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15/06/2023 | FRANCE | N°21/00274

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 15 juin 2023, 21/00274


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 15 JUIN 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00274 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC34Q



Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 juin 2020 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-19-012206





APPELANT



Monsieur [Y] [F]

né le [Date naissance

1] 1969 à [Localité 6] (MAROC)

[Adresse 3]

[Localité 4]



représenté par Me Michel MIZRAHI de la SELASU Cabinet Avocat Mizrahi, avocat au barreau de PARIS, toque : C0985





INTI...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00274 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC34Q

Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 juin 2020 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-19-012206

APPELANT

Monsieur [Y] [F]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6] (MAROC)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Michel MIZRAHI de la SELASU Cabinet Avocat Mizrahi, avocat au barreau de PARIS, toque : C0985

INTIMÉE

La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 5] ET D'ILE-DE-FRANCE, société coopérative à personnel et capital variables agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 775 665 615 00347

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me Ralph BOUSSIER de la SELARL NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte du 17 décembre 2019, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d'Île-de-France (ci-après la caisse régionale de Crédit agricole) a fait assigner M. [Y] [F] devant le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en paiement du solde de 3 crédits souscrits le 31 janvier 2014 (crédit n° 00000343263), le 9 mars 2016 (crédit n° 00000783078 ) et le 13 janvier 2017 (crédit n° 00000991535), lequel, par jugement réputé contradictoire du 2 juin 2020 l'a condamné au paiement des sommes de :

- 6 477,97 euros au titre du solde du crédit n° 00000343263 avec intérêts contractuels de 2,28 % à compter du 22 mars 2019,

- 34 325,63 euros au titre du solde du crédit n° 00000783078 avec intérêts contractuels de 3,284 % à compter du 22 mars 2019,

- 37 531,12 euros au titre du solde du crédit n° 00000991535 avec intérêts contractuels de 2,02 % à compter du 22 mars 2019,

- 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration en date du 24 décembre 2020, M. [F] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 23 mars 2021, M. [F] a demandé à la cour d'infirmer totalement la décision déférée et statuant à nouveau :

- de constater que le jugement déféré n'est absolument pas motivé et qu'il se borne à reprendre intégralement les demandes du Crédit Agricole sans les expliciter ni chercher à vérifier si elles sont fondées,

- de constater que la banque connaissait parfaitement sa situation professionnelle et que les prêts qui lui ont été accordés l'ont été à titre professionnel et non personnel,

- de dire et juger que la banque aurait dû produire sa créance auprès du mandataire liquidateur dans le cadre de sa liquidation judiciaire,

- de dire et juger que, compte tenu du caractère professionnel des prêts en cause, la banque n'était pas fondée à saisir le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir le paiement de sa créance,

