REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 14 JUIN 2023
(n° 2023/ , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20750 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXRG
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Novembre 2021 - Juge de la mise en état de FONTAINEBLEAU - RG n° 20/00606
APPELANTS
Monsieur [Z] [W]
né le 12 Août 1940 à [Localité 11] (77)
[Adresse 1] - [Localité 8]
Madame [X] [V] épouse [W]
née le 28 Juin 1945 à [Localité 13] (77)
[Adresse 1] - [Localité 8]
représentée par Me Flavie MARIS-BONLIEU de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
ayant pour avocat plaidant Me Tévy KONG, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
INTIMES
Madame [S] [E] épouse [K]
née le 19 Mai 1954 à [Localité 10] (21)
[Adresse 2] - [Localité 11]
représentée et plaidant par Me Laurence LAUVERGNAT de la SELARL COLIN- LAUVERGNAT, avocat au barreau de MELUN
Monsieur [P] [E], assigné par acte d'huissier du 15.12.2021 remis à étude
né le 15 Janvier 1956 à [Localité 10] (21)
[Adresse 3] - [Localité 7]
Association ATSM 77 es qualités de tuteur de [G] [E], désigné en cette fonction par jugement rendu le 29 novembre 2019 par le Tribunal d'Instance de FONTAINEBLEAU, assignée par acte d'huissier du 17.12.2021 remis à étude
[Adresse 5] - [Localité 6]
PARTIE INTERVENANTE
Monsieur [I] [E], assigné en intervention forcée par acte d'huissier du 05.01.2022 remis à étude
né le 05 Novembre 1957 à [Localité 12] (10)
[Adresse 4] - [Localité 9]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sophie RODRIGUES dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRET :
- rendu par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 31 mars 2010, [G] (dit [G]) [E] et son épouse [Y] [T] ont reconnu devoir à M. [Z] [W] et son épouse, Mme [X] [V], la somme de 200 000 euros remboursable en une seule fois au gré du débiteur sur une durée maximum de 12 mois, soit une échéance maximale au 31 mars 2011, renouvelable après accord des parties, et remboursable avec intérêt au taux de 4,6 % l'an.
[Y] [T] épouse [E] est décédée le 22 juillet 2015, laissant pour lui succéder:
- [G] [E], son conjoint survivant,
- leurs trois enfants : Mme [S] [E] épouse [K], M. [I] [E] et M. [P] [E].
Par jugement prononcé le 30 novembre 2018 par le tribunal d'instance de Fontainebleau, [G] [E] a été placé sous curatelle renforcée, confiée à l'ATSM 77. Cette mesure a été transformée en tutelle par jugement du 29 novembre 2019.
Par actes des 21, 23 et 29 juillet 2020, les époux [W] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Fontainebleau l'ATSM 77, ès qualités de tuteur de [G] [E], et Mme [S] [E] épouse [K], M. [I] [E] et M. [P] [E] aux fins de les voir condamner solidairement à payer la somme de 130 068 euros avec intérêt au taux contractuel à compter du 1er janvier 2020.
Au motif qu'ils avaient appris que les époux [E] avaient adopté le régime de la communauté universelle avec attribution de la communauté au conjoint survivant, les époux [W] se sont désistés de l'instance s'agissant des demandes formées à l'encontre des enfants de [Y] [T] par conclusions sur incident du 25 mars 2021. Le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Fontainebleau a pris acte de ce désistement par ordonnance du 3 juin 2021.
M. [P] [E] et Mme [S] [E] ont chacun régularisé leur intervention volontaire par conclusions séparées.
Saisi par l'ATSM 77, ès qualités de tuteur de [G] [E], et Mme [S] [E] d'un incident soulevant la prescription de l'action des époux [W], le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Fontainebleau a, par ordonnance rendue le 4 novembre 2021 :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme [W] à l'encontre de Mme [S] [E], autorisant ainsi l'intervention volontaire de cette dernière,
- déclaré l'action de M. et Mme [W] à l'encontre de l'ATSM 77 irrecevable car prescrite,
- rouvert les débats concernant l'irrecevabilité soulevée par Mme [S] [E] à l'encontre de M. [P] [E],
- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état,
- condamné M. et Mme [W] à verser à l'ATSM 77 une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
[G] [E] est décédé le 8 novembre 2021 laissant pour lui succéder les trois enfants nés de son union avec [Y] [T].
M. et Mme [W] ont interjeté appel de l'ordonnance sur incident du 4 novembre 2021 par déclaration du 26 novembre 2021 mentionnant en qualité d'intimés l'association ATSM 77 ès qualités de tuteur de [G] [E], M. [P] [E] et Mme [S] [E].
