. Il y a donc lieu de ne faire droit à leur demande de dommages et intérêts qu'à hauteur d'une somme de 2 215,80 euros représentant la moitié du coût de la reprise des peintures et façades en lien avec les frottements et de la rejeter en ce qui concerne les réglages. Il convient de considérer que les éléments manquants à savoir les ralentisseurs, les systèmes de fermeture automatique, la grille de protection qui devaient être fournis ne l'ont pas été et qu'ils sont donc en droit d'en obtenir le remboursement à hauteur d'une somme qui doit être évaluée en fonction du devis produit à hauteur de 500 euros puisque celui de la société La Fontaine aux cuisines ne comprend aucun prix détaillé et ne peut donc servir de base. Ils doivent être déboutés du surplus de leurs demandes concernant le devis de réfection de 9 912 euros.

En contrepartie ils doivent régler le solde de la facture à la société La Fontaine aux cuisines, sauf à leur faire bénéficier de prestations gratuites. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [S] à payer le solde de la facture.

M. et Mme [S] demandent encore la condamnation de la société La Fontaine aux cuisines à leur payer la somme de 2 000 euros au titre d'un trop-perçu en faisant valoir qu'ils ont été condamnés par le premier juge à payer la somme de 9 000 euros à la société correspondant au solde intégral alors que les 5 % restants, du montant total de la prestation, n'étaient à ce stade pas dus. Ils considèrent que ces 2 000 euros étaient exigibles, en vertu des dispositions du devis, à la fin de la pose et que celle-ci n'a pas été achevée.

Dans la mesure où le jugement comme le présent arrêt faisaient le compte final entre les parties, cette retenue n'a plus lieu d'être et ils doivent être déboutés de cette demande.

Sur la demande formée par la société La Fontaine aux cuisines visant à la condamnation de M. et Mme [S] pour procédure abusive et mauvaise foi

Il ne résulte pas de ce qui précède que l'attitude de M. et Mme [S] ait dégénéré en abus ni que la société La Fontaine aux cuisines ait subi un préjudice distinct du retard de paiement. Cette demande doit donc être rejetée.

Sur les dépens et l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de relever que M. et Mme [S] ont retenu une somme très supérieure au montant des désordres retenus et ont empêché toute reprise de la part du cuisiniste. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il les a condamnés aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de ce qui précède, il convient de faire masse des dépens d'appel et de les partager entre les parties. Il apparaît en outre équitable de laisser supporter à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné Mme [G] [S] et M. [O] [S] à payer à la société La Fontaine aux cuisines la somme de 9 000 euros, avec intérêts au taux légal,

- condamné la société La Fontaine aux cuisines à payer à Mme [G] [S] et à M. [O] [S] la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'information et de conseil, avec intérêts au taux légal,

- condamné Mme [G] [S] et M. [O] [S] à payer à la société La Fontaine aux cuisines la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [G] [S] et M. [O] [S] aux entiers dépens ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société La Fontaine aux cuisines à payer à Mme [G] [S] et M. [O] [S] les sommes de :

- 480 euros au titre du coût des lisses hautes,

- 2 215,80 euros représentant la moitié du coût de la reprise des peintures et façades,

- 500 euros au titre des éléments non fournis ;

Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront partagés par moitié entre la société La Fontaine aux cuisines d'une part et Mme [G] [S] et M. [O] [S] d'autre part ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/13733
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.13733 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award