- en conséquence, de débouter la banque de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à son encontre et de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens dont distraction au profit de Me Mizrahi conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il fait principalement valoir qu'il a été médecin indépendant de 2013 à 2019 et qu'il n'avait qu'un seul compte en banque numéro 602 649 471 49 sur lequel il procédait à l'encaissement de tous ses honoraires et effectuait tous ses paiements tant professionnels que personnels, que tous les fonds empruntés ont été versés sur cet unique compte, que la banque a sollicité à l'occasion de chaque prêt accordé, ses déclarations fiscales et ses avis d'imposition, que dès le premier crédit la banque l'a mis en garde sur l'importance de son endettement et que malgré tout elle lui a permis d'emprunter 150 000 euros au total, agissant avec une légèreté blâmable, l'acculant à la faillite liée à ces crédits et à un contrôle fiscal ayant abouti à un redressement, qu'il a été déclaré en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 28 mai 2018, que l'état des créances arrêté par le liquidateur aux termes de sa mission fait apparaître un passif de 197 566,21 euros, que le 4 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Créteil a rendu un jugement prononçant la clôture des opérations de liquidation pour insuffisance d'actif, que dans la mesure où la banque avait parfaitement connaissance de sa situation, il est évident que les crédits accordés l'ont été à titre professionnel et non à titre personnel, que l'assignation a été délivrée postérieurement à la clôture pour insuffisance d'actif et que la banque a voulu éviter cette procédure en rebaptisant les prêts professionnels en prêts personnels.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2021, la caisse régionale de Crédit agricole a demandé à la cour de déclarer M. [F] mal fondé en son appel et en toutes ses demandes, fins et conclusions, de l'en débouter, de confirmer le jugement et y ajoutant de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir que le jugement est motivé et qu'il a d'ailleurs réduit sa prétention financière en ce qui concerne le premier prêt pour tenir compte de l'absence de consultation du FICP, qu'elle n'a pas fait preuve d'une « légèreté blâmable », dans l'octroi des prêts puisqu'elle a pris soin de vérifier sa situation, ainsi qu'en témoignent les fiches dialogues versées au débat, dûment contresignées par l'appelant, que le fait qu'il ait exercé une activité professionnelle de médecin avec un compte unique ne signifie pas pour autant que les emprunts aient été contractés à usage professionnel, que M. [F] a lui-même attesté, par la signature de ces fiches dialogues, que les prêts dont il demandait la mise en place étaient des prêts personnels, à usage de trésorerie, relevant des crédits à la consommation, avec au demeurant le bénéfice de la législation et de la protection attachées à ce type de crédits, qu'elle ignorait l'existence d'un redressement fiscal et qu'elle a saisi le tribunal avant et non après le jugement de clôture.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience le 11 octobre 2022.

Par arrêt du 8 décembre 2022, la cour a :

- soulevé d'office sur le fondement des articles L. 631-2, L. 640-2, L. 622-21, L. 622-22, L. 622-26 et L. 643-11 du code du commerce, la fin de non-recevoir tirée du défaut de déclaration de la créance à la liquidation de M. [Y] [F] indépendamment du caractère professionnel ou non des crédits et invité les parties à présenter leurs observations sur ce point et à produire les justificatifs de la procédure de liquidation dont M. [Y] [F] a fait l'objet et toute pièce utile dans ce cadre ;

- ordonné la réouverture des débats, dans la limite du moyen soulevé d'office ;

- invité les parties à faire valoir leurs observations sur la fin de non-recevoir soulevée d'office et à produire les justificatifs de la procédure de liquidation dont M. [Y] [F] a fait l'objet et toute pièce utile dans ce cadre et ce avant le 22 février 2023 ;

renvoyé l'affaire à l'audience du 21 mars 2023 à 09 H 30.

L'ordonnance de clôture a été révoquée par ordonnance du 21 mars 2023 et l'affaire a été renvoyée au 18 avril 2023 pour clôture et plaidoirie.

Par de nouvelles conclusions notifiées par voie électronique le 17 avril 2023, la caisse régionale de Crédit agricole reprenant en cela toutes ses précédentes prétentions, demande à la cour de déclarer M. [F] mal fondé en son appel et en toutes ses demandes, fins et conclusions de l'en débouter, de confirmer le jugement et y ajoutant de condamner M. [F] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour répondre au moyen soulevé par la cour, elle fait valoir que M. [F] ne produit bien opportunément que les publications BODACC faisant état des jugements de liquidation dont il aurait fait l'objet de sorte qu'il n'existe aucune possibilité pour les tiers d'identifier le mode d'exercice qu'il avait choisi pour son activité et qu'il ne verse aux débats malgré l'arrêt de la cour aucun justificatif et soutient qu'il pouvait parfaitement exercer en EIRL, qu'elle a tenté d'obtenir communication des jugements mais s'est vu refuser cette communication au motif qu'elle n'était pas partie à la procédure si bien qu'il est déterminant de constater le caractère personnel du crédit contracté par M. [F] car l'article L. 526-6 du code de commerce dispose que « Pour l'exercice de son activité en tant qu'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l'entrepreneur individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel », que l'article L. 680-3 du même code prévoit quant à lui que les dispositions du Livre VI ne s'appliquent que dans les limites du patrimoine professionnel en difficulté de sorte que seuls les créanciers de ce patrimoine sont soumis aux effets de la procédure (interdiction des paiements et des poursuites individuelles, obligation de déclaration, etc.) et qu'il appartenait donc à M. [F] d'éclairer la juridiction sur son mode d'exercice ce qu'il n'a pas fait. Pour le surplus elle reprend tous les moyens qu'elle a développés dans ses précédentes écritures.