Le 8 décembre 2021, l'affaire a été fixée à bref délai en vertu de l'article 905 du code de procédure civile.
Par acte d'huissier du 5 janvier 2022, les appelants ont attrait M. [I] [E] en intervention forcée.
Mme [S] [E] ayant soulevé la nullité de la déclaration d'appel mentionnant [G] [E] en tant qu'intimé alors qu'il était prédécédé, le président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée a, par ordonnance du 16 mars 2022 :
- débouté Mme [E] de sa demande tendant à voir constater la nullité pour vice de fond de la déclaration d'appel de M. et Mme [W] en date du 26 novembre 2021 et déclarer l'appel irrecevable,
- débouté M. et Mme [W] de leur demande tendant à ce que Mme [E] soit condamnée à produire l'attestation de dévolution successorale suite au décès de [G] [E] survenu le 8 novembre 2021 et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens de l'incident.
Statuant sur la requête en déféré de Mme [E], la cour a, par arrêt du 15 février 2023:
- dit que M. et Mme [W] sont recevables à présenter la fin de non-recevoir tirée d'un défaut de pouvoir du président de la chambre saisie,
- infirmé l'ordonnance sur incident prononcée le 16 mars 2022 par le président de la chambre 3-1 saisie en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- déclaré la demande de Mme [S] [E] fondée sur une nullité de l'article 117 du code de procédure civile irrecevable pour avoir été présentée au président de la chambre saisie,
- condamné Mme [S] [E] aux dépens de la procédure de déféré,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions au fond, notifiées le 8 février 2022, M. et Mme [W], appelants, demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel et de les y déclarer bien fondés,
- confirmer l'ordonnance rendue le 4 novembre 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Fontainebleau en ce qu'elle a rejeté la fin de non recevoir qu'ils avaient soulevée à l'encontre de l'intervention volontaire de Mme [S] [E] épouse [K],
- l'infirmer en ce qu'elle a déclarée leur action irrecevable comme prescrite,
statuant à nouveau,
- constater que la prescription a été interrompue par les règlements effectués tant par [G] [E] que par M. [P] [E], ès qualités de mandataire de son père,
- constater qu'ils bénéficiaient d'une espérance légitime au règlement de leur créance et ont pu légitimement croire que les versements effectués en espèces étaient interruptifs de prescription, ne nécessitant pas de l'interrompre par assignation en justice, de sorte qu'ils se trouvent privés du droit à un procès équitable et à l'accès au juge, en vertu de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme,
très subsidiairement,
- constater que le règlement du 1er juin 2019 par cession d'un véhicule par [G] [E] vaut renonciation à prescription acquise,
- en conséquence, déclarer l'action recevable comme non prescrite,
- déclarer l'action recevable à raison de leur intérêt à agir à l'encontre des héritiers des époux [E], seuls débiteurs de l'acte de prêt du 31 mars 2010 à l'exclusion de la société [E],
- condamner solidairement Mme [S] [E] épouse [K], M. [P] [E] et M. [I] [E] au paiement de la somme de 4 000 euros sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux entiers dépens.
Aux termes de ses uniques conclusions au fond, notifiées le 2 février 2022, Mme [S] [E], intimée, demande à la cour de :
- confirmer la recevabilité de son intervention volontaire,
à titre principal,
- confirmer la prescription de l'action des époux [W] et par conséquent, déclarer leurs demandes irrecevables,
subsidiairement,
- déclarer irrecevables les demandes des époux [W] pour défaut d'intérêt à agir,
en tout état de cause,
- débouter M. et Mme [W] de leur demande tendant à la voir condamnée à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, solidairement avec [G] [E],
- condamner M. et Mme [W] à payer à Mme [S] [K] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les époux [W] solidairement aux entiers dépens.
M. [P] [E] et l'association ATSM 77, intimés, n'ont pas constitué avocat.
M. [I] [E], intervenant forcé, n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties constituées au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 avril 2023.
Par message électronique reçu le 11 avril 2023, Mme [S] [E] a sollicité le renvoi de l'audience pour tenter d'obtenir du ministère public l'autorisation de produire la copie d'un procès-verbal d'audition de M. [W] au plan pénal.
La cour a rejeté cette demande de renvoi de l'audience pour apprécier dans le cadre de son délibéré l'utilité d'ordonner une révocation de l'ordonnance de clôture pour permettre la production de cette pièce le cas échéant.
Les débats ont eu lieu à l'audience du 12 avril 2023 annoncée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Dès lors, eu égard aux termes circonscrits de la déclaration d'appel et en l'absence d'appel incident, l'effet dévolutif n'a pas opéré pour le chef de dispositif de l'ordonnance entreprise ayant rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme [W] à l'encontre de Mme [S] [E], autorisant ainsi l'intervention volontaire de cette dernière.
Ainsi, il n'y a même pas lieu de confirmer ce chef de dispositif, comme le sollicitent les parties.
Par ailleurs, il sera rappelé que les demandes de "constater" ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile lorsqu'elles ne confèrent pas de droits à la partie qui les présente et sont en réalité un simple rappel des moyens invoqués.
La cour n'est dès lors pas tenue de statuer distinctement sur ces demandes qui seront examinées pour apprécier la prétention des appelants tendant à voir écarter la prescription retenue par le juge de la mise en état.
Sur la prescription
En vertu de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'article 2240 du même code dispose cependant que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
Le premier juge a retenu que, puisque l'acte de prêt du 31 mars 2010 fixait au 31 mars 2011 l'échéance maximale de remboursement, les consorts [W] étaient, dès le 1er avril 2011, informé de la défaillance de leurs débiteurs, c'est-à-dire des faits leur permettant d'engager leur action en paiement de sorte que la prescription a été acquise le 1er avril 2016, les règlements invoqués par les demandeurs au soutien de leur moyen tendant à l'interruption du délai de prescription n'étant justifiés par aucune pièce pourvue d'une valeur probante.
Les appelants soutiennent à titre principal que la délai de prescription quinquennale n'a commencé à courir qu'à compter de la mise en demeure du 25 février 2020, de sorte que la prescription n'est pas acquise.
A titre subsidiaire, ils arguent que la prescription a été interrompue par les règlements effectués tant par [G] [E] que par M. [P] [E], ès qualités de mandataire de son père ; rappelant que la preuve du paiement est libre, ils estiment que la production du relevé qu'ils ont eux-mêmes établi, valant aveu judiciaire, suffit à établir le fait interruptif dont ils se prévalent.
Ils invoquent, si leur action était tout de même déclarée prescrite, leur droit à un procès équitable et à l'accès au juge, découlant de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme, dès lors qu'ils pouvaient légitimement penser que les règlements reçus interrompaient la prescription.
Mme [E] réplique que la prescription est acquise cinq ans après la date d'exigibilité de la créance, comme l'a retenu le premier juge, et que les appelants se sont constitués à eux-mêmes les preuves des paiements censés interrompre la prescription, lesquelles sont donc dépourvues de valeur probatoire.
Elle considère que les développements des appelants sur le droit au procès équitable et à l'accès au juge, dont ils seraient privés sont hors de propos.
Il est admis que le point de départ du délai de prescription de cinq ans est la connaissance de l'atteinte au droit de remboursement.
La jurisprudence citée par les appelants pour soutenir que le délai de prescription court à compter de la mise en demeure concerne des prêts sans terme alors que l'acte du 31 mars 2010 prévoit un remboursement « en une seule fois au gré du débiteur sur une durée maximum de 12 mois, soit une échéance maximale au 31 mars 2011, renouvelable après accord des parties », or ils n'allèguent pas l'existence d'un tel accord, même tacite.
Par conséquent, comme l'a justement retenu le premier juge, le délai de prescription a commencé à courir dès le 1er avril 2012.
Les appelants se prévalent à titre subsidiaire d'une interruption du délai quinquennal par des paiements partiels intervenus à compter du 8 octobre 2015, soit avant l'expiration du délai de cinq ans.
Il leur appartient dès lors, en application de l'article 9 du code de procédure civile, de rapporter la preuve de ces paiements.
Le paiement est un fait juridique qui se prouve par tout moyen et le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique.
Le relevé dactylographié des « remboursements » attribués à [G] (dit [G]) [E] et à M. [P] [E] produit en pièce n°2 par les appelants est donc admissible mais l'absence de date et de précision quant à l'auteur de ce document qui, n'ayant pas été envoyé à l'une des parties adverses ou à un tiers, a pu être rédigée pour les besoins de la cause, lui ôtent toute valeur probante autonome.