M. [F] n'a pas conclu après la réouverture.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Les créances dont se prévaut la banque sont antérieures à l'instauration du régime du statut unique de l'entrepreneur individuel qui a été instauré par la loi 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante codifiées aux articles L. 526 22 et suivants du code de commerce et les décrets n° 2022-709 du 26 avril 2022 relatifs à la mise en extinction du régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée et 2022-725 du 28 avril 2022 relatif à la définition du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel et aux mentions sur les documents et correspondances à usage professionnel dont l'entrée en vigueur a été fixée au 15 mai 2022.

Antérieurement à cette date et sauf dans le cas d'une EIRL, le professionnel libéral avait une unicité de patrimoine et en application des articles L. 631-2 et L. 640-2 du code du commerce, il était passible d'une procédure collective, peu important que ses dettes soient professionnelles ou personnelles. Elles étaient toutes soumises à obligation de déclaration et à l'interdiction des poursuites.

Il est constant que M. [F] a fait l'objet de publication au BODACC de décisions mentionnant qu'il a été déclaré en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 28 mai 2018 et que le 4 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Créteil a rendu un jugement prononçant la clôture des opérations de liquidation pour insuffisance d'actif.

La banque soutient en substance que c'est à M. [F] qu'il appartient de prouver qu'il n'avait pas créé d'EIRL, que ses patrimoines n'étaient pas séparés et que cette procédure collective s'applique à son entier patrimoine. Or c'est à elle de démontrer qu'elle est recevable en son action en dépit de la procédure collective.

Les mentions au BODACC ne font pas état d'une EIRL. Si l'article L. 526-6 dans sa version applicable lors de l'ouverture de la procédure collective dispose que « Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale » ce qui correspond donc au statut de l'EIRL, il reste que l'article L. 526-7 du même code dans sa version applicable prévoit une déclaration réalisée sur un registre public afin de les rendre opposables aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement au dépôt de la déclaration. Il appartenait donc à la banque qui soutient qu'elle peut poursuivre M. [F] en dépit de l'existence d'une procédure collective publiée au BODACC le visant nommément et ne mentionnant aucune EIRL qu'elle pouvait encore le poursuivre en vérifiant l'existence d'une telle inscription qui demeure hypothétique. Elle a seulement tenté d'obtenir la copie des jugements et soutient ne pas les avoir obtenus au motif qu'elle n'était pas partie à l'instance mais ne produit aucune réponse de refus formel et n'a pas fait de demande auprès des registres pour vérifier l'existence de la possible déclaration qu'elle invoque. La cour observe en outre que dans le cadre de la vérification de la solvabilité elle n'aurait pas manqué de noter si son client était en EIRL.

Rien ne permet donc de considérer que M. [F] exerçait en EIRL.

La caisse régionale de Crédit agricole ne justifie pas avoir déclaré ses créances lesquelles sont antérieures à l'ouverture de la procédure collective. Dès lors elle doit être déclarée irrecevable en ses demandes en application des articles L. 622-26 et L. 643-11 du code du commerce.

Le jugement doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La caisse régionale de Crédit agricole qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Mizrahi conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il apparaît toutefois équitable de laisser supporter à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Déclare la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d'Île-de-France irrecevable en ses demandes faute de déclarations de ses créances ;

Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de [Localité 5] et d'Île-de-France aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Mizrahi conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/00274
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.00274 ?
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