Cependant les appelants, pour corroborer leur propre décompte, versent aux débats dans le cadre de la présente instance d'appel les conclusions sur incident déposées par M. [P] [E] devant le premier juge et le relevé des paiements « Avance [E] » qu'il a produit devant cette juridiction, faisant apparaître à la fois des remboursements attribués à son père et des paiements qu'il déclare avoir lui-même effectués à titre d'avance. Il y a lieu de constater que les dates et les montants allégués de part et d'autre sont effectivement identiques et s'étendent du 8 octobre 2015 au 24 mai 2019. Alors que le premier juge avait souligné, pour conforter l'absence de « valeur probatoire » des éléments provenant de M. [P] [E], que ce dernier d'une part et son père d'autre part avaient des intérêts opposés, la cour retient que la concordance des informations fournies par M. et Mme [W] d'une part et M. [P] [E] d'autre part leur confère une force probante qui se trouve affermie par la divergence d'intérêts entre eux.
Ainsi, il y a lieu de considérer que les appelants rapportent suffisamment la preuve qui leur incombe de paiements interruptifs du délai de prescription qui n'est donc pas échu.
L'ordonnance entreprise sera par conséquent infirmée en ce qu'elle a déclaré l'action de M. et Mme [W] à l'encontre de l'ATSM 77 irrecevable car prescrite sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens développés par les appelants.
Sur l'irrecevabilité soulevée par Mme [E] pour défaut d'intérêt à agir des appelants
Mme [E] excipe d'un défaut d'intérêt à agir des appelants contre les héritiers de [G] [E] et [Y] [T], entraînant l'irrecevabilité de leurs demandes.
Elle soutient que les époux [W] savaient que le prêt du 31 mars 2010 n'était pas destiné à [G] [E] et son épouse personnellement mais à la société [E], alors en difficulté sous la gestion de M. [P] [E]. Elle en veut pour preuve la cession par [G] [E] à M. [W] du véhicule de marque Mercedes qu'il avait auparavant acquis de la société [E].
Elle se prévaut des dispositions de l'article 1201 du code civil qui, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016 prévoit que lorsque les parties ont conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte, ce dernier, appelé aussi contre-lettre, produit effet entre les parties, qu'il n'est pas opposable aux tiers, lesquels peuvent néanmoins s'en prévaloir.
M. et Mme [W] rappellent d'abord qu'en cas de contre-lettre, le contrat apparent n'encourt pas pour autant la nullité.
Ils font valoir ensuite que Mme [E] ne rapporte pas la preuve que l'intention des parties à l'acte du 31 mars 2010 aurait été que le prêt soit destiné non à [G] [E] et [Y] [T], débiteurs apparents, mais à la société [E], débiteur occulte.
Ils ajoutent que [G] [E] et [Y] [T] avaient toute liberté d'affecter les sommes qu'ils leur ont prêtées comme bon leur semblait et qu'il n'est pas démontré qu'eux-mêmes ont consenti ce prêt en ayant eu connaissance de l'affectation des fonds à la société [E].
Ils soulignent que le véhicule de marque Mercedes que [G] [E] a cédé à M. [W] le 1er juin 2019 avait été acquis auprès de la société [E] neuf ans plus tôt, un tel délai discréditant le montage allégué par Mme [E].
Ils relèvent que les remboursements partiels opérés ont été effectués par [G] [E] ou par M. [P] [E] et non par la société [E].
Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Il n'est pas discuté que M. et Mme [W] ont un intérêt à demander le paiement de la somme qu'ils ont prêtée à [G] [E] et [Y] [T], Mme [E], intimée, contestant seulement l'identité de la personne contre laquelle leur action est dirigée.
Un tel moyen, s'il peut être pris en considération pour apprécier le bien-fondé de la demande en paiement de M. et Mme [W] initialement dirigée contre [G] [E], n'est pas de nature à affecter la recevabilité de leur demande.
Par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée par Mme [E] sera rejetée, sans qu'il soit utile d'examiner les moyens inopérants développés par les parties, ni, par conséquent, de rouvrir les débats pour permettre à Mme [E], le cas échéant, de produire la pièce pénale dont elle a fait état dans son message électronique du 11 avril 2023.
Sur les frais et dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Il convient, en application de cette disposition, de condamner Mme [E] aux dépens de première instance et d'appel.
A ce stade de la procédure, alors que la cour statue seulement sur un incident de mise en état, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance prononcée le 4 novembre 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Fontainebleau en ce qu'elle a déclaré l'action de M. et Mme [W] à l'encontre de l'ATSM 77 irrecevable car prescrite ;
Statuant à nouveau,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Mme [S] [E] ;
Y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir tirée d'un défaut de qualité à agir soulevée par Mme [S] [E] ;
Condamne Mme [S] [E] aux dépens ;
Rejette la demande de M. [Z] [W] et Mme [X] [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de Mme [S] [